Adolphe Retté

(1863-1930)

 

Notice biographique extraite de :

Gérard WALCH, Anthologie des poètes français contemporains, 1924.

 

 

 

Fils du précepteur des enfants du grand-duc Constantin, Adolphe Retté est né à Paris, le 25 juillet 1863. Sa mère, – de famille ardennaise, – musicienne consommée, lauréate du Conservatoire, était la fille d’un historien cité par Michelet. Ancien précepteur de Léopold II, roi des Belges, cet aïeul mourut recteur de l’Université de Liège en 1873.

« Après une enfance passée en province, en partie dans un collège franc-comtois, Adolphe Retté vint habiter Paris, puis s’engagea à dix-huit ans dans un régiment de cuirassiers. Revenu à Paris à vingt-trois ans, il débuta en 1887 par un article où, à propos d’un livre de Léon Cladel, il attaquait violemment le naturalisme. En 1889, il fonda avec Gustave Kahn la deuxième Vogue et, dès janvier 1892, secondant Henri Mazel, dirigea L’Ermitage. Malgré une vie aventureuse en Belgique, en Hollande, en Angleterre, il ne cessa de prendre une part active au mouvement symboliste, et dans diverses publications : La Wallonie, La Cravache, Le Mercure de France, La Plume, il se fit souvent le défenseur du vers libre et de l’idéalisme. Empruntant le pseudonyme d’Harold Swan, il a, dans l’Ermitage, sous le titre Propos épars, étudié et raillé, « sans s’épargner lui-même », la vie littéraire contemporaine.

« L’oeuvre d'Adolphe Retté présente des aspects divers. Depuis l’apparition de son premier recueil, Cloches en la Nuit (avril 1889), jusqu’à la réalisation de ses derniers poèmes, il paraît avoir accompli une lente évolution. Fixé à Guermantes (Seine-et-Marne) en 1894, – après une condamnation pour outrage à l’autorité, – puis à Fontainebleau, où il a travaillé à l’histoire du palais, nous l’avons vu, élargissant le domaine de son esthétique, accueillir des idées nouvelles, s’éprendre des formes de la nature au point de dédaigner ce qu’il avait naguère et avec passion défendu. » (Adolphe van Bever.)

Voici comment Joachim Gasquet explique cette complète évolution : « Adolphe Retté nous donne l’exemple de tout ce que peut la force du sang. La richesse de celui-ci, qui commande à sa volonté, lui vient de ses aïeux. On le sait, l’auteur de Campagne première n’a pas commencé par célébrer le soleil. Des anges pervers modelaient ses strophes. Ses cloches véritablement, comme nous l’indiquait le titre d’un de ses anciens volumes, sonnaient dans la nuit. Le flamboiement de l’alcool brûlait dans ces ténèbres; il y avait déjà, je ne veux pas l’oublier, des pages délicieuses ou ravagées de sauvages passions et qui donnaient le goût de grands rêves nocturnes, dans les brumes de sa flottante Thulé. La figure shakespearienne du Pauvre s’y dessinait déjà. Mais un jour il a suivi le conseil d’Éva, il a quitté toutes les villes. Les roses l’appelaient aussi... À Fontainebleau, il vit en pleine forêt. Il a retrouvé ses ancêtres. Son calme jardin s’ouvre sur le ciel vaste. Il a oublié Paris. De nouveau, au fond de ses veines, il a entendu, enfermée dans de beaux rythmes, la parole d’antiques choses. De tranquilles lumières sont entrées dans son coeur et veulent en sortir, ayant pris voix. – Adolphe Retté nous a livré, dans des pages que je ne me lasserai lamais de lire, le simple secret de la composition de ses derniers livres. La nature est sa seule école. Il entend la terre. Il écoute la pluie. Les arbres lui dictent ses poèmes. Le ciel est plein d’oiseaux. Le vent lui apporte ses rimes. Le murmure des étoiles tombe sur les moissons. Le poète se perd tout entier, flotte dans ces divins bruits. Les substances prennent les traits de son visage et de son émotion, elles se groupent dans son organisme, elles s’ordonnent dans son sang, elles trouvent une bouche pour y chanter. Tous les mots qui s’échappent alors de ses lèvres, comme les abeilles de cette ruche humaine en travail, sont les vieux mots de la terre natale, tout parfumés du miel de la patrie. Car ce qu’il ne dit pas, ce que nous devinons, ce sont les inflexibles règles de vie consciencieuse que ce libre esprit a su se découvrir, qui l’ont pacifié, qui l’ont amplifié et l’ont naturellement amené jusqu’au coeur de la race. »

Dans son curieux volume Le Symbolisme, Anecdotes et Souvenirs, Retté a raconté les luttes de naguère et esquissé la physionomie de plusieurs des symbolistes et des maîtres dont il se réclamait. Dans ce volume, il reproduit son célèbre article sur le rythme des vers, publié dans le Mercure de France, et qui est, en quelque sorte, le « commentaire lyrique et le développement panthéiste » de la théorie du vers libre.

Le livre Du Diable à Dieu marque une étape décisive dans la vie du poète. Après Joris-Karl Huysmans, Verlaine, Louis Le Cardonnel, voici que l’auteur des Cloches dans la nuit revient à la vieille et simple religion. François Coppée a écrit une préface pour cette « histoire d’une conversion ».

 

 

 

 

 

 

 

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