SAUL DE TARSE

 

 

 

OU

 

 

 

PAUL ET SWEDENBORG.

 

 

 

 

ὁ δὲ ἐχθρὸςσπείρας αὐτά ἐστινδιάβολος.

                                                                   Matthieu xiii. 39.

 

 

 

PAR UN LÉGISTE.

 

 

 

WILLIAMS ET NORGATE,

 

14 HENRIETTA STREET, COVENT GARDEN, LONDRES ;

ET 20 SOUTH FREDERICK STREET, ÉDIMBOURG.

 

1877.

 

Tous droits réservés.

 

 

 

 

LONDRES : MITCHELL ET HUGHES, IMPRIMEURS,

24 WARDOUR STREET, W.

 

 

 

 

SOMMAIRE.

 

–––––——

 

AVANT-PROPOS.

 

Les épîtres pauliniennes ne font pas partie de la Parole de Dieu.

 

–––––——

 

LIVRE PREMIER.

LA RELIGION RÉVÉLÉE.

 

CHAPITRE I.

 

Révélation – Inspiration – La Parole de Dieu indispensable : ce qui la constitue – Le sens interne – Le Saint-Esprit – La Parole ancienne – Correspondances – Illustration.

 

CHAPITRE II.

 

L’illumination du prédicateur – Le clergé et les laïcs – L’ordination ne confère pas l’autorité spirituelle.

 

CHAPITRE III.

 

Illumination spéciale. Section 1. Saul de Tarse. Section 2. Emmanuel Swedenborg.

 

–––––——

 

LIVRE II.

LES ACTES DES APÔTRES.

 

CHAPITRE IV.

 

Date et auteur des « Actes » – Descente du Saint-Esprit – Les « Actes » ne sont pas l’œuvre de l’évangéliste Luc – Compilation de faits et de légendes du IIe siècle – Forte influence paulinienne.

 

CHAPITRE V.

 

Conversion de Saul de Tarse : contradictions irréconciliables – Le soulèvement de Theudas – Un anachronisme.

 

CHAPITRE VI.

 

Les Ébionites – Le premier évangile – Circoncision ou baptême, ou les deux – Circoncision non mosaïque – Le pacte d’Antioche.

 

CHAPITRE VII.

 

Les miracles de Pierre et de Paul.

 

CHAPITRE VIII.

 

Simon le Magicien ou Paul ? – Le premier hérésiarque – Les Homélies et Reconnaissances clémentines, réellement contre Paul.

 

–––––——

 

LIVRE TROISIÈME.

L’APÔTRE DES GENTILS.

 

CHAPITRE IX.

 

Éducation de Saul – Tarse – Son caractère et son apparence.

 

CHAPITRE X.

 

Persécuteur du Christ – La prophétie de Jacob Jérusalem ; une émeute au temple – Saul de Tarse – L’ennemi ἐχθρòς – Fuite des Nazaréens vers Jéricho – Résumé par M. Ernest Renan des scandales traditionnels contre Paul.

 

CHAPITRE XI.

 

Converti au Christ – Damas – Dissensions à Antioche – La mission de Saul auprès des Gentils doit être authentifiée – Il rendit visite en particulier aux Israélites dispersés parmi les Gentils – Les Onze envoyés vers toutes les nations – Paul n’a jamais été envoyé par le Christ auprès des Gentils – Pas de chronologie paulinienne fixe – De la mort de Stephen à son propre martyre réputé, environ 30 ans ; de 34 apr. J.-C. à 64 environ.

 

CHAPITRE XII.

 

Apôtre et missionnaire – De Saul, il devient Paul – Paphos – Les Galates – Séparation de Paul et Barnabas – Marc l’évangéliste – L’épître de Barnabas – Timothée circoncis – Lydie de Thyatire – Philippes – Au « Dieu inconnu », à Athènes – Corinthe – Éphèse – Les Nicolaïtes.

 

CHAPITRE XIII.

 

Jérusalem – Répudiation – Les Nazaréens furieux provoquent une nouvelle émeute au temple – Le Sanhédrin – Paul envoyé prisonnier à Césarée – La collecte pour les « saints pauvres » – Conduit devant Agrippa, il fait appel à César – Rome : son martyre supposé – Date, circonstances et lieu de la mort de Paul totalement inconnus.

 

–––––——

 

LIVRE QUATRIÈME.

LE PAULINISME N’EST PAS LE CHRISTIANISME.

 

CHAPITRE XIV.

 

La loi, morte ! Le Décalogue ou le rituel, ou les deux ?

 

CHAPITRE XV.

 

Le péché, transgression de la loi ? – Le paulinisme – Les épîtres pauliniennes, authentiques et apocryphes : sept authentiques ? sept apocryphes ?

 

CHAPITRE XVI.

 

Le paulinisme n’était-il pas une nécessité opportune ? – La parabole de l’ivraie – « L’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ».

 

CHAPITRE XVII.

 

Le dogmatisme paulinien n’est pas l’enseignement des Évangiles – La traduction par la Septante de la Parole ou de l’Ancien Testament.

 

Sept points litigieux dans l’enseignement de Paul : –

§ 1. Premier chef – Le dualisme, ou la dualité de Dieu. Le Paraclet ou Consolateur n’est pas une personne.

§ 2. Deuxième chef d’accusation – L’expiation, ou l’imputation de la justice du Christ.

§ 3. Troisième chef d’accusation – La foi seule, ou la foi sans les œuvres – Luther.

§ 4. Quatrième point – La prédestination ou l’élection de la grâce.

§ 5. Cinquième point – Le matérialisme ; la seconde venue, la résurrection naturelle ou la résurrection dans ce monde.

§ 6. Sixième point – Le célibat exalté au-dessus du mariage ; la parabole des dix vierges – Les mariages au ciel.

§ 7. Septième point – L’exaltation de soi et la soif de domination. L’usurpation du pouvoir judiciaire.

Résumé – Les épîtres pauliniennes ne sont en rien une bonne lecture pour l’Église du Christ.

 

–––––——

 

LIVRE CINQUIÈME.

PAUL ET SWEDENBORG.

 

CHAPITRE XVIII.

 

Les citations de Swedenborg tirées des épîtres de Paul, dans La vraie religion chrétienne, ne sont que des illustrations de l’enseignement de Paul sur la foi en Jésus-Christ et les œuvres ; Swedenborg s’efforce ainsi de montrer que Paul n’est pas en harmonie avec les Églises réformées – La foi de Paul est en réalité une foi dans le Père, et non dans le Fils, en tant que Dieu – Paul et Swedenborg sont fondamentalement inconciliables.

 

CHAPITRE XIX.

 

Paul et Swedenborg – Le monde des esprits – Le journal spirituel.

Diarium Majus :

No 281. Esprits représentatifs.

No 3728. Les Sirènes. Paul.

No 4321. Paul. L’amour de l’adultère.

No 4322. Personne ne devient bon miraculeusement, sans moyens ni intermédiaires, ou par miséricorde immédiate. Il est impossible pour l’esprit maléfique d’entrer au paradis.

No 4323. Concernant un véritable démon, en raison de la fin proposée.

No 4412. Paul : il pensait être le juge des tribus d’Israël ; d’où tous ses efforts.

No 4413. Le sens littéral de la Parole et les hypocrites. Paul : sa haine du sens interne.

No 4824. Les épîtres de Paul sont totalement dépourvues de sens interne.

No 6062. Zinzendorf et Paul. Inspiration avec et sans correspondances.

 

CHAPITRE XX.

LE JOURNAL SPIRITUEL – suite.

 

Diarium Minus : –

No 4561. Paul : gloire mondaine : il pensait être celui qui introduirait tout le monde au ciel.

No 4562. Paul : relégué plus bas, où il ne sait même pas qu’il était autrefois Paul.

No 4631. Paul. Pas d’admission arbitraire au ciel : cela dépend entièrement de l’état de la vie. L’antagonisme de Paul contre Pierre.

Pierre et les clés du ciel ; le sens spirituel – Les punitions ne sont pas nécessairement éternelles – La doctrine des restes – Judas Iscariote.

 

–––––——

 

ANNEXE.

 

Passages originaux tirés du Journal spirituel de Swedenborg.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SAUL DE TARSE

 

 

 

OU

 

 

 

PAUL ET SWEDENBORG.

 

 

 

–––––————

 

 

 

AVANT-PROPOS.

 

 

CEUX qui considèrent les Épîtres de Paul comme une partie de la « Parole de Dieu » trouveront peu de satisfaction à lire les pages suivantes, à moins qu’ils ne soient suffisamment au-dessus des préjugés de leur éducation pour être disposés à soumettre la question, au nom de la vérité religieuse, à une enquête impartiale ; et qu’ils examinent quelles preuves réelles peuvent justifier les prétentions revendiquées pour ces lettres, authentiques ou apocryphes, par les confessions actuelles de l’Église chrétienne.

En cette époque éclairée de tolérance et, dans une large mesure, de libre critique, heureusement, du moins dans ce pays, il n’y a pas de sujet d’enquête plus légitime que celui de savoir ce qui constitue la « Parole de Dieu », et aucun qui ne devrait être plus intéressant pour tous ceux qui recherchent sincèrement la vérité. La question est essentiellement difficile, car il n’existe pas de données fixes sur lesquelles s’appuyer, si l’on n’admet en aucune façon l’autorité des conciles de l’Église ; et c’est une question qui ne peut être imposée à l’esprit.

Nous sommes généralement amenés à juger un livre plutôt en fonction de ses défauts ou de ses lacunes qu’en fonction de sa valeur réelle ou de sa véritable qualité, qui ne sont pas toujours évidentes. Il est donc toujours plus facile de montrer pourquoi un livre devrait être condamné ou rejeté que pourquoi il devrait être approuvé ou accepté. Et plus encore, il est peut-être relativement facile de montrer qu’un livre ne peut pas faire partie de la Parole, alors qu’il est impossible de démontrer qu’il en fait partie ou qu’il pourrait en faire partie.

Si les épîtres pauliniennes sont des vérités authentiques et proviennent donc d’une source authentique, elles résisteront à toute critique ; si elles ne le sont pas et ne résistent pas à la critique, mieux vaut que l’Église se débarrasse au plus vite de ce fardeau.

Après avoir consacré un travail considérable à ce sujet, dans le seul but de découvrir la vérité, je suis parvenu à la conclusion que ces lettres n’ont pas l’ombre d’une prétention à être considérées comme des Écritures saintes, car elles sont à la fois inharmonieuses en elles-mêmes, opposées dans leurs principes essentiels aux Évangiles et désobligeantes envers Dieu en tant qu’Amour.

Le livre des « Actes des Apôtres » trahit les mêmes signes internes d’inconsistance et de manque de véracité.

Dans les chapitres suivants, nous nous efforcerons donc de montrer que, loin d’avoir une justification intrinsèque ou extrinsèque pour supposer que les épîtres pauliniennes, authentiques ou apocryphes, sont d’inspiration divine, c’est peut-être tout le contraire qui est vrai, à savoir qu’il n’existe non seulement aucune preuve extérieure fiable d’une inspiration particulière chez Paul, mais que les preuves historiques disponibles montrent que Paul était l’adversaire des apôtres, et non leur coadjuteur, ainsi que le corrupteur de la véritable Église chrétienne, et non son défenseur contre le judaïsme. Il reste toujours juif dans l’essentiel, bien qu’il s’oppose ostensiblement aux ordonnances de la Loi, non seulement au rituel, mais aussi au Décalogue (chapitre XIV).

Paul, qui semblait connaître peu les apôtres, absorbé dans un égoïsme aveugle, inventa un christianisme pour lui-même, son évangile ; mais cet évangile n’est certainement pas composé dans un esprit de douceur et d’amour.

Les preuves internes des épîtres pauliniennes, l’esprit de leur enseignement, trahissent souvent une corruption de la Parole et se manifestent constamment dans un fort antagonisme envers les Évangiles ou l’enseignement du Seigneur tel qu’il nous a été transmis par les quatre évangélistes ; elles proclament donc une distinction très nette entre le paulinisme et le christianisme lui-même, et j’en conclus avec force que le paulinisme n’est pas le christianisme.

Le principal critère permettant de juger ces lettres est, bien sûr, leur doctrine, ou plutôt leur dogmatisme, leur position par rapport à la doctrine évangélique, qui est, je le présume, discutée ici de manière exhaustive et équitable.

Les preuves historiques vont également à l’encontre de ces lettres, au nombre de quatorze, dont seules sept semblent toutefois authentiques, c’est-à-dire provenant directement de Paul lui-même (chap. xv).

Les premiers chrétiens de Palestine, les soi-disant Ébionites, les rejetaient toutes ; et ce n’est que parmi les Juifs ou Israélites dispersés de Grèce, de Rome ou d’Asie Mineure que Paul trouva une audience, et cela seulement pendant un certain temps.

Les récits contradictoires de la conversion de Paul dans les « Actes » (il n’en fait lui-même aucun récit) sont en eux-mêmes une calamité fatale à la crédibilité de cette légende (chap. v).

Lorsque les Évangiles sont expliqués dans leur sens interne ou spirituel (car en tant que partie intégrante de la Parole, ils ont un sens interne), comme l’explique Swedenborg, montrant à quel point la foi et la charité sont absolument indissociables, l’incompatibilité du dogmatisme paulinien est très évidente.

La substance de la théologie paulinienne est la doctrine cruelle de l’expiation, une notion purement juive, et la justice paulinienne est principalement une foi en cette expiation.

La notion de sacrifice d’Expiation en tant qu’offrande compensatoire pour le péché est essentiellement juive, purement vicariante et externe. Et en en faisant une doctrine appliquée au Christ, Paul sépare complètement la foi de la charité ; rien ne peut réconcilier une telle doctrine avec la charité.

Il ne fait aucun doute que les épîtres de Paul ont, par l’effet de la providence divine, eu leur utilité dans le progrès de l’Église ; elles ont servi de bouclier ou de couverture pour protéger ses vérités les plus intimes des mains profanes, comme la coque protège et préserve le noyau, et est inévitablement rejetée en temps voulu.

On peut en dire autant de l’enseignement de Mahomet, qui, à son époque et en son lieu, a rendu de grands services à l’humanité 1 ; l’un des plus évidents a été d’éliminer d’une grande partie de l’Asie occidentale les croyances religieuses abominables et les superstitions idolâtres qui y étaient faussement propagées sous le nom de christianisme.

Et le mahométisme continuera à servir une bonne cause jusqu’à ce qu’il puisse être supplanté par la véritable Église chrétienne du futur, dans laquelle le Seigneur Jésus-Christ sera adoré comme le seul Dieu.

La question est maintenant de savoir si le christianisme peut tirer un quelconque bénéfice de l’enseignement dualiste de Paul et de sa séparation pratique entre la foi et la charité, et s’il n’est pas grand temps de chercher dans les Évangiles le véritable substitut de ce que le monde chrétien s’est jusqu’à présent contenté d’accepter comme christianisme à travers le faux intermédiaire des épîtres pauliniennes.

La Parole du Seigneur est acceptée par l’Église, mais, dit Swedenborg, l’Église l’a expliquée à travers le prisme des épîtres pauliniennes, et par conséquent, « bien qu’elle reçoive la vérité de la foi, elle s’éloigne partout du bien de la charité ». (Diarius Majus, 4821.)

N’est-il donc pas temps que nous sentions que nous avons dépassé le besoin d’un enseignement tel que celui que nous avons reçu de l’apôtre et de l’Église, d’une foi séparée de la charité ?

Ne pouvons-nous pas nous demander si les épîtres pauliniennes n’ont pas tout à fait rempli leur utilité et, n’étant plus nécessaires à l’Église dans sa nouvelle dispensation, ne devraient-elles pas être désormais exclues de la Parole, dont, comme l’explique Swedenborg, elles ne font pas partie, car elles sont totalement dépourvues de sens spirituel interne ? (Arcanes célestes, 10325.)

Telle est la position adoptée dans le présent essai, où l’on tente de montrer que Paul était un véritable semeur d’ivraie, comme on le disait autrefois, avec son dualisme, sa prédestination, sa justification par la foi, son imputation, son matérialisme et son célibat ; toutes les difficultés de l’Église chrétienne proviennent uniquement des écrits de Paul, ou des épîtres dites pauliniennes.

Si ces épîtres ont jusqu’à présent été autorisées à occuper une place importante dans l’Église, cela ne signifie pas qu’elles ne doivent pas être rejetées aujourd’hui.

Ce ne serait pas un cas sans précédent divin ; car, de même que les Juifs ne pouvaient constituer une Église, mais étaient autorisés, dans leur piété extérieure, à représenter une Église (Arcanes célestes, 4289), de même nous pouvons supposer qu’au début de l’ère chrétienne, compte tenu de l’état du monde à cette époque, la véritable Église spirituelle du Seigneur ne pouvant être maintenue même si elle était acceptée, une forme approximative et extérieure de christianisme a été autorisée comme substitut – une Église telle que Paul l’a développée, ou conduite à se développer, qui pouvait préserver une foi ostensible dans le Seigneur comme Fils de Dieu, dans le Christ ressuscité en tant que Messie à venir, une Église s’attardant sur le dogme de l’expiation par sa mort, alors que l’intérieur de la foi comme amour était inconnu. Une foi telle que celle que nous trouvons pleinement illustrée dans le « Sermon sur la montagne ».

La position de Paul, dans son essence même, est la foi contre la loi. La loi est superflue pour les élus !

Il est certain que le christianisme est tombé en grande partie en discrédit à l’époque moderne, et cela parce que le paulinisme a été presque universellement confondu avec le christianisme dans la chrétienté.

Il est fort probable que seule une petite minorité de mes lecteurs, s’il y en a qui auront la patience de me lire jusqu’au bout, sera en mesure de me suivre pour l’instant dans l’exposé de la doctrine exposée ici : dans l’état actuel de l’Église, le terrain est délicat, mais les temps ne manquent pas d’encouragements pour cet effort, qui consiste à montrer que Paul n’a pas suivi les traces de Jésus-Christ, mais a été le propagateur d’une religion dérivée entièrement de lui-même.

Le grand mal du paulinisme est la tendance profondément immorale de son dogmatisme, qui incite à adopter une forme de religion n’ayant aucun autre principe intérieur que la foi ; mais c’est aussi cette terrible doctrine de l’élection de la grâce (comme si les élus étaient autres que ceux qui aiment Dieu et leur prochain et mènent une vie vertueuse) ; c’est encore cette séduction l’esprit par l’illusion qu’une profession de foi résolue dans l’efficacité de la mort du Christ pour le salut sanctifie et rend juste en soi, et constitue une preuve d’élection ; c’est également le fait qu’elle conduit ainsi à un mépris de la loi, ou de la vie, et à l’extinction finale de toute charité dans le cœur ; c’est enfin qu’elle en vient à instituer un concept insensé de justice se fondant sur la persuasion que si nous croyons en Son Expiation, c’est le Christ Lui-même qui portera nos péchés.

Je n’ai pas remis en question la véracité des affirmations de Paul concernant ses propres expériences relatives à lui-même. Celles-ci peuvent reposer sur leurs propres mérites ; leurs fruits doivent les mettre à l’épreuve. Mais je conclus qu’en tant qu’enthousiaste ambitieux, il n’était en aucun cas exempt d’aveuglement, ou de cette faculté imaginative que les Allemands appellent einbildungskraft, et à laquelle il semble avoir donné libre cours, tant en ce qui concerne ses propres convictions que son pouvoir d’impressionner les autres. Il semble certainement avoir cru en lui-même ; se trompant ainsi, je suppose, tout autant que les autres ; et traitant finalement des idées passagères comme des faits substantiels qui lui avaient été communiqués par le Seigneur lui-même. Je n’inclus pas parmi ces idées passagères sa « conversion miraculeuse », car il n’y fait jamais allusion dans aucune de ses lettres : je fais référence à ses principes, à son dogmatisme et à ses prétentions.

Sa doctrine venait-elle du Seigneur ou non ? C’est l’enquête que j’ai entreprise, en m’appuyant sur le véritable esprit du christianisme tel qu’il est clairement exposé dans les Évangiles et à la lumière de l’histoire. Je n’ai pas la moindre hésitation quant à l’intégrité de mon objectif, même si je n’ai que peu confiance dans l’adéquation de ma méthode ou dans ma capacité à la mettre en œuvre.

Le sujet est traité en cinq parties distinctes ou livres : –

1. La religion révélée.

2. Les « Actes des Apôtres ».

3. L’apôtre des Gentils.

4. Le paulinisme, et non le christianisme.

5. Paul et Swedenborg.

Dans la première, l’objectif est d’admettre et d’affirmer la nécessité de la religion révélée ; d’indiquer brièvement la nature de l’inspiration et de l’illustration, particulières et générales ; et de définir la fonction et les pouvoirs légitimes du sacerdoce, quant à la limite des présomptions à ne pas dépasser, que ce soit par les prêtres, les apôtres ou les missionnaires. Le sacerdoce est ici dénoncé comme une pure usurpation.

La deuxième partie est consacrée à l’examen des prétentions à l’inspiration et à la fiabilité historique du livre des « Actes des Apôtres », qui aboutit à la conclusion que ce livre est extravagant et incohérent dans ses déclarations, et principalement légendaire dans son contenu, bien qu’il repose sur certains faits indéniables ; en un mot, une simple compilation, dans un but précis, de faits et de fables de la fin du deuxième siècle de notre ère, et donc sans aucune autorité réelle.

La troisième partie consiste en un examen sommaire de l’histoire de Paul, tant sur le plan personnel que fonctionnel en tant qu’apôtre de Jésus-Christ, dans la mesure où les rares documents disponibles le permettent, depuis sa naissance à Tarse jusqu’à sa disparition définitive à Rome. Il n’existe aucune autorité pour confirmer son apostolat spécial auprès des Gentils ; la manière, le lieu et le moment de sa mort sont totalement inconnus ; son martyre réputé n’a aucun fondement et ne repose sur aucune preuve historique fiable. Tout n’est que rumeurs et suppositions.

La quatrième partie, dont les trois précédentes ne sont que l’introduction, constitue un examen critique de la doctrine paulinienne et une tentative de montrer qu’elle n’est pas en harmonie avec l’enseignement du Christ tel qu’il est transmis dans les Évangiles, mais qu’il s’agit d’un système indépendant développé à partir d’une jalousie hostile aux apôtres, d’un esprit intensément égoïste et ambitieux, et qu’il ne s’agit donc pas de christianisme, mais simplement de paulinisme.

Si l’on estime que je n’ai pas réussi à le démontrer, mon échec doit être attribué à l’insuffisance de mes capacités de traitement du sujet, et non à l’erreur de mes conclusions.

La cinquième partie est une illustration que je tire du monde spirituel tel que Swedenborg l’a révélé et qui montre que l’arbre doit tomber là où il se trouve, avec un plus ou moins grand écart ; ici, bien sûr, je n’insiste pas pour que quiconque me suive et me croie lorsque je dis que loin que le péché cesse avec la mort, comme le dogme de Paul le prétend, la mort ne peut accomplir aucun miracle, aucune transformation ; elle n’apporte aucun changement dans l’âme de l’homme ; et tel qu’il est dans ce monde, au moment de sa dissolution naturelle, tel il ressuscitera dans l’esprit, identique à lui-même, chérissant dans son corps spirituel substantiel exactement les mêmes amours et les mêmes cupidités qu’auparavant, les mêmes vérités et les mêmes mensonges, et se consacrera à la même recherche de soi, aux mêmes poursuites du bien ou du mal, selon le cas ; ce qui est ici illustré par l’exemple de Paul lui-même.

C’est sur la base de ce principe général que le Seigneur exhorte l’homme à se repentir pour la rémission de ses péchés ; c’est par Son amour infini qu’Il le fait, pour le bien de l’homme, afin que celui-ci puisse hériter de la vie éternelle.

Le grand objectif visé dans chaque division est de démontrer, à ceux qui sont ouverts à une quelconque modification de leurs propres conclusions, que les épîtres pauliniennes, authentiques ou non, n’ont aucun droit d’être considérées comme la Parole de Dieu, et cela uniquement à partir de la conviction qu’une telle conclusion sert uniquement à faire progresser la vérité chrétienne.

 

 

–––––––————

 

 

 

 

 

 

 

LIVRE I.

 

LA RELIGION RÉVÉLÉE.

 

–––––––————

 

 

 

CHAPITRE I.

 

RÉVÉLATIONINSPIRATIONLA PAROLE DE DIEU INDISPENSABLE : CE QUI LA CONSTITUELE SENS INTERNE LE SAINT-ESPRITLA PAROLE ANCIENNECORRESPONDANCESILLUSTRATION.

 

« Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et Dieu était la Parole. Elle était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par elle, et sans elle rien de ce qui a été fait n’a été fait. En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. Et la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point comprise. » – JEAN, chap. i. 1–5.

 

COMME, dans les pages suivantes, beaucoup dépend de la compréhension des termes employés et de l’idée exacte que l’on veut exprimer, quelques explications préliminaires s’imposent, sans quoi bien des termes pourraient diverger de sens, et notre travail serait alors vain.

Ce premier livre est donc consacré à l’explication de ce que signifient réellement les expressions suivantes : – Parole de Dieu, sens interne, inspiration, Saint-Esprit, illustration et illumination, spécial et général.

Bien que l’homme puisse sentir qu’il existe une cause première qui le dépasse complètement, il ne peut concevoir les vérités spirituelles à partir de l’expérience naturelle, et toute sa connaissance sur ces questions doit provenir de la révélation faite à son esprit.

Si la révélation ou la religion relevaient d’une vérité mathématique et pouvaient être prouvées, elles ne prêteraient pas plus à controverse que les révélations ordinaires de la science.

La raison naturelle nous aide dans le domaine scientifique, mais elle ne peut nous aider en matière de vérité spirituelle. Cette dernière relève clairement de la perception intérieure de chacun.

Si le dogme religieux pouvait être prouvé, il pourrait être imposé ; la religion ne doit être imposée ni par l’épée ni par la logique : son essence même réside dans sa libre acceptation par la perception.

Si nous sommes extérieurement poussés vers la religion d’une manière ou d’une autre, plutôt que par sa présentation intime à notre perception, elle ne peut pas devenir nôtre et ne peut nous être d’aucune utilité.

Il est impossible de prouver l’existence de Dieu, mais l’homme peut avoir une conviction ferme de cette existence.

Je ne tente donc pas de débattre de la question, mais je me sens obligé de citer l’exposé de Swedenborg sur ce grand sujet. À ma connaissance, aucun autre écrivain n’a abordé les véritables fondements de la théologie. Il affirme lui-même que sa mission était d’ouvrir le sens interne de la Parole, et ainsi d’ouvrir la voie à la perception de la vérité par l’esprit ; cette ouverture, dit-il, ne peut se faire que progressivement, à mesure que l’homme s’approprie successivement les vérités du bien.

La Parole est dite inspirée parce qu’elle est insufflée en nous par le Seigneur ; ce qui est inspiré par le Seigneur descend de Lui et passe par l’entremise du ciel angélique et du monde des esprits pour parvenir à l’homme.

Et la Parole est sainte parce qu’elle est ainsi inspirée : ce qui ne parvient pas à l’homme de cette manière n’est pas inspiré et n’est pas la Parole. (Arcanes célestes, 1887.)

Le moment exact ou les instruments utiles à la réception de cette inspiration par l’homme sont sans importance ; tout se fait au moment choisi par le Seigneur. Un évangile n’a pas nécessairement besoin d’avoir été écrit par une seule main à un moment donné ; tout est fait par les moyens du Seigneur et au moment choisi par le Seigneur.

Les prophètes ont écrit la Parole sous la dictée divine, car les mots leur ont été réellement dictés, bien que ce ne fût pas directement par le Seigneur ; mais ils n’avaient aucune connaissance, dit Swedenborg, du sens interne de ce qu’ils écrivaient, car ils n’avaient aucune perception de la vérité provenant du bien. (Arcanes célestes, 7055.)

L’inspiration n’est pas une dictée, mais un afflux provenant du Divin. Tout ce qui provient du Divin passe par le ciel, où il est céleste et spirituel ; mais lorsqu’il entre dans le monde, il devient mondain, contenant en lui-même ces principes – in quo intus illa sunt. (Arcanes célestes, 9094.)

Le grand fait à comprendre est que dans la Parole, il existe un sens interne distinct du sens naturel de la lettre ; cette lettre n’est que l’habit dans lequel la Parole divine est donnée par Dieu à l’homme, et les intérieurs de cette lettre restent cachés jusqu’à ce que l’homme soit en état de les percevoir.

Toute discussion sur les questions religieuses est vaine si nous n’admettons pas le fait de la RÉVÉLATION et sa nécessité.

La Parole de Dieu est donc une nécessité, et il est également de la plus haute importance que rien de profane ne soit mélangé à la Parole de Dieu.

L’homme, dit Swedenborg, « sans une révélation du Divin, ne peut rien savoir de la vie éternelle, ni même de Dieu, et encore moins de l’amour et de la foi en lui ; car l’homme naît dans la simple ignorance et doit, après sa naissance, tout apprendre des choses du monde, à partir desquelles il doit former sa compréhension.

« Il naît également avec un héritage de tout le mal, qui est l’amour de soi et l’amour du monde : les plaisirs qui en découlent sont perpétuellement présents et suggèrent des choses diamétralement opposées au Divin.

« C’est pourquoi l’homme ne sait rien par lui-même de la vie éternelle ; il faut donc nécessairement une révélation pour communiquer cette connaissance. » (Arcanes célestes, 10318.)

 « Que les maux de l’amour de soi et du monde induisent une telle ignorance concernant les choses qui se rapportent à la vie éternelle, cela est très manifeste chez ceux qui, au sein de l’Église, bien qu’ils sachent par révélation qu’il y a un Dieu, qu’il y a un ciel et un enfer, qu’il y a une vie éternelle et que cette vie s’acquiert par le bien de l’amour et de la foi, tombent néanmoins dans le déni concernant ces sujets, aussi bien les savants que les ignorants. Il est donc d’autant plus évident que c’est une grande ignorance qui régnerait dans l’homme s’il n’y avait pas de révélation. » (Arcanes célestes, 10319.)

« Puisque l’homme vit après la mort, et dans ce cas pour l’éternité, et qu’une vie l’attend selon son amour et sa foi, il s’ensuit que le Divin, par amour pour la race humaine, a révélé des choses qui peuvent conduire à cette vie et contribuer au salut de l’homme. Ce que le Divin a révélé, pour nous, c’est la Parole. » (Arcanes célestes, 10320.)

« La Parole, dans la mesure où elle est une révélation du Divin, est divine en toutes choses et en chaque chose ; car ce qui vient du Divin ne peut être autrement. » (Arcanes célestes, 10321.)

« Ce qui vient du Divin descend à travers les cieux jusqu’à l’homme ; c’est pourquoi, dans les cieux, il est adapté à la sagesse des anges qui s’y trouvent, et sur la terre, il est adapté à la compréhension des hommes qui s’y trouvent. C’est pourquoi, dans la Parole, il y a un sens interne, qui est spirituel, pour les anges, et un sens externe, qui est naturel pour les hommes. C’est ainsi que la conjonction du ciel et de l’homme s’effectue par le monde. » (Arcanes célestes, 10322.)

Le sens véritable de la Parole n’est compris que par ceux qui sont éclairés ; et seuls sont éclairés ceux qui ont l’amour et la foi dans le Seigneur ; car l’intérieur de ceux-ci est élevé par le Seigneur jusqu’à la lumière du ciel. (Arcanes célestes, 10323.)

Dans la lettre, la Parole ne peut être comprise que grâce à la doctrine qu’une personne éclairée peut tirer de la Parole ; car le sens de sa lettre est adapté à la compréhension des hommes, même des plus simples ; c’est pourquoi la doctrine procédant de la Parole doit leur servir de lampe. (Arcanes célestes, 10324.)

Les livres de la Parole sont tous ceux qui ont un sens interne ; ceux qui n’en ont pas ne sont pas la Parole. (Arcanes célestes, 10325.)

Les livres de la Parole dans l’Ancien Testament sont : –

Les cinq livres de Moïse, ainsi appelés.

Le livre de Josué.

Le livre des Juges.

Les deux livres de Samuel.

Les deux livres des Rois.

Les Psaumes de David.

Et les prophètes : –

Isaïe, Jérémie, Lamentations, Ézéchiel, Daniel, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie.

Et dans le Nouveau Testament : –

Les quatre évangélistes : – Matthieu, Marc, Luc, Jean ; et l’Apocalypse.

D’après ce qui précède, le livre des « Actes des Apôtres », les épîtres pauliniennes et les autres épîtres apostoliques ne font donc pas partie de la Parole de Dieu, car ils n’ont pas de sens interne.

Et les livres suivants sont rejetés de l’Ancien Testament pour la même raison : –

Ruth, I Chroniques, II Chroniques, Esdras, Néhémie, Esther, Job, Proverbes, Ecclésiaste et Cantique des Cantiques.

La Parole, tout comme les Commandements qui en sont le résumé, ne traite dans son sens interne que de l’amour pour le Seigneur et de l’amour pour le prochain. « C’est pourquoi, dit Swedenborg, le sens interne est toujours nié par ceux qui ne sont pas dans la charité ». (Arcanes célestes, 10687.)

Ce sens interne de la Parole est le moyen de joindre les esprits angéliques et humains. Les anges et les hommes, dit-il, sont unis, lorsque la Parole est lue, par un influx sacré, en raison du sens interne perçu par les anges.

Les intérieurs divins de la Parole sont la vérité divine provenant du Seigneur ; et la vérité divine provenant du Seigneur est la lumière du ciel. (Arcanes célestes, 10579.) Bien que la lumière du sens interne ne soit pas perçue par ceux qui sont encore dans l’externe, elle est présente en eux et les affecte s’ils ne sont pas séparés de l’interne, ou seulement dans l’externe. (Arcanes célestes, 1053.)

« Le Saint-Esprit est la vérité divine qui émane du bien divin de l’humain divin du Seigneur. » (Arcanes célestes, 8127.)

Et le Saint-Esprit coule dans l’homme, immédiatement aussi bien que médiatement.

Il s’agit ici du Saint-Esprit en tant que Paraclet, c’est-à-dire l’afflux qui a suivi la résurrection et la glorification du Christ, et son union conséquente avec le Père.

Être rempli du Saint-Esprit signifie recevoir la vérité divine du Seigneur, plus ou moins, selon que l’homme est dans l’intérieur, ou selon la quantité de bien et de vérité qu’il a fait sienne. (Apoc. Expl., 183, 455.)

Le Saint-Esprit ne peut être transmis d’un homme à un autre, mais il est transmis par le Seigneur d’un homme à un autre par la prédication de la Parole, selon la réception de la vérité.

L’action du Saint-Esprit est l’instruction, la réforme et la régénération 2.

Lorsque l’action du Saint-Esprit est mentionnée dans la Parole avant la résurrection et la glorification du Seigneur, c’est l’esprit du Seigneur Jéhovah qui est évoqué, ou l’« Esprit de Dieu », comme il est appelé dans Matthieu (Matthieu, iii. 16) lorsqu’il descend sur le Christ après son baptême ; ce qui n’est pas la même chose que le Saint-Esprit, le troisième élément de la Trinité, qui procède de l’Humanité divine du Seigneur unie à la Divinité essentielle.

Le monde, dit Swedenborg, était en possession d’une Parole, aujourd’hui perdue, avant que la Parole actuelle ne soit écrite ; et elle était également composée de correspondances ou de représentations, comme l’est la Parole actuelle. Les onze premiers chapitres de la Genèse proviennent de cette Parole plus ancienne, qui existait dans le pays de Canaan, en Syrie, en Mésopotamie, en Arabie, en Chaldée, en Assyrie, en Égypte, à Sidon, à Tyr et à Ninive. (Doctr. de la Nouv. Jér. sur l’Écrit. sainte, 102.)

Les livres des « Guerres de Jéhovah » et des « Énonciations », cités par Moïse, provenaient également de cette Parole. David et Josué mentionnent le « Livre de Jasher ». (Nombres xxi. 14, 15 et 27-30 ; 2 Sam. i. 17, 18 ; Joah. x. 12, 13.)

Le Livre de Job faisait également partie des livres de l’Église antique et est écrit en correspondances, mais le sens spirituel qui y est rassemblé ne traite pas des choses saintes du ciel et de l’Église, comme le fait le sens spirituel dans les prophètes ; c’est pourquoi il ne figure pas parmi les livres de la Parole. (Apoc. Expl., 543 fin.)

Les anciens qui connaissaient la science des correspondances se faisaient des images qui correspondaient aux choses célestes ; et ils s’en réjouissaient, car elles signifiaient des choses qui sont du ciel et donc de l’Église. C’est pourquoi ils les plaçaient non seulement dans leurs temples, mais aussi dans leurs maisons, non pas pour les adorer, mais en souvenir des choses célestes qu’elles signifiaient. (Doctr. de la Nouv. Jér. sur l’Écrit. sainte, 23.)

Les correspondances ont été recueillies par Énoch auprès des hommes de l’Église la plus ancienne, et c’est ainsi que leur connaissance a été transmise à la postérité ; ainsi, la science des correspondances était connue et cultivée dans de nombreux royaumes d’Asie, comme déjà mentionné, en particulier en Canaan, en Égypte, en Assyrie, en Chaldée, en Syrie, en Arabie, à Tyr et à Sidon, et à Ninive. C’est cette science qui fut à l’origine des fables ou mythes grecs et autres. (Doctr. de la Nouv. Jér. sur l’Écrit. sainte, nos 21, 22, 23.)

Mais lorsque, au fil du temps, ces éléments représentatifs de l’Église se sont transformés en éléments idolâtres et magiques, la science des correspondances, par la divine providence du Seigneur, a été progressivement effacée de la mémoire, et parmi le peuple israélite et juif, elle a été complètement éteinte et perdue, bien que tous les éléments de leur culte, tous les statuts qui leur ont été donnés par Moïse et tous les éléments de la Parole soient de pures correspondances.

« Le fait qu’il y ait eu une religion depuis les temps les plus anciens et que les habitants du globe aient partout connu Dieu et quelque chose de la vie après la mort ne vient pas d’eux-mêmes et de leur propre perspicacité, mais de la Parole ancienne, puis de la Parole israélite. (Swedenborg, Doctr. de la Nouv. Jér. sur l’Écrit. sainte, no 117)

« De là, les idées religieuses (religiosa) se sont répandues dans les Indes et leurs îles ; puis, à travers l’Égypte et l’Éthiopie, dans les royaumes d’Afrique ; puis, depuis les régions maritimes de l’Asie, en Grèce ; et de là, en Italie.

« Mais comme la Parole ne pouvait être écrite autrement que par des représentations, qui sont des choses du monde qui correspondent aux choses célestes et les signifient par conséquent, les systèmes religieux de nombreuses nations se sont transformés en idolâtries, et en Grèce en fables, et les attributs et qualités divins en autant de dieux, parmi lesquels ils ont placé un dieu suprême, qu’ils ont appelé Jupiter 3, d’après Jéhovah (ou Jahvé). Il est bien connu qu’ils avaient connaissance du Paradis, du déluge, du feu sacré, des quatre âges – du premier âge ou âge d’or au dernier âge ou âge de fer – par lesquels la Parole signifie les quatre états de l’Église (comme dans Daniel ii. 31–35). Il est également connu que la religion mahométane, qui a succédé et détruit les croyances religieuses antérieures de nombreuses nations, est dérivée de la Parole des deux Testaments. » (Ewald, Israelites, vol. I, Introduction.)

En ce qui concerne le phénomène de l’illustration dont il est question ci-dessus, Swedenborg dit : « Ceux qui ne s’intéressent qu’aux apparences ne peuvent être illustrés, mais seulement ceux qui sont dans l’affection de la Vérité ; et seuls ceux qui sont dans le bien de la vie sont dans l’affection de la Vérité. Ceux qui sont illustrés ou illuminés sont ceux qui s’approprient les vérités du bien.

Ceux qui lisent la Parole par amour de la Vérité et de la vie de la Vérité sont éclairés, mais pas ceux qui la lisent par amour de la gloire, de l’honneur, du gain, ou pour toute autre fin séparée de la bonté et de la vérité, ou de la charité et de la foi.

Toute illumination provient du bien, par le biais de la vérité, et est conforme à la vérité qui la reçoit et la manifeste. Sans la lumière du ciel, l’entendement ne peut voir davantage que l’œil physique ne peut voir sans la lumière du monde.

Chacun est éclairé et informé par la Parole, selon son affection pour la vérité, le degré de son désir et sa faculté de réception.

En fin de compte, seuls sont éclairés ceux qui reconnaissent que tout bien et toute vérité proviennent du Seigneur, et que rien de bon ni de vrai ne provient d’eux-mêmes.

C’est la partie intellectuelle qui est éclairée, et c’est la lumière du ciel qui coule du Seigneur qui éclaire.

Et l’entendement éclairé a la faculté de percevoir si un dogme est vrai ou faux, avant de le confirmer ou de le rejeter 4.

 

 

 

CHAPITRE II.

 

L’ILLUMINATION DU PRÊCHEUR – CLERGÉ ET LAÏCS – L’ORDINATION NE CONFÈRE PAS L’AUTORITÉ SPIRITUELLE.

 

EN ce qui concerne l’inspiration du prédicateur en général, Swedenborg fait quelques observations sur la diversité de son caractère et ses fruits : –

« Il est bien connu que les apôtres, après avoir reçu du Seigneur le don du Saint-Esprit, ont prêché l’Évangile dans une grande partie du monde. – Pierre enseignait et écrivait d’une manière, Jacques d’une autre, Jean d’une autre encore, et Paul d’une autre, chacun selon son intelligence particulière. Le Seigneur les a tous remplis de son Esprit, mais chacun en a reçu une part selon sa qualité de perception particulière et l’a mise en œuvre dans la mesure de ses capacités. Tous les anges dans les cieux sont remplis du Seigneur, car ils sont dans le Seigneur et le Seigneur est en eux ; néanmoins, chacun d’eux parle et agit selon l’état de son propre esprit, certains avec simplicité, d’autres avec sagesse, selon une variété infinie ; et pourtant, chacun parle et agit de lui-même à partir du Seigneur.

« Il en va de même pour chaque ministre de l’Église, qu’il soit sous l’influence du vrai ou du faux. – Simile est cum omni ministro Ecclesise, tam illo qui in veris, quam qui in falsis est. – Chacun a sa propre expression et son intelligence particulières, et chacun parle à partir de son propre esprit, c’est-à-dire à partir de l’Esprit qu’il possède comme sien.

« Il en va de même pour les protestants, qu’ils soient évangéliques ou réformés : après avoir été instruits dans les principes de leurs chefs particuliers, tels que Luther, Melanchthon ou Calvin, on ne peut pas dire à proprement parler que ces chefs ou leurs principes parlent d’eux-mêmes par l’intermédiaire de leurs disciples, mais que ces disciples parlent d’eux-mêmes à partir de leurs chefs et de leurs principes : car chaque principe particulier peut être expliqué de mille façons différentes, à l’image d’une corne d’abondance, dans laquelle chaque personne puise ce qui lui convient et correspond à son génie particulier, puis l’explique selon son talent particulier. » (La Vraie Religion chrétienne, 154.)

La conclusion logique à tirer de ce qui précède est que l’illustration ou l’inspiration de Pierre, Jacques, Jean et Paul dans leurs propres écrits et prêches valait, en qualité, tout autant, et pas plus, que celle de tout ministre de l’Église, qu’il soit dans la vérité ou dans le faux ; qu’il n’y avait rien de spécial dans leurs écrits ; et que leur valeur dépendait dans chaque cas exactement de la quantité de vérité dérivée du bien que le récepteur pouvait posséder.

Swedenborg ne parle pas des prêtres comme de médiateurs ou d’intercesseurs entre Dieu et les hommes, selon les prétentions de l’Église romaine, car il ne peut y avoir de tels médiateurs, mais simplement comme des ministres ordonnés, administrateurs des sacrements – baptême, communion, mariage, etc. – et comme prédicateurs et interprètes désignés de la Parole, afin d’enseigner et de transmettre les vérités de Dieu. (A. C., 10798.)

La raison pour laquelle le mariage doit être consacré par un prêtre est que les choses conjugales correspondent au mariage divin du Seigneur et de l’Église. Comme le prêtre est une personne mise à part pour ces fonctions et qu’il est un représentant du Seigneur, sa fonction est sacrée ; mais cette fonction ne confère au prêtre aucune part de sainteté ou de pouvoir. (Amour conj., 308.)

Dans la mesure où le prêtre revendique ou s’attribue quelque chose de la sainteté de sa fonction, il est un voleur spirituel. (A. C., 3670.)

Le soi-disant sacerdoce n’est qu’une usurpation abominable. Le prêtre est le serviteur de l’Église ; il peut diriger mais pas contraindre ; encore moins retenir les sacrements ou recourir à des menaces de sanctions spirituelles.

Prétendre avoir le pouvoir d’ouvrir ou de fermer les cieux, ou toute autre forme d’autorité judiciaire spirituelle, n’est qu’une usurpation vaine mais diabolique de ce qui appartient au Seigneur seul. Loin de posséder un tel pouvoir, ceux qui le revendiquent finissent par échouer en enfer. (A. C., 10795. Adversaria, 1480.)

L’interprétation romaine des paroles du Seigneur à Pierre, au sens littéral, est une hérésie issue d’un amour infernal de soi et du monde : « Je te dis que tu es PIERRE, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle » (c’est-à-dire que Jésus est le Christ, le fils du Dieu vivant) « et je te donnerai les clés du royaume des cieux, et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. » (A. C., Genèse, préface du chap. xxii.)

Ce qui signifie que c’est la foi essentielle en Dieu qui lie et délie, et non Pierre. Le Roc, c’est la foi – une foi réelle et pratique, et non une simple profession de foi ou une foi illusoire. (Voir chap. xvii ci-dessous.)

L’individualité du prêtre est tellement absorbée par son caractère et sa fonction officiels, en tant que représentant, que sa qualité en tant qu’homme est indifférente ; qu’il soit bon ou mauvais, il peut également représenter le divin du Seigneur dans sa capacité sacerdotale. « C’est pourquoi la Parole enseignée par un prêtre mauvais est tout aussi sainte que lorsqu’elle est enseignée par un prêtre bon, tout comme le sacrement du baptême, la Sainte Cène et autres sacrements. » (A. C., 3670.)

Il est important de garder ces principes à l’esprit, car même si la nature mauvaise d’un homme est évidente, les vérités qu’il enseigne n’en sont pas pour autant invalidées. Il est possible qu’un homme soit un esprit infernal, mais néanmoins un prédicateur bon et zélé ; son inspiration ne vient toutefois pas du Seigneur, mais de l’amour de soi et du monde. (A. C., 9365-6.)

Ceux qui aiment le monde plus que le ciel et eux-mêmes plus que Dieu, « lorsqu’ils réfléchissent par eux-mêmes, comme c’est le cas lorsqu’ils parlent devant les hommes, parlent du ciel et du Seigneur avec une affection et une foi plus grandes que les autres, et cela proportionnellement à l’influence qu’exercent sur eux le gain, l’honneur et la réputation. Dans de telles occasions, leur état est tel qu’ils sont noirs à l’intérieur et blancs à l’extérieur ; c’est-à-dire qu’ils sont des démons sous la forme d’anges de lumière ; car l’intérieur, qui devrait être exposé au ciel, est fermé, et l’extérieur, qui est exposé au monde, est ouvert. »

« En enfer, il y en a plusieurs de cette sorte qui se rendent présents auprès d’hommes de même caractère et les inspirent, en particulier les prédicateurs, qui imitent le culte divin à partir des affections de la vérité et du bien, à partir du proprium (ou individualité). » (A. C., 10309.)

L’amour de l’orthodoxie motivé par l’espoir d’une promotion est un motif suffisant pour stimuler un prédicateur à un zèle extrême, et le simple amour des louanges et de la popularité peut faire naître un ministre enthousiaste de l’Église, même s’il est athée dans son cœur.

De tout ce qui précède, il ressort clairement que le caractère d’un homme ne peut être déduit de la qualité de sa prédication ; et nous ne devons pas en conclure qu’un homme est bon parce qu’il est un prédicateur accompli ou qu’il a une manière efficace d’exprimer les vérités divines, qu’il a la capacité d’appréhender par son esprit, même si elles n’ont pas de place dans son cœur.

La prédication populaire et la véritable proclamation apostolique peuvent n’avoir rien en commun, même si elles coexistent.

Un prédicateur populaire est souvent quelqu’un qui a appris à flatter les préjugés de sa congrégation, à conduire ses auditeurs à un repentir momentané pour leurs péchés, à une certaine conscience de leur indignité, qui produit une indulgence reconnaissante dans l’humiliation de l’esprit et induit un sentiment de mérite dans la ferveur avec laquelle ils se sont condamnés eux-mêmes, mais à un coût toutefois peu élevé, ce sentiment de mérite ne passant pas immédiatement, mais laissant l’illusion d’avoir été bon, d’avoir été dans la grâce. Ils peuvent ainsi se réjouir de la confession de leur propre indignité et glorifier le mérite du Christ avec une telle exaltation de leur propre foi, sous l’influence d’un prédicateur enthousiaste, qu’ils ont l’impression, pendant un moment, d’entrer dans une nouvelle existence, une régénération, de devenir de nouvelles créatures, en un mot, des élus. Et cela reste un souvenir agréable, à défaut d’autre chose. Mais après tout, ce n’est là qu’une vaine prédication. Il est beaucoup plus sain de transmettre la lumière ou l’instruction que l’enthousiasme ; ce dernier peut toucher les sentiments sans pénétrer la compréhension et sans implanter la conviction de la vérité.

L’Église est interne et externe ; interne pour ceux qui ont étudié ses doctrines intérieurement et les ont confirmées à partir de la Parole ; et externe seulement pour ceux qui ne l’ont pas fait.

Ceux qui sont à l’extérieur sont communément appelés les laïcs ou les profanes ; ceux qui sont à l’intérieur sont appelés le clergé ou les ecclésiastiques. (Apoc. Rev., 398, 403.)

Il s’agit donc simplement d’une distinction générale entre les deux classes.

Il ne faut pas en déduire que les ministres de l’Église sont exclusivement, ou même du tout, ex officio, dans l’interne ; et que ceux qui ne font pas partie du ministère sont nécessairement dans l’externe seulement ; mais que, de fait, ceux qui sont dans l’interne de la doctrine sont des ecclésiastiques ; même si, n’étant pas ordonnés dans le ministère, ils ne sont pas prêtres ou représentants du Seigneur.

Mais le Saint-Esprit se répand aussi bien sur les laïcs que sur le clergé, et il est reçu par tous uniquement en fonction de leur capacité de réception, ou selon l’état de leur compréhension et de leur volonté, dans la mesure où ils perçoivent et aiment la bonté et la vérité provenant du Seigneur. L’ordinant ne peut rien transmettre. (V. R. C., 146.)

L’action particulière du Saint-Esprit sur le sacerdoce consiste à donner les grâces de l’illustration et de l’instruction ; et ces grâces, dit Swedenborg, sont transmises lors de la cérémonie d’inauguration. Mais cela ne signifie pas que l’ordination puisse en aucune façon affecter ou ajouter quoi que ce soit aux vérités ou aux connaissances possédées par le sujet de l’ordination.

Ces qualités doivent être acquises par le travail, en s’approchant directement du Seigneur, et ne peuvent être reçues que conformément à la vérité et au bien appropriés du Seigneur, par le biais de la Parole.

Swedenborg ne dit pas, en tant de mots, que le clergé est composé de personnes ordonnées et donc dans l’intérieur, et que les laïcs sont ceux qui ne sont pas ordonnés et sont donc simplement dans l’extérieur.

Non, mais la cérémonie qui institue le ministère par l’imposition des mains est nécessaire pour constituer un homme en prêtre ou représentant du Seigneur. Que nous utilisions le terme prêtre, sacerdos, ou ministre, minister sacrorum, c’est exactement la même chose, le second n’étant que l’explication du premier : le prêtre est celui qui administre les choses sacrées.

La main signifie le pouvoir ; et c’est de cette signification de la main que dérive la cérémonie d’inauguration ou de bénédiction.

Poser les mains sur la tête signifie communication et réception, donc la translation de ce qui est signifié par cela, car toutes les activités de la vie de l’homme, et l’homme lui-même, sont signifiés par la main. (A. C., 878.)

Jésus posant ses mains sur les jeunes enfants signifie la communication et la réception de la vertu divine, par laquelle s’effectue la guérison intérieure, donc le salut. (A. C., 10023.)

Le fait de poser la main sur la tête lors d’une bénédiction provient d’un rituel reçu des anciens, car les parties intellectuelles et volontaires de l’homme se trouvent dans la tête ; ainsi, par des représentations, la bénédiction est communiquée à l’homme lui-même : il en va de même pour les inaugurations. (No 6292.)

Swedenborg ne dit pas que l’inauguration est la fonction spéciale du prêtre ou de l’évêque ; il ne dit pas non plus un mot sur la succession apostolique ; c’est une fiction des « Actes des Apôtres », qui n’a aucune autorité divine 5. (Actes i. 26 ; vi. 6.)

Il ne fait même pas allusion à l’idée monstrueuse selon laquelle un homme ne peut être dans l’intérieur de la Parole s’il n’a pas été ordonné ou s’il n’a pas reçu le Saint-Esprit par l’imposition de mains consacrées.

Pourtant, le fait que la cérémonie d’ordination soit représentative de la communication du Saint-Esprit par le Seigneur ressort clairement de tout ce qu’il dit à ce sujet.

La qualité de la réception elle-même est totalement indépendante de l’officiant et repose entièrement sur la qualité de l’intellect et de la volonté du receveur.

Ainsi, loin d’avoir une quelconque supériorité morale ou spirituelle, le prêtre, de par sa fonction, ne peut opérer en lui aucun changement intérieur. Et nous pouvons appliquer les paroles de Paul à toute hypothèse émise à ce sujet : « Y a-t-il donc lieu de faire le fier ? C’est exclu ! » (Rom. iii. 27.)

Un homme peut être ordonné prêtre, mais pour devenir un ecclésiastique ou un clericus (κληρικός), il lui suffit de se consacrer consciencieusement à l’étude approfondie de la Parole ; et rien n’empêche un laïc d’être un aussi bon clericus qu’un prêtre, voire bien meilleur.

« À une époque », dit le doyen Stanley, « ou dans une société où l’esprit des hommes est favorablement disposé, il n’y a généralement pas d’autorité plus grande que celle d’un ordre d’enseignants établis.

« Mais en période d’instabilité et de remise en question, comme l’était l’époque apostolique, et comme peut l’être la nôtre, l’autorité d’un laïc en matière religieuse est généralement bien supérieure à celle d’un ecclésiastique ; et ce, pour la raison que chaque sentiment qu’il exprime sur ces sujets est considéré comme spontané, désintéressé et non professionnel, à un degré qui n’est pas ressenti dans le cas de l’organe d’enseignement régulier et établi 6. »

En d’autres termes, c’est parce que le laïc s’exprime uniquement à partir des convictions de son cœur, tandis que le membre du clergé professionnel ne s’écartera probablement pas des sentiers battus de l’orthodoxie, dans lesquels le cœur n’a peut-être pas sa place et dont il est peut-être incapable de se dégager.

 

 

 

CHAPITRE III.

 

ILLUMINATION SPÉCIALE SECTION 1. SAUL DE TARSE.

SECTION 2. EMANUEL SWEDENBORG.

 

SECTION 1. Les affirmations de Saul de Tarse, selon ses propres déclarations.

 

« MAIS lorsque Dieu, qui m’a séparé du sein de ma mère et m’a appelé par sa grâce, a jugé bon de révéler son Fils en moi, afin que je le prêche parmi les païens 7, je ne me suis pas immédiatement concerté avec la chair et le sang, et je ne suis pas monté à Jérusalem vers ceux qui étaient apôtres avant moi, mais je suis allé en Arabie, et je suis revenu à Damas.

« Trois ans plus tard, je me rendis à Jérusalem pour voir Pierre, et je restai quinze jours avec lui. Mais je ne vis aucun autre apôtre, sauf Jacques, le frère du Seigneur.

« Or, ce que je vous écris, voici, devant Dieu, je ne mens pas. Ensuite, je suis allé dans les régions de Syrie et de Cilicie ; et je n’étais pas connu de visage aux Églises de Judée qui étaient en Christ ; mais elles avaient seulement entendu dire que celui qui nous persécutait autrefois prêchait maintenant la foi qu’il avait autrefois détruite. Et elles glorifiaient Dieu en moi. »

Dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, il dit : « Il y a environ quatorze ans, j’ai connu un homme en Christ (si c’était dans son corps, je ne sais ; Dieu le sait), qui fut enlevé jusqu’au troisième ciel. »

Cela semble s’être produit bien après la date attribuée à la conversion de Paul et constitue donc une expérience distincte ; la date exacte de la deuxième épître aux Corinthiens n’est pas connue, mais si elle date d’environ 58, cela situerait cette expérience environ neuf ou dix ans après sa conversion.

Paul poursuit en disant :

« Et j’ai connu un tel homme – comment il a été enlevé au paradis et a entendu des paroles ineffables, qu’il n’est pas possible à un homme de prononcer.

« C’est de cet homme que je me glorifierai ; mais je ne me glorifierai pas de moi-même, mais de mes infirmités.

« Et pour que je ne sois pas exalté par l’excellence des révélations, il m’a été donné une écharde dans la chair, un ange de Satan chargé de me frapper, afin que je ne sois pas exalté.

« C’est pourquoi j’ai prié le Seigneur à trois reprises, afin qu’il s’éloigne de moi. Et il m’a dit : Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. »

Voici un passage étrange et obscur ; il contient de grandes révélations, dont il ne lui est pas possible de parler 8. Et pour qu’il ne s’enorgueillisse pas, un ange de Satan le frappe ! Mais il ne doit pas se laisser décomposer, car la grâce du Seigneur lui suffit.

Parmi les nombreux passages vagues de Paul, celui-ci est l’un des plus vagues et contient si peu d’éléments intelligibles à première vue qu’il défie toute interprétation. Paul lui-même aurait probablement été tout aussi incapable de l’expliquer que n’importe lequel de ses commentateurs perplexes.

À un autre endroit, en référence au fait qu’il a vu le Seigneur, Paul dit :

« Après cela, il (le Christ) est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. Et enfin, il m’est aussi apparu, à moi, comme à un avorton. »

Il ne précise nulle part le moment, le lieu ou la nature de cette vision, et c’est la seule déclaration directe qu’il ait faite dans ses lettres au sujet de sa rencontre avec le Seigneur. Mais dans la même lettre, il avait déjà fait la même affirmation indirectement, lorsqu’il avait demandé aux Corinthiens, comme si le fait leur était familier : « Ne suis-je pas apôtre ? Ne suis-je pas libre ? N’ai-je pas vu Jésus (Christ) notre Seigneur ? N’êtes-vous pas mon œuvre dans le Seigneur ? » (1 Cor. ix. 1.)

Voici l’affirmation qu’il fait concernant l’inspiration de son évangile, c’est-à-dire concernant sa propre prédication, et non concernant un évangile écrit par un autre, qu’il aurait utilisé dans son enseignement.

« Je vous certifie, frères, que l’évangile – εὐαγγέλιον – qui a été prêché par moi, n’est pas selon l’homme. Car je ne l’ai pas reçu d’un homme, ni ne l’ai appris, mais par la révélation de Jésus-Christ. » (Gal. i. 11, 12.)

Paul semble donc éviter d’affirmer de manière catégorique avoir reçu la visite directe du Seigneur, ou du moins il ne nous donne aucun détail sur la manière, le moment et le lieu. Il ne fait jamais allusion au moment ou aux circonstances de sa conversion, telle qu’elle est rapportée dans les « Actes ». Ses déclarations sont certainement très vagues ; leur signification exacte est difficile à déterminer. Une chose est claire, c’est que dans le passage de sa lettre aux Galates, il ne prétend ni avoir vu ni avoir entendu le Seigneur, mais simplement que Dieu a bien voulu lui révéler son Fils.

Dans le passage de la lettre aux Corinthiens, il professe avoir été enlevé au troisième ciel, où il a entendu des choses indicibles, et il soutient donc qu’il ne pouvait rien raconter de ce qu’il avait entendu.

Eusèbe exprime son étonnement que Paul, l’écrivain le plus doué parmi les apôtres, ait limité à quelques courtes épîtres ses contributions sur la connaissance du royaume des cieux; et « cela alors même qu’il avait d’innombrables choses à communiquer, puisqu’il avait atteint la vision du troisième ciel, avait été enlevé jusqu’au paradis même de Dieu et avait eu l’honneur d’y entendre des paroles indicibles ». (Hist. Ecclés., iii. 24. Traduction de Crust.)

Swedenborg nous offre une explication de cette absence de déclarations dans son Journal spirituel. Il dit que Paul, au moment où il fut élevé au troisième ciel, dut être dépouillé à la fois de son corps matériel et de son esprit naturel, ce qui relève de la toute-puissance du Seigneur ; mais que l’esprit naturel ne pouvait ensuite avoir aucune connaissance de ce qui avait été expérimenté par l’esprit spirituel dans son état d’illumination. (Diar. Maj., 288.)

Il nous informe en outre, dans son traité sur la sagesse divine, dans L’Apocalypse Expliquée, que chaque fois qu’il s’était trouvé dans un état similaire à celui des esprits et des anges, et chaque fois qu’il avait été élevé au ciel (pas au ciel le plus intérieur ou au troisième ciel), il avait été dans l’esprit et non dans le corps ; même sa respiration était celle de l’esprit, et non celle du corps. (Vol. vi., pp. 347-9, Nos 3, 5.)

L’homme naturel, dit-il, diffère si complètement de l’homme spirituel, et l’homme spirituel de l’homme naturel, qu’ils ne peuvent coexister, c’est-à-dire exister au même moment.

Il ajoute : « J’ai également appris, grâce à une longue expérience, que les choses que les anges voient et pensent dans la lumière du ciel sont ineffables ; car lorsque j’ai été élevé dans cette lumière, il m’a semblé comprendre tout ce que les anges disaient, mais lorsque j’ai été redescendu de là dans la lumière de l’homme extérieur ou naturel, et que dans cette lumière j’ai voulu me souvenir des choses que j’avais entendues là-haut, je ne pouvais ni les exprimer par des mots, ni même les comprendre par des idées de pensée, sauf dans quelques cas, et ceux-ci de manière obscure ; d’où il ressort clairement que les choses qui sont vues et entendues dans le ciel sont des choses que l’œil n’a pas vues et que l’oreille n’a pas entendues. »

Paul lui-même ne nous donne aucun récit de cette conversion soudaine et miraculeuse qu’il aurait vécue sur le chemin de Damas, lors de sa mission de persécution, et dont nous avons des détails circonstanciés dans les « Actes des Apôtres », bien que, malheureusement pour leur crédibilité, ces détails soient contradictoires.

En effet, l’omission est si grande, compte tenu de ce qu’il a écrit aux Galates, que cette circonstance seule devrait nous permettre de supposer qu’il n’avait aucune connaissance de cette compilation, s’il n’y avait pas de raisons beaucoup plus fortes pour établir ce fait.

La tradition commune attribue aujourd’hui cette compilation à saint Luc, sans doute en raison de son exorde. Nous aurons l’occasion de discuter pleinement de ce sujet dans un autre ouvrage, où nous nous efforcerons de montrer que ce livre est une production du IIe siècle et que, par conséquent, il ne pouvait pas être connu de Paul.

Si le récit de la conversion de Paul est vrai dans son essence, à savoir qu’il est passé de la persécution à la propagation de la foi à la suite d’un évènement remarquable (tel que le martyre d’Étienne), personne n’aurait dû mieux connaître les circonstances réelles que lui-même. Pourtant, bien qu’il nous dise qu’il « connaissait un homme en Christ » qui avait été enlevé au troisième ciel, environ quatorze ans avant la date de sa deuxième épître aux Corinthiens, vers l’an 45 ou 46 après J.-C., il ne nous donne aucune indication qu’il connaissait également un homme qui avait été frappé et aveuglé par la vision d’une forte lumière en plein midi et qui avait entendu une voix alors qu’il voyageait sur la route près de Damas.

Pour cette merveilleuse histoire, nous sommes redevables exclusivement aux soi-disant « Actes des Apôtres », où elle est cependant racontée de manière si négligente qu’elle nous est rapportée à trois endroits différents, de trois manières différentes, de sorte que si l’une est vraie, les deux autres doivent être fausses, et dans la difficulté de choisir un récit plutôt qu’un autre, les trois doivent être rejetés.

Paul et l’auteur des « Actes » ne trouvent un terrain d’entente que dans la mention de la ville de Damas, où il nous dit également, par déduction, que le Christ lui a été révélé, lorsqu’il dit qu’après cette révélation, il est parti en Arabie et est ensuite revenu à Damas.

Si l’enseignement de Paul sur son évangile, comme il l’appelle, lui a été révélé par le Seigneur, il semble que cela ait dû se produire à d’autres occasions que celles mentionnées dans ses lettres, car cela ne nous a été rapporté dans aucune d’entre elles ; et comme il se vante de n’avoir rien appris des hommes, il semble sous-entendre qu’il était en communication constante ou répétée avec le Seigneur, comme les prophètes d’autrefois, bien qu’il ne revendique jamais une inspiration similaire.

Il utilise souvent le nom du Seigneur, bien qu’il ne fasse appel à aucune démonstration objective extérieure ; tout semble provenir de sa propre conscience intérieure. Ce qu’il a entendu, lorsqu’il a été élevé au paradis, était, comme il l’admet lui-même, indicible.

Bien qu’il ait séjourné quinze jours avec Pierre à Jérusalem, il n’a rien appris de lui, comme il le proteste ; ce qui, si ce n’est pas incroyable, est pour le moins très remarquable !

Paul nous parle de l’institution de la Cène du Seigneur, dans des termes presque identiques à ceux utilisés dans l’Évangile de Luc : pourtant, il ne l’a pas appris de Luc, car il affirme hardiment qu’il a obtenu cette information directement du Seigneur ; bien qu’elle fût familière à l’ensemble des chrétiens, comme des mots courants, avant même la conversion de Paul !

Les affirmations générales de cette nature sont courantes dans les lettres de Paul ; c’est le Seigneur qui lui a révélé la manière dont se déroulerait la résurrection ! Les « Actes des Apôtres » mentionnent également souvent ses communications avec l’esprit.

Ce qui est extraordinaire, c’est que le compilateur des « Actes » semble avoir eu aussi peu de connaissance des lettres de Paul et de son enseignement lui-même, dans ses détails, que Paul lui-même n’en a eu du rôle qu’il est amené à jouer dans les « Actes des Apôtres ».

 

 

SECTION 2. Les affirmations d’Emanuel Swedenborg, selon ses propres déclarations.

 

Nous n’aurons ici aucune raison de nous plaindre d’un flou qui nous laisse quelque peu perplexes quant à la nature exacte des affirmations de Paul.

Swedenborg dit clairement dans divers ouvrages qu’il a été en communication constante et ininterrompue avec les esprits et les anges pendant de nombreuses années, en partie à partir de 1743, semble-t-il, bien que ses relations ne fussent devenues constantes qu’en 1745.

 

Arcanes célestes 9.

 

1. « Que la PAROLE de l’Ancien Testament contienne les Arcanes du Ciel, et que tous ces Arcanes, tant en général qu’en particulier, concernent le Seigneur, le Ciel, l’Église, la Foi, et les choses qui appartiennent à la foi, c’est ce que nul mortel ne peut saisir d’après la lettre ; car, d’après la lettre ou le sens de la lettre, personne ne voit autre chose que ce qui concerne en général les externes de l’Église Judaïque, et cependant il y a partout des internes qui ne se montrent jamais dans les externes, excepté un très petit nombre que le Seigneur a révélés, et qu’il a expliqués aux Apôtres ; comme, par exemple, que les Sacrifices signifient le Seigneur ; que la terre de Canaan et Jérusalem signifient le Ciel, qui, d’après cela, est appelé Canaan et Jérusalem céleste ; pareillement le Paradis.

2. « Mais que la PAROLE, dans tout son ensemble et dans chaque partie, même dans la plus petite, jusqu’au moindre iota, signifie et enveloppe des choses spirituelles et célestes, l’Univers Chrétien l’ignore encore absolument ; aussi est-ce pour cela qu’il néglige l’ANCIEN TESTAMENT. On peut néanmoins savoir que la Parole, par cela seul qu’elle est la PAROLE du Seigneur et qu’elle vient du Seigneur, ne peut nulle part être donnée, à moins qu’elle ne contienne intérieurement des choses qui concernent le Ciel, l’Église, la Foi ; autrement, on ne peut l’appeler la PAROLE du Seigneur, ni dire qu’elle renferme en elle quelque vie ; car d’où vient la vie, sinon des choses qui appartiennent à la vie, c’est-à-dire, des choses qui, en général et en particulier, se réfèrent au Seigneur Qui est la vie même ? Tout ce qui ne concerne pas intérieurement le Seigneur ne vit donc pas, et même le mot, dans la PAROLE, qui, à sa manière, ne l’enveloppe pas ou ne se réfère pas à lui, n’est pas divin.

3. « Sans une telle vie, la PAROLE, quant à la lettre, est morte.

« Car la Parole est comme l’homme qui, à la connaissance de l’univers chrétien, est Externe et Interne.

« L’homme Externe séparé de l’homme Interne est un corps, et ainsi quelque chose de mort ; mais l’homme Interne est celui qui vit et qui fait que l’homme Externe vit.

« L’homme Interne est l’âme de l’homme : de même la PAROLE, quant à la lettre seulement, est comme un corps sans l’âme.

4. « Par le seul sens de la lettre, quand le mental y est attaché, on ne peut nulle part voir qu’il contient de telles choses.

« Ainsi, tout ce qu’on peut savoir, d’après le sens littéral de cette première partie de la Genèse 10, c’est qu’il y est question de la Création du Monde, du Jardin d’Éden, qui est appelé Paradis, et d’Adam comme premier homme créé ; est-il quelqu’un qui pense autre chose ?

« Mais le fait qu’ils contiennent des secrets (arcana) qui n’ont jamais été révélés jusqu’à présent apparaîtra suffisamment dans les pages suivantes ; où l’on verra que le premier chapitre de la Genèse, dans son sens interne, traite de la NOUVELLE CRÉATION de l’homme, ou de sa RÉGÉNÉRATION en général, et de l’Église la plus ancienne en particulier ; et ce, de telle manière qu’il n’y a pas une seule syllabe qui ne représente, ne signifie et n’implique quelque chose de spirituel.

5. « Mais qu’il en soit ainsi, nul mortel ne peut jamais le savoir, si ce n’est par le Seigneur.

« C’est pourquoi il m’est permis de manifester par avance qu’il m’a été accordé par la Divine miséricorde du Seigneur d’être maintenant depuis quelques années continuellement et sans interruption dans la société des Esprits et des Anges, de les entendre parler et de parler tour à tour avec eux.

 « Et ainsi il m’a été donné d’entendre et de voir des choses surprenantes qui se passent dans l’autre vie, choses qui ne sont jamais venues ni à la connaissance ni à l’idée d’aucun homme.

« Là, j’ai été instruit sur les divers genres d’Esprits ; sur l’État des âmes après la mort ; sur l’Enfer ou état déplorable des infidèles ; sur le Ciel ou état de félicité des fidèles, et surtout sur la Doctrine de foi qui est reconnue dans tout le Ciel, sujets qui, d’après la Divine Miséricorde du Seigneur, seront traités avec plus d’étendue dans la suite de cet Ouvrage 11. »

« Afin que l’homme ne reste pas plus longtemps dans une idée fallacieuse concernant les esprits et les anges, et concernant sa propre âme après la mort, il a plu au Seigneur d’ouvrir la vue de mon esprit et de m’accorder de converser face à face avec les anges et les hommes décédés, de les contempler, de les toucher et de dire beaucoup de choses concernant l’incrédulité et l’illusion des hommes qui vivent actuellement ; je les côtoie quotidiennement depuis l’année 1744 jusqu’à ce jour, soit depuis dix-neuf ans. » (Apoc. Expl., vol. vi., p. 345.)

Nous trouvons des professions de foi tout aussi explicites et remarquables dans une lettre adressée au landgrave de Hesse-Darmstadt, datée d’Amsterdam, 1771.

« Le Seigneur notre Sauveur avait prédit qu’il reviendrait dans le monde et qu’il y établirait une nouvelle Église.

« Il a fait cette prédiction dans l’Apocalypse, chapitres XXI et XXII, ainsi qu’à plusieurs endroits dans les Évangiles. Mais comme il ne peut revenir en personne dans le monde, il était nécessaire qu’il le fasse par l’intermédiaire d’un homme qui non seulement recevrait la doctrine de cette nouvelle Église dans son intelligence, mais la publierait également par l’imprimerie ; et comme le Seigneur m’avait préparé à cette fonction depuis mon enfance, il s’est manifesté en personne devant moi, son serviteur, et m’a envoyé pour la remplir.

« Cela s’est produit en l’an 1743. Il a ensuite ouvert la vue de mon esprit, m’a ainsi introduit dans le monde spirituel et m’a accordé de voir les cieux et nombre de leurs merveilles, ainsi que les enfers, et de parler avec les anges et les esprits, et cela de manière continue pendant vingt-sept ans.

« Je déclare en toute vérité que tel est le fait 12. »

« Vous me demandez », dit-il dans une lettre à un autre ami, « si j’ai parlé avec les apôtres ? À quoi je réponds que j’ai parlé pendant une année entière avec Paul 13, et aussi de ce qui est mentionné dans l’Épître aux Romains, chap. iii. 28. J’ai parlé trois fois avec Jean, une fois avec Moïse et, je suppose, une centaine de fois avec Luther, qui m’a avoué que, contrairement à l’avertissement d’un ange, il avait reçu la doctrine du salut par la foi seule dans l’intention de se séparer complètement du catholicisme. Mais j’ai conversé avec les anges pendant ces vingt-deux dernières années, et je continue à le faire quotidiennement : le Seigneur m’a donné la possibilité de les côtoyer, bien qu’il n’y ait pas eu lieu de mentionner tout cela dans mes écrits.

« Qui aurait cru, et qui n’aurait pas dit : “Montre-moi un signe afin que je puisse croire” ? Et tous ceux qui n’avaient jamais vu cela auraient dit la même chose.

« Vous demandez : “Pourquoi ai-je été choisi pour cette fonction parmi les philosophes ?” À quoi je réponds : afin que la connaissance spirituelle qui est révélée aujourd’hui puisse être apprise de manière raisonnable et comprise naturellement ; car les vérités spirituelles correspondent aux vérités naturelles, dans la mesure où celles-ci trouvent leur origine et découlent des premières, et servent de fondement aux secondes. Que ce qui est spirituel est similaire et correspond à ce qui est humain ou naturel, ou appartient à l’orbite terrestre, cela peut être vu dans le traité sur le Ciel et l’Enfer, nos 87 à 102, et 103 à 115.

« C’est pour cette raison que le Seigneur m’a d’abord initié aux sciences naturelles, me préparant ainsi de 1710 à 1744, année où le ciel m’a été ouvert.

« Chacun est éduqué moralement et régénéré spirituellement par le Seigneur, en étant conduit de ce qui est naturel à ce qui est spirituel. De plus, le Seigneur m’a donné l’amour de la vérité spirituelle, c’est-à-dire non pas dans un but d’honneur ou de profit, mais simplement pour la vérité elle-même : car quiconque aime la vérité simplement pour la vérité la voit procédant du Seigneur, le Seigneur étant le chemin et la vérité. (Jean xvi. 6.)

« Mais celui qui professe l’amour de la vérité dans un but d’honneur ou de gain voit la vérité à partir de son propre moi, et voir à partir de soi-même, c’est voir le mensonge.

« La confirmation du mensonge ferme l’Église ; mais une confirmation raisonnable de la vérité l’ouvre : quel homme peut autrement comprendre les choses spirituelles qui entrent dans la compréhension ?

« La notion doctrinale reçue dans l’Église protestante, à savoir que, en matière théologique, la raison doit être captive de l’obéissance à la foi, enferme l’Église : qu’est-ce qui peut l’ouvrir, si ce n’est une compréhension éclairée par le Seigneur ?

« Voir L’Apocalypse révélée, no 914 14. »

Extrait d’une autre lettre adressée au même (datée de Stockholm, le 23 septembre 1766) : – « Je peux déclarer solennellement et par un serment sacré que le Seigneur lui-même m’est apparu, qu’il m’a envoyé pour accomplir ma mission et qu’à cette fin, il a ouvert et éclairé la partie intérieure de mon âme, qui est mon esprit, afin que je puisse voir ce qui se trouve dans le monde spirituel et ceux qui y vivent, et ce privilège m’est accordé depuis maintenant vingt-deux ans.

« Mais dans l’état actuel d’incrédulité des hommes, le serment le plus solennel peut-il rendre une telle chose crédible ou susceptible d’être crue par quiconque ? Pourtant, ceux qui ont reçu la véritable lumière et la véritable compréhension chrétiennes seront convaincus de la vérité contenue dans mes écrits, qui sont particulièrement évidents dans le livre de l’Apocalypse révélée.

« Qui, en effet, a jusqu’à présent connu quoi que ce soit de considérable sur le vrai sens spirituel et la signification de la Parole de Dieu, le monde spirituel, ou le ciel ou l’enfer ; la nature de la vie de l’homme et l’état des âmes après la mort du corps ?

« Est-il supposé que ces choses et d’autres de même importance doivent être éternellement cachées aux chrétiens ?

« Si de nombreux détails très importants les concernant sont révélés aujourd’hui pour la première fois, c’est en rapport avec la Nouvelle Jérusalem et dans l’intérêt de la nouvelle Église, car ses membres sont dotés de la capacité de les comprendre, capacité que d’autres pourraient également avoir s’ils ne doutaient pas si faiblement de la possibilité que de telles choses soient révélées à quiconque et, par leur intermédiaire, au monde entier.

« Mes écrits ne sont pas de l’ordre de la prédiction, mais de la révélation. »

« Toute révélation provient soit d’un entretien avec les anges, par l’intermédiaire desquels le Seigneur parle, soit de la perception. » (A. C., 5121.)

Et il est possible pour ceux qui ne sont pas dans le bien et la vérité d’avoir une révélation extérieure, et ce par une voix vivante audible, donc par des anges du Seigneur ; telles étaient la plupart des révélations verbales et visuelles des prophètes de l’Église juive 15.

 

 

 

 

 

 

 

LIVRE II.

 

–––––

 

ACTES,

 

OU

 

ACTES DES APÔTRES.

 

–––––––———

 

 

 

CHAPITRE IV.

 

ÉPOQUE ET AUTEUR DES « ACTES » – DESCENTE DU SAINT-ESPRIT – LES « ACTES » NE SONT PAS L’ŒUVRE DE L’ÉVANGÉLISTE LUC – COMPILATION DE FAITS ET DE FABLES DU IIe SIÈCLE – FORTE INFLUENCE PAULINE.

 

« Vous rendez la parole de Dieu sans effet, par la tradition que vous avez transmise. » – Marc vii. 13.

 

LE livre des « Actes », ou « Actes des Apôtres », comme on l’appelle communément, est aujourd’hui toujours considéré par l’Église anglicane et d’autres Églises comme partie intégrante de la Parole, depuis qu’il a été hissé au rang des livres canoniques lors du troisième concile de Carthage en 397 après J.-C. Et il est généralement admis qu’il a été écrit par l’auteur de l’Évangile de Luc.

Emanuel Swedenborg, lui, le rejette de la Parole pour la raison que ce livre ne possède pas de sens interne. (A. C., 10325.)

Si Luc est aujourd’hui considéré comme l’auteur de ce livre, c’est parce que son exorde s’adresse à un certain Théophile, à qui l’Évangile de Luc semble également s’adresser de manière très similaire. Mais il est possible que cet exorde ait été ajouté par la suite, afin de corroborer cette attribution et de donner de l’autorité au livre.

Luc dit : « Il m’a semblé bon, moi aussi, ayant eu une parfaite connaissance de toutes choses depuis le commencement, de t’écrire par ordre, excellent Théophile, afin que tu connaisses la certitude des choses dont tu as été instruit. » (Luc i. 3, 4.)

Les « Actes » disent : « Théophile, j’ai rédigé le premier traité sur tout ce que Jésus a commencé à faire et à enseigner, jusqu’au jour où il a été enlevé. » (Actes i. 1.)

Il semble donc clair que les deux livres ont été écrits par la même personne, ou que l’auteur des « Actes » a voulu le faire croire afin de donner de l’autorité à son propre livre, à moins que, comme certains le suggèrent, l’exorde ne soit un faux postérieur ; un tel ajout aurait été très facile, même pour quelqu’un d’autre que le compilateur.

Irénée, qui a écrit vers la fin du IIe siècle, est le premier à attribuer ce livre à saint Luc ; et beaucoup de ceux qui l’ont suivi ont partagé son point de vue.

Le Dr Zeller considère que l’ensemble du livre a été écrit par la même main, mais non pas toutefois par Luc ni par aucun autre contemporain de Paul, mais au moins cent ans plus tard, et qu’il a été compilé à Rome. (Zeller, Die Apostelgeschichte, p. 71.)

Selon les critiques érudits, la similitude de style dans les deux livres nous amène à conclure qu’ils ont été écrits par la même personne.

Il ne semble toutefois y avoir aucune raison valable pour que deux hommes presque contemporains n’écrivent pas dans la même langue et dans un style très similaire ; à en juger par les écrits modernes, ce critère de style serait des plus trompeurs.

Zeller lui-même, le plus minutieux des critiques des « Actes », bien qu’il en déduise qu’il s’agit du même auteur, admet que ce livre contient plus de six cents mots qui ne se trouvent pas dans l’Évangile de Luc. (Apostelgeschichte, p. 443.)

Nous ne sommes peut-être guère fondés à accorder du crédit au test du style, même s’il n’y avait pas de divergences d’opinion ; mais même parmi les érudits allemands, plusieurs rejettent Luc comme auteur ; certains penchent pour Silas, d’autres pour Timothée ; d’autres encore affirment que ces hommes n’ont certainement pas écrit le livre, car ils figurent parmi ceux qui sont nommés dans les passages au « NOUS », ce qui montre que, bien qu’ils aient fait partie du groupe « NOUS », aucun d’eux n’en était le narrateur.

Luc est également mentionné, mais pas dans un passage au « NOUS » ni dans les autres occurrences de la première personne du pluriel ; il n’est donc pas expressément exclu, puisqu’un écrivain peut bien se désigner lui-même par la troisième personne ; il peut toutefois le faire aussi bien en compagnie d’autres personnes que seul ; cet argument du « NOUS » n’a donc pas beaucoup de valeur. En mettant les choses au mieux, on pourrait ne l’appliquer qu’à une partie des éléments de la compilation.

Le livre est manifestement une compilation, et non un récit continu par le même témoin, et il a un aspect négligé ; le passage de la troisième personne du singulier à la première personne du pluriel n’en est pas la seule illustration. Il contient de graves contradictions et n’est pas exempt d’anachronismes.

Dès le début, il y a une contradiction insurmontable avec l’Évangile de Luc. Le compilateur dit : « Théophile, j’ai fait le premier traité sur tout ce que Jésus a commencé à faire et à enseigner, jusqu’au jour où il a été enlevé, après avoir donné, par le Saint-Esprit, des commandements aux apôtres qu’il avait choisis, auxquels il s’était aussi montré vivant après sa passion par de nombreuses preuves infaillibles, AYANT ÉTÉ VU D’EUX PENDANT QUARANTE JOURS. »

Nous verrons que, selon Luc, le Seigneur, après avoir ouvert l’esprit des apôtres, est monté au ciel le jour même de sa résurrection.

La deuxième partie de la citation ci-dessus : « auxquels il s’est également montré vivant après sa passion 16 », doit impliquer que l’instruction donnée aux apôtres a eu lieu avant sa passion, car si les instructions avaient été données après sa passion, il n’y aurait eu aucune raison d’ajouter qu’il s’était également montré vivant après sa passion.

Ce passage est obscur.

Il y a donc ici non pas une, mais deux difficultés à concilier avec Luc.

La première concerne le Saint-Esprit (c’est-à-dire le Consolateur) donnant des commandements aux apôtres avant la Passion du Christ ; l’autre, plus frappante, concerne le moment où il a communié avec ses disciples entre sa résurrection et son ascension.

Le Christ a promis à ses disciples élus qu’ils recevraient le « Saint-Esprit », mais il ne leur a pas donné de commandements par son intermédiaire pendant son ministère parmi eux.

Le « Saint-Esprit » (le Consolateur –παράκλητος) « n’était pas encore », dit Jean, « parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié ». (vii. 39.)

Et le Christ lui-même dit à ses disciples : « Cependant, je vous dis la vérité : il est avantageux pour vous que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le Consolateur ne viendra pas vers vous, mais si je pars, je vous l’enverrai 17. » (Jean xvi. 7.)

Et Luc dit également la même chose : « Et voici, j’enverrai sur vous la promesse de mon Père ; mais restez dans la ville (de Jérusalem) jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la puissance d’en haut. » (xxiv. 9.) C’est-à-dire jusqu’à ce qu’ils aient reçu de Lui le Saint-Esprit, le Consolateur, par lequel seul ils pourraient être guidés dans l’œuvre de leur mission, et leur intelligence ouverte. (Luc xxiv. 25.)

Nous venons de lire au verset 45 que le Seigneur leur avait ouvert l’esprit ; mais d’après les paroles citées au verset 49, il semblerait que leur illumination n’était pas tout à fait complète puisqu’ils devaient rester dans la ville 18 jusqu’à ce qu’ils aient reçu la puissance d’en haut.

Dans les mêmes circonstances rapportées par Jean, le Seigneur utilise les mots : « Recevez le Saint-Esprit. » (xx, 22.)

Nous pouvons donc supposer qu’ils ont reçu le Saint-Esprit du Seigneur, même si son action plénière en eux ne pouvait se développer qu’à mesure que leur perception mûrissait ; ils devaient rester dans la ville, c’est-à-dire demeurer dans le principe spirituel de l’amour et de la charité, et ainsi, en vérité, assurer cette consommation. (A. C., 402.)

Le « Saint-Esprit », troisième élément de la Trinité du Seigneur, n’était donc pas une influence préexistante à la passion et à la glorification du Christ, et ce n’est pas par lui que celui-ci donna des instructions aux apôtres pendant son ministère, bien que tout ce qu’il fit fût par « l’Esprit de Dieu ».

Les « Actes » s’attardent en effet immédiatement après, dans le deuxième chapitre, sur la descente visible du Saint-Esprit sur les différents apôtres qui, selon Jean et Luc également, l’avaient apparemment déjà reçu du Seigneur lui-même : il tomba aussi sur le douzième nouvellement choisi, Matthias, qui n’avait pas été appelé par le Seigneur. « Et il leur apparut des langues comme de feu, qui se posèrent sur chacun d’eux. » (Jean xx, 22 ; Luc xxiv. 45.) (Actes ii. 3.)

Les Évangiles nous donnent un récit différent. Jean dit : « Jésus leur dit encore : Que la paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Et, après avoir dit cela, il souffla sur eux et leur dit : Recevez le Saint-Esprit. » (xx, 21, 22.) Seuls dix disciples étaient présents à cette occasion ; Thomas l’incrédule était absent 19.

L’Évangile de Luc est très similaire à celui de Jean : « Et comme ils parlaient ainsi, Jésus lui-même se tint au milieu d’eux et leur dit : “La paix soit avec vous.” » (Luc xxiv. 36.)

« Alors il leur ouvrit l’esprit, afin qu’ils comprissent les Écritures. » (Luc xxiv. 45.)

L’ouverture de leur intelligence équivaut apparemment à la transmission du Saint-Esprit ; cela ne peut signifier autre chose.

Le récit de la descente du Saint-Esprit dans les « Actes » correspond bien à la notion paulinienne du corps pneumatique, et πνεῦπα – souffle, air – comme Saint-Esprit, « Esprit de vérité » : –

« Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d’un vent impétueux, qui remplit toute la maison où ils étaient assis. » (Actes ii. 2.)

Cela ne peut être concilié avec le récit des deux évangiles, qui montre clairement que le Seigneur lui-même a transmis le « Saint-Esprit » à ses disciples avant son ascension, ou du moins leur a donnée la capacité à le recevoir ; tandis que son action parmi eux n’a été complète qu’après son départ et son union avec le Père.

L’« Esprit divin » en tant qu’« Esprit de Dieu » et « Mon Esprit », c’est-à-dire l’Esprit de Jéhovah, est mentionné dans l’Ancien Testament, mais pas en tant que « Saint-Esprit » ; tandis que dans le Nouveau Testament, le Saint-Esprit est mentionné comme un afflux distinct du Consolateur, et est donc la Vérité divine procédant du Seigneur Jéhovah ; il a la même signification que « l’Esprit de Dieu », expression qui apparaît dans deux passages de Matthieu : le Saint-Esprit qui est descendu sur le Christ lors de son baptême, et l’Esprit par lequel il a chassé les démons : c’est un esprit ou un influx procédant de l’éternité.

Le Saint-Esprit promis par le Seigneur en tant que Consolateur est la Vérité divine qui émane de l’Humanité divine du Seigneur, et ce n’est pas un esprit éternel, comme l’affirme le Credo athanasien, mais un esprit ou une émanation qui trouve son origine dans la glorification et la rédemption de l’humanité par le Seigneur.

Ainsi, le « Saint-Esprit » mentionné avant le ministère du Christ, comme descendant sur lui et sur d’autres ou les remplissant, est l’Esprit de Dieu procédant de l’Essentiel Divin ; et le « Saint-Esprit » en tant que Consolateur (le Saint-Esprit de notre version autorisée) est l’Esprit de la Vérité divine émanant de l’Humanité divine du Seigneur ; et c’est cette Émanation particulière qui est comprise dans la doxologie commune du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et aucune autre 20.

Les commandements ne sont pas venus de cet Esprit aux apôtres pendant que le Christ demeurait avec eux ; bien que ce soit apparemment cet Esprit que le Seigneur ait insufflé à ses disciples juste avant son ascension.

La deuxième difficulté mentionnée est plus simple ; il s’agit de l’affirmation concernant les quarante jours passés avec eux, qui est en totale contradiction avec le récit de l’Évangile de Luc.

Ici, le compilateur affirme délibérément que le Seigneur est resté avec les apôtres, ou a été vu par eux, entre sa résurrection et son ascension, pendant quarante jours ; alors, si le compilateur des « Actes » et l’auteur de l’Évangile sont les mêmes, nous devrions trouver le même récit dans l’Évangile. Or, en réalité, nous trouvons quelque chose de très différent : saint Luc décrit toutes les actions du Seigneur après sa résurrection comme ayant eu lieu le même jour et la même nuit, ce qui constitue une différence très notable et une contradiction qui semblerait presque impossible si les deux livres provenaient de la même main. (Luc xxiv. 13, 33, 36, 51.)

Cette divergence montre au moins une négligence que l’on hésite à imputer à un évangéliste inspiré, à l’auteur d’un évangile authentique, et devrait être concluante, pour ceux qui acceptent les évangiles, contre toute identité de paternité.

Il est en outre difficile, voire impossible, de comprendre comment l’auteur d’un véritable évangile pourrait être le compilateur d’une rhapsodie aussi décousue que ce livre des « Actes des Apôtres », comme je pense qu’il n’est pas difficile de le montrer.

Son titre dans le plus ancien manuscrit connu, le Sinaïtique, est simplement « ACTES », mais le manuscrit du Vatican porte le titre « ACTES DES APÔTRES ». Et le livre est généralement accepté comme une histoire authentique des apôtres du Seigneur, alors qu’il n’en est rien : il s’agit purement et simplement d’une apologie de Paul, qui, aux premier et deuxième siècles, n’avait pas bonne réputation dans le monde chrétien ; il est donc écrit avec un grand parti pris, étant beaucoup plus un éloge funèbre qu’une biographie de « l’apôtre des Gentils », comme le monde aime à l’appeler. (Tischendorf, Nouveau Testament.)

Ce récit est certainement très imparfait en tant que biographie, car il ne donne ni le début ni la fin de la carrière de Paul.

Certains imaginent que l’absence de conclusion provient du fait que le récit a été écrit alors que Paul poursuivait encore activement sa carrière, à l’époque où l’auteur de la dernière partie le quitte, c’est-à-dire vers les années 61-62 après J.-C. ; alors que la vérité semble être que le livre a été compilé environ un siècle plus tard.

Le fait que la fin de la carrière de Paul nous manque dans les « Actes des Apôtres » montre que le livre n’est pas vraiment accepté comme les « Actes des Apôtres », mais plutôt comme l’histoire de « l’Apôtre des Gentils », et que Paul a tellement éclipsé les autres apôtres dans le récit qu’il est naturellement considéré comme le héros de cette histoire.

Si le livre était vraiment les « Actes des Apôtres », on ne chercherait pas plus la fin de la carrière de Paul que celle de Pierre, de Jean ou de tout autre des douze.

D’autres supposent que la fin du récit est volontairement abrupte, afin de donner l’impression que le livre a été compilé par un contemporain, en partie témoin oculaire des faits rapportés, et ainsi garantir sa consécration comme un récit authentique. Cependant, une telle astuce serait difficilement compatible avec les récits maladroits de la conversion de Paul et d’autres inexactitudes qui défigurent le récit et nuisent gravement à son autorité, au point de le condamner à rejoindre les limbes des autres livres apocryphes.

Le fait le plus probable est que l’auteur n’a donné aucune conclusion, pour la raison très suffisante qu’il n’en avait aucune à donner : lorsque le livre a été rédigé, toute tradition précise sur la fin de la carrière de Paul avait été perdue.

Avec la fin de ses activités missionnaires, que ce soit à Rome ou en Occident, il allait être progressivement oublié et sombrer dans l’oubli ; seuls quelques-uns connaîtraient sa véritable fin, et au bout d’un siècle, elle allait vraisemblablement être complètement oubliée.

Eusèbe, qui écrivait au début du IVe siècle, ne semble pas avoir su davantage sur Paul que ce que nous trouvons dans les « Actes » et dans les épîtres pauliniennes, outre la tradition très vague de son martyre, ce qui l’a conduit à supposer qu’il était mort à Rome, sous les persécutions de Néron. Bien que Clément de Rome (comme on le suppose), un écrivain beaucoup plus ancien, parle de son départ vers l’extrême ouest et de son martyre aux mains des gouverneurs 21. (Eccles. Hist., II, xxii.) (Cor., chap. v.)

On suppose que ce livre des « Actes » est mentionné dans l’histoire dès l’an 177 après J.-C. ; on avance qu’il est cité dans l’épître, largement extraite par Eusèbe, que les églises de Lyon et de Vienne adressent à celles d’Asie et de Phrygie 22, et dans laquelle les églises de Lyon et de Vienne rendent compte du martyre que leur a infligé la persécution romaine de l’église gauloise au cours de la dix-septième année de l’empereur M. Aurelius Antoninus. (Eccles. Hist., V., ii–iv.)

Mais cette lettre ne cite pas les « Actes », et bien qu’il soit tout à fait possible que le livre existait à la date de la lettre, soit en 177 après J.-C., la lettre n’apporte aucune preuve de son existence ; elle se contente de rapporter l’exclamation réputée attribuée à Étienne lors de son martyre : « Seigneur ! Ne leur impute pas ce péché », qui est déduite comme étant une citation du dernier verset du septième chapitre des « Actes » : « Seigneur ! ne leur impute pas ce péché. »

 

Κύριε, μὴ στήσῃς αὐτοῐς τὴν

ἁμαρτίαν ταύτην.

 

Et pourquoi cela devrait-il être une citation plutôt qu’un usage courant ?

Tout le monde s’accorde à dire, sauf ceux qui suivent le canon infaillible, qu’il s’agit d’une compilation datant au plus tôt de la seconde moitié du IIe siècle.

Cette lettre cite effectivement l’Évangile de Jean et le Livre de l’Apocalypse (Eusèbe, V., i) :

« Alors s’accomplit la déclaration du Seigneur : “Le jour viendra où tous ceux qui vous tueront penseront rendre un service à Dieu.” » (Jean xvi. 2.)

Et : « Afin que s’accomplissent les Écritures : “Que celui qui est injuste soit encore injuste, et que celui qui est juste soit encore juste.” » (Apoc. xxii. 11.)

On peut noter, à titre secondaire, la forte divergence entre le récit des « Actes » et l’Évangile de Matthieu en ce qui concerne la fin de Judas Iscariote. Ce dernier dit du Traître :

« Il jeta les pièces d’argent dans le temple, s’en alla, et alla se pendre. Les principaux sacrificateurs prirent les pièces d’argent, etc., et achetèrent avec elles le champ du potier, etc. C’est pourquoi ce champ a été appelé jusqu’à ce jour le champ du sang. » (Matth. xxvii. 5-8.) (Actes i. 18.)

Les Actes disent : « Or, cet homme acheta un champ avec le prix de son iniquité ; et tombant la tête la première, il se rompit par le milieu, et toutes ses entrailles se répandirent. » D’où le nom d’Aceldama, « le champ du sang ».

Bien sûr, pour ceux qui supposent qu’il s’agit du même auteur, l’Évangile de Luc doit être contemporain des « Actes », et au lieu d’avoir été écrit par un homme ayant eu une compréhension parfaite « de toutes choses depuis le commencement », il est composé par une personne qui a rassemblé les faits un siècle après leur occurrence, et qui ne peut donc pas les avoir connus depuis le début.

Ceux qui prétendent prouver que les deux livres ont été écrits par la même main pourraient donc avoir prouvé plus qu’ils ne le souhaitaient, car l’Évangile de Luc, s’il est contemporain des « Actes », perd un peu de son prestige auprès de ceux qui ne se réfèrent qu’à l’époque apostolique pour déterminer ce qui est authentique.

Si les livres ont des auteurs distincts, aucune imperfection des « Actes » ne peut rejaillir sur l’Évangile.

Les « Actes » étaient apparemment inconnus de Papias, Hégésippe, Justin, Ignace et Clément de Rome, voire du pseudo-Clément. C’est du moins une conclusion raisonnable, car aucune mention n’est faite de ce livre dans les écrits conservés de ces auteurs. (Zeller, Apostelgeschichte, pp. 49, 60.)

L’édition des Pères du Dr Pusey permet à Justin, dans son index, de citer les « Actes » ou d’y faire référence à plusieurs reprises ; il ne le fait certainement pas une seule fois.

Aucun passage référencé n’est cité, et seuls deux d’entre eux font l’objet de références marginales, sans aucune raison. Même s’il y avait une similitude approximative dans l’expression, cela ne signifierait rien.

De nombreux auteurs de l’époque écrivant sur le même sujet ne pouvaient éviter de s’exprimer de manière quelque peu similaire : cela va de soi.

Mais même si l’on insistait sur une citation, pourquoi pas celle du compilateur des Actes, de Justin, qui est selon toute probabilité, l’auteur antérieur ? Or, on n’y trouve aucune citation ni aucun semblant de citation. Les « Actes des Apôtres » n’ont pas leur place dans l’index, c’est une erreur totale.

La conclusion à laquelle on aboutit est que ce livre a été écrit dans la seconde moitié du IIe siècle et qu’il s’agit d’une pure compilation d’un auteur inconnu, délibérément arrangée dans un but d’unification ou pour exalter la réputation de Paul. Son exorde est soit un faux, soit une interpolation due à une mauvaise compréhension, soit même peut-être le titre authentique d’un bref document utilisé dans la compilation de la première partie du récit, antérieure à l’entrée en scène de Paul, récit qui a été incorporé et amplifié pour répondre à l’objectif du compilateur de l’ensemble de l’histoire.

Car il est tout à fait probable que le compilateur des « Actes » ait utilisé un bref récit des activités des apôtres après la résurrection de notre Seigneur, auquel il a ajouté sa propre suite. L’histoire entière de Paul proviendrait ainsi d’une autre source. Et cette histoire, telle que nous la trouvons aujourd’hui dans les « Actes », si l’on excepte les simples récits de ses voyages missionnaires d’un endroit à l’autre, semble être, pour l’essentiel, légendaire, fabuleuse et peu fiable, en particulier dans les récits de sa conversion « miraculeuse » et de ses miracles. Nous sommes heureusement mis en garde contre la légende de la conversion par les contradictions irréconciliables des trois versions qu’elle contient : pourtant, c’est parmi les orthodoxes la partie la plus chère de l’ensemble. Nous consacrerons le chapitre suivant à ce sujet.

 

 

 

CHAPITRE V.

 

CONVERSION DE SAUL DE TARSE : CONTRADICTIONS IRRÉCONCILIABLESLE SOULÈVEMENT DE THEUDAS – UN ANACHRONISME.

 

IL n’existe donc aucune preuve positive de l’existence des « Actes » dès 177 après J.-C., comme expliqué précédemment, et il y a donc peu de raisons de considérer cet ouvrage comme faisant autorité en tant qu’œuvre de l’époque apostolique.

Mais les preuves négatives, démontrant qu’il ne peut avoir aucune inspiration et ne devrait donc avoir aucune autorité, sont abondantes, même si ses affirmations peuvent dans plusieurs cas être fondées sur une tradition populaire, bien que trompeuse ; certains de ses faits historiques et biographiques peuvent également être fiables, comme par exemple les incidents ordinaires des derniers voyages de Paul.

Dans l’ensemble, cependant, il s’agit clairement d’une légende et d’une histoire, amplifiées et mélangées dans un but précis et avec un parti pris.

Par exemple, la conversion soudaine de Paul a peut-être eu lieu à la suite d’une circonstance particulière, sous l’effet du martyre d’Étienne, ou d’un rêve, ou même d’une autre révélation extérieure, mais le récit qui en est fait dans les « Actes » n’est certainement pas vrai ; il n’y a pas l’ombre d’un fondement à cette histoire dans les lettres de Paul lui-même, bien qu’il parle de son appel, tant aux Galates qu’aux Corinthiens.

Toute la tradition est irrémédiablement discréditée par le récit maladroit qui en est fait dans les « Actes ».

Ce livre contient trois récits distincts qui se contredisent, et tous trois sont contredits par Paul lui-même dans ses épîtres aux Galates et aux Corinthiens. Ces incohérences ne sont pas le fait des traducteurs, elles se trouvent dans le texte grec original, même dans le meilleur et le plus ancien des manuscrits, le Codex Sinaiticus. Cependant, ce ne sont pas seulement les récits de sa conversion qui sont contredits par Paul, mais aussi d’autres déclarations contenues dans les « Actes ».

Or, même si nous ne pouvons admettre l’autorité divine directe de Paul, ni son pouvoir judiciaire et autres prétentions personnelles scandaleuses dans ses différentes lettres, nous pouvons admettre ses simples déclarations de faits ou d’évènements : ainsi, l’épître aux Galates témoigne contre les « Actes » ; et nous supposons qu’il ne s’agit pas d’un faux témoignage.

Les « Actes » rapportent en substance la conversion « miraculeuse » de Paul, ainsi (Actes ix. 1, 3, 9, 17, 18) : –

Saul, ruminant encore des projets de menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur, se rendit à Damas. Soudain, une lumière venue du ciel resplendit autour de lui. Il tomba à terre et entendit une voix qui lui disait : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? »

Saul dit : « Qui es-tu, Seigneur ? » Et le Seigneur répondit : « Je suis Jésus (de Nazareth), celui que tu persécutes. »

Saul dit : « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? » Et le Seigneur lui dit : « Lève-toi, entre dans la ville, et on te dira ce que tu dois faire. »

Et quand Saul se releva de terre, ses yeux étaient ouverts, « mais il ne voyait personne » (ou rien οὐδέν αἔβλεπε), et ceux qui l’accompagnaient le prirent par la main et le conduisirent à Damas.

Il resta trois jours sans voir, et il ne mangea ni ne but. Alors Ananias, un disciple de Damas, qui avait été préparé par le Seigneur à cette fin, imposa les mains à Saul, et aussitôt il tomba de ses yeux comme des écailles, et il recouvra la vue aussitôt, et il fut baptisé.

Telle est en substance l’histoire telle qu’elle est racontée à deux occasions ; il existe cependant, comme nous l’avons dit, trois récits distincts et variés de cette conversion miraculeuse au Christ du grand persécuteur de l’Église du Seigneur, tous trois rapportés dans ce livre des « Actes » : aux chapitres ix, xxii et xxvi.

Premier récit. – Le compilateur nous dit, au chapitre ix, que lorsque la vision eut lieu, près de Damas, Saul tomba à terre, et les hommes qui l’accompagnaient (des soldats ou ses serviteurs ?) RESTÈRENT SANS VOIX, ENTENDANT UNE VOIX MAIS NE VOYANT PERSONNE εἱστήκεισαν ἐννεοί, ὰκούοντες μὲν τῆς φωνῆς, μηδένα δὲ ϑεωροῦντες. (ix. 3–7.)

Et le Seigneur lui dit : « Lève-toi, entre dans la ville, et on te dira ce que tu dois faire. »

Il ne lui est rien dit sur place, mais il lui est demandé d’aller à Damas, où il apprendra ce que le Seigneur veut qu’il fasse ! Remarquez bien ! C’est là toute l’instruction qu’il a reçue à l’occasion de la vision qui a interrompu son voyage.

Le récit ci-dessus est celui du compilateur, les deux suivants sont mis dans la bouche de Paul lui-même, qui raconte d’abord l’aventure aux Juifs convertis ou Nazaréens, à Jérusalem, après l’émeute dans le temple, puis, lorsqu’il est prisonnier, au roi Agrippa à Césarée.

Lors de cette première occasion, il est certain que Paul s’adressait aux Juifs chrétiens, si l’on se fie aux « Actes », qui semblent ici avoir conservé une tradition authentique, à savoir « les milliers qui croyaient et étaient zélés pour la Loi », qui avaient pris Paul à partie et l’avaient chassé du temple, le livrant aux autorités romaines (Actes xxi. 20) ; car il aurait dit : « Je suis vraiment un homme, etc., ... instruit selon la manière parfaite des Pères, et j’étais zélé envers Dieu, comme vous l’êtes tous aujourd’hui. Et j’ai persécuté cette voie jusqu’à la mort » (xxii. 4) : c’est-à-dire leur voie, la voie de ceux à qui il s’adressait, la voie chrétienne ; et il professe donc être à la fois un Juif zélé et un chrétien, ce qui n’est pas vraiment incompatible, car les Ébionites faisaient la même profession ; mais les professions de Paul ne correspondaient pas à ses actes. Il est alors amené à leur raconter sa conversion, leur montrant comment il est devenu l’un des leurs ; et c’est la deuxième version, dans le chapitre vingt-deux, qui contient la variation notable suivante par rapport au premier récit. (Actes xxii. 9, 10.)

Deuxième récit. – « Et je tombai à terre », etc. « Et ceux qui étaient avec moi virent bien la lumière, MAIS ILS N’ENTENDIRENT PAS LA VOIX DE CELUI QUI ME PARLAIT. »

Τὴν φωνὴν δὲ οὐκ ἤκουσταν τοῦ λαλοῦντός μοι : – inversant exactement ce que le narrateur lui-même avait déclaré au neuvième chapitre : – ENTENDANT UNE VOIX, MAIS NE VOYANT PERSONNE !

Pour un récit humain, cela n’a pas grande importance, mais lorsqu’il est présenté comme la Parole de Dieu, c’est tout à fait inadmissible.

Il poursuit : « Et le Seigneur me dit : Lève-toi, va à Damas, et là, on te dira tout ce que tu dois faire. »

Remarquez à nouveau, dans ce deuxième récit également, qu’il ne lui est rien dit de plus sur ce qu’il doit faire sur place, mais qu’il doit se rendre dans la ville pour recevoir ses instructions !

À Damas, il recouvre la vue et est baptisé par Ananias, comme nous l’avons vu plus haut. Il n’est cependant pas fait mention de « squames » tombant de ses yeux, mais il est dit : « Un homme pieux selon la loi, nommé Ananias, qui avait une bonne réputation auprès de tous les Juifs qui habitaient là, vint vers moi, se tint debout et me dit : Saul, mon frère, recouvre la vue. Et à l’instant même, je le regardai. » (xxii. 12, 13.)

Dans le premier récit, Ananias est qualifié de « disciple », donc de chrétien ; ici, il est juif, « homme pieux selon la loi » et « en bonne réputation auprès de tous les Juifs » qui habitaient à Damas. Telle est la deuxième version. (ix. 10.)

Troisième récit. – Au chapitre vingt-six, nous avons un récit totalement nouveau, toujours mis dans la bouche de Paul lui-même, devant Agrippa.

« À midi, ô roi, j’ai vu sur le chemin une lumière venant du ciel, plus brillante que le soleil, qui m’a enveloppé, moi et ceux qui voyageaient avec moi. » (Actes xxvi. 16, 18.)

« ET LORSQUE NOUS FÛMES TOUS TOMBÉS À TERRE » – πάντων δὲ καταπεσόντων ἡμῶν εἰς τὴν γῆν – « j’entendis une voix qui disait », etc.

Dans le premier récit, ses compagnons restaient sans voix, ils sont maintenant tous tombés à terre.

Et le Seigneur lui dit alors quelque chose à propos d’un voyage à faire à Damas, n’est-ce pas ? Eh bien, non ! Rien du tout à propos de Damas. Il n’a apparemment plus rien à apprendre à Damas !

La voix lui dit de se lever et de se mettre debout ; puis elle lui donna la longue exhortation paulinienne suivante : parler aux païens et leur ouvrir les yeux.

Et voici donc la mission directe de Paul auprès des Gentils ! Bien que dans le quinzième chapitre de ce même livre, la mission spéciale auprès des Gentils soit confiée à Pierre.

Observez maintenant l’étonnante allocution du Seigneur que Paul, stupéfait, aveuglé et abasourdi, emmené par ses compagnons, a consignée par écrit pour la postérité : –

« Car je t’ai apparu pour te faire ministre et témoin des choses que tu as vues et de celles pour lesquelles je t’apparaîtrai encore ; te délivrant du peuple et des Gentils vers lesquels je t’envoie maintenant pour leur ouvrir les yeux, afin qu’ils passent des ténèbres à la lumière et de la puissance de Satan à Dieu, afin qu’ils reçoivent le pardon des péchés et l’héritage (une part) parmi ceux qui sont sanctifiés par la foi en moi. » (Actes xxvi. 16-18.)

καὶ κληρον ἐν τοις ἡγιαομένοις πίστει τῃ εἰς ἐμέ.

Ainsi, il modifie complètement l’enseignement et ajoute dans la bouche du Seigneur, en passant, la doctrine nue de la foi, l’un des trois grands dogmes du paulinisme, qui ont subverti la véritable Église en détournant la vie du bien de la charité vers un simple système dogmatique : la Prédestination, la Justification, l’Imputation.

Cette troisième version, et variation, qui s’ajoute aux deux autres, est tout simplement absurde.

Qu’en est-il de Damas ? Qu’en est-il d’Ananias ?

Remarquez ici aussi une mission spéciale auprès des Gentils : comment concilier cela avec la déclaration de Pierre, dans ce même livre des « Actes » : « Vous savez que, depuis longtemps, Dieu m’a choisi parmi vous pour que les Gentils entendent par ma bouche la parole de l’Évangile et croient », etc. (xv. 7.) C’est tout à fait inconciliable : si le Seigneur avait spécialement choisi la bouche de Pierre pour prêcher aux païens, pourquoi était-il nécessaire d’envoyer cet autre pour leur ouvrir les yeux et les détourner des ténèbres ?

Pierre était-il incompétent ? Le véritable apôtre, qui avait été en communication intime et personnelle avec le Seigneur, avait-il négligé cette grande mission telle qu’elle est présentée ici, ou avait-il échoué dans cette mission ? À cette époque réputée, il était encore dans la vigueur ou la fleur de son ministère.

Nous savons en outre, grâce à Matthieu, que cette mission supposée confiée à Paul de prêcher aux païens était une œuvre superflue, car le Seigneur lui-même avait déjà envoyé les Onze vers les païens, « vers toutes les nations ».

Encore une fois, en ce qui concerne sa doctrine, cette instruction donnée au persécuteur fait du Seigneur la source d’un sentiment contraire au principe même de la vie tel qu’il est promulgué dans les Écritures, dans les Évangiles et dans les Psaumes, lorsqu’il est question de ceux qui sont justifiés par la foi ou sanctifiés par la foi, ce qui revient au même. (cxliii. 2.)

Le sujet de la foi est traité ailleurs, mais il convient ici d’attirer l’attention sur les derniers mots, qui sont en réalité l’essence même de l’instruction.

Nous lisons dans les Psaumes qu’« aux yeux de Dieu, aucun homme vivant ne sera justifié ». Si un homme est sanctifié par la foi, cela ne peut être par la foi seule, mais par la vie ou les œuvres qui découlent de la foi : prêcher la foi sans les œuvres n’est qu’un piège.

L’homme, dit Swedenborg, est justifié dans la mesure où il reçoit le bien du Seigneur. Et être sanctifié, c’est recevoir les vérités par le bien du Seigneur ; non pas que l’homme soit donc saint, mais que le Seigneur est avec lui. C’est-à-dire qu’il doit être dans la foi fondée sur la charité, ou dans le bien de l’amour envers son prochain, qui vient du Seigneur. (A. C., 9263, 10111.)

Ici, la vision et l’instruction sont l’affaire d’un instant ; il n’y a pas de processus préliminaire, pas d’introduction formelle, pas de développement progressif vers la conversion finale ; pas d’exhortation, pas de baptême. Le Seigneur apparaît et la direction est complète, Saul doit aller le proclamer aux Gentils, afin qu’ils aient une part avec ceux qui sont sanctifiés par la foi.

Ananias de Damas, qui joue ailleurs un rôle si important dans l’histoire et rend un témoignage si favorable à Paul, est complètement laissé de côté dans cette troisième occasion. Il n’y a pas non plus un mot sur la cécité, auparavant si importante, dans cette troisième version de l’histoire ; ni, par conséquent, aucune mention de la merveilleuse chute des écailles des yeux de Saul.

Damas, la cécité, Ananias et la guérison miraculeuse sont désormais oubliés.

D’abord, les compagnons sont restés sans voix, entendant une voix, mais ne voyant ni homme ni rien ; puis ils ont vu la lumière qui a aveuglé Paul, mais n’ont pas entendu la voix : dans ces deux cas, Paul n’a rien appris sur place, mais a reçu l’ordre de se rendre à Damas pour y recevoir des instructions, où il a recouvré la vue et a été baptisé.

Dans le troisième récit, ils tombent tous à terre, et Paul reçoit immédiatement l’ordre d’aller vers les païens, de leur ouvrir les yeux, de leur donner une part parmi ceux qui sont sanctifiés par la foi en Christ.

Et toutes ces divagations incohérentes sont froidement imposées par l’Église comme étant la « Parole de Dieu », et le livre relatant l’évènement de ces différentes manières est considéré comme étant « l’œuvre authentique et véritable de saint Luc 23 ».

Ce qui est certainement très remarquable, c’est que nous ne trouvons pas un mot de cette merveilleuse aventure dans aucune des épîtres de Paul lui-même ; il ne mentionne même pas le nom d’Ananias, par qui, selon les « Actes », il a été baptisé.

Il se contente de nous dire que le Seigneur s’est révélé à lui et lui est apparu après sa résurrection, qu’il a reçu son évangile directement de Jésus-Christ et qu’il n’a reçu aucune aide humaine. Paul n’a rien appris des apôtres choisis par le Seigneur, bien qu’il ait été leur contemporain ! Et si nous acceptons cette affirmation, nous n’avons pas besoin de chercher plus loin l’explication du fait qu’il n’y a rien de commun entre l’enseignement de Paul et celui de Jésus-Christ.

Le compilateur poursuit en disant :

Après plusieurs jours, « lorsque Saul arriva à Jérusalem, il tenta de se joindre aux disciples du Christ ; mais ils avaient tous peur de lui et ne croyaient pas qu’il fût un disciple » (Actes ix. 26, 27) ; ici, il ne fait aucun doute qu’il nous donne une tradition authentique : lorsqu’il affirmait être chrétien, on ne le croyait pas. Barnabas, cependant, a résolu cette difficulté en racontant aux apôtres comment Saul avait vu le Seigneur en chemin et avait prêché l’Évangile à Damas, de sorte qu’il allait et venait avec les apôtres.

Remarquez ici une autre inexactitude, car selon le récit, Saul n’a pas vu le Seigneur dans sa vision ; il a vu une lumière, mais aucune personne.

Or, Paul lui-même nous dit dans sa lettre aux Galates que plusieurs années s’écoulèrent avant qu’il ne se rende à Jérusalem ; que lorsque Dieu eut bon de lui révéler son Fils, il ne s’entretint pas avec de la chair et du sang, et ne se rendit pas à Jérusalem auprès des apôtres, mais partit pour l’Arabie. (Gal. i. 15.)

Il s’enfuit de Damas, dit-il, pour échapper au gouverneur du roi Arétas ; on ne nous dit pas pourquoi ses amis le descendirent par une fenêtre dans un panier, comme il le raconte aux Corinthiens. (2 Cor. xi. 33.)

C’est son propre récit ; le compilateur des « Actes » dit que Paul a fui les Juifs de Damas, qui, déconcertés par sa prédication du Christ, avaient décidé de le tuer : il s’est donc enfui pour la cause du christianisme. Pourtant, il vient de nous dire qu’Ananias, qui a baptisé Paul, était un homme en bonne réputation auprès de tous les Juifs de Damas ! Ne savaient-ils pas qu’il était chrétien ? (Actes ix. 22, 25.)

Paul revint cependant, avec le temps, à Damas, puis, après trois ans (on ne sait pas s’il s’agit de trois ans après sa conversion ou après son retour à Damas), il se rendit à Jérusalem pour voir Pierre, avec qui il demeura quinze jours ; et il dit qu’il ne vit personne d’autre que Pierre et Jacques. Et il jure qu’il ne ment pas, ce qui semble indiquer qu’il s’attendait à avoir du mal à être cru. (Gal. i.)

Ces différences sont si courantes qu’il est difficile d’accepter le fait que le compilateur des « Actes » connaissait les épîtres de Paul, à moins qu’il n’ait supposé que ses lecteurs les ignoraient tellement qu’elles ne pouvaient constituer un obstacle matériel à son projet de conciliation ou d’unification.

L’époque des manuscrits n’était pas comparable à celle des livres imprimés ; les manuscrits étaient reproduits, mais ils étaient coûteux et n’étaient accessibles qu’à quelques privilégiés. Il était donc tout à fait possible que même un homme bien informé ignore l’existence de manuscrits relativement courants et assez largement diffusés.

En outre, les manuscrits n’étaient pas aussi nombreux que les milliers de livres imprimés d’aujourd’hui.

Qui pourrait compter le nombre actuel de recueils imprimés des épîtres pauliniennes ? Pourtant, le Dr Tischendorf ne connaît que dix-neuf copies de ces épîtres sous forme de manuscrits disponibles pour ses collations. (Nov. Test. Gr., vol. ii.)

Et parmi les merveilleuses histoires des « Actes », l’une des plus étonnantes est celle de l’incendie des « livres de magie » à Éphèse : –

« Beaucoup de ceux qui pratiquaient les arts magiques apportèrent leurs livres et les brûlèrent devant tout le monde ; ils en estimèrent la valeur à cinquante mille pièces 24 d’argent ! » (Actes xix. 19.)

Les manuscrits, avant ce bûcher du moins, ne devaient donc pas être très rares à Éphèse ; et tout cet amas onéreux portait sur un seul sujet : la magie.

Un autre exemple de négligence, qui relève de l’anachronisme, se trouve dans le discours prononcé par Gamaliel au nom des chrétiens, après le martyre d’Étienne, lors de la première persécution, et après les troubles et la panique immédiate causés par Saul parmi les disciples à Jérusalem.

Les « Actes » font dire à Gamaliel à cette occasion, c’est-à-dire avant la conversion de Saul : « Car avant ces jours-là, Theudas s’est levé » ; « et après cet homme, Judas de Galilée ». (Actes v. 36.)

Or, cette agitation de Theudas, loin d’être un évènement du passé, n’avait même pas eu lieu et ne se produisit que quinze ans plus tard, sous le procurateur Cuspius Fadus, vers la fin du règne de l’empereur Claude, vers l’an 48 après J.-C., soit plus d’un demi-siècle après la date qui lui est attribuée ici.

Josèphe donne un compte rendu détaillé de l’incident, montrant d’emblée qu’il ne doit pas être confondu avec un autre soulèvement ; et le récit des « Actes » n’est qu’un bref résumé de l’évènement, mentionnant simplement le massacre de Theudas et de ses partisans, probablement tiré de Josèphe 25. (Antiq., XX., v., 1.)

Cet anachronisme seul indiquerait que le livre n’a pas été écrit, en mettant les choses au plus tôt, moins d’un demi-siècle après les troubles causés par Theudas.

L’historien juif dit : – « Or, il arriva, pendant que Fadus était procurateur de Judée, qu’un certain magicien, nommé Theudas, persuada une grande partie du peuple de prendre leurs effets avec eux et de le suivre jusqu’au Jourdain ; car il leur disait qu’il était prophète et qu’il allait, par son propre ordre, diviser le fleuve et leur permettre de le traverser facilement ; et beaucoup furent séduits par ses paroles.

« Cependant, Fadus ne leur permit pas de tirer profit de cette tentative insensée, mais envoya contre eux une troupe de cavaliers qui, les attaquant par surprise, en tuèrent un grand nombre et en capturèrent beaucoup d’autres. Ils capturèrent également Theudas, le décapitèrent et emportèrent sa tête à Jérusalem.

« Voilà ce qui arriva aux Juifs sous le gouvernement de Cuspius Fadus. »

Dans les « Actes », nous avons : –

« Avant ces jours-là, Theudas s’était levé, se vantant d’être quelqu’un, et environ quatre cents hommes s’étaient joints à lui ; il fut tué, et tous ceux qui lui obéissaient furent dispersés et réduits à néant.

« Après cet homme, Judas de Galilée se leva, au temps du recensement, et attira beaucoup de monde à sa suite ; lui aussi périt, et tous ceux qui l’avaient suivi furent dispersés. » (Actes v. 36, 37.)

Aucun écrivain consciencieux ne rapporterait un incident qui s’est produit quelques années seulement avant qu’il n’écrive, ou à son époque immédiate, plus de deux générations auparavant, mais ce serait une erreur très facile à commettre pour quelqu’un qui écrirait un siècle plus tard environ.

Ceux qui insistent sur le fait que Luc est l’auteur de ce livre et qui, par conséquent, soutiennent qu’il s’agit d’un récit contemporain, ont beaucoup de mal à concilier cet anachronisme ; ils dénouent hardiment le nœud en le coupant.

Et bien qu’ils soient obligés d’admettre que Gamaliel et Josèphe parlent de Theudas, et que Josèphe explique qu’il s’est soulevé lorsque Cuspius Fadus était procurateur de Judée, à l’époque de l’empereur Claude, ils en déduisent que Gamaliel aurait dit en réalité Matthias, qui a été exécuté sous Hérode le Grand, pendant le procuratorat de C. Sentius Saturninus, à l’époque de l’empereur Auguste, et cela afin de se conformer à leur théorie sur Luc, en avançant l’incident d’environ soixante ans et en introduisant un homme qui a péri dans des circonstances différentes.

Josèphe n’a pu confondre les noms ou les dates, car il mentionne Cuspius Fadus à trois reprises dans son récit ; et le discours apocryphe de Gamaliel, fidèle dans l’ensemble à la nature du soulèvement, dit clairement que ce Theudas, « se vantant d’être quelqu’un », un prophète peut-être ? – s’est levé avant Judas de Galilée, qui s’est lui-même levé à l’époque de l’imposition, c’est-à-dire du recensement de P. Sulpicius Quirinus, qui a été effectué lors de son premier gouvernement de Syrie, en 750 avant J.-C., ou 4 avant J.-C., l’année la plus probable de la naissance du Christ ; et c’était l’année de la mort d’Hérode le Grand ; le Christ est venu, et Hérode, après avoir massacré les enfants de Bethléem, est parti.

Bien sûr, si l’auteur des « Actes » avait écrit Matthias, et si les circonstances de la révolte pouvaient être harmonisées, il n’y aurait pas d’anachronisme, mais ce n’est malheureusement pas le cas, et tout le discours tombe à l’eau, et nous avons une erreur insurmontable dans laquelle aucun contemporain n’aurait pu tomber 26.

Nous allons maintenant examiner de manière générale la situation des deux partis dans l’Église naissante, à savoir le parti pétrinien et le parti paulinien, ou les ébionites et les universalistes, comme on appelle parfois les disciples de Paul.

Alors que le parti paulinien était stigmatisé comme antinomien, les ébionites étaient méprisés et qualifiés de judaïsants : telle était la situation jusqu’à ce que le rite de la circoncision disparaisse progressivement dans les familles chrétiennes et redevienne la marque distinctive des Juifs.

 

 

 

CHAPITRE VI.

 

LES ÉBIONITES – LE PREMIER ÉVANGILE – CIRCONCISION OU BAPTÊME, OU LES DEUX – CIRCONCISION NON MOSAÏQUE – LE PACTE D’ANTIOCHE.

 

PIERRE, Jacques et Jean étaient considérés comme les « piliers » de l’Église, et Pierre était considéré comme son chef, apparemment d’après les paroles du Seigneur dans Matthieu.

Il était en particulier le chef de toutes les communautés ébionites, c’est-à-dire les communautés des convertis juifs de Judée.

Jacques était le chef particulier de l’Église ou de la communauté de Jérusalem, ainsi que du collège des anciens qui s’y trouvait.

Les Nazaréens et les Ébionites étaient apparemment des surnoms donnés par les Juifs aux premiers convertis au Christ parmi eux, bien que ces deux noms aient très bien pu être adoptés par eux-mêmes.

L’origine du nom « Nazaréens » est évidente, mais les récits divergent quant à l’origine de la désignation « Ébionites ».

Eusèbe dit qu’ils étaient appelés Ébionites parce qu’ils avaient une conception méprisante ou médiocre du Christ, ce qui est manifestement inexact. Il les décrit comme une secte d’hérétiques qui continuaient à maintenir la validité de la loi mosaïque dans son intégralité, ce qui montre que l’influence de Paul était déjà dominante à l’époque d’Eusèbe, au début du IVe siècle. (E. H., III., xvii.)

Les Ébionites, remarque-t-il, rejetaient les épîtres de Paul, ce qu’ils étaient tenus de faire en tant qu’adeptes de l’Évangile selon les Hébreux, et ils dénonçaient leur auteur comme un apostat de la Loi.

« Ils pensaient », dit Eusèbe, « que toutes les épîtres de l’apôtre (Paul) devaient être rejetées ; ils le qualifiaient d’apostat de la loi ; et n’utilisant que l’Évangile selon les Hébreux, ils considéraient les autres comme ayant peu de valeur. Ils observaient également le sabbat et les autres rites des Juifs, tout comme eux ; mais, d’autre part, ils célébraient aussi les jours du Seigneur, tout comme nous, en commémoration de sa résurrection. C’est pourquoi, en conséquence d’une telle conduite, ils ont également reçu leur épithète, le nom d’Ébionites, qui témoigne de la pauvreté de leur intellect. Car c’est ainsi que les Hébreux appellent un homme pauvre. »

L’« Évangile selon les Hébreux » mentionné ici, le plus ancien évangile dont on parle, était apparemment l’Évangile de saint Matthieu, en araméen, soit dans sa forme actuelle, soit, plus probablement, dans une forme antérieure à celle du Matthieu canonique : les autres évangiles n’existaient peut-être pas encore quelques années plus tard, à peine du vivant de Paul 27.

Cette définition des « Ébionites » par Eusèbe peut être remise en question ; il en existe une autre qui montre que cette désignation, loin d’être un terme péjoratif, était en fait un titre honorifique.

La racine du nom est certainement l’hébreu אבין   Ebion « pauvre », mais choisi en référence aux paroles du Seigneur dans Matthieu :

« Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux. » (Voir Gesen., Heb. Lex., à l’article Ebion. Matt. v. 3.)

Mais les chrétiens au sens de la Nouvelle Église, bien sûr, n’étaient pas ébionites ; car, pour eux, le Christ n’était qu’un homme, bien que Fils de Dieu.

Épiphane, évêque de Salamine (vers 400 après J.-C.), parle d’un certain Ébion comme du fondateur de la secte des Ébionites, mais il se trompe sans doute. (Épiph., Contra Haereses, xxx, b. i., vol. ii. p. 40. Basile, 1678.)

Ils croyaient, dit-il, que le Christ était le fils de Joseph et non divin ; ils observaient le sabbat, le rite de la circoncision et toute la loi. Ils étaient en fait des Juifs qui acceptaient la mission du Christ sans avoir la moindre conception de sa nature divine.

Ils ont sagement rendu le mariage obligatoire. Est-il possible que Paul ait méprisé le mariage en partie dans un esprit d’opposition à ses grands antagonistes ? Tout comme Luther a ensuite condamné les œuvres dans un esprit d’hostilité envers les catholiques.

Épiphane, cependant, parlait probablement d’un développement ultérieur des Ébionites par rapport aux contemporains de Paul.

Il ne fait aucun doute qu’un chrétien est un juif, le vrai chrétien étant le vrai ou le nouveau juif ; mais il y a des juifs qui acceptent le Christ et des juifs qui le rejettent, et qui se considèrent liés par la lettre du rituel mosaïque. Les Ébionites se situaient quelque part entre les deux.

Quelle que soit l’origine du nom, Ébionite a longtemps été la désignation courante des premiers chrétiens juifs ; le terme Chrétien n’a été adopté que plus tard. C’est un nom qu’ils ont pris à Antioche, et qui a longtemps désigné plutôt les communautés hellénistiques et païennes que les Juifs de Judée, auxquels le terme Ébionite est resté attaché jusqu’au rapprochement progressif des deux grands partis, celui de Pierre et celui de Paul, ou celui des Juifs et celui des Hellénistes et des païens 28.

Lorsque les communautés juives cessèrent d’insister sur le rite de la circoncision comme nécessaire pour un converti au christianisme et qu’elles devinrent catholiques, toutes les autres divisions furent comprises dans la catégorie générale des hérétiques.

C’est le soi-disant universalisme de Paul, c’est-à-dire le fait de soutenir que le christianisme s’adressait autant aux Gentils qu’aux Juifs, en fait à tous ceux qui croyaient (Rom. vii. 7), et son rejet consécutif de la LOI comme un simple obstacle, qui a exacerbé le conflit entre les disciples de Pierre et Jacques et ceux de Paul.

Paul proclamait que le baptême remplaçait la circoncision ; Pierre et Jacques auraient surtout soutenu la compatibilité des deux ; le cas de Pierre est quelque peu incertain.

Il y eut donc pendant un certain temps deux évangiles et deux camps : celui de Pierre et Jacques, l’évangile de la circoncision (τῆς περιτομῆς), et celui de Paul, l’évangile du prépuce (τῆς ἀκροβυστιας) ou de l’incirconcision.

Nous devrions peut-être être reconnaissants à Paul que son parti, à cet égard, ait pu finalement imposer sa domination ; à vrai dire, il ne pouvait guère en être autrement, car les Gentils avaient sans doute progressivement surpassé les Juifs en nombre, au point de réduire ces derniers au fil des ans à une minorité tout à fait insignifiante en comparaison ; pourtant, à l’époque de Paul, la majorité des chrétiens devaient être juifs.

Il était peut-être tout à fait naturel pour la majorité des Juifs de considérer le christianisme comme un simple appendice du judaïsme, comme une continuation et un développement appropriés de leur propre religion, dont il était issu. Mais il était injustifiable et vain de leur part d’insister pour qu’un homme devienne juif avant de pouvoir devenir chrétien, c’est-à-dire qu’il soit circoncis avant de pouvoir être baptisé ; une vision étroite, si elle est avérée, qui justifie pleinement l’opposition vigoureuse et même passionnée de Paul, sans qu’il soit nécessaire d’en chercher les motifs ; il est même allé jusqu’à dire que le Christ ne pouvait être d’aucune utilité à celui qui se soumettait à la circoncision. (Galates v. 2.)

C’était là une opinion extrême, qui aurait dû être formulée plutôt dans l’autre sens, à savoir que la circoncision était tout à fait vaine pour le chrétien en tant que rite représentatif, et donc morte pour le christianisme.

La pratique de Paul lui-même n’était certainement pas conforme à cette opinion forte contre la circoncision, si l’on en croit les « Actes » sur ce point.

Est-il toutefois nécessaire qu’un homme devienne juif en étant circoncis ? La circoncision n’est qu’un signe représentatif de la purification de l’amour de soi et du monde, tout comme le baptême est un mémorial et un symbole de régénération et de purification des maux, et une introduction à l’Église.

La circoncision appartenait à l’Église primitive et était bien plus ancienne qu’Abraham, avec qui elle a simplement été rétablie.

La véritable circoncision est celle du cœur ; par conséquent, tous ceux qui sont purifiés de l’amour de soi et du monde sont circoncis spirituellement. Et comme dans l’Église primitive après le déluge, le prépuce représentait les amours les plus extérieures, sa circoncision était le signe de la purification. (A. C., no 4462.) (Jérémie iv. 3, 4 ; ix. 25, 26.)

Une Église représentative est composée de symboles, et les nations qui étaient incapables d’embrasser les vérités spirituelles ont été autorisées à être représentatives ; mais le Seigneur a aboli le système des représentations et a enseigné les vérités intérieures. À la place des représentations qui ont été abolies, les deux mémoriaux du baptême et de la Sainte Cène ont été institués. (A. C., 4904.)

Le vrai chrétien n’a donc rien à voir avec la circoncision naturelle. Il y a un passage dans l’Évangile de Jean qui montre que ce rite n’était pas une particularité de la loi de Moïse, car le Christ dit aux Juifs : « Moïse vous a donné la circoncision, non pas parce qu’elle vient de Moïse, mais parce qu’elle vient des pères » – ἐκ τῶν πατέρων. Les patriarches ?

C’est la circoncision spirituelle qui est signifiée par Isaïe lorsqu’il parle de l’Église ou de la Nouvelle Jérusalem : « Réveille-toi, réveille-toi, revêts-toi de ta force, ô Sion ! Revêts-toi de tes habits de fête, ô Jérusalem, ville sainte ! Car désormais, l’incirconcis et l’impur n’entreront plus en toi. »

Le véritable chef du parti de la Loi, non seulement de la circoncision, mais de toute la loi de Moïse, était l’apôtre Jacques, à Jérusalem, et son frère Jude était son partisan. Car les chrétiens d’origine juive, bien que chrétiens, restaient des Juifs.

Les épîtres de Jacques et de Jude sont manifestement écrites pour faire pièce à la doctrine antinomienne de Paul et de ses disciples : il n’y avait en effet aucun autre parti contre lequel écrire.

Paul ne réussit jamais à obtenir la tolérance de l’Église de Jérusalem ; indépendamment de ses hérésies, ses persécutions étaient trop présentes dans les mémoires pour qu’il puisse y être accueilli avec une patience ou une courtoisie normales. Il était considéré comme « l’ennemi » (ὁ ἐχϑρὸς), autant après sa conversion qu’avant. Il était « l’homme haïssable », d’abord en raison de son zèle excessif pour la Loi contre les Nazaréens, puis dans sa croisade contre la Loi ; dans son rejet sans distinction de la circoncision et sa prédication générale d’un évangile indépendant de la foi, remplaçant les « œuvres de la loi », par lequel, comme le montre le chapitre XIV, il met non seulement de côté le rituel de Moïse, mais aussi la loi elle-même, le Décalogue.

Il est toutefois notoire que Paul était universaliste et que Pierre appartenait au parti des Ébionites ; pourtant, le compilateur des Actes, dans son souci excessif d’établir une harmonie ou un accord général entre les convertis chrétiens et d’ignorer les divisions introduites par Paul et l’hostilité qui en résulta entre Pierre et Paul, fait en fait de Pierre le défenseur des revendications des Gentils et de Paul l’Ébionite ou le circoncis. (Actes xvi. 3.)

Lors de la réunion à Jérusalem, Pierre est présenté comme l’apôtre choisi des Gentils, et comme dépréciant la pratique consistant à insister sur la circoncision pour les convertis parmi eux, tandis que, dans les « Actes », Paul n’a pas un mot à dire contre la circoncision dans ces discussions. Et non seulement cela, mais il est amené à circoncire Timothée juste après la conférence d’Antioche, qui s’est pourtant prononcée contre la circoncision des Gentils.

« Pierre se leva et leur dit : “Hommes et frères, vous savez que, depuis longtemps, Dieu a fait un choix parmi nous, afin que les païens entendent la parole de l’Évangile par ma bouche et croient. Pourquoi donc tentez-vous Dieu en imposant aux disciples un joug que ni nos pères ni nous-mêmes n’avons pu porter ?” » (Actes xv. 7, 10.)

C’est-à-dire le rituel de Moïse.

Paul lui-même donne une vision très différente de l’affaire, dans le deuxième chapitre de son Épître aux Galates, où il se vante d’avoir réprimandé Pierre pour avoir agi dans un esprit directement contraire, c’est-à-dire pour avoir été un judaïsant : « J’ai dit à Pierre, devant tous : Si toi, qui es Juif, tu vis à la manière des païens et non à la manière des Juifs, pourquoi contrains-tu les païens à vivre à la manière des Juifs ? » (Gal. ii. 14.)

Ce qui contredit clairement les « Actes ». Et il s’ensuivrait une extraordinaire déformation de la part des « Actes », car nous savons que l’épître est authentique ; nous ne pouvons pas en dire autant des « Actes ».

La déclaration des « Actes » ne peut avoir été rédigée que dans un but précis ; ce n’est pas une inadvertance. Bien que Pierre ne semble pas avoir pris la même part active en faveur de la circoncision que Jacques, il était tout à fait opposé à Paul et à son évangile antinomien.

Le résultat des délibérations à Jérusalem et à Antioche fut une lettre de Jacques et des anciens de Jérusalem, selon laquelle les païens devaient être dispensés de la nécessité de la circoncision, mais devaient « s’abstenir des souillures des idoles, de la fornication, des animaux étouffés et du sang ». (Actes xv. 20, 29.)

C’était le « pacte d’Antioche ». Un accord que Paul semble avoir ignoré selon les « Actes », et on n’y voit guère l’ombre d’un souvenir ou d’un égard à ce sujet dans ses propres lettres.

En fait, il serait difficile de trouver un seul sujet sur lequel il existe un véritable accord entre le livre des « Actes » et les épîtres pauliniennes.

Pourtant, dans chaque déclaration historique concernant l’autorité et le développement de l’Église apostolique telle qu’elle est acceptée aujourd’hui, nous trouvons les « Actes des Apôtres » cités comme autorité infaillible et sans appel par les orthodoxes. Et tout porte à croire que c’est précisément dans ce but que le livre a été initialement rédigé, en tant que référence absolue pour répondre aux besoins d’un certain groupe qui ne trouvait pas dans les Évangiles ce qu’il y recherchait ; mais quelle que soit la circonspection avec laquelle il été conçu, il demeure que, dans sa sagesse mondaine, il n’est pas exempt des incohérences qui s’insinuent inévitablement dans tout récit qui n’est pas entièrement authentique.

Aucune histoire, aussi bien ficelée soit-elle, et aussi innocente soit-elle, ne peut se comparer à la vérité simple et impartiale. Dans les « Actes des Apôtres », il n’y a pas un seul récit dont la vérité simple se proclame d’elle-même ou puisse être affirmée avec certitude ; même si certains peuvent être vrais, il n’est pas prudent de dire d’un passage qu’« il faut qu’il soit vrai », mais nous pouvons affirmer avec certitude que de nombreux passages « ne peuvent pas être vrais ».

 

 

 

CHAPITRE VII.

 

LES MIRACLES DE PIERRE ET DE PAUL.

 

EN ce qui concerne les miracles accomplis par Pierre et Paul, le parallélisme est si extraordinaire qu’il en devient tout à fait incroyable et improbable ; il est manifestement inventé. Ce récit ne peut guère provenir d’une simple rumeur vulgaire, il a dû être arrangé pour l’occasion, car le parti pris de l’auteur pour établir la gloire de son héros dans ces relations est trop évident.

Le bon sens est oublié dans le seul but de magnifier Paul en montrant que ses pouvoirs surnaturels n’étaient en rien inférieurs à ceux du prince des apôtres et compagnons du Seigneur ; en effet, Pierre et Jean semblent n’apparaître dans le livre que pour justifier le titre et faire valoir Paul, car leurs actes respectifs, comme ceux des autres apôtres, sont à peine évoqués.

Mais la réputation de Pierre était grande, et l’objectif du compilateur était de montrer que Paul n’était pas moins méritant.

Ainsi, si Pierre et Jean ont guéri un boiteux à Jérusalem, à la « Belle Porte », ou Énée à Lydda, Paul et Barnabas ont eux aussi guéri un infirme à Lystre, et Paul, le père de Publius, à Malte. Si Ananias et Saphira ont été frappés de mort par le pouvoir de Pierre à Jérusalem, Elymas le sorcier n’a-t-il pas été frappé de cécité par l’intervention de Paul de Paphos, même si ce n’était que pour un temps ? (Actes iii. 6, 7 ; ix. 34 ; xiv. 8 ; xxviii. 7.) (Actes v. 5, 10 ; xiii. 6.)

Et après tout, de quel genre de miracles s’agit-il ? Terribles et vindicatifs ! Ce n’était pas là l’esprit des miracles du Seigneur, qui étaient bienfaisants.

Même ceux des porcs et du figuier ont une haute signification spirituelle.

Et si l’ombre de Pierre avait même le pouvoir de guérir les malades à Jérusalem et dans ses environs, c’est-à-dire que des guérisons étaient opérées par l’interception momentanée du soleil par son corps, est-il moins merveilleux que des démons aient été chassés par le contact avec les vêtements sales de Paul à Éphèse ? (Actes v. 15, 16.) 

« Et Dieu accomplissait des miracles extraordinaires par les mains de Paul, de sorte que l’on apportait aux malades des mouchoirs ou des tabliers qui avaient touché sa peau, et les maladies les quittaient, et les mauvais esprits sortaient d’eux 29 (Actes xix. 11, 12.)

Le pouvoir de l’ombre de Pierre était cependant peut-être plus merveilleux, car il n’y avait ici aucun contact : « À tel point qu’ils amenaient les malades dans les rues et les couchaient sur des lits et des divans, afin que l’ombre de Pierre, en passant, couvre au moins certains d’entre eux. » « Et ils étaient tous guéris. »

On trouve un parallèle dans chaque cas, aussi remarquable soit-il ; et ces derniers semblent être des miracles d’une nature très extraordinaire, voire miraculeuse.

Une interception des rayons du soleil par le corps de Pierre ! Et des exsudats provenant du corps de Paul ! Ayant des propriétés curatives et purificatrices surnaturelles.

Pierre et les apôtres ont été miraculeusement libérés de la prison commune de Jérusalem par un ange qui a ouvert les portes ! (Actes v. 19.)

Ce prodige trouve lui aussi son parallèle dans la libération de Paul et Silas à Philippes.

« La même nuit, Pierre dormait entre deux soldats, lié de deux chaînes ; et voici, l’ange du Seigneur vint sur lui, et ses chaînes tombèrent de ses mains, et il sortit », etc. (Actes xii. 7.)

La libération de Paul et Silas semble quelque peu plus miraculeuse : –

« Vers minuit, Paul et Silas priaient, et les prisonniers les entendaient ; soudain, il y eut un grand tremblement de terre, qui ébranla les fondations de la prison ; aussitôt toutes les portes s’ouvrirent, et les liens de tous se détachèrent. » (xvi. 25.)

Si Pierre a ressuscité Tabitha à Joppé, Paul n’a-t-il pas également ressuscité Eutychus à Troas ? Il est vrai que lorsque Paul s’est approché du jeune homme tombé, il a observé : « Ne vous troublez pas, car il est vivant. » Néanmoins, le compilateur considère cela comme un miracle de Paul. (Actes xx. 10.)

Si Pierre avait des visions et recevait la visite du Seigneur et de ses anges, Paul en avait aussi, voire davantage, sans omettre les doubles visions, ni les visites complémentaires, lorsque deux personnes reçoivent la visite pour un même objet. (Actes x. 11 ; xviii. 7 ; xxvii. 20.)

Pourtant, si l’on omet les mentions occasionnelles de visions et de rêves ou de révélations venues d’en haut, Paul ne revendique ni ne mentionne aucun de ces miracles dans ses propres épîtres, et l’on pourrait imaginer que dans ses nombreuses vantardises, il aurait fait usage de certaines de ces preuves extraordinaires de pouvoir spirituel ou surnaturel s’il avait été conscient d’avoir jamais accompli quoi que ce soit de ce genre, comme le lui attribue son apologiste enthousiaste. La modestie n’était certainement pas l’une des vertus ou des faiblesses de Paul.

Le seul miracle que Paul revendique pour lui-même est omis dans les Actes, à savoir qu’il est resté une nuit et un jour au fond de la mer ! Ou littéralement, dans les profondeurs des eaux ἐν τῷ βυϑῷ. (2 Cor. xi. 25.)

 

 

 

CHAPITRE VIII.

 

SIMON LE MAGICIEN OU PAUL ? – LE PREMIER HÉRÉSIARQUE – LES HOMÉLIES CLÉMENTINES ET LES RECONNAISSANCES, EN RÉALITÉ CONTRE PAUL.

 

LE mythe de Simon le Magicien est une autre source de mystification dans cette histoire mouvementée de Paul.

Ce Simon le Magicien est présenté par le compilateur des « Actes » comme un personnage réel, converti et baptisé par Philippe en Samarie ; et lorsque Pierre et Jean sont arrivés là-bas, Simon leur aurait offert de l’argent afin qu’ils lui donnent le pouvoir de transmettre le Saint-Esprit par l’imposition des mains.

Pierre a bien sûr refusé et l’a sévèrement réprimandé pour avoir imaginé que les dons spirituels pouvaient s’acheter avec de l’argent. D’où le terme de simonie. C’est ce refus et cette réprimande qui ont été la cause de la haine invétérée de Simon envers Pierre. Il est tout à fait possible qu’un tel incident se soit produit, mais pas avec ce prétendu Simon le Magicien, dont l’existence même est un mythe.

En présentant Simon comme un personnage historique, un magicien samaritain hostile à Pierre avant la conversion de Paul, le chroniqueur (que ce soit par astuce ou par une ignorance due au temps écoulé et à la confusion des traditions, peu importe) a habilement détourné de Paul toute l’odieuse réputation attachée aux actes et aux professions de foi de Simon, que les convertis au christianisme de l’époque identifiaient pourtant aux actes et aux professions de foi du soi-disant apôtre des Gentils lui-même. (Hilgenfeld, Recognitionen, etc., p. 327.)

Le Simon le Magicien des premiers Pères de l’Église, l’ennemi juré de Pierre et des autres apôtres, n’est qu’une incarnation mythique de l’hérésie, désignant d’abord Paul « l’apostat de la Loi », puis Marcion et les autres hérésiarques gnostiques, ses disciples immédiats. (Zeller, Apostelgeschichte, p. 171. Bauer, Kirchengeschichte, p. 89.)

Au fil du temps, les différents transcripteurs ont ajouté des hérésies qu’ils connaissaient et qui n’avaient pas été remarquées par ceux qui avaient déjà consigné le mythe, ce qui a nui à la possibilité d’une identification avec Paul en introduisant des anachronismes qui ont détruit l’exactitude et l’identité de la représentation.

Simon le Magicien est mentionné et discuté par plusieurs des premiers Pères, qui ignorent complètement le nom de Paul, bien qu’ils ne puissent avoir manqué de connaître l’enseignement de cet apôtre.

Irénée appelle Simon le père de toutes les hérésies. Justin Martyr et Clément de Rome (ou le pseudo-Clément) le mentionnent, ainsi que ses disputes constantes avec Pierre ; plus particulièrement Clément, qui est réputé être le disciple de Pierre et qui aurait voyagé avec lui en Syrie. (Apol. i., 26. Homilies, ii., 22. Zeller, Apostelgeschichte, p. 159, etc.)

Justin et Clément, ainsi qu’Irénée et Tertullien, donnent des récits remarquables sur Simon, nous racontant beaucoup de choses extraordinaires concernant ses professions de foi personnelles, qui vont certainement bien au-delà de celles de Paul dans toutes ses épîtres connues, mais peut-être pas autant dans ce qu’il disait de lui-même et de ses révélations dans ses prêches au peuple.

Eusèbe, cependant, et d’autres auteurs postérieurs, qui s’inspirent des « Actes des Apôtres », ne laissent pas transparaître la moindre indication qu’ils savaient que Paul lui-même était secrètement attaqué sous le nom de Simon le Magicien. (Eccl. Hist., II., xxiii.)

Voici le récit qu’Eusèbe fait de Simon. Vaincu par Pierre en Syrie, « il entreprit un long voyage depuis l’Orient, traversa la mer et s’enfuit vers l’Occident, pensant que c’était le seul moyen pour lui de vivre selon ses convictions. Entrant dans la ville de Rome, avec la coopération de l’esprit malveillant qui y avait élu domicile, ses tentatives furent bientôt couronnées de succès, à tel point qu’il fut honoré comme un dieu, et qu’une statue fut érigée à son effigie par les habitants de cette ville 30. Cela ne dura cependant pas longtemps ; car immédiatement sous le règne de Claude, par la providence bienveillante et gracieuse de Dieu, Pierre, ce puissant et grand apôtre qui, par son courage, avait pris la tête de tous les autres, fut conduit à Rome pour remédier à ce fléau de l’humanité. » (II., xiv. Traduction de Crusè.)

Il ne semblait pas se rendre compte que ce « fléau de l’humanité » était son propre favori, Saul de Tarse, le véritable héros du mythe, comme nous le verrons bientôt.

Les détails de ce mythe n’ayant pas d’intérêt particulier pour notre sujet, une brève description suffira à en montrer la nature.

Le fait marquant est que Paul était principalement, sinon exclusivement, évoqué dans la forme originale ou antérieure de la légende, avant que la personnification ne soit obscurcie par les interpolations d’éléments anachroniques par les transcripteurs successifs.

Simon est décrit comme originaire de Samarie, où, après avoir étudié la magie en Égypte, il se présentait comme un dieu, comme le Soleil et comme Jupiter. La Samarie était un pays semi-païen, où Juifs ou Israélites et païens se mélangeaient librement, et elle avait ses dieux païens.

Simon en ajouta deux autres à ce panthéon, lui-même et une prostituée de Tyr avec laquelle il s’était associé, nommée Hélène (Σελήνη – Luna – la lune).

Ses prétentions étaient sans limites : il était également le Christ, et la Trinité ou les trois, ce qui semble être une confusion ultérieure ; il était apparu comme le Fils en Judée ; en Samarie, il était le Père ; et pour le reste du monde, il était le Saint-Esprit ! Il était en somme le stans, le ἑστὼς, l’auto-existant, le tout-puissant.

Paul, bien sûr, ne professait pas autant que cela, mais il promettait le salut à tous ses disciples, qu’il les introduirait tous au Christ ; et il croyait peut-être pouvoir le faire ; tout ce qu’ils devaient faire était de croire en son Évangile.

Ceux qui croyaient en Simon et Hélène n’avaient pas besoin de l’aide des bonnes œuvres, ils étaient sauvés par la grâce ! (Hilgenfeld, Recognitionen, etc., p. 318.)

Simon, comme Paul, erra vers l’ouest, de Césarée à Rome, où il établit également son culte, et où Pierre le suivit, selon la tradition, qui ne raconte qu’une seule histoire pour les deux. (Zeller, Apostelgeschichte, p. 158. Smith’s Dictionary of the Bible, s. v.)

Et le destin final de Simon est perdu dans la même obscurité qui entoure celui de Paul : une version de la légende le fait mourir en tombant alors qu’il tentait de voler ; une autre, en raison de son arrogance, pour s’être laissé enterrer vivant et avoir entrepris de ressusciter du tombeau le troisième jour.

À l’origine, le paulinisme était la seule hérésie chrétienne importante, principalement parce qu’il prêchait contre la loi, mais aussi parce qu’il séparait la foi de la charité, ou la foi des œuvres, et qu’il était hostile aux apôtres ; Paul fut donc le premier hérésiarque. (Hilgenfeld, Recog., p. 93. Jacques, Ép. ii. 24.)

À ce titre, il fut traduit en justice par Jacques et les anciens de l’Église de Jérusalem lors de sa dernière visite dans cette ville, visite qu’il avait persisté à faire, selon les « Actes », contre l’avis et même les supplications pressantes de ses amis. (Actes xxi. 24.)

C’est ce qui lui valut de perdre sa liberté et d’être transporté prisonnier à Rome.

Le fait que Justin ignore complètement le nom de Paul dans ses « Apologies » est certainement très remarquable, car il devait bien connaître les épîtres pauliniennes : cela ne peut être que délibéré. (Hilgenfeld, Recog., p. 319.)

Papias et Hégésippe, deux écrivains contemporains du IIe siècle, dont des extraits ont été conservés dans l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe, ainsi que l’auteur des Homélies et des Reconnaissances clémentines sont tout aussi silencieux sur le nom de Paul, bien que ses doctrines antinomiennes particulières soient condamnées par eux, comme elles le sont dans « Matthieu » et dans « l’Apocalypse » ; mais l’auteur des Homélies clémentines lui est particulièrement hostile et le condamne avec acharnement. (Baur, Kirchengeschichte., p. 88 et suivantes.)

Dans les Homélies, les allusions à Paul sous le nom de Simon le Magicien sont manifestes et incontestables.

Prenons par exemple l’extrait suivant, souvent cité à l’encontre de Paul, tiré de la dix-septième Homélie ; il illustre bien la substance et la manière de l’argumentation de l’auteur, où les prétentions de Simon (Paul) sont particulièrement dépréciées et ses opinions condamnées comme non chrétiennes.

Il s’agit d’une partie d’un discours de l’apôtre Pierre à Simon le Magicien (Paul) sur son affirmation remarquable et incroyable d’avoir reçu une révélation directe spéciale du Seigneur ; et il ne fait aucun doute que c’est l’« apôtre des Gentils » lui-même qui est ainsi désigné sous le nom de Simon le Magicien.

Nous savons que Paul lui-même se vante de ses disputes avec Pierre ; c’est d’ailleurs l’un des points abordés par Swedenborg dans son Journal spirituel. (Diar. Minus, 4681.)

Pierre dit (Hom. xviii. 19) : –

« Si notre Jésus t’est également apparu dans une vision et t’a parlé, c’est donc comme quelqu’un en colère contre un adversaire qu’Il t’a parlé, et cela seulement dans des visions et des rêves, ou même par des révélations venues de l’extérieur.

« Mais quelqu’un peut-il être établi dans la doctrine par une vision ? Si tu dis que c’est possible, pourquoi alors le Seigneur, s’adressant à ceux qui étaient bien éveillés, est-Il resté avec eux pendant une année entière ?

« Et par quelle alliance devons-nous croire qu’Il t’est apparu ? Et comment a-t-Il pu se manifester à toi, alors que tes opinions sont si contraires à Son enseignement ?

« Mais si, en effet, toi qui as été visité et enseigné par Lui pendant une seule heure, tu es devenu apôtre, alors prêche Ses paroles, interprète Ses ordonnances, aime Ses apôtres et ne me fais pas la guerre à moi qui ai séjourné avec Lui. Car envers moi, le roc solide et le fondement de l’Église, tu es un adversaire persistant. Si tu n’étais pas un adversaire, me dénigrant en réalité, tu n’aurais pas poursuivi ma prédication avec des insultes scandaleuses, laissant entendre que moi, qui ne dis que ce que j’ai entendu du Seigneur lui-même, je ne suis pas digne de foi, comme si je méritais la condamnation, alors que je devrais être loué. Ou si tu me déclares coupable, tu accuses Dieu qui m’a révélé le Christ, et tu invectives Celui qui m’a déclaré béni par cette révélation.

« Mais si tu désires sincèrement servir la vérité, apprends d’abord de nous ce que nous avons appris de Lui ; et deviens disciple de la vérité, deviens notre coadjuteur. »

Le discours et la remontrance modérée ci-dessus s’appliquent de manière frappante à Paul et ne peuvent s’appliquer qu’à Paul : l’indication est incontestable. Et nous devons en déduire que dans ce livre d’Homélies, Paul et Simon le Magicien sont une seule et même personne.

Qu’il ait été écrit par Clément de Rome ou par un autre, ce livre n’est certainement pas postérieur au IIe siècle ; et même s’il s’agit d’une pure fiction comme certains l’imaginent, et que l’Église paulinienne ne peut bien sûr accepter, il peut néanmoins être considéré comme l’expression de la condamnation dont Paul faisait l’objet de la part d’une partie importante de l’Église à cette époque, comme c’était certainement le cas au Ier siècle.

Il est toutefois toujours possible que ces homélies soient tout à fait authentiques, dans leur esprit en tant que traditions pétriniennes, sinon dans leur forme actuelle exacte, car il n’est pas du tout certain, voire hautement improbable, que la célèbre « Lettre aux Corinthiens » ait été écrite par Clément de Rome : si ce dernier était l’ami de Pierre, il n’en était certainement pas l’auteur.

Les désaccords de Paul avec les apôtres eux-mêmes sont en effet une preuve suffisante de sa mauvaise réputation au premier siècle ; il l’affirme clairement dans sa lettre aux Galates. Même s’il avait de bonnes intentions envers les Galates, rien ne prouve que celles-ci aient été réciproques ; c’est plutôt le contraire qui semble être le cas.

Les « Clémentines » ont été attribuées par tradition à Clément de Rome, d’où leur nom. L’auteur des « Homélies » n’était toutefois pas l’auteur de la « Lettre aux Corinthiens ». Cette dernière est entièrement de Paul, et si elle a été écrite par un Clément, pourquoi pas par un autre Clément que Clément de Rome ou le pape Clément, comme le laisse entendre Photius et comme l’affirment de nombreux critiques modernes ?

Un Clément ami de Paul et son compagnon de travail est mentionné dans la lettre aux Philippiens (iv. 3.), mais rien ne prouve qu’il s’agisse du pape Clément, comme l’imagine Eusèbe ; mais n’aurait-il pas pu, après tout, être l’auteur de la lettre aux Corinthiens, même si cette idée n’est pas acceptée par les critiques ? Mais on peut se demander si cette lettre appartient réellement à cette époque reculée ; sa nature même et son contenu constituent une forte protestation contre l’idée qu’elle ait été écrite au premier siècle. La composition est très nettement paulinienne ; elle fait l’éloge de Paul et s’oppose bien sûr à tout l’esprit des « Homélies ». Elle est tout aussi favorable à Paul que les « Actes des Apôtres ». (E. H., III, xv.)

L’auteur dit : « Pour la même raison (par envie), Paul a reçu de la même manière la récompense de sa patience. Sept fois, il a été enchaîné ; il a été fouetté, lapidé ; il a prêché à l’Est comme à l’Ouest, laissant derrière lui le glorieux témoignage de sa foi ; ainsi, après avoir enseigné la justice au monde entier et voyagé à cette fin jusqu’aux confins de l’Occident, il a finalement subi le martyre sur l’ordre des gouverneurs, a quitté ce monde et est allé dans son lieu saint, devenant un modèle de patience éminent pour tous les âges 31. » (Chap. iii. 13–15.)

Le récit ci-dessus de la fin de Paul est suffisamment vague pour celui d’un supposé contemporain. Il semble impliquer que Paul a subi le martyre à l’extrémité de l’Occident ; en Espagne peut-être ?

Tout contemporain de Paul qui lui aurait survécu aurait certainement eu des informations précises sur sa mort, si tant est qu’il y en ait eu ; or, cet auteur ancien ne semble même pas savoir où elle a eu lieu. Clément de Rome aurait sûrement dû être au courant si cela s’était produit à Rome : ici, ni la date ni le lieu ne sont connus.

Cela prouve l’une des deux choses suivantes : soit Clément de Rome n’était pas l’auteur de cette lettre, soit la mort de Paul n’a pas eu lieu à Rome ; et il n’existe aucune preuve qu’elle ait eu lieu dans la Ville éternelle 32.

Si donc l’auteur de cette lettre n’était pas Clément de Rome, une grande partie des objections à sa paternité des « Clémentines », dans leur forme actuelle ou antérieure, sont levées.

Le fait que Paul ait eu un ami et compagnon de travail appelé Clément ne signifie pas pour autant qu’il s’agissait de Clément de Rome. (Phil. iv. 3.)

Une chose est certaine, c’est que le livre des « Actes des Apôtres », quel qu’en soit l’auteur, où et quand qu’il ait été écrit, est bien plus responsable du statut erroné qui a si longtemps été attribué à Paul dans le monde que tout ce qu’il dit lui-même dans ses propres lettres, bien qu’il dise beaucoup de choses assez étranges et très difficiles à comprendre, comme le remarque la soi-disant deuxième épître de Pierre, et que « les ignorants et les instables ont détournées à leur propre perte », comme le montre le présent essai. (2 Pierre iii. 16.)

Comme le monde « orthodoxe » a considéré les « Actes » comme la Parole de Dieu, toute citation tirée de ce livre est supposée être concluante, alors qu’elle n’embrasse qu’une ombre.

Cependant, une fois que l’on a exposé la source fallacieuse et le caractère largement légendaire du livre, son manque total de cohérence, bien qu’il contienne sans doute certains faits historiques, alors s’effondre l’image dorée que l’Église a plaquée sur lui pour en faire un fondement de la foi : l’histoire de la conversion miraculeuse de Saul, la succession apostolique, le diaconat et tout ce qui n’a pas d’autorité évangélique doit être dispersé comme de la balle au vent. Comme le dit le prophète : « Le veau de Samarie sera brisé en morceaux, car ils ont semé le vent, et ils moissonneront la tempête. » (Actes i. 26 ; vi. 6.) (Chap. XI.) (Osée viii. 6, 7.)

Pour une exposition complète du mythe de Simon le Magicien, voir les ouvrages suivants : –

Die Clementinischen Recognitionen und Homilien, nach ihrem ursprung und inhalt dargestellt. Par le Dr Adolph Hilgenfeld. Iéna. 1848.

Également Die Apostelgeschichte nach ihrem Inhalt und Ursprung kritisch untersucht. Par le Dr Edward Zeller. Stuttgart. 1854.

Et enfin – Die Homilien und Recognitionen des Clemens Romanus, nach ihrem Ursprung und Inhalt dargestellt. Par Gerhard Uhlhorn. Gottingen. 1854.

Tous ces auteurs s’accordent à dire que Simon le Magicien n’est autre que Saul de Tarse, bien que d’autres suivent les « Actes » et considèrent Simon le Magicien comme un personnage distinct.

 

 

 

 

 

 

 

LIVRE III.

 

–––––—

 

L’APÔTRE DES GENTILS.

 

–––––––––––

 

 

 

CHAPITRE IX.

 

ÉDUCATION DE SAUL – TARSE – SON CARACTÈRE ET SON APPARENCE.

 

IL est temps maintenant d’examiner l’histoire personnelle de Saul, et il suffit de faire cet effort pour découvrir qu’on ne sait pratiquement rien de lui avec certitude ; et le peu que l’on sait provient de ses propres épîtres, des Reconnaissances et Homélies clémentines et des « Actes ».

C’est dans ses propres épîtres, en particulier celle aux Galates, que nous en apprenons le plus ; nous y trouvons des informations plus authentiques que dans les « Actes », qui, bien que cela ne soit pas avoué, sont en réalité davantage une tentative d’histoire de l’apôtre des Gentils qu’une relation des « Actes des Apôtres » : ils n’ont cependant ni début ni fin, et une grande partie de leur contenu est loin d’être fiable, comme le montre le livre précédent, même si bon nombre des incidents ordinaires qu’ils relatent peuvent être fondés sur une tradition authentique. Nous devons toutefois tirer le meilleur parti possible de nos sources et ne négliger en aucun cas les écrits réputés de Clément de Rome, son contemporain, pour illustrer notre propos.

Les œuvres les plus importantes attribuées à Clément sont remises en question, et les Reconnaissances et les Homélies sont donc attribuées à un pseudo-Clément, du IIe siècle. Cependant, qu’elles soient de Clément lui-même ou d’un pseudo-Clément, elles constituent les vestiges les plus remarquables de la littérature chrétienne primitive, indépendamment du Nouveau Testament. Et si elles ne sont pas réellement l’œuvre du pape Clément, contemporain de Pierre et de Paul, elles sont au moins plus anciennes que les « Actes » et ont une importance égale en ce qui concerne la nature de leurs traditions, qu’elles aient été écrites par Clément ou par un pseudo-Clément 33.

Ils sont bien sûr rejetés par les orthodoxes, mais même s’ils ne sont pas authentiques en tant que vestiges du premier siècle, ce qui n’est pas prouvé, ils sont au moins des traditions authentiques du deuxième siècle.

Dans cet essai, elles sont adoptées comme étant, au pire, fondées sur des productions authentiques du premier siècle. Les interpolations des transcripteurs ne réfutent pas l’existence d’un original authentique à une période antérieure.

Il s’agit certainement de productions ébionites ; leur esprit est clairement hostile à Paul et à son enseignement, bien que le nom de Paul y soit soigneusement évité : il n’apparaît que sous le nom de Simon le Magicien, une personnification représentative.

Comme l’Évangile selon Matthieu, ou plutôt selon les Hébreux, est le seul évangile qui semble être cité de manière positive dans les Homélies, ce fait plaide en faveur de l’argument de leur antériorité. Bien que l’on soutienne que certains indices laissent penser que l’auteur des Homélies connaissait tous les évangiles, les évangiles non canoniques qui ont disparu pouvaient contenir de nombreuses traditions presque identiques à celles des évangiles canoniques.

Saul ou Shaul – שאול – était le vrai nom de Paul ; le changement de Saul à Paul sera expliqué plus loin.

Saul de Tarse était un pharisien et le fils d’un pharisien 34.

Pour suivre le parcours de Paul, on est obligé de prendre les « Actes des Apôtres » comme texte de référence, car il n’y en a littéralement aucun autre. Tous les passages qui ne suscitent pas d’objection évidente peuvent servir de manière équitable, tout comme nous avons le droit de rejeter ce qui est manifestement faux ou improbable. Mais comme nous l’avons déjà admis, il y existe sans doute plusieurs passages qui sont fondés sur une tradition authentique.

Saul de Tarse, en Cilicie, comme cet autre Saul, le roi, était un homme de la tribu de Benjamin. Il était un Hébreu parmi les Hébreux, comme il nous l’indique lui-même : « Il était plus avancé dans le judaïsme que beaucoup de ses pairs dans sa propre nation, et plus zélé encore pour les traditions de ses pères. »

Il a été élevé parmi ses compatriotes juifs de son lieu natal, où il a reçu une instruction assidue sur la Loi, qui était l’enseignement le plus élevé des Israélites. En même temps, on lui a enseigné un métier manuel, celui de fabricant de tentes ; ou plus exactement, peut-être, de fabricant ou tisserand de toiles de tente. Car Tarse était célèbre pour la fabrication d’une toile en poil de chèvre, appelée Cilicium, qui servait à recouvrir les tentes.

Les pharisiens, auxquels appartenait Saul, étaient une classe ou une secte, dit l’Évangile, qui rendait la Parole de Dieu sans effet, en la rejetant au profit de leurs propres traditions, et dont la justice était hypocrite. Ils se distinguaient cependant par leur croyance en l’immortalité réelle de l’homme, mais pas en une immortalité spirituelle ; ils croyaient en une résurrection matérielle, une sorte de transmigration. (Matth. xxiii ; Marc vii.)

« Les sadducéens disent qu’il n’y a ni résurrection, ni ange, ni esprit, mais les pharisiens confessent les deux », dit les Actes (xxiii. 8).

Josèphe dit également que les pharisiens croyaient en des récompenses pour les bons et en des punitions pour les méchants après la mort, sous la terre : les bons pouvaient revivre et renaître. Ils étaient également fatalistes, d’où peut-être le prédestinisme de Paul. (Antiq., xxiii., 1, 3.)

Le Talmud, dit M. Deutsch, s’en prend encore plus amèrement et caustiquement que le Nouveau Testament à ce qu’il appelle le « fléau du pharisaïsme », « les teints », « qui commettent des mauvaises actions comme Zimri et exigent une belle récompense comme Phineas », « ceux qui prêchent magnifiquement, mais n’agissent pas magnifiquement 35 ». (Essais, Le Talmud.)

Il y avait trois sectes parmi les Juifs ou Israélites, toutes inconciliables : les Esséniens, une secte vraiment pieuse, mais ascétique ; les Pharisiens, ostensiblement pieux, mais uniquement en apparence, hypocrites en quête de pouvoir et qui n’aimaient qu’eux-mêmes et le monde ; les Sadducéens, simples libres penseurs et sceptiques. (Histoire d’Israël d’Ewald, vol. v., p. 365.)

Les premiers chrétiens faisaient preuve d’un esprit très proche de celui des Esséniens.

Les Juifs de Tarse, appelés Tersoos, étaient réputés pour leur fermeté nationale, bien qu’ils fussent très probablement des hellénistes ou des Juifs grecs ; Paul, dans ses citations de la Parole, n’utilise que la Septante ou version grecque 36.

Tarse était une métropole commerciale, ayant accès à la mer par le fleuve Cydnus, aujourd’hui connu sous le nom de Tersoos, mais qui n’est plus navigable.

Tarse était une ville libre, réputée autant pour son savoir que pour son commerce. Elle avait son ghetto ou quartier juif, et les Juifs de Tarse étaient en étroite communion avec la « Ville Sainte » ; ils possédaient une synagogue à Jérusalem, où Saul avait une sœur mariée, et ils envoyèrent un contingent à Jérusalem pour combattre les Romains, ce pour quoi ils furent dûment punis par Titus lors de son retour de Judée 37.

Les « Actes » indiquent que Saul a été « élevé à Jérusalem aux pieds de Gamaliel », « un docteur de la loi, réputé parmi tout le peuple », comme l’étaient la plupart des docteurs célèbres.

Mais cela, comme beaucoup d’autres affirmations du compilateur des « Actes », n’est pas tout à fait fiable, car s’il avait été élevé à Jérusalem, on pourrait supposer qu’il y aurait été connu ; et il aurait probablement vu Jésus-Christ et été témoin des évènements des derniers jours et de la passion de notre Sauveur, car son âge indique qu’il devait être présent lors de ce grand évènement. Mais, bien sûr, cela n’est pas nécessairement le cas, car le séjour de Saul à Jérusalem a pu avoir lieu bien avant la brève période où le Christ y a exercé sa mission. Lui-même nous laisse clairement entendre qu’il n’a jamais vu le Seigneur en chair et en os, et il dit qu’il était inconnu des Églises de Judée. (1 Cor. xv. 8.)

S’il a donc été élevé à Jérusalem, cela a dû se passer avant que les évènements importants liés à la mission du Christ n’aient lieu, et il ne pouvait pas être un jeune homme ou un adolescent νεανίας – comme le rapportent les « Actes », au moment où il a pris part au martyre d’Étienne et à la première persécution, au cours de laquelle, dit-il, il a « persécuté l’Église et l’a détruite » sans mesure. (Gal. i. 22.) (Actes xii. 58 ; viii. 1.) (Gal. i. 13, 14.)

Si notre chronologie du Nouveau Testament est proche de la vérité, Saul n’était pas strictement un jeune homme, et certainement pas un adolescent, lorsqu’il s’est occupé des vêtements des bourreaux lors de la lapidation d’Étienne : il devait alors avoir plus de trente ans.

Dans sa lettre à Philémon, l’auteur se désigne lui-même comme « Paul le Vieux » ; cela correspond dans notre chronologie à environ 61-64 après J.-C., et la mort d’Étienne à environ 35 après J.-C., c’est-à-dire seulement trente ans auparavant ; pour avoir été âgé de 61 à 64 ans, il devait donc avoir trente ans en 35 après J.-C.

Le fait que l’authenticité de certaines lettres soit remise en question n’affecte en rien leur chronologie, car ceux qui ont pris la peine d’écrire des lettres dans le style et sous le nom de Paul étaient sans doute bien informés à ce sujet. Mais la lettre à Philémon est considérée comme authentique.

Cet argument exclut également la possibilité que Saul se soit rendu à Jérusalem pour y être éduqué après la crucifixion du Christ.

Sa conversion l’année suivant la persécution contredit également cette hypothèse ; la mission importante que lui avait confiée le grand prêtre n’aurait pas été confiée à un jeune garçon ; de même, ses actions après son adoption de la nouvelle foi n’étaient pas celles d’un jeune garçon, telles qu’elles sont décrites dans les « Actes » et par lui-même.

Le fait qu’il ait appris le métier ou l’artisanat de fabricant de cilicium ou de tisserand (?) plaide en faveur de son éducation à Tarse plutôt qu’à Jérusalem. De même, son utilisation de la version grecque des Écritures, la Septante, plaide en faveur d’une éducation hellénistique plutôt que métropolitaine à Jérusalem ; car parmi les rabbins de cette ville, il aurait probablement appris à utiliser le texte hébreu, même si cette langue des Écritures avait alors cessé d’être parlée, la langue courante à Jérusalem étant un dialecte araméen ou babylonien.

Il n’y a pas un seul exemple où Paul aurait cité les Écritures hébraïques ; toutes ses citations sont tirées du grec, à l’exception d’une seule : « Il prend les sages dans leur propre ruse », qui était sans doute un proverbe oral, et qui ne provenait pas nécessairement directement d’une Écriture. (Job v. 13 ; 1 Cor. iii. 19.)

Dans tous les autres cas où Paul est en accord avec l’hébreu, la Septante est également en accord avec l’hébreu. Nous pouvons donc supposer que Paul ne connaissait pratiquement aucune Écriture autre que la traduction grecque des Septante.

Pourtant, le Dr Hausrath déduit des lettres de Paul qu’il n’était pas un Grec instruit : il était donc un simple helléniste, qui avait juste autant de connaissances en grec, la langue de la science et du savoir, que les Juifs dispersés parmi les Grecs en avaient généralement. À l’instar de certains Juifs ordinaires des temps modernes qui ne maîtrisent que de manière imparfaite la langue de ceux parmi lesquels ils vivent, et qui n’ont pourtant pas de langue qui leur soit propre.

En raison de son manque de connaissance approfondie du grec, le Dr Hausrath suppose que Paul a dicté ses lettres, car il lui aurait été très difficile de les écrire en grec. Mais bien que ses lettres soient rédigées en grec, leur phraséologie, selon cet auteur, montre qu’elles ont été conçues dans l’esprit de l’hébreu, c’est-à-dire de l’araméen, un dialecte sémitique apparenté, la langue du peuple en Judée, qui avait supplanté l’hébreu, devenu langue morte à l’époque de Paul.

Le grec était alors établi depuis longtemps, même en Palestine. L’araméen babylonien ou oriental est la langue du Talmud et était la langue commune des Juifs après la captivité et la soumission de la Palestine à l’Assyrie : c’était la langue de Jésus-Christ.

En tant que correspondant, Paul était manifestement impulsif ; il dictait sous l’impulsion de ses sentiments, et non après réflexion, ce qui explique sans doute ses nombreux paradoxes.

Il exprimait avec enthousiasme le sentiment du moment, oubliant, ou étant totalement inconscient, de ce qu’il avait déjà dicté dans d’autres circonstances à d’autres sociétés ou communautés, bien que la tendance de ses lettres soit toujours globalement la même.

Il adhère assez constamment à ses propres dogmes originaux et ne perd jamais de vue ses propres prétentions à l’inspiration ou à l’illumination spéciale, ni à l’action divine dont, dans sa grande exaltation, il s’était persuadé qu’il était doté.

Il est tout à fait possible qu’il ait réellement été un instrument entre les mains du Seigneur. Beaucoup d’hommes accomplissent sans doute des tâches dont ils ne sont pas conscients, et qui sont probablement très différentes de celles qu’ils imaginent accomplir.

Saul était un homme libre et un citoyen romain ; on ne sait pas comment cela s’est produit ; dans les « Actes » (Actes xxii. 28), il est amené à dire qu’il est né libre. On ne sait pas non plus quand il s’est rendu pour la première fois à Jérusalem. Nous savons seulement, ou pouvons supposer, qu’il s’y trouvait vers l’an 34 après J.-C. et qu’il était alors dans la fleur de l’âge.

Saul n’avait donc pas l’excuse de l’insouciance ou de l’impulsivité de la jeunesse dans son consentement enthousiaste à la lapidation d’Étienne : c’était l’explosion d’un tempérament fanatique et cruel, qui ne pouvait être changé par une vision, imaginaire ou réelle, aux confins du désert syrien, quel que soit le changement que sa profession de foi ait pu subir ; la fantaisie peut être émue tandis que le cœur reste intact. L’apôtre Paul était toujours Saul de Tarse.

L’apparence physique de Paul jouait en sa défaveur, mais ce qui lui manquait esthétiquement, il le compensait par son énergie.

Un écrivain byzantin du VIe siècle l’a décrit : Jean d’Antioche, dit Malalas. Bien sûr, ce portrait est purement traditionnel et, bien que probablement vrai, il ne peut être considéré comme authentique. Cependant, d’après l’allusion à Paul dans le Dialogue de Philopatris, dans Lucien 38, sa tête chauve et son nez aquilin ou juif semblent avoir été dans une certaine mesure proverbiaux, ou en tout cas issus d’une tradition établie.

Il est représenté comme étant de petite taille, chauve et grisonnant, avec un menton barbu ; un nez juif bien développé, le teint clair mais rougeaud ; des yeux gris et des sourcils joints ; un visage souriant, et des manières affables et aimables 39. (Malalas, Chronogr., l. x.)

Sa réputation d’apparence ou de présence médiocre est certainement confirmée en partie par lui-même, dans sa deuxième épître aux Corinthiens, où il écrit : « Car ses lettres, disent-ils, sont puissantes et convaincantes, mais sa présence physique est faible et son discours méprisable. »

 

 

 

CHAPITRE X.

 

UN PERSÉCUTEUR DU CHRIST – LA PROPHÉTIE DE JACOB – JÉRUSALEM ; UNE ÉMEUTE AU TEMPLE – SAUL DE TARSE – L’ENNEMI ὁ ἐχθρος – LA FUITE DES NAZARÉENS VERS JÉRICHO – RÉSUMÉ DE M. ERNEST RENAN SUR LES SCANDALES TRADITIONNELS CONTRE PAUL.

 

SAUL apparaît pour la première fois sur notre scène en tant que persécuteur des disciples de Jésus-Christ.

Certains ont supposé que son caractère illustrait la prophétie de Jacob concernant Benjamin : –

« Benjamin dévorera comme un loup ; le matin, il dévorera sa proie, et le soir, il partagera le butin. » (Gen. xlix. 27.)

Comme le montrent ses efforts pour éradiquer l’Église naissante du Christ, mais en appliquant la prophétie au sens littéral seulement, ce qui, bien sûr, comme les mots ont une correspondance spirituelle, ne peut être la véritable interprétation.

Cornelius a Lapide 40 donne une illustration curieuse de ce passage :

« Jérôme, Ambroise, Rupert, Eucherius, Bède et saint Augustin comprennent, dans cette prophétie, que le loup représente saint Paul, originaire de Benjamin, appelé Saul en hébreu et Saulus en latin. “Le matin”, c’est-à-dire dans sa jeunesse, il s’est déchaîné contre le Christ et les chrétiens comme un loup, traînant hommes et femmes en prison, lapidant Étienne par l’intermédiaire d’autres personnes, proférant des menaces et des massacres ; mais après avoir été converti par le Christ et être passé de Saul à Paul, il est devenu un loup au service de Dieu, alors qu’il était auparavant un loup au service du diable. “Et le soir”, c’est-à-dire lorsqu’il était devenu plus âgé, il partageait avec le Christ et l’Église le butin des païens qu’il avait arraché au diable. De la même manière que Benjamin avait une nature de loup (Indoles Lupina), Paul en avait une aussi ; il conservait toujours une ressemblance avec lui-même et, à ce titre, il était rapace, belliqueux et habitué au butin et au pillage. Ainsi, tant le matin que le soir, c’est-à-dire avant et après sa conversion, il ne faisait rien d’autre que de traquer ses proies. Mais avant sa conversion, il était un pillard méchant et impie ; après sa conversion, cependant, il était un pillard juste et saint ; non seulement il reprit le butin qu’il avait auparavant attribué au diable, mais il arracha également presque tous les païens de sa bouche et de ses griffes, le dépouilla de ces possessions et les rendit au Christ et à l’Église.

« Ainsi, tout comme le lion peut être considéré tantôt dans un sens positif, tantôt dans un sens négatif, le loup peut également être considéré tantôt dans un sens positif, tantôt dans un sens négatif. »

Bien que ce qui précède soit une tentative d’interprétation naturelle de ce qui ne peut avoir qu’une substance spirituelle, cela n’est pas sans grand intérêt, car cela montre l’impression faite par le tempérament naturel de Saül, même sur ses admirateurs.

Si nous examinons la signification spirituelle de la prophétie, telle que Swedenborg l’interprète, nous pouvons trouver que l’interprétation n’est pas aussi appropriée lorsqu’elle s’applique à Saul ; et que, si notre opinion sur sa subversion constante de la véritable doctrine chrétienne est correcte, il fut un loup vorace, dans le sens où on l’entend, jusqu’à la fin ; et en aucun cas la vérité du bien luttant pour l’Église.

Genèse xlix. 27 : « Benjamin est un loup, il s’emparera du butin au matin, il le dévorera, et au soir, il partagera la proie. »

« Benjamin symbolise la vérité du bien de l’Église spirituelle, ce bien étant Joseph ; le loup symbolise l’avidité de s’emparer du bien et de le livrer ; il s’emparera du butin le matin, il dévorera le butin, ce qui signifie que lorsque le Seigneur sera présent, cela sera fait ; et le soir, il partagera la proie, ce qui signifie leur possession dans le royaume du Seigneur, alors qu’ils sont encore dans l’obscurité. » (A. C., 6439.)

Ce qui n’est peut-être pas très clair, mais cela n’a aucun rapport avec Paul.

La parabole de l’ivraie déjà mentionnée et expliquée par le Seigneur lui-même semble être une bien meilleure analogie du résultat de l’activité de Paul que la prophétie de Jacob ; et elle lui a été appliquée par les Juifs chrétiens de Jérusalem, avant et après sa conversion, comme nous aurons l’occasion de le voir plus loin.

À cette époque, selon les Actes, après le martyre d’Étienne (34 ou 35 après J.-C.), eut lieu la première grande persécution de l’Église à Jérusalem (c’est la persécution dont parle Paul), et tous les disciples, à l’exception des apôtres, furent dispersés dans les régions de Judée et de Samarie.

« Et Saul, respirant la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur, faisait des ravages dans l’Église ; entrant dans toutes les maisons, il enlevait hommes et femmes, et les jetait en prison. »

Il obtint également des lettres du grand prêtre pour les synagogues de Damas, où les adeptes de la nouvelle doctrine étaient censés s’être enfuis, afin que, s’il en trouvait là-bas, il puisse les emmener liés à Jérusalem.

Tel est le récit du grand apologiste Paul ; mais nous disposons d’un récit peut-être plus ancien et plus circonstancié, provenant d’un témoin oculaire présumé, de la scène extraordinaire qui marqua le début de cette persécution sanglante, dans les « Reconnaissances » susmentionnées de Clément de Rome, ou du pseudo-Clément, quel qu’il soit ; il s’agit peut-être néanmoins d’une tradition authentique, même si nous ne disposons d’aucun récit antérieur au IIe siècle.

Toute cette agitation semble avoir été l’œuvre du « loup vorace », l’« ennemi », Saul de Tarse.

Clément raconte qu’un jour, alors que l’apôtre Jacques, chef ou surveillant (Épiscope) de l’Église de Jérusalem, prêchait avec beaucoup de succès dans la cour du Temple et exhortait les Juifs à se faire baptiser, un certain ennemi (Saul) accompagné de quelques disciples s’est introduit parmi eux et s’est mis à crier pour perturber la prédication, et enflammer les Juifs en leur reprochant d’être stupides et paresseux au point de se laisser tromper par des individus aussi égarés ; et, se laissant emporter par la folie, il s’écria : « Saisissons ces individus et mettons-les en pièces ! » Il saisit alors un solide pieu sur l’autel et, tel un autre Caïn, se mit à frapper autour de lui avec une fureur extrême, précipitant Jacques tête la première dans les marches du temple, le blessant si gravement qu’il fut laissé pour mort, ce qui lui donna la chance d’échapper à la véritable mort ; les partisans de cet « ennemi » enragé étaient possédés par la même fureur, et beaucoup furent ainsi tués.

Les prêtres finirent par évacuer le temple et fermer les portes, et Jacques fut ramené chez lui par ses amis.

Les Nazaréens, après avoir passé toute la nuit en prière, désireux d’éviter de nouvelles effusions de sang, partirent à l’aube en grand nombre pour Jéricho, Pierre les accompagnant.

Gamaliel, le savant docteur de la loi, aurait été converti à Jésus-Christ. Il avait pris le parti des disciples du Christ lors du grand conseil administratif (le Sanhédrin), en disant : « Si cette œuvre est humaine, elle sera réduite à néant, mais si elle est divine, vous ne pourrez la renverser. » Telle est la tradition des « Actes ». (Actes v. 36.)

Et trois jours après l’émeute dans le Temple, dit Clément, Gamaliel aurait envoyé un messager spécial à Pierre et aux autres à Jéricho, avec des informations privées, les avertissant que l’homme haïssable (« l’Ennemi ») avait reçu une mission du grand prêtre, Caïphe, de persécuter tous ceux qui croyaient en Jésus, où qu’ils se trouvent, et qu’il était sur le point de partir pour Damas, où il pensait que Pierre s’était enfui, afin de les rechercher, muni de lettres de Caïphe aux synagogues de Damas afin d’obtenir leur aide dans la persécution 41.

La confession de Paul, que nous avons dans ses propres mots aux Galates, corrobore en partie l’histoire ci-dessus et ne doit pas être oubliée : –

« Vous avez entendu parler de ma conduite dans le passé, lorsque j’étais juif, comment j’ai persécuté sans mesure l’Église de Dieu et l’ai détruite. » (Gal. i. 13.)

Que ce récit soit de Clément ou d’un pseudo-Clément importe peu ; en tant que récit du IIe siècle, il est suffisamment remarquable. Saul est clairement désigné comme « l’Ennemi » ; la mention de la mission à Damas ne laisse aucun doute sur son identité : cela a été admis dès les premiers temps.

Le « loup vorace » est donc aussi « l’ennemi », ὁ ἐχθρος, terme utilisé par le Seigneur pour désigner celui qui sème l’ivraie parmi le bon grain : « ὁ δὲ ἐχθρος ὁ σπείρας αὐτὰ ἔστιν ὁ διάβολος. » « Mais l’ennemi qui les a semées, c’est le diable. »

Le même terme est utilisé par Pierre pour désigner Paul dans la lettre qu’on lui attribue à l’intention de Jacques, qui précède les Homélies de Clément.

« Certains parmi les païens ont en effet rejeté mon enseignement légitime, embrassant la doctrine frivole et antinomienne de l’homme haïssable τοῦ ἐχθροῦ ἀνθρώποῦ. »

M. Ernest Renan donne un résumé très concis et très vivant des accusations portées contre Paul et son enseignement, par sa propre génération et celle qui lui a immédiatement succédé, celle des Nazaréens ou disciples de Christ, les soi-disant chrétiens.

Paul, dit-il, depuis la réunion d’Antioche : « fut pour toute une fraction de l’Église un hérétique des plus dangereux, un faux juif, un faux apôtre, un faux prophète, un nouveau Balaam, une Jézabel, un scélérat qui préludait à la destruction du temple, pour tout dire en deux mots, un Simon le Magicien.

« Pierre fut censé partout et toujours occupé à le combattre. On s’habitua à désigner l’apôtre des gentils par le sobriquet de Nicolas (vainqueur du peuple), traduction approximative de Balaam.

« Ce sobriquet fit fortune : un séducteur païen, qui eut des visions quoique infidèle, un homme qui engageait le peuple à pécher avec des filles païennes, parut le vrai type de Paul, ce faux visionnaire, ce partisan des mariages mixtes. Ses disciples du même coup furent appelés Nicolaïtes 42.

« Loin d’oublier son rôle de persécuteur, on y insista de la façon la plus odieuse.

« Son Évangile fut un faux Évangile. C’est de Paul qu’il fut question, quand les fanatiques du parti s’entretinrent entre eux à mots couverts d’un personnage qu’ils appelaient “l’apostat”, ou “l’homme ennemi” (ὁ ἐχθρὸς), ou “l’imposteur”, précurseur de l’Antéchrist, que le chef des apôtres suit à la piste pour réparer le mal qu’il fait. Paul fut “l’homme frivole”, dont les gentils, vu leur ignorance, ont reçu la doctrine ennemie de la Loi.

« Ses visions, qu’il appelait “les profondeurs de Dieu”, on les qualifia “profondeurs de Satan” ; ses Églises, on les appela “les synagogues de Satan” ; en haine de Paul, on proclama hautement que les Douze seuls sont le fondement de l’édifice du Christ.

« Toute une légende commença dès lors à se former contre Paul 43. On refusa de croire qu’un vrai juif eût pu commettre une noirceur comme celle dont on le trouvait coupable. On prétendit qu’il était né païen, qu’il s’était fait prosélyte. Et pourquoi ? La calomnie n’est jamais à court de raisons. Paul s’était fait circoncire, parce qu’il avait espéré d’épouser la fille du grand prêtre. Le grand prêtre, en homme sage qu’il était, la lui ayant refusée, Paul, par dépit, se mit à déclamer contre la circoncision, le sabbat et la Loi. »

Telle est, conclut M. Renan, la gratitude qu’un homme reçoit des fanatiques pour avoir servi leur cause d’une manière incompatible avec leurs propres préjugés ; pour avoir en fait défendu une cause qu’ils auraient détruite dans leur étroitesse d’esprit exclusive.

Pourtant, parmi les adversaires actifs de Paul figuraient les apôtres Pierre, Jacques et Jude ; et la haine des hérésies telles que la Prédestination, la Justification et l’Imputation ne peut être écartée comme un simple préjugé indigne. Les adversaires de Paul avaient un autre avantage sur lui, celui d’insister sur la validité de la LOI 44, qu’il avait déclarée morte, et sur le fait que la foi séparée de la vie était non seulement fausse, mais tout à fait impossible.

 

 

 

CHAPITRE XI.

 

CONVERTI AU CHRIST – DAMAS – DISSENSIONS À ANTIOCHE – LA MISSION DE SAUL AUPRÈS DES PAÏENS DOIT ÊTRE AUTHENTIFIÉE – VISITE SPÉCIALEMENT AUX ISRAÉLITES DISPERSÉS PARMI LES PAÏENS – LES ONZE ENVOYÉS À TOUTES LES NATIONS – PAUL N’A JAMAIS ÉTÉ ENVOYÉ PAR LE CHRIST AUX PAÏENS – PAS DE CHRONOLOGIE PAULINE FIXE – DE LA MORT D’ÉTIENNE À SON PROPRE MARTYRE PRÉSUMÉ, ENVIRON TRENTE ANS ; DE 34 APRÈS J.-C. À 64.

 

Un changement très remarquable s’opère alors dans l’esprit de la scène.

C’est au cours de ce voyage persécuteur vers Damas, dit le compilateur des « Actes », que la persécution de Saul a été interrompue par sa conversion miraculeuse au Christ : l’histoire très incohérente dont nous avons récemment discuté.

Il est étrange, comme nous l’avons déjà observé, que Paul lui-même n’ait jamais mentionné cette aventure extraordinaire dans ses épîtres. Une omission singulière de sa part, si cette histoire est vraie. Bien qu’il admette la persécution, comme nous venons de le voir, il ne nous dit rien de la cause ou de la nature de sa conversion.

Nous n’avons pas le droit de supposer, comme l’ont fait certains de ses défenseurs qui acceptent le récit des « Actes » comme parole d’évangile, qu’il a dû écrire sa propre histoire à ce sujet, mais que la lettre a été perdue ! Il s’agit là d’une supposition, et d’une supposition vaine.

Paul mentionne sa révélation spéciale aux Galates uniquement parce que l’occasion l’exigeait, mais il reste néanmoins silencieux sur le sujet ; et le fait qu’il l’omette ici nous permet de conclure, avec une certitude raisonnable, qu’il n’a jamais raconté une telle histoire dans une lettre apostolique : si cela avait été vrai, cela aurait été pour lui un thème idéal à développer et à reprendre.

Il revendique simplement une révélation spéciale pour son évangile : « Je vous certifie, frères, que l’évangile qui a été prêché par moi n’est pas selon l’homme, ni ne m’a été enseigné, mais par la révélation de Jésus-Christ. » (Gal. i. 11, 12.)

C’était là une occasion pour lui d’en parler, mais il nous laisse dans l’ignorance totale de la manière dont cela lui a été révélé et du moment où cela s’est produit.

Le passage le plus important de l’autobiographie de Paul est celui mentionné dans les premier et deuxième chapitres de cette épître aux Galates, qui aurait été rédigée à Éphèse vers l’an 55 après J.-C.

Il est libellé comme suit (Gal. i. 15 – ii. 14) : –

« Mais lorsque Dieu, qui m’a séparé dès le sein de ma mère et m’a appelé par sa grâce, a jugé bon de révéler son Fils en moi, afin que je l’annonce parmi les païens (ou Gentils), je ne me suis pas concerté avec la chair et le sang, et je ne suis pas monté à Jérusalem vers ceux qui étaient apôtres avant moi, mais je suis allé en Arabie, et je suis revenu à Damas.

« Puis, trois ans après, je suis monté à Jérusalem pour voir Pierre, et je suis resté avec lui quinze jours. Mais je n’ai vu aucun des autres apôtres, sauf Jacques, le frère du Seigneur (ou cousin, ἀδελφός).

« Or, ce que je vous écris, voici, devant Dieu, je ne mens pas.

« Ensuite, je suis allé dans la région de Syrie et de Cilicie ; et je n’étais pas connu de visage aux églises de Judée qui étaient en Christ ; mais elles avaient seulement entendu dire que celui qui nous persécutait autrefois prêchait maintenant la foi qu’il avait autrefois détruite. Et elles glorifiaient Dieu en moi 45.

« Quatorze ans plus tard, je suis remonté à Jérusalem avec Barnabas, et j’ai emmené Tite avec moi. J’y suis monté sous l’impulsion d’une révélation et je leur ai communiqué l’Évangile que je prêche parmi les païens, mais en privé à ceux qui avaient bonne réputation, de peur que je ne coure ou n’aie couru en vain. »

« Mais même Tite, qui était avec moi, étant Grec, n’a pas été contraint de se faire circoncire ; mais à cause de faux frères introduits subrepticement, qui étaient venus en secret pour espionner la liberté que nous avons en Jésus-Christ, afin de nous réduire en servitude, et auxquels nous n’avons pas cédé, pas même pour un instant, afin que la vérité de l’Évangile demeure parmi vous 46.

« Mais ceux qui semblaient être quelque chose, quoi qu’ils fussent, cela m’importe peu : Dieu ne fait pas acception de personnes ; car ceux qui semblaient être quelque chose dans la conférence ne m’ont rien ajouté ; mais au contraire, quand ils ont vu que l’Évangile de l’incirconcision m’était confié, comme l’Évangile de la circoncision était confié à Pierre ; (car celui qui a agi efficacement en Pierre pour l’apostolat des circoncis, a agi aussi puissamment en moi pour les païens) 47.

« Et lorsque Jacques, Céphas et Jean, qui semblaient être les piliers, ont perçu la grâce qui m’avait été donnée, ils ont donné à Barnabas et à moi la main droite en signe de communion, afin que nous allions vers les païens, et eux vers les circoncis.

« Seulement, ils voulaient que nous nous souvenions des pauvres, ce que j’ai toujours été prompt à faire. »

Moi, dit Paul ! Barnabas n’était-il donc pas disposé à se souvenir des pauvres ?

Paul détaille ici un accord qu’il ne semble avoir en aucune façon respecté ; il parle avec suffisamment de mépris de l’ensemble de l’arrangement, et plus particulièrement des apôtres eux-mêmes, et en particulier de Pierre, Jacques et Jean, qui semblaient être quelque chose, mais qui, selon l’estimation de Paul, semblaient sans doute assez insignifiants.

Malgré ce contrat, nous constatons que Paul avait pour habitude d’aller de synagogue en synagogue pour prêcher la « circoncision », et même de choisir une ville à visiter uniquement parce qu’elle avait une synagogue.

Quand il prêchait aux Juifs, même s’il n’était pas à Jérusalem, il prêchait aux « circoncis », et non aux incirconcis, qui étaient son domaine de prédilection. Ses Gentils semblent avoir été principalement des prosélytes juifs, ou de simples hellénistes ou Juifs grecs.

« Mais », poursuit Paul, « lorsque Pierre vint à Antioche, je lui résistai en face, car il était répréhensible 48. Avant l’arrivée de certains envoyés de Jacques, il mangeait avec les païens ; mais quand ils arrivèrent, il se retira et se sépara, craignant ceux qui étaient circoncis.

« Et les autres Juifs feignirent également avec lui, à tel point que Barnabas fut également emporté par leur dissimulation. Mais quand je vis qu’ils ne marchaient pas droitement selon la vérité de l’Évangile, je dis à Pierre devant eux tous : Si toi, qui es Juif, tu vis à la manière des Gentils, et non comme les Juifs, pourquoi contrains-tu les Gentils à vivre comme les Juifs ? »

Là encore, il contredit les « Actes ».

Et nous nous retrouvons dans une situation assez confuse : l’apôtre autoproclamé condamne tous ceux qui étaient apôtres avant lui ; ils étaient à blâmer, ils ne marchaient pas droitement selon la vérité de l’Évangile, c’est-à-dire l’Évangile de Paul ; ils ne voulaient pas être guidés par lui ; même son ami Barnabas est contraint de s’éloigner de lui. La même terre ne pouvait les garder en paix.

La querelle portait cependant sur quelque chose de plus que la simple judaïsation, comme on l’appelle, ou le rite de la circoncision, affaire qui avait été réglée.

La différence résidait dans les principes et les prétentions irréconciliables de Paul, qui manifestait une animosité générale et constante envers les apôtres, pour lesquels il n’avait aucune tolérance, car il n’y avait aucune entente possible avec lui dans leur enseignement.

Il était incapable de surmonter sa jalousie envers leur privilège d’avoir été les compagnons du Seigneur et de bénéficier du prestige que ce fait leur valait ; et il ne trouvait rien de bon en eux, comme il s’en est trahi dans cette lettre aux Galates, que nous devons considérer comme un document précieux, car elle nous donne une image authentique du véritable caractère de cet ambitieux « Juif de Tarse ».

Or, pour les fanatiques du paulinisme, il était le seul esprit chrétien libéral parmi les apôtres, les autres étant des bigots judaïsants à l’esprit étroit ; toutes les divergences de Paul avec eux sont attribuées uniquement à son intelligence supérieure et à son zèle plus authentique pour la cause chrétienne ; comme s’il n’était pas évident que nous devons les véritables principes du christianisme aux Évangiles, et seulement ses corruptions aux épîtres pauliniennes.

Le parti paulinien suppose donc que le seul motif de querelle était sa plus grande libéralité et son illumination supérieure, dans sa tentative de mettre de côté le rituel de Moïse et d’ouvrir ainsi le christianisme au monde entier. Or, Paul met de côté toute la loi, et pas seulement le rituel, comme nous le verrons.

Quoi qu’il en soit, telle est la question abordée dans le présent essai, et la conclusion à laquelle nous arrivons est que Paul n’a pas prêché l’Évangile du Christ, mais un Évangile de son propre cru ; et bien qu’il ait conduit les hommes au Christ, c’était son Christ, et non le Jésus des évangélistes : la mort du Christ sur la croix, le Christ mort, le Fils qui est mort à notre place, comme il le dit, et non le Dieu vivant.

Bien sûr, c’est en utilisant librement le nom du Christ qu’il a accompli ce qu’il a accompli, ce qui lui a valu son prestige à travers les âges.

Paul prend soin de nous dire à quel point ses compagnons de travail dans la vigne étaient indignes, mais il ne nous a pas dit ce que nous serions heureux de savoir : comment son grand et soudain changement de camp s’est produit ; comment, de Juif fanatique, de pharisien, d’Hébreu parmi les Hébreux, de persécuteur sans mesure, il est devenu un apôtre du Christ si zélé qu’il a renoncé à toute communion avec ceux qui étaient apôtres avant lui, affirmant qu’il n’avait rien appris d’eux ; et au point qu’il s’est senti obligé de réprimander ceux qui « semblaient être quelque chose », les piliers réputés de l’Église jusqu’alors, pour s’être écartés du droit chemin.

Ne pouvons-nous pas nous exclamer avec son disciple saint Augustin : « Pardonne-nous, ô apôtre, nous ne savons rien de toi, sauf ce qui est mauvais. Pardonne-nous, ô apôtre, nous ne disons que ce que tu nous as toi-même enseigné.

« Nous t’entendons comme quelqu’un qui se confesse : nous ne te trouvons pas ingrat envers celui qui t’a donné. Nous ne savons rien de ce qui t’appartient et que tu as toi-même fourni, si ce n’est ce qui est mauvais. Lorsque Dieu couronne donc tes mérites, il ne couronne rien d’autre que ses propres dons 49. »

Paul ne nous a donc pas donné l’information la plus intéressante qu’il aurait pu nous donner sur lui-même, à savoir comment, de persécuteur des chrétiens, il est devenu apôtre chrétien ; et nous n’avons rien d’autre que le récit très insatisfaisant des « Actes ».

Paul nous dit que Dieu lui a révélé son Fils, mais il ne nous donne aucun indice sur l’occasion ou le moment de cette révélation, sauf peut-être sa remarque selon laquelle, après cela, il est allé en Arabie et est revenu à Damas, ce qui, dans une certaine mesure, associe cette ville à cet évènement et établit ainsi un lien entre celui-ci et la tradition des « Actes ».

On suppose que les circonstances fixent la date à environ l’an 35 après J.-C. ou un peu plus tard.

Puis, trois ans plus tard, il se rendit à Jérusalem. Que ce soit après sa conversion ou sa révélation, ou encore son retour d’Arabie à Damas, nous ne pouvons que faire des conjectures.

Si l’on se fonde sur le moment de sa conversion, on obtient approximativement l’an 38 après J.-C. pour la période de sa deuxième visite à Jérusalem, ou la première après avoir embrassé la cause du Christ, visite qu’il a gardée aussi privée que possible, dit-il.

Puis, après une longue interruption de quatorze ans, il se rendit pour la troisième fois à Jérusalem, soit vers l’an 52 après J.-C. Il s’agissait d’une visite officielle, en compagnie de Barnabas et de Tite, au sujet de la circoncision, selon les « Actes », mais selon son propre récit, il s’y rendit par révélation, comme il l’exprime à nouveau de manière vague. À cette occasion, il prêcha l’Évangile qu’il avait prêché aux païens, mais toujours en privé, comme il prend soin de nous le dire, car il se méfiait beaucoup de l’accueil que pourraient lui réserver les disciples de la Ville Sainte ; et les évènements ultérieurs montrèrent qu’il avait de bonnes raisons de craindre les faux frères, comme il se plaît à appeler ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui.

Il est remarquable que Paul, bien qu’il soit communément appelé dans les temps modernes l’Apôtre des Gentils, comme si aucun autre n’avait jamais prêché aux Gentils, n’ait pas revendiqué ce titre particulier ni professé une fonction exclusive ; mais il dit qu’il a été appelé à prêcher aux païens et à proclamer le nom du Christ parmi tous les Gentils, parmi lesquels il est devenu « puissant », bien que « l’Asie » se soit détournée de lui par la suite. (Gal. i. 16 ; Rom. i. 5 ; Gal. ii. 8 ; 2 Tim. i. 15.)

Le troisième récit de la conversion de Paul dans les « Actes » lui attribue, de manière très extravagante, la mission à mener auprès des païens comme étant une exclusivité, ce qui était peut-être à la mode dans la seconde moitié du IIe siècle ; pourtant, avec une incohérence caractéristique, il avait déjà attribué la même mission à Pierre. Un véritable cas de déshabillement de Pierre pour habiller Paul ! (Actes xv. 7.)

Il convient également de noter que Justin ignore si complètement Paul qu’il attribue spécialement l’œuvre de conversion des païens aux apôtres eux-mêmes, les Douze – ἄνδρες δεκαδύο –, ce qui est conforme à l’Évangile ; ce fait nous montre que Paul n’était pas universellement reconnu comme l’apôtre des païens vers le milieu du siècle, ou bien que Justin ignore la tradition commune, ce qui est une protestation d’autant plus marquée 50. (Justin, Apol., i. 39.)

Dans « Romains », il se désigne certes comme « l’apôtre des Gentils », mais il n’est pas certain qu’il veuille faire comprendre qu’il s’agit là d’un privilège qui lui est propre ; c’est une supposition qu’il n’a pas le droit de faire. Il dit : « Je m’adresse à vous, Gentils, en tant que je suis (l’un des) apôtres des Gentils. » Ἐφ’ὅσον μεν οὔν ἐγὼ ἐϑνῶν ἀπόστολος. (Rom. xi. 13.)

Paul n’avait certainement pas pour habitude de rechercher les païens, bien qu’il prêchât principalement en dehors de la Syrie. Ses visites semblaient presque invariablement se limiter aux villes où vivaient des Israélites ou des Juifs, et sa première démarche consistait à rechercher la synagogue, comme si les objets particuliers de son attention étaient les Juifs dispersés, c’est-à-dire eux-mêmes et leurs prosélytes, les Hellénistes.

À ceux-ci, il pouvait prêcher et dogmatiser sans craindre la rivalité des apôtres, les compagnons du Seigneur. Nous voyons que, dans de nombreux cas, il ne s’adressait aux païens qu’après avoir été rejeté par les Juifs ; donc, accessoirement seulement, aux païens. Et, très sagement, lorsqu’il leur prêchait, il renonçait à leur parler de la circoncision, qui aurait sans doute constitué un obstacle insurmontable à tout progrès parmi les Grecs.

Pourtant, on accorde trop d’importance au fait que Paul prêchait l’incirconcision, lui-même semblant affirmer qu’il prêchait la circoncision ou se plaindre d’être accusé de la prêcher. « Et moi, frères, si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je encore persécuté ? » (Gal. v. 11.)

L’évangile de Paul pourrait bien être appelé l’évangile du « prépuce », τὴς ἀκροβυστίας, mais cela ne ferait pas de lui « l’apôtre des Gentils ».

La dernière instruction du Seigneur aux Onze était de leur faire comprendre qu’ils n’étaient pas seulement les apôtres de la « circoncision », mais aussi de l’incirconcision. Car son injonction solennelle était : « Allez dans le monde entier, et prêchez l’évangile à toute créature. » « Allez donc et enseignez toutes les nations. » Montrant ainsi que cette tâche leur incombait, et qu’elle n’était pas réservée à un étranger qui n’avait jamais vu le Seigneur ni reçu d’instructions de sa bouche. Il n’y avait pas besoin d’un apôtre supplémentaire. (Marc xvi. 15 ; Matth. xxviii. 19.)

Le principe de Paul était : d’abord les Juifs, puis les Grecs. Toutes ses lettres sont clairement adressées aux Juifs.

Les « Actes », comme je viens de le faire remarquer, font également revendiquer à Pierre l’apostolat des Gentils, et ce par autorité divine. Lors de la réunion à Jérusalem, il est amené à dire que Dieu avait déjà décidé que c’était par sa bouche que les Gentils entendraient l’Évangile ; et presque dans le même souffle, il se prononce clairement contre la circoncision des Gentils. (Actes xv. 10.) Il est donc amené à usurper la particularité que le même livre présente comme la principale gloire de Paul.

Si le Christ avait l’intention d’enseigner le monde par ses élus, comme nous sommes tenus de le supposer (à une exception près), c’est-à-dire par les Onze à qui il a insufflé le Saint-Esprit, alors il est clair que Paul n’était pas l’un des enseignants élus du Seigneur, qu’il n’était pas l’un des apôtres à qui cette mission avait été confiée et qu’il n’avait pas été appelé à être apôtre des Gentils.

Le Christ n’a donné aucune instruction à Paul ; il n’a parlé qu’aux Onze.

« Allez donc, leur dit-il, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » (Matth. xxviii. 19, 20.)

Ἕως τῆς συντελείας τοῦ αἰῶνας 51.

Paul n’a pas baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; il n’a enseigné aucune doctrine que le Christ ait commandée à ses apôtres ; au contraire, il a proclamé un ensemble de dogmes qui ne se trouvent dans aucun évangile, mais qui contredisent et pervertissent l’enseignement de Jésus-Christ ; nous devons donc supposer que le Seigneur n’était pas avec lui.

Paul n’a jamais été envoyé par le Christ auprès des païens, auprès d’aucune nation ; il n’avait aucune mission de la part du Seigneur, sauf dans la légende des « Actes ».

Il n’était manifestement pas l’un des apôtres du Seigneur, car il n’a jamais vu ni entendu le Seigneur dans la chair, comme il le confesse, de sorte que le siècle suivant a dû, comme nous l’avons vu, inventer une légende spéciale pour faire de lui un nouvel apôtre.

Jean écrit un message à l’église d’Éphèse, dans lequel les faux apôtres qui avaient visité cette ville sont très sévèrement condamnés : –

« Tu as éprouvé ceux qui se disent apôtres et ne le sont pas, et tu les as trouvés menteurs. » (Apoc. ii. 2.)

Cela ne fait-il pas référence à Paul, Apollos et Timothée, entre autres 52 ?

C’est apparemment peu après la dernière visite mentionnée à Jérusalem, en 52 après J.-C., que se tint le soi-disant concile d’Antioche, où la rupture définitive entre Pierre et Paul eut lieu ; chacun poursuivant désormais son chemin séparément, non pas dans la paix ou l’harmonie, mais dans l’antagonisme et, apparemment, dans la défiance mutuelle.

Les apôtres auraient en effet envoyé des missionnaires en Galatie en riposte à l’enseignement de Paul, et leur succès est attesté dans les plaintes furieuses que Paul fulmine dans sa lettre aux Galates, où il appelle la malédiction sur leurs têtes, ou un sort plus vulgaire s’il en est un de moins terrible.

À partir de 53 après J.-C. environ, Paul suivit une voie séparée et isolée : il était alors un homme de plus de cinquante ans.

La chronologie précise de l’ordre des actions de Paul n’est en aucun cas essentielle, et pour les principes de sa doctrine, tout à fait indifférente ; je ne prétends donc pas m’y essayer ici, même s’il serait très gratifiant d’être satisfait de l’exactitude des dates et des lieux des différents évènements rapportés, ou du moins de ceux qui peuvent être considérés comme des évènements.

Ses propres mots dans « Galates » semblent établir le fait que sa deuxième visite à Jérusalem a eu lieu trois ans après son voyage à Damas, ou après sa conversion, et que sa troisième visite a eu lieu quatorze ans après cela, soit dix-sept ans après sa conversion ; cela ne semble pas poser de difficulté pour concilier les dates des autres évènements, du moins approximativement. La chronologie adoptée ici n’est donc en aucun cas imposée, car elle est en réalité sans importance.

Comme les contemporains de Paul se sont si peu souciés de conserver des traces de ses activités, nous devons nous contenter de laisser celles-ci dans le flou dans lequel nous les trouvons ; il en va à peu près de même de toute sa vie, et en particulier de la période qui a suivi son voyage à Rome ; nous ne savons absolument rien de ses dernières années.

Entre ses deux dernières visites à Jérusalem, Paul a vécu d’autres expériences spirituelles importantes, dont il nous donne d’ailleurs la date et quelques détails.

Dans la deuxième épître aux Corinthiens, datée d’environ 58 après J.-C., il dit : « Je connais un homme en Christ qui, il y a plus de quatorze ans, fut enlevé jusqu’au troisième ciel. Il fut ravi au paradis et entendit des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à un homme de prononcer. »

Cela s’est donc passé vers l’an 44 ou 45 après J.-C., et n’a aucun rapport avec la vision de sa conversion ; mais nous ne sommes pas plus informés des détails de cette intervention miraculeuse que de ceux de sa conversion, supposée avoir eu lieu vers l’an 35 après J.-C.

En 45 ou 46, Paul se trouvait, selon les « Actes », à Antioche en Pisidie, à Iconium, à Lystre et à Derbe, en Lycaonie ; mais cela ne permet pas de déterminer où s’est produit cet évènement de prime importance.

Bien que Paul ait joui de ce grand privilège, comme il le dit, il n’a apparemment pas pu nous permettre d’en profiter ; car après avoir affirmé qu’il était impossible d’en révéler quoi que ce soit, il était nécessaire qu’aucune révélation ne puisse nous en être donnée.

Eusèbe a exprimé ses regrets face à cette réticence, car il suppose que Paul devait avoir d’innombrables mystères qu’il aurait pu communiquer. Swedenborg a toutefois expliqué son silence, dans le no 288 du Diarium Majus, comme nous l’avons vu dans le troisième chapitre, section 1, p. 32. (Hist. Ecclés., iii. 24.)

Paul affirme n’avoir vu le Seigneur qu’à un seul endroit, dans la première épître aux Corinthiens : « Il est apparu à Céphas, puis aux Douze ; ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois, dont la plupart sont encore vivants aujourd’hui, mais dont certains sont morts. Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres, et enfin, il m’est aussi apparu à moi, comme à un avorton. » Remarquez qu’il ne dit rien des femmes ; ne savait-il pas que le Christ était apparu aux femmes ? (1 Cor. xv. 5, 8.)

C’est un passage remarquable, qui contredit complètement les récits des évangélistes. Il n’y a aucune source faisant autorité pour cette affirmation concernant les cinq cents, et ces cinq cents auraient vu le Seigneur avant les « apôtres », peut-être les soixante-dix ?

Aucun évangile ne corrobore cela. Comme il parle des Douze, on pourrait imaginer que Paul ignorait le sort de Judas.

Il est maintenant temps de faire un bref résumé des voyages de Paul, dont quatre sont relatés dans les « Actes des Apôtres », trois étant volontaires et un obligatoire ; et ces récits sont sans doute en grande partie fondés sur des faits réels, mais tous ont été manipulés pour répondre à l’objectif de l’auteur dans la préparation du livre des « Actes ».

 

 

 

CHAPITRE XII.

 

APÔTRE ET MISSIONNAIRE – DE SAUL, IL DEVIENT PAUL – PAPHOS – LES GALATES – SÉPARATION DE PAUL ET BARNABÉ – MARC L’ÉVANGÉLISTE – L’ÉPÎTRE DE BARNABÉ – TIMOTHÉE CIRCONCIS – LYDIE DE THYATIRE – PHILIPPES – AU « DIEU INCONNU », À ATHÈNES – CORINTHE – ÉPHÈSE – LES NICOLAÏTES.

 

LE premier voyage missionnaire de SAUL eut lieu sur l’île de Chypre, le pays de Barnabé ; il partit en compagnie de Barnabé et de Jean, appelé Marc, un parent de Barnabé : leur première étape fut Salamine, où vivaient de nombreux Juifs.

Ce voyage eut lieu vers l’an 45 après J.-C., soit neuf ou dix ans après sa conversion, et environ six ou sept ans après son entretien avec Pierre à Jérusalem.

Il semble avoir passé cette période à Tarse et à Antioche ou dans les environs, mais il ne nous dit pas comment il l’a passée ; peut-être à prêcher son évangile.

Nous voyons ici qu’il avait, en tout état de cause, tout le temps nécessaire pour mûrir ses projets missionnaires et élaborer son évangile. Et il se contentait encore d’être le compagnon de Barnabé, bien que cette humilité ou cette tolérance peu aimable n’ait pas duré très longtemps.

C’est à Paphos, à Chypre, que son nom aurait été changé de Saul à Paul, selon la tradition, parce qu’il aurait converti à la nouvelle religion le proconsul romain Sergius Paulus, et cela grâce au pouvoir miraculeux dont il fit preuve, certes de manière vindicative, en frappant d’aveuglement Élymas le sorcier, accomplissant ainsi l’opération inverse de celle du Seigneur, qui convertissait en rendant la vue aux aveugles, agissant par amour et non dans un esprit de vengeance.

Le changement de nom rapporté ici n’était peut-être rien de plus qu’une simple substitution, dans une province romaine, de l’équivalent romain de Paulus au nom hébreu de Saul.

Nous devons cette histoire d’Élymas le sorcier exclusivement au compilateur des « Actes » ; Paul lui-même ne nous donne aucune indication d’une telle manifestation de pouvoir surnaturel : et l’histoire est racontée avec un effet considérable, conformément à son objectif, même si elle totalement improbable : –

« Après avoir traversé l’île, ils arrivèrent à Paphos, où ils trouvèrent un sorcier, un faux prophète, un Juif nommé Bar-jésus, qui était avec le proconsul Sergius Paulus, lequel était un homme prudent. Celui-ci fit appeler Barnabé et Saul, et désira entendre la parole de Dieu. Mais Élymas le sorcier (car c’est ainsi que son nom se traduit) s’opposa à eux, cherchant à détourner le proconsul de la foi.

« Alors Saul, appelé aussi Paul, rempli du Saint-Esprit, fixa les yeux sur lui et dit : “Homme plein de toute sorte de ruse et de méchanceté, fils du diable, ennemi de toute justice, ne cesseras-tu point de pervertir les chemins droits du Seigneur ? Et maintenant, voici, la main du Seigneur est sur toi, et tu seras aveugle, sans voir le soleil pendant un certain temps.”

« Aussitôt, une brume et une obscurité tombèrent sur lui, et il cherchait quelqu’un pour le conduire par la main.

« Alors le préfet, voyant ce qui s’était passé, crut, étonné de la doctrine du Seigneur. » (Actes xiii. 6–12.)

C’était un ennemi facile à éliminer et un converti rapidement gagné ; mais il semblerait, d’après ce récit, que ce qui étonna le proconsul romain, ce fut la crainte superstitieuse d’un pouvoir mystérieux, et non une doctrine, car quelle que soit la doctrine qui lui avait été communiquée, elle n’avait pas produit cet effet.

Il est étrange que Paul, qui possédait ce pouvoir mystérieux, n’ait pas réussi à l’utiliser à d’autres occasions de ce voyage missionnaire, alors qu’il était plus nécessaire. Nous verrons que dans d’autres situations difficiles, Paul et Barnabé étaient impuissants, bien qu’ils aient été envoyés en mission par le Saint-Esprit, dit le compilateur : –

« Comme ils servaient le Seigneur et jeûnaient, le Saint-Esprit dit : Mettez-moi à part Barnabé et Saul pour l’œuvre à laquelle je les ai appelés. » (Actes xiii. 2.)

Remarquez que Saul occupe ici une position secondaire par rapport à Barnabé, mais qu’à partir de ce miracle, il prend la première place.

Ce chapitre nous offre une autre illustration, très caractéristique du système narratif du compilateur et de la prétendue manière dont les missionnaires accomplissaient l’œuvre à laquelle ils étaient appelés, et comment, dans les échecs qui alternaient avec leurs succès, ils négligeaient avec incohérence de faire appel à cette puissance surnaturelle si efficacement démontrée à Paphos ; ou alors, il faut en déduire qu’ils n’étaient pas remplis du Saint-Esprit dans ces autres occasions.

Pourtant, selon Paul lui-même, c’est à ce moment-là qu’il fut « enlevé jusqu’au troisième ciel » (1 Cor. xii. 2) ; cependant, selon sa propre confession, il s’agissait d’une vision infructueuse, car elle n’apporta rien, ni à lui-même ni aux autres, si ce n’est l’effet que sa vantardise de ce privilège particulier a pu avoir sur ses disciples, et l’épine dans la chair, qui lui fut donnée pour contrebalancer l’orgueil et la vaine gloire qui accompagnaient en lui de si grandes révélations.

De Paphos, Paul et ses compagnons traversèrent la mer pour se rendre à Perga en Pamphylie, où Jean les quitta et retourna à Jérusalem : le caractère dominateur de Paul était plus qu’il ne pouvait supporter. Il devint par la suite le disciple de Pierre.

Paul et Barnabé poursuivirent leur voyage jusqu’à Antioche en Pisidie, puis à Iconium, Lystre et Derbe, en Lycaonie, visitant partout d’abord les synagogues et prêchant aux Juifs, comme si leur mission consistait uniquement à rendre visite à ce peuple dispersé parmi les Gentils ou les Grecs ; et ils firent de nombreux convertis parmi eux : ce sont les Galates de Paul. Mais la grande majorité des prosélytes étaient, après tout, apparemment des Juifs ; car dans sa lettre aux Galates, Paul s’adresse clairement aux Juifs : –

« Restez donc fermes dans la liberté que Christ nous a donnée, et ne vous laissez pas de nouveau asservir par le joug de l’esclavage. Voici, moi Paul, je vous dis que si vous vous faites circoncire, Christ ne vous servira de rien. Car je témoigne de nouveau à tout homme qui se fait circoncire qu’il est tenu de pratiquer toute la loi » – ὅλον τὸν νόμον ποιῆσαι. (Gal. v. 1, 3.)

Paul dit ici en particulier « accomplir toute la loi », car il fait spécialement référence à la loi cérémonielle, ou rituelle : lorsqu’il parle simplement de la loi, il fait clairement référence au Décalogue ou à la loi morale, et probablement exclusivement, comme nous le voyons dans certains passages où il donne ses propres explications. (Voir chap. XIII ci-dessous.)

Le compilateur des « Actes » met dans la bouche de Paul à Antioche (en Pisidie) un discours similaire à celui qu’il a donné à Étienne à Jérusalem ; et sans meilleur effet, car les Juifs ont contredit et blasphémé, par envie – « parce que presque toute la ville s’était réunie pour entendre la parole de Dieu ». (Actes xiii. 44, 51.)

Et pourtant, chose étrange, malgré cette grande affluence de personnes venues entendre la « parole de Dieu », ces apôtres zélés, dit le compilateur, « secouèrent la poussière de leurs pieds contre eux » et se rendirent à Iconium.

Pourquoi donc ? Parce que certains Juifs, envieux, les avaient contredits et blasphémés. Et pourtant, lorsque Paul écrit aux Galates, c’est aux Juifs qu’il s’adresse.

Paul et Barnabé ont-ils mieux réussi à Iconium ? Non, ils ont été chassés d’Iconium et se sont enfuis à Lystre, où le peuple, incité par les Juifs d’Antioche et d’Iconium, a lapidé Paul !

Ce voyage parmi les Galates semble avoir été un échec cuisant, alors que Paul reconnaît qu’ils avaient si bien couru. (Gal. v. 7 ; Actes xiv. 20.)

Il s’agissait cependant apparemment d’une lapidation très inoffensive, celle de Lystre, car Paul se releva et retourna dans la ville ; et le lendemain, les deux apôtres se rendirent à Derbe, où Paul rencontra Timothée, un jeune homme qui devint par la suite son fervent disciple.

Après de nombreux efforts, plus ou moins infructueux, bien qu’ils aient dû rencontrer un certain succès parmi les Juifs comme parmi les Grecs, à en juger par la lettre ultérieure aux Galates, ils rebroussèrent chemin par la même route qu’ils avaient empruntée, retournèrent en Pamphylie et s’embarquèrent à Attalie pour Antioche en Syrie, d’où ils étaient partis.

Ce premier voyage important semble avoir duré environ cinq ans.

Puis, à leur retour, eurent lieu les discussions déjà mentionnées à Antioche sur le rite de la circoncision, et le voyage ou la mission qui s’ensuivit à Jérusalem.

Le résultat du concile d’Antioche fut un compromis. Les Juifs devaient observer la loi, mais les païens étaient exemptés de la circoncision, devant toutefois s’abstenir de manger de la viande offerte aux idoles, de manger des animaux étouffés, de boire du sang et de se livrer à la fornication (τῆς πορνείας). (Actes xv. 20, 29.)

La πορνεία interdite semble avoir compris les mariages mixtes, c’est-à-dire entre Juifs et Gentils.

Paul était accusé d’encourager ou de tolérer certaines de ces choses, comme la consommation de viandes offertes aux idoles et la πορνεία (mariages mixtes ?).

Le deuxième voyage de Paul fut également, semble-t-il, destiné en premier lieu à ses Galates de Derbe, Lystre et Iconium ; mais cette fois-ci, il aurait emprunté la route terrestre, traversant la Syrie et la Cilicie, passant par le mont Taurus par les « portes de Cilicie » ; et avec Silas pour compagnon, celui qui avait été envoyé par Jacques de Jérusalem à Antioche, pour traiter de la question de la circoncision des païens.

Outre Silas, qui, comme Paul, était citoyen romain, Paul emmena également avec lui son disciple préféré, Timothée, qu’il circoncit, bien que celui-ci fût grec du côté de son père. (Actes xvi. 3.)

Barnabé, l’ancien ami et protecteur de Paul à Jérusalem, s’était finalement séparé de lui et avait entrepris une mission indépendante à Chypre, son propre pays, avec Jean, son cousin surnommé Marc, qui avait auparavant refusé de poursuivre le voyage en compagnie de Paul et qui avait donc quitté Paul et Barnabé à Perga en Pamphylie.

Ce Jean Marc était le futur évangéliste, à qui l’on attribue le mérite d’avoir été le porte-parole de Pierre, l’Évangile de Marc étant en fait l’Évangile de Pierre.

Barnabé aussi, qui n’était au départ qu’un compagnon de Paul, se rendit compte qu’il ne pouvait se résoudre à n’être que son simple assistant et ministre ; et Paul ne tarda pas à montrer qu’il ne pouvait tolérer que des personnes dépendantes, telles que Tite ou Timothée, tant était grand son esprit dominateur.

Son caractère impitoyable se manifeste également dans son refus de permettre à ce parent de Barnabé d’être leur compagnon dans ce nouveau voyage, parce qu’il les avait abandonnés lors du premier voyage ; et la décision de Barnabé d’abandonner Paul plutôt que Marc montre son appréciation de la conduite de Paul.

Il suffit de comparer les lettres de Paul avec l’« Épître générale de Barnabé 53 » pour voir à quel point leurs esprits étaient incompatibles. Barnabé parle du Seigneur et de ses voies, prêche la bonté et la simplicité de la vie, montrant que la loi ou le rituel juif mosaïque est abrogé, mais que le respect des commandements du Seigneur est l’essence même de la vie éternelle.

« Si un homme est bon, dit-il, sa justice le précédera ; s’il est méchant, la récompense de sa méchanceté le suivra. » (Chap. iii. 14, 17.)

« Comme il est écrit, il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus », citant les paroles de Matthieu. Tous sont appelés, mais seuls les bons sont élus. (Chap. xx. 16 ; xxii. 14.)

Ses explications spirituelles sont fantaisistes et peut-être puériles, mais il dit que Moïse parlait en termes représentatifs : ses paroles ne devaient pas être comprises selon la lettre ; elles avaient un sens interne. C’est vrai, mais ses interprétations, bien qu’elles renvoient réellement au Christ, ne correspondent pas à celles de Swedenborg. (Chap. v. 8.)

Encore une fois, « Tu seras simple de cœur et riche en Esprit. »

« Tu ne négligeras aucun des commandements du Seigneur. » (Chap. xvi. 6, 7.)

« Tu ne t’élèveras pas, mais tu seras humble. Tu ne t’attribueras pas les honneurs. Tu ne participeras à aucun conseil malveillant contre ton prochain. »

Et d’autres choses simples de ce genre, sans importuner ses lecteurs avec des notions de prédestination, de justification, d’imputation, ou tout autre dogmatisme qui lui est propre.

Timothée était soumis à Paul en toutes choses, allant même jusqu’à se laisser circoncire par lui, « à cause des Juifs » ; un exemple très extraordinaire de concession de la part de l’Apôtre des incirconcis.

Mais son ami Tite, comme nous venons de le voir, dut également se soumettre à la même cérémonie, lorsqu’il était le compagnon de Paul, même s’il n’y fut pas contraint par les Juifs ; mais à cause des faux frères, dit Paul dans sa lettre aux Galates ; ces faux frères étant simplement ceux qui ne se laissaient pas guider par Paul. (Gal. ii. 3.)

La circoncision de Timothée, si elle est avérée, est un exemple de sa soumission aux préjugés juifs ou à ses propres craintes, ce qui n’est pas facile à expliquer, à moins qu’il n’ait estimé que seul un Juif devait prêcher aux Juifs ; car non seulement il a dû aller à l’encontre de ses propres sentiments et principes, mais il a également agi en contradiction avec le pacte ou compromis d’Antioche : il s’agissait purement d’un acte politique, dans lequel les principes n’avaient pas leur place. (Actes xv. 29.)

Paul avait apparemment renoncé complètement à ce rite pour ses disciples galates, c’est-à-dire ceux qui n’avaient pas encore été circoncis, car il dit : « Voici, moi, Paul, je vous dis que si vous vous faites circoncire, Christ ne vous servira de rien. » Mais cela se rapporte peut-être à une période quelque peu postérieure à celle de ce voyage.

Cette circoncision de Timothée, originaire de Lystre, de mère juive certes, mais de père grec, et lors d’un voyage missionnaire, nominalement parmi les païens, montre à quel point tout ce qui était juif était vraiment primordial dans l’esprit de Paul, malgré sa profession de foi exclusive en Christ.

Son objectif était de concilier autant que possible les Juifs, tout en leur prêchant le christianisme, et c’est pourquoi il fit de son compagnon et collègue un Juif. Son cœur étant juif, c’est auprès des Juifs qu’il cherchait la sympathie et le pouvoir ; une nouvelle ambition s’empara de lui, celle de juger les tribus ; qu’ils soient juifs, prosélytes ou convertis au christianisme, tous étaient juifs, et plus particulièrement ceux qui acceptaient le Messie ; c’est donc naturellement parmi son propre peuple qu’il chercha en premier lieu ces personnes.

Paul recherchait à chaque occasion les Juifs dispersés et visitait leurs synagogues partout où il passait : d’abord aux Juifs, puis aux païens, comme il le déclare ; tel était son principe. Les païens occupaient toujours une place très secondaire dans ses préoccupations, et « l’Apôtre des Juifs vivant parmi les païens » est un titre beaucoup plus approprié pour Paul que « l’Apôtre des païens ». (Rom. ii. 10.)

Depuis la province intérieure de Galatie, Paul et ses amis se rendirent à Alexandrie de Troas, sur la côte nord-ouest de la péninsule, où ils rencontrèrent un nouveau compagnon ; car à cet endroit, le compilateur des « Actes », en utilisant le pronom « nous » au lieu de parler à la troisième personne comme jusqu’à présent, montre qu’ici, et jusqu’à Philippes en Macédoine, il utilise le récit d’un compagnon de voyage et témoin oculaire des évènements.

Jusqu’à ce point, tout dans ce deuxième voyage est très vague ; le compilateur des « Actes » n’en savait rien, si l’on en juge par sa réticence.

Si l’auteur de cet épisode sur Troas et la Macédoine avait été le compilateur de l’ensemble du livre, nous en aurions appris davantage sur cette deuxième partie du voyage dans sa période initiale, car un compagnon de l’apôtre rédigeant le récit aurait eu suffisamment d’occasions de s’informer à ce sujet ; alors que le compilateur actuel ne savait manifestement rien de cette partie du voyage.

Les voyageurs se rendirent alors en Macédoine par « révélation » et, à Philippes, l’apôtre rencontra sa plus grande amie, Lydie, la marchande de pourpre de Thyatire, qui était riche et qui hébergea Paul dans sa propre maison.

Cette Lydie était la femme qui l’avait aidé financièrement, ici et à Thessalonique, et dont il parle ensuite en termes si affectueux dans sa lettre aux Philippiens ; il dit : – « Et je t’en supplie, toi qui es ma véritable compagne – σύζυγε γνήσιε – aide ces femmes qui ont travaillé avec moi pour l’Évangile, ainsi que Clément et mes autres compagnons de travail συνεργῶν – dont les noms sont inscrits dans le livre de vie. » Ici, il juge, remarquez-le bien ! (Phil. iv. 3.)

C’est apparemment à cette lettre que Clément d’Alexandrie fait référence dans ses « Stromates », dans le passage cité par Eusèbe : « Et Paul n’hésite pas, dans une certaine épître, à mentionner sa propre femme, qu’il n’a pas emmenée avec lui afin de mieux accomplir son ministère. » (Hist. Ecclés., iii. 30.)

M. Renan traduit les mots σύζυγε γνήσιε – ma chère épouse – et se demande s’il est impossible que Paul et Lydie aient été mariés. Le nom de Lydie n’est pas mentionné dans la lettre, et ces mots ne peuvent s’appliquer qu’à elle.

Les mots de la première épître aux Corinthiens nous permettent de conclure qu’elle ne voyageait pas avec Paul : « N’avons-nous pas le droit d’emmener avec nous une sœur, une femme (ou une femme – ἀδελφὴν γυναῖκα) comme les autres apôtres, et comme les frères (parents) du Seigneur et de Céphas ? »

D’autre part, le fait qu’il ait été marié à un moment donné semble plus que probable, d’après un autre passage de la même lettre :

« Et je dis aux veufs (ou aux hommes sans femme) et aux veuves – ἀγάμοις καὶ ταῖς χήραις – qu’il est bon pour eux de rester comme moi. »

Mais si cela signifie qu’il était veuf, puisque Lydia était en vie lorsqu’il a écrit cette lettre, comme il semble, nous devons conclure, contrairement à la suggestion de M. Renan, que Paul et Lydia n’étaient pas mari et femme. Cette lettre a probablement été écrite depuis Rome, vers les années 62–64.

C’est à Philippes, une ville de Macédoine située près de la mer, que Paul, lors de sa première visite, fut battu de nombreux coups et emprisonné. C’est également dans cette ville qu’eurent lieu le tremblement de terre, l’ouverture des portes de la prison et le desserrement des chaînes, tous provoqués par les prières de Paul et Silas.

Mais le lendemain, ils furent honorablement acquittés, après s’être déclarés citoyens romains.

Si toute cette histoire n’est pas une fable, il est curieux qu’ils n’aient pas eu la présence d’esprit de déclarer leur condition avant le châtiment, à moins que cela n’ait été souhaitable pour pouvoir s’en vanter par la suite, car nous voyons que Paul saisit plusieurs occasions pour mettre en avant les périls et les épreuves qu’il a traversés pour la cause. (2 Cor. xi. 24–26.)

Paul nous dit qu’il a subi cinq fois quarante coups moins un et qu’il a été battu trois fois avec des verges, mais le cas ci-dessus est le seul que mentionnent les « Actes » 54. (Actes xvi. 23.)

Les cinq fois trente-neuf coups ne peuvent être que des châtiments juifs, et il n’en est pas fait mention dans les « Actes ». Les coups de verges étaient un châtiment romain, et les coups reçus à Philippes auraient donc dû être l’un de ces trois châtiments, mais les verges ne sont pas mentionnées, les mots sont simplement « leur infligea de nombreux coups » – πολλές πληγὰς.

Le but du miracle rapporté ici semble avoir été la conversion du geôlier et de sa famille, car il n’avait rien à voir avec la libération des deux apôtres.

Paul et Silas, laissant les deux autres à Philippes, se rendirent dans la ville voisine de Thessalonique, où se trouvaient une synagogue et une communauté de Juifs, la première préoccupation de Paul. On dit qu’il y travailla pour gagner sa vie, afin de ne pas être un fardeau pour le peuple, travaillant nuit et jour ; comme si c’était quelque chose d’inhabituel ; pourtant, il reçut au moins deux fois l’aide des Philippiens, par l’intermédiaire de sa fidèle Lydie. (Phil. iv. 16.)

Il a dû rester quelque temps à Thessalonique, car on lui attribue le mérite d’y avoir converti de nombreuses personnes, juifs et païens, dont la plupart ou la majorité étaient des femmes, comme d’habitude ; les autres Juifs, cependant, devenus jaloux, firent du tapage et finirent par le chasser ; il partit alors avec Silas pour Bérée, où les Juifs incrédules de Thessalonique les poursuivirent ; mais ses amis conduisirent Paul en sécurité jusqu’à la mer, et il s’enfuit à Athènes ou à Corinthe, où Silas et Timothée le rejoignirent.

La première lettre de Paul est supposée être la Première aux Thessaloniciens, écrite vers l’an 53 depuis Corinthe.

L’apôtre des Gentils, si l’on en croit les « Actes », n’eut que peu d’effet à Athènes.

Il tenta de s’adresser aux Athéniens depuis le mont Mars, et les paroles que le compilateur de cette histoire lui prête ici sont peut-être le plus pur exemple d’histrionisme de tout le livre : –

« Hommes d’Athènes, je vois que vous êtes très superstitieux en toutes choses ; car, en passant et en observant vos objets de culte, j’ai trouvé un autel sur lequel était écrit :

« AU DIEU INCONNU ». (Actes xvii. 22, 24, 28).

« C’est donc celui que vous adorez sans le connaître, et je vous l’annonce.

« Dieu, qui a fait le monde et tout ce qui s’y trouve, étant le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas dans des temples faits de main d’homme. »

Et puis il leur cite, pour corroborer ses propos, une parole de l’un de leurs poètes, en référence à Jupiter, comme étant ce Dieu père de tous :

« Car en lui nous vivons, nous nous mouvons et nous existons, comme l’ont dit certains de vos poètes, car nous sommes aussi sa descendance 55. »

Laissant de côté la question de savoir s’il pouvait y avoir, à Athènes, un autel dédié à Dieu inconnu –

ΑΓΝΩΣΤΩΙ ΘΕΩΙ,

ce que les critiques allemands nient, il semble qu’il y ait eu des autels dédiés à des dieux inconnus, comme nous pouvons le déduire de Pausanias 56 ; pourtant, toute cette belle rhétorique a été complètement gaspillée. (Baur, Paulus, I., p. 200. Zeller, Apostelgeschichte, p. 259.)

Paul ne leur dit presque rien sur le « Dieu inconnu », car dès qu’il commença à parler du Christ et de la résurrection, les Athéniens se moquèrent de lui et interrompirent l’audience.

Ils avaient raison, car ils ne pouvaient comprendre la résurrection qu’au sens matériel, ce que Paul enseignait réellement, et cela paraissait bien sûr trop absurde à leurs yeux, eux qui n’avaient pas été formés à une telle notion dans leur éducation, comme c’est malheureusement le cas dans les communautés chrétiennes perturbées par les traces néfastes que Paul a laissées partout où il a passé. (Voir chap. XVII, § 5, ci-après.)

Ni Pausanias ni Lucien ne mentionnent un autel dédié au « Dieu inconnu » ; Lucien jure simplement « par l’inconnu à Athènes » – Νὴ τὸν Ἄγνωστον ἐν Ἀθὴναις – en allusion à ce passage précis des « Actes » 57.

Le Dialogue de Philopatris conservé parmi les œuvres de Lucien n’est pas de lui ; il s’agit d’une imitation tardive, datant du IVe siècle, de l’époque de l’empereur Julien, lorsque le christianisme était à nouveau en difficulté.

Le mépris pour les prétentions de Paul et le christianisme de l’époque, qui semblait alors en déclin, est l’essence même du Dialogue ; de sorte que la référence du Dr Burton à cette diatribe comme preuve sérieuse de l’existence d’un autel dédié au « Dieu inconnu » à Athènes, pour justifier et corroborer ce passage des « Actes », est tout sauf heureuse.

Ce qui suit n’est qu’une des nombreuses allusions tout aussi moqueuses à Paul et aux Galiléens, comme on appelait alors les chrétiens, dans ce Dialogue : « Je ne comprends pas ce que tu veux dire, dit Critias, par ton Un-trois et ton Trois-un. »

Triepho, l’ancien chrétien, répond : « Je vais t’enseigner ce qu’est le Tout, qui existait avant l’univers et selon quel plan l’univers a été créé. Car très récemment, il m’est arrivé à peu près la même chose que ce qui t’arrive maintenant : j’ai croisé un certain Galiléen chauve et au nez proéminent qui, lors d’une de ses pérégrinations aériennes, est monté au troisième ciel, où il a sans doute appris les choses surprenantes qu’il a rapportées.

« Il m’a renouvelé par l’eau, m’a libéré du royaume des impies et m’a conduit sur le chemin des bienheureux. Si vous m’écoutez, je peux faire de vous un homme véritable. »

Tout ce dialogue est un jeu de questions et de réponses.

Ainsi, la tentative rapportée par Paul de faire connaître et établir le culte du vrai Dieu à Athènes fut un échec complet, un simple fiasco, et l’histoire n’ajoute rien à la dignité de ses activités missionnaires ; c’est en effet une très bonne illustration de la fable grecque de la montagne et de la souris.

Un ami prudent aurait peut-être mieux fait de passer sous silence un effort aussi infructueux, s’il a jamais eu lieu, mais il est présenté de manière plus ostentatoire que tous les autres efforts rapportés.

La visite à Athènes n’a toutefois peut-être pas été entièrement infructueuse, puisque nous apprenons que Denys l’Aréopagite et une femme nommée Damaris se sont convertis à la nouvelle religion à Athènes. Et ils ont peut-être été amenés à la foi par Paul, directement ou indirectement, car ils se sont attachés à lui et ont cru, selon les « Actes ». Et nous ne devons pas oublier qu’« il y a de la joie parmi les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent ». Bien que le repentir ne soit pas un mot très essentiel dans le vocabulaire de Paul, car il dit : « Les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance » ; nous pouvons être sûrs qu’il n’a pas dit cela par révélation. (Luc xv. 10.) (Rom. xi. 29.)

Corinthe avait également sa synagogue, et c’est là que se trouvaient les Juifs qui avaient été bannis de Rome par l’empereur Claude.

Parmi ces Juifs se trouvaient Aquilas et sa femme Priscille, qui avaient embrassé la nouvelle foi, et comme ils exerçaient le même métier que Paul (tisserands ?), il s’installa chez eux et fit un long séjour à Corinthe, d’une durée de près de deux ans – dix-huit mois, ce qui est déjà long.

Paul fut de nouveau rejoint à Corinthe par Silas et Timothée. Et tous les trois, ou Paul seul, avec Aquilas et Priscille, s’embarquèrent pour la Syrie.

Sur le chemin du retour vers Antioche, ils firent escale à Cenchrées, où Paul se rasa la tête, car il avait fait un vœu. Ils se rendirent ensuite à Éphèse, où Paul quitta Aquilas et Priscille, et atteignirent le port de Césarée : Paul ne voulait pas s’attarder à Éphèse, car il souhaitait passer la fête à venir à Jérusalem, c’est-à-dire en l’an 55, apparemment.

Ce voyage dura donc environ trois ans.

« Et quand il eut débarqué à Césarée, il monta saluer l’Église, puis il descendit à Antioche. » (Actes xviii. 22.)

Le fait de monter et de saluer l’Église semble impliquer une visite à Jérusalem ; puis il descendit à Antioche ; mais ce n’est pas très clair.

Le récit est confus, mais cela n’a que peu d’importance, voire aucune, en ce qui concerne l’enseignement de Paul.

Paul établit une communauté importante, bien que divisée, à Corinthe, comme nous l’apprenons dans ses lettres écrites par la suite depuis Éphèse ; et ni les efforts des Juifs récalcitrants ni ceux d’autres partis n’ont prévalu contre elle, bien que notre deuxième lettre aux Corinthiens montre qu’il a dû mener un combat difficile pour maintenir sa position.

Dans ses prêches ici, l’apôtre avait reçu un encouragement particulier, dit les « Actes », dans un rêve ou une vision du Seigneur : –

« Alors le Seigneur dit à Paul, pendant la nuit, dans une vision : Ne crains point, mais parle et ne te tais point, car je suis avec toi, et personne ne mettra la main sur toi ; car j’ai un peuple nombreux dans cette ville. » (Actes xviii. 9, 10.)

Tout comme le prophète Jérémie avait été encouragé autrefois. (Jér. i. 17, 19.)

Et cette visite nous amène peut-être à conclure qu’il existait déjà une communauté chrétienne à Corinthe avant la visite de Paul, sinon cet incident semble hors de propos et dénué de sens ; à moins que le « grand nombre » ne désigne simplement les Juifs qui n’avaient pas encore été convertis à la foi.

Ce sont donc les Corinthiens à qui Paul adressa deux ou plusieurs de ses épîtres les plus importantes, dont au moins deux ont été conservées.

C’est aux Corinthiens qu’il dit : « J’ai dépouillé d’autres Églises, en recevant d’elles un salaire, pour vous servir. » Ce qui semble montrer que le fait de ne pas prendre d’argent était l’exception, et non la règle ; il avait donc l’habitude de vivre aux dépens des communautés qu’il visitait. (2 Cor. xi. 8.)

Le troisième voyage missionnaire de Paul l’a également conduit à Éphèse, à nouveau en passant par le mont Taurus, par les « portes de Cilicie », à travers la Galatie et la Phrygie ; et il semble avoir été très choqué par l’état des communautés parmi ses Galates, qui, pendant son absence, avaient apparemment été fortement influencées par des émissaires de Jérusalem, envoyés pour contrer les persuasions antinomiennes de Paul sur la justification par la foi, etc., et certains efforts fructueux semblent avoir été faits pour les ramener au respect de la Loi.

Paul, par conséquent, écrit maintenant, peut-être depuis Éphèse, avec son énergie caractéristique, sa célèbre lettre aux Galates :

« Je m’étonne, dit-il, que vous vous détourniez si vite de celui 58 qui vous a appelés à la grâce de Christ, pour vous tourner vers un autre Évangile ; lequel n’en est pas un autre ; mais il y en a qui vous troublent et qui veulent pervertir l’Évangile de Christ.

« Mais si nous (moi) ou un ange venu du ciel vous annonce un autre évangile que celui que nous (moi) vous avons prêché, qu’il soit maudit. » (Gal. i. 6–8.)

Avec d’autres dénonciations vigoureuses du même genre, il aurait ainsi maudit tous les apôtres qui osaient différer de lui. (Gal. v. 2–7, 12.)

À Éphèse, Paul prêcha pendant trois mois dans la synagogue, mais, rejeté par les Juifs, il se tourna vers les Grecs ; et il resta encore plus de deux ans, prêchant dans la ville et faisant des convertis.

Et Dieu accomplit des miracles par ses mains, nous disent les « Actes » : les vêtements usés de son corps guérissaient les maladies et chassaient les démons ! (Actes xix. 11, 13.)

Sa première lettre aux Corinthiens aurait été écrite au début de son séjour à Éphèse, et celle que nous appelons la deuxième, vers la fin, soit environ un an plus tard. C’est aux Corinthiens que Paul dit à propos de lui-même, en parlant de ses adversaires : –

« Car ses lettres, disent-ils, sont puissantes et convaincantes, mais sa présence physique est faible et son discours méprisable. » (2 Cor. x. 10.)

« Mais si je suis grossier dans mes paroles, je ne le suis pas dans ma connaissance. » (2 Cor. xi. 6.)

C’est dans la première lettre aux Corinthiens qu’il parle avec une telle simplicité des différents partis de l’Église de Corinthe, et où le Christ est mentionné comme n’importe quel autre chef de parti ordinaire :

« Or, voici ce que je dis : Chacun de vous dit : “Je suis de Paul”, “Je suis d’Apollos”, “Je suis de Céphas”, “Je suis du Christ”. » (1 Cor. i. 12, 13.)

Et il les réprimande doucement ainsi :

« Le Christ est-il divisé ? Paul a-t-il été crucifié pour vous ? Ou avez-vous été baptisés au nom de Paul ? »

Il s’efforce ainsi, avec une simplicité charmante, de leur rappeler certaines différences entre ses services pour eux et ceux du Christ, comme si ces distinctions devaient être soulignées, protestant modestement qu’il ne fallait pas confondre les personnes.

Tout cela implique qu’il considérait comme tout à fait possible qu’il y ait des membres de l’Église assez simples ou ignorants pour ne pas voir la nature essentielle de la distinction entre Paul et le Christ, tant ses propres services étaient grands.

La douceur de la réprimande pourrait laisser supposer qu’il ne voyait aucune offense faite à l’Église dans cette combinaison extraordinaire de noms avec celui de Jésus-Christ ; ou comme si les disciples de Paul, d’Apollos ou de Kephas (Pierre) n’avaient pas pour objectif commun la simple reconnaissance et la prédication du Christ ; comme s’il s’agissait en fait d’une simple question de quatre sectes de réformateurs religieux d’une importance capitale et difficiles à distinguer : celles de Paul, d’Apollos, de Céphas et du Christ.

Les autres prêchaient-ils avec si peu d’à-propos que le fait de mettre en avant l’enseignement et l’imitation du Christ était une caractéristique distinctive ?

Le fait pour un groupe de se distinguer des autres impliquait que ses adeptes ne considéraient pas comme chrétiens ceux qui n’était pas avec eux, et c’était spécialement le cas des défenseurs de la justification par la foi seule.

Le fait que Paul ait pu écrire un passage tel que celui ci-dessus, sur un tel ton et d’une telle manière, montre qu’il n’avait pas, pas plus que les autres, intégré dans son esprit la conception du Seigneur Dieu Sauveur en la personne de Jésus-Christ ; il le considérait tout au plus comme le Fils de Dieu qui s’était offert en sacrifice à Dieu pour l’homme ; et le considérant, comme il le confesse lui-même, comme un simple homme, bien que régénéré : le second Adam.

Après un tumulte à Éphèse, provoqué par l’opposition d’un certain Démétrius, orfèvre, Paul se rendit à nouveau en Grèce, puis en Macédoine, où, à Philippes et à Thessalonique, il avait fondé ses deux Églises les plus reconnaissantes et ses communautés les plus généreuses. Après quelques mois, il revint de Philippes, la ville natale de Lydie qui lui fournissait des fonds, par Troas, à Éphèse ; de là, il s’embarqua pour Jérusalem, désireux d’assister à la fête de la Pentecôte qui approchait. (Actes xix. 24.)

À Philippes, il fut rejoint par la même personne qui l’avait rejoint auparavant à Troas ; et la première personne du pluriel est à nouveau utilisée dans le récit des « Actes ». (Actes xx. 35.)

En prenant congé des Éphésiens, le compilateur des « Actes », qui s’exprime ici en tant que témoin oculaire, c’est-à-dire qu’il cite les mots mêmes de Paul, rapporte que celui-ci a dit : « Souvenez-vous des paroles du Seigneur Jésus, qui a dit : Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir », paroles que nul évangéliste canonique n’a toutefois jamais rapportées.

Paul semble avoir été victime d’une sorte de fatalité, car bien qu’il ait prêché le Christ partout, à sa manière, il semble n’avoir jamais cité les paroles du Seigneur, comme s’il les ignorait complètement ; et cela n’est pas seulement tout à fait plausible, mais très probablement vrai. Il n’a jamais fait référence à une seule de ses paraboles, une omission qu’il faut toujours garder à l’esprit.

Comme il n’a probablement jamais vu d’évangile écrit, pas même l’évangile selon les Hébreux, et qu’il n’accordait que peu d’attention aux traditions des autres, il n’a pas eu beaucoup d’occasions d’apprendre les paroles du Seigneur, d’autant plus qu’il rejetait l’enseignement des apôtres eux-mêmes, feignant de mépriser tout ce qui venait des hommes.

Eusèbe dit, à tort, que l’évangile de Paul était l’évangile de Luc : l’évangile de Paul était son propre évangile, et il se vantait en vain que son évangile ne devait rien aux hommes, ce qui est peut-être vrai, car à l’exception peut-être de son récit de l’eucharistie, ses lettres n’ont rien en commun avec les évangiles des quatre évangélistes. Les citations de la Septante et certains mots courants de la morale juive ne sont pas rares dans ses exhortations. (Gal. i. 11, 12.)

Éphèse et Corinthe sont les deux villes où Paul semble avoir vécu et prêché plus que dans d’autres ; et Éphèse est l’endroit où il a converti plus de Grecs qu’ailleurs. C’est là que Jean s’est donné pour mission de contrecarrer l’influence de Paul.

Mais l’église d’Éphèse mentionnée par Jean dans l’« Apocalypse » n’était pas nécessairement celle qui avait été fondée par Paul, même si elle avait pu l’être ; car l’évangéliste dit à cette Église : –

« Je connais tes œuvres, ton travail et ta patience, et je sais que tu ne peux supporter les hommes mauvais ; tu as éprouvé ceux qui se disent apôtres et ne le sont pas, et tu les as trouvés menteurs (ou faux), ψευδεῖς. (Apoc. ii. 2.)

« Mais tu as ceci, que tu hais les œuvres des Nicolaïtes, que moi aussi je hais. » (Apoc. ii. 6.)

Encore :

« Mais j’ai quelques reproches à te faire, car tu as là des gens qui professent la doctrine de Balaam, qui enseigna à Balak à mettre une pierre d’achoppement devant les enfants d’Israël, afin qu’ils mangeassent des viandes sacrifiées aux idoles et qu’ils se livrassent à l’impudicité. » (Apoc. ii. 14.)

Ce sont là des choses qui furent expressément interdites par le pacte d’Antioche, lorsque le rite de la circoncision pour les païens fut abandonné avec le consentement de Jacques et de la communauté de Jérusalem. (Actes xv. 20.)

Cependant, lorsque les Corinthiens lui en firent la demande, Paul traita avec indifférence la question de la consommation de viande sacrifiée aux idoles ; et les Ébionites considéraient qu’il encourageait les immoralités païennes de ces soi-disant « Balaamites » et « Nicolaïtes », qui n’étaient que des termes injurieux donnés à ses propres disciples.

Comme Nicolas n’est que l’équivalent grec de l’hébreu Balaam (le destructeur ou le dévoreur du peuple), les Nicolaïtes et les Balaamites sont considérés comme une seule et même secte d’hérétiques abandonnés ; Paul lui-même, leur chef, étant désigné comme Nicolas 59.

Les termes suivants, très forts, sont prononcés à l’encontre des habitants de Thyatire, de ces églises asiatiques où l’influence de Paul avait été pendant un temps prépondérante.

« Mais à vous, et aux autres habitants de Thyatire, à tous ceux qui n’ont pas cette doctrine et qui n’ont pas connu les profondeurs de Satan, comme ils disent, je ne vous impose aucun autre fardeau. » (Apoc. ii. 24, 26.) C’est-à-dire garder les œuvres du Seigneur jusqu’à la fin. Les abominations spécifiées sont l’incitation à commettre la fornication et à manger des choses sacrifiées aux idoles. (Apoc. ii. 20.)

Cette dernière pratique, pour le moins, était expressément autorisée aux Corinthiens par Paul, qui semblait la considérer comme insignifiante, sauf dans la mesure où elle offensait les esprits faibles.

Outre la forte condamnation de ce groupe dans l’Apocalypse de Jean, il est également déprécié par les apôtres Pierre et Jude. Dans la deuxième épître de Pierre : « Maudits enfants qui suivent la voie de Balaam ! » « Parlant avec des paroles gonflées de vanité, ils séduisent par les convoitises de la chair. » (2 Pierre ii. 15-18.)

Pour Jude également, les corrompus sont les disciples de Balaam. (Jude 10, 11.)

L’identification des Nicolaïtes aux disciples de Paul est, d’un point de vue intérieur, fortement corroborée par Swedenborg :

« Par Balaam, on entend ceux qui, quant à leur intelligence, sont éclairés et enseignent des vérités, mais qui néanmoins aiment détruire par la ruse ceux qui appartiennent à l’Église. » (Apoc. Expl., 140.)

« Car l’homme peut être éclairé quant à sa compréhension, même s’il est mauvais quant à sa volonté ; car la faculté intellectuelle est séparée de la faculté volontaire chez tous ceux qui ne sont pas régénérés ; mais ces deux facultés n’agissent comme une seule que chez tous ceux qui sont régénérés ; car c’est le rôle de l’entendement de connaître, de penser et de dire la vérité ; mais celui de la volonté de vouloir les choses qui sont comprises et, à partir de la volonté ou de l’amour, de les accomplir. »

« Les Nicolaïtes sont ceux qui séparent le bien de la vérité, ou la charité de la foi ; ceux qui agissent ainsi sont sans vie.

« La raison pour laquelle ceux qui séparent la charité de la foi sont sans vie est que toute vie spirituelle est charité, et qu’il n’y a pas de foi séparée de la charité ; car connaître et penser relèvent de la foi, mais vouloir et faire relèvent de la charité. » (Apoc. Expl., 107, 142.)

Ce que Swedenborg explique ci-dessus est exactement ce qui s’est produit dans l’Église, comme il le dit, en suivant l’enseignement de Paul, déjà cité : –

« L’Église explique certes la Parole du Seigneur, mais à travers les épîtres de Paul, et pour cette raison même, bien qu’elle reçoive la vérité de la foi, elle s’éloigne partout du bien de la charité ! » (Diar. Majus, n° 4824.)

L’épître de Paul aux Romains, chose qu’il ne connaissait pas, a été écrite depuis Corinthe lors d’une deuxième visite avant son dernier voyage à Jérusalem vers la fin de l’année 58 ou 59.

Cette lettre a été écrite à la communauté juive de Rome et, parmi de nombreuses exhortations à mener une vie vertueuse, elle contient tous les éléments principaux de son enseignement doctrinal faux et pernicieux, qui découle non seulement de son égoïsme arrogant, mais aussi de son incapacité totale à comprendre la véritable nature du christianisme, car il tirait tout de sa propre intelligence, se vantant de n’avoir rien tiré de l’homme et étant en réalité tout à fait étranger à l’enseignement du Christ.

Bien qu’il n’ait eu rien à voir avec la fondation de l’Église chrétienne de Rome, il ne pouvait s’empêcher de transmettre à cette communauté ses propres opinions, sa doctrine de la Justification antinomienne par la Foi.

 

 

 

CHAPITRE XIII.

 

JÉRUSALEM – RÉPUDIATION – LES NAZARÉENS ENFLAMMÉS ÉRIGENT UN AUTRE TEMPLE – ÉMEUTE – LE SANHÉDRIN – PAUL ENVOYÉ PRISONNIER À CÉSARÉE – LA COLLECTE POUR LES « SAINTS PAUVRES » – PRÉSENTÉ DEVANT AGRIPPA, IL FAIT APPEL À CÉSAR – ROME : SON MARTYRE SUPPOSÉ LÀ-BAS – DATE, MODE ET LIEU DE LA MORT DE PAUL TOTALEMENT INCONNUS.

 

NOUS arrivons maintenant à la dernière visite à Jérusalem, et nous quittons Paul en tant qu’agent libre, selon les « Actes » ; nous sommes obligés de le suivre, ou de rester silencieux quant à son évolution personnelle.

Nous devons admettre que cette dernière visite à Jérusalem est authentique ; elle eut des conséquences très importantes pour lui. Le compilateur des « Actes » décrit une scène tout à fait extraordinaire entre Paul et ses amis concernant sa décision de faire cette visite. Or, s’il apportait de l’argent aux « saints pauvres » qui s’y trouvaient, leur opposition semble étrange.

Cependant, leurs efforts pour empêcher cette aventure furent vains, bien qu’ils lui eussent présenté les conséquences fatales de sa détermination ; ils savaient qu’il allait se rendre parmi ses ennemis, les chrétiens de Jérusalem (ceci ressemble toutefois beaucoup à une prophétie faite après coup).

Pendant que Paul séjournait à Césarée, avec Philippe et ses filles, « un prophète nommé Agabus descendit de Judée. Il vint vers nous, prit la ceinture de Paul, s’en lia les mains et les pieds, et dit : Ainsi parle le Saint-Esprit : les Juifs à Jérusalem lieront de la même manière l’homme à qui appartient cette ceinture, et le livreront entre les mains des païens. » (Actes xxi. 10, 11.)

Ils craignaient donc qu’il ne tombe entre les mains des païens, alors qu’il avait vécu pendant des années sans encombre parmi eux ; et ils redoutaient qu’il ne se rende au cœur même du judaïsme ; pourquoi craindre les païens là-bas ? Nous verrons que ses grands ennemis étaient les Juifs, les Nazaréens eux-mêmes, les chrétiens de Jérusalem : Paul s’est en réalité réfugié chez les païens pour échapper à la colère des Juifs, ces croyants zélés de la loi ; il a été sauvé des Nazaréens par les Romains.

Ainsi, malgré les avertissements et les supplications, Paul a persisté à se rendre à Jérusalem ; il a gardé secret son véritable motif, car ce n’était sûrement pas pour assister à la fête de la Pentecôte, lui qui prétendait que la loi était morte pour lui.

Il n’aurait pas pu y aller non plus pour respecter son vœu ou son serment nazaréen, car celui-ci lui avait apparemment été imposé sans préavis ; il n’avait pas pu le prévoir. S’il y était allé dans ce but, cela aurait confirmé l’hypothèse selon laquelle il était en réalité un Juif superstitieux, malgré sa prédication du Christ, et aurait jeté un sérieux doute sur la sincérité de sa prédication, qui aurait ainsi été révélée comme une simple ambition et une mondanité motivées par la recherche de la gloire et du pouvoir sur ses semblables.

Comme il avait triomphé dans la plupart des endroits, son ambition le flattait probablement à présent, lui faisant croire qu’il pourrait également triompher à Jérusalem, où l’on n’avait jamais eu foi en lui et où il devait toujours agir avec la plus grande prudence, car il avait offensé de manière impardonnable les chrétiens par sa persécution fanatique à leur égard, et avait offensé de manière impardonnable à la fois les chrétiens et les juifs par son apostasie de la Loi. Mais d’après tout ce qui nous a été transmis, les Juifs semblaient assez indifférents à ses agissements ; seuls les Nazaréens étaient indignés par lui. (Actes ix. 26.)

Que valaient son pouvoir et son influence s’il n’avait aucun pouvoir ni aucun ascendant dans la Ville Sainte, où Jacques régnait en maître parmi les chrétiens, chose qui devait être très irritante pour l’ambitieux pharisien de Tarse.

Le motif principal de son voyage était peut-être de croiser le fer avec Jacques, son rival de longue date qui avait réussi : un motif tout à fait suffisant pour conduire un homme comme Paul, avide de pouvoir, à se lancer dans une entreprise dangereuse. Bien que de petite taille, d’apparence médiocre et de voix rude, il était doté d’un puissant esprit. (Voir chap. XVII, § 7.)

Ses amis l’avertirent de ne pas se rendre à Jérusalem, mais tous les avertissements sont vains face à l’ambition. Paul persista, et c’est cette visite imprudente qui se solda par la suspension de ses activités apostoliques libres, car, à partir de ce moment, il perdit sa liberté ; après s’être réfugié auprès du commandant de la garnison romaine pour échapper aux Ébionites ou Nazaréens en colère à Jérusalem, il fut envoyé prisonnier à Césarée, et après avoir fait appel à César, il fut placé en détention jusqu’à ce qu’il puisse être envoyé à Rome. (Actes xxi. 20, 24.)

À Rome, il aurait dicté certaines de ses lettres – celle aux Philippiens est une lettre romaine ; mais tout récit authentique le concernant a été perdu à partir du moment de son arrivée dans la Ville éternelle.

Dès l’arrivée de Paul à Jérusalem, Jacques appréhenda les troubles qui allaient en découler et il imagina un moyen de les éviter.

Le danger venait uniquement du propre parti de Jacques, des Nazaréens, que Paul avait autrefois si cruellement persécutés ; à cela s’ajoutait désormais sa mauvaise réputation d’innovateur et d’apostat de la loi sacrée.

Le but officiel de Paul en se rendant à Jérusalem était, selon ses dires, d’apporter une contribution aux « saints pauvres » ; mais nous n’entendons rien à ce sujet à son arrivée.

Il semble qu’il n’y ait eu aucune distribution d’argent parmi les pauvres de Jérusalem, d’après ce que nous savons ; les « Actes » n’en font pas mention, bien que Paul et les « Actes » aient beaucoup vanté la grande contribution que l’apôtre avait recueillie pour les saints de la ville sainte.

Paul fut conduit par une escorte chez Jacques ; il avait sans doute besoin d’un certain soutien en présence de cet homme qu’il avait tant blessé 60 et dont la position dans l’Église naissante était désormais plus importante que jamais, et pour qui Paul restait un adversaire dans son enseignement, ainsi qu’un dangereux hérétique antinomiste.

Jacques reçut Paul en compagnie des anciens de l’Église de Jérusalem, et non en audience privée, ce qui aurait probablement été aussi désagréable pour Paul que pour Jacques. (Actes xxi. 20, 24.)

Paul fut interpellé par les anciens réunis comme suit, selon les « Actes » : –

« Tu vois combien de milliers de Juifs ont cru 61 ; et tous sont zélés pour la loi ; et ils ont appris que tu enseignes à tous les Juifs qui sont parmi les païens à abandonner Moïse, en disant qu’ils ne doivent pas circoncire leurs enfants, ni marcher selon leurs coutumes. »

Il est donc clair que les troubles étaient redoutés de la part des « Juifs qui croyaient », tout zélés qu’ils étaient pour la loi, et également de la part des Nazaréens, la communauté chrétienne ou ébionite de Jérusalem ; mais ils ne l’étaient pas du tout de la part des habitants de Jérusalem en tant que communauté juive, et cela parce qu’ils étaient jaloux de la prédication du Christ le Messie parmi eux ; ceux-ci étaient indifférents et ne s’intéressaient pas à la dispute. Le délit de Paul n’était pas une offense contre les Juifs pour avoir prêché le Christ, mais une offense contre les chrétiens pour avoir abandonné Moïse.

Il s’agissait d’un conflit sectaire entre chrétiens, entre les Ébionites et les Paulistes, ou plutôt entre les croyants zélés de la loi et les principes antinomistes du paulinisme ; ceux qui « croyaient », à Jérusalem, lorsqu’ils ont su que l’apôtre apostat était parmi eux, se sont levés contre lui avec une indignation unanime.

Cette déclaration remarquable concernant les milliers de croyants, si elle est exagérée, est telle qu’un auteur écrivant un siècle ou plus après l’évènement serait beaucoup plus susceptible de la faire que quelqu’un écrivant à l’époque ; et cela serait un argument supplémentaire en faveur d’une compilation tardive du livre des « Actes ». Il est toutefois possible, sinon probable, qu’il y ait eu plusieurs milliers de Juifs qui croyaient à Jérusalem à cette époque, mais leur croyance n’était apparemment pas du tout compatible avec les principes propagés par l’apôtre des Gentils.

Paul ne devait toutefois pas être condamné sans avoir été entendu ; ils étaient prêts à lui donner l’occasion de montrer qu’il n’était pas un apostat, qu’il n’incitait pas les Juifs parmi les Gentils à abandonner Moïse.

Afin de prouver une fois pour toutes que les rapports sur son enseignement étaient faux, qu’il n’était pas l’apostat qu’on disait qu’il était, Paul fut sommé comme suit à faire le nécessaire : –

« Fais donc ce que nous te disons : nous avons ici quatre hommes qui ont fait un vœu (ou un serment) ; prends-les, purifie-toi avec eux, et contribue à leurs frais, afin qu’ils se rasent la tête, et que tous sachent que ce dont ils ont été informés à ton sujet n’est rien, mais que toi aussi, tu marches sur le droit chemin et que tu observes la loi. »

Or, qu’a fait Paul ? A-t-il maintenu son enseignement, a-t-il soutenu que « pour celui qui est circoncis, Christ ne sert de rien » ? « Qu’il n’a aucun effet pour quiconque est justifié par la loi » ? (Gal. 5, 2–4.)

Non, il a renié ses principes. Il a répudié son enseignement et s’est engagé docilement à faire tout ce qui lui était demandé, en prononçant le vœu nazaréen, afin de montrer que, bien qu’il eût foi en Christ, il était également un Juif loyal : tel est le récit qui en est fait dans les « Actes ». Mais tout cela fut vain ; sa régularisation ne préserva pas la paix.

Les nombreux zélotes de la Loi qui croyaient, les Nazaréens indignés par la simple présence de Paul à Jérusalem l’avaient préjugé, et ils n’étaient pas si faciles à détourner de leur objectif, bien qu’ils eussent apparemment été apaisés pour un temps par la promesse de Paul.

Cependant, poussés par certains « Juifs d’Asie », selon les « Actes », avant même que les jours de purification ou de sanctification ne soient accomplis, ils se saisirent de Paul et « le tirèrent hors du temple », et comme ils s’apprêtaient à le tuer (comme lui et ses compagnons avaient autrefois cherché à tuer Jacques), la nouvelle que tout Jérusalem était en émoi fut portée au chef de la cohorte, Claudius Lysias, commandant de la garnison romaine dans la tour d’Antonia d’Hérode, près du temple. (Actes xxi. 27.)

Lysias se précipita sur les lieux, et Paul fut immédiatement sauvé des Nazaréens enragés, les Ébionites, et remis à la garde des soldats impériaux.

Les « Actes » disent que cette émeute a été fomentée par des Juifs d’Asie ; mais qui étaient ces Juifs d’Asie ? Étaient-ils originaires d’Éphèse, la capitale de la province romaine du même nom ?

Nous savons que Paul avait longtemps prêché à Éphèse et qu’il ne semblait rien avoir à craindre des Juifs de cette ville.

Il s’était certainement fait des ennemis à Éphèse, comme dans la plupart des autres endroits qu’il avait visités, mais ici, ses adversaires étaient des païens, et non des Juifs ; et c’est à cause d’une émeute qu’il avait dû quitter Éphèse à une occasion.

Si les Juifs de Jérusalem étaient si hostiles à la nouvelle secte, comment se fait-il que Jacques et sa grande communauté y aient été si longtemps et si bien tolérés ?

Si les Juifs de Jérusalem toléraient pacifiquement Jacques et son groupe, la croyance en Christ ne pouvait pas les rendre intolérants envers Paul ; cela va de soi.

Les Juifs de Jérusalem ne se souciaient manifestement pas des chrétiens ; et après Paul, nous ne savons rien d’une persécution juive à leur égard. Les persécutions que Paul lui-même a subies de la part des Juifs étaient légères et sont même douteuses : il était persécuté par les Nazaréens comme méprisant la loi et comme opposant à l’enseignement des Apôtres.

Le parti de Jacques ne craignait pas pour Paul à cause des Juifs, mais à cause des nombreux croyants, et c’est parmi ceux-ci qu’il y avait un danger imminent.

Comme je l’ai déjà montré, Paul était personnellement doublement odieux aux chrétiens de Jérusalem ; d’abord en tant que persécuteur du Christ, ensuite en tant qu’apostat de la loi, dont les Ébionites, ou la grande majorité des Nazaréens ou des convertis chrétiens de Jérusalem, étaient de fervents défenseurs, malgré leur acceptation du Christ.

Nous ne savons pas quel fut le résultat de la grande remontrance de Paul aux Galates ; mais dans l’une des lettres apocryphes à Timothée, nous apprenons que les habitants d’Asie l’avaient abandonné, car l’auteur dit : « Tu sais que tous ceux qui sont en Asie se sont détournés de moi. » (I, i. 15.)

Cela s’est sans doute produit du vivant de Paul, mais on ne sait pas avec certitude s’ils l’ont finalement rejeté et se sont tournés vers le parti qui continuait à respecter les traditions juives et à exercer son influence à Jérusalem. Dans cette optique, les « Juifs d’Asie » étaient peut-être simplement un certain nombre de ses disciples asiatiques qui s’étaient détournés de lui pour rejoindre la secte de la Ville Sainte.

La lettre aux Galates, écrite depuis Éphèse, a été rédigée deux ou trois ans avant cette dernière visite à Jérusalem.

Même si certains Juifs, d’Asie ou d’ailleurs, ont sans doute fomenté cette émeute à Jérusalem, les émeutiers étaient certainement les Juifs chrétiens de Jérusalem, les nombreux zélés de la loi qui croyaient, et les disciples de Jacques, qui se méfiait de Paul.

Jacques et les anciens de l’église de Jérusalem ont accusé Paul d’avoir tenté de détourner de Moïse tous les Juifs parmi les Gentils. N’est-il pas possible que ces Juifs d’Asie aient été ceux dont on se plaint auprès de Timothée de s’être détournés de lui ? N’auraient-ils pas même été composés de certains de ses propres Galates révoltés qui avaient été récupérés par la communauté de Jérusalem ?

Il a déjà été brièvement souligné (au chapitre 5) que ces émeutiers devaient être les Nazaréens ou les convertis juifs, et non ceux qui avaient rejeté le Christ. Cela devrait être évident à la fois d’après le discours des anciens de l’Église à Paul, qui vient d’être rapporté, et d’après son propre discours tel qu’il figure dans les « Actes », qui s’adresse clairement aux chrétiens : « Et j’ai persécuté cette voie jusqu’à la mort. » (Actes xxii. 4.) Telle est clairement la tradition utilisée par le compilateur : le récit est contre les chrétiens, et non contre les Juifs de Jérusalem.

Le simple peuple juif aurait été encore plus excité, plutôt qu’apaisé, par un tel discours.

Bien que Paul se fût déclaré être un bon juif, l’argument de sa conversion sincère et miraculeuse au Christ aurait été très imprudent, et il n’y avait aucune raison d’en faire cas parmi les juifs : cela aurait été comme essayer d’apaiser un taureau enragé en agitant un chiffon rouge devant lui. A contrario, devant une foule d’Ébionites, une protestation de son zèle pour la loi et de sa foi sincère en Christ aurait été à la fois raisonnable et prudente.

Le discours imaginaire mis ici dans la bouche de Paul est le premier récit personnel de sa conversion miraculeuse, qui est cependant complètement oublié et ignoré par le compilateur des « Actes » dans le récit du même évènement, également mis dans la bouche de Paul, peu de temps après, lorsqu’il plaida devant Festus et Agrippa à Césarée. (Voir ci-dessus, chap. V.)

Le fait d’attribuer aux « Juifs d’Asie » la responsabilité de cette deuxième émeute au temple, si ce n’est pour qu’elle soit explicable de la manière qui vient d’être suggérée, est un procédé quelque peu remarquable.

Pourquoi aller dans la province d’Asie pour trouver les instigateurs d’une émeute à Jérusalem concernant la Loi, alors que la ville elle-même regorgeait de Juifs suffisamment fanatiques, comme on pourrait l’imaginer ? Était-ce, dans le projet d’unification du compilateur, pour protéger le grand parti ébionite de Jérusalem et, en même temps, mettre Paul à l’abri de la réprobation dont il faisait l’objet auprès de ses confrères chrétiens ?

C’était certainement un étrange aboutissement des efforts de Paul dans la cause commune supposée, après toutes ses pérégrinations et ses prédications, d’être tenu en horreur par la première communauté chrétienne en importance de son temps, celle de la « Ville Sainte », siège des apôtres mêmes du Christ.

Paul semble avoir longtemps été en parfaite sécurité à Éphèse, loin des Juifs, et en Asie Mineure en général. Le plus grand outrage qu’il ait subi dans ces régions venait de ses propres Galates ; car les Juifs d’Antioche et d’Iconium le suivirent et le lapidèrent à Lystre ; mais ses blessures étaient si légères qu’il put se relever après la lapidation et retourner dans la ville ! comme nous l’avons déjà vu. (Actes xiv. 20.)

Le lendemain, après l’émeute à Jérusalem, le commandant romain Claudius Lysias confronta Paul aux « principaux sacrificateurs et à tout le sanhédrin », afin de savoir ce qu’on lui reprochait ; car il avait invoqué sa citoyenneté romaine et avait donc été délié. (Actes xxii. 30.)

Comme il n’était pas prudent de laisser Paul en liberté, Claudius Lysias lui accorda sa protection et le conduisit devant le Sanhédrin, le grand conseil administratif, afin de déterminer la cause de la violence à son égard, qui n’était pas compréhensible pour le Romain ; de toute façon, en tant que citoyen romain, Paul pouvait se prévaloir de sa protection ; mais le fait de présenter Paul devant le conseil n’apporta à Lysias aucune explication, et la violence de Paul lui-même rendait sa libération impossible.

Devant les principaux sacrificateurs et tout le conseil, Paul donna au Sanhédrin un aperçu de son tempérament et de sa présomption ; il s’écria à l’adresse d’Ananias, qui avait ordonné qu’on le frappât pour son impertinence : « Dieu te frappera, mur blanchi ; car tu es assis pour me juger selon la loi, et tu commandes qu’on me frappe contrairement à la loi ? »

C’était honnête mais indélicat, et lorsqu’on lui reprocha son manque de respect envers le grand prêtre, il affirma qu’il ne savait pas qu’Ananias était le grand prêtre ; la chose est possible, car Ananias ne portait apparemment pas les vêtements du grand prêtre (le chef du Sanhédrin n’était pas nécessairement le grand prêtre) ; Paul, constatant qu’il se trouvait en présence de deux factions opposées de Juifs, saisit l’occasion et, fidèle à son habitude, créa un nouveau tumulte en s’écriant qu’il était pharisien et qu’il était mis en cause pour avoir prêché la « résurrection des morts ». Remarquez bien : non pas pour avoir prêché la foi en Jésus-Christ ! (Actes xxiii. 3.)

Il ne manquait plus que cette étincelle pour déclencher l’explosion ; elle vint ; les Sadducéens furent incités contre les Pharisiens, les uns niant, les autres professant la résurrection ; un groupe clamant contre Paul, l’autre tout autant en sa faveur, jusqu’à ce que le capitaine romain, craignant qu’ils ne le mettent en pièces, le sauva une seconde fois d’une foule furieuse de partisans enragés et l’emmena en sécurité au château de la garnison.

Ainsi, Paul eut la vie sauve, mais au prix de sa liberté ; il ne fut toutefois pas livré par les Juifs aux païens, mais les païens lui servirent de refuge contre les Juifs, et la cause initiale de sa captivité était la communauté chrétienne de Jérusalem, qui ne tolérait pas l’apostat de la Loi.

Lysias l’envoya à Césarée, d’où, après avoir fait appel en urgence à César, il fut finalement envoyé prisonnier à Rome.

Tel fut le résultat du voyage tant discuté et longuement préparé de Paul pour apporter de l’argent aux saints de Jérusalem ; nous n’entendons rien dire de cet argent ; il est rejeté par les saints et renie lui-même sa foi ; il est à l’origine de deux émeutes, dont l’issue est la perte de sa propre liberté !

Ce n’est que douze jours après son arrivée à Jérusalem qu’il fut conduit devant Félix à Césarée, le gouverneur romain de Judée, à qui Claudius Lysias l’avait envoyé sous escorte. (Actes xxiv. 11.) Et lorsqu’il fut amené devant Félix, il fut accusé par un certain Tertullus d’être « un homme pernicieux, qui soulève des séditions parmi tous les Juifs dans le monde entier ». (Actes xxiv. 5.) Mais ce n’était pas tout ; il était également « le chef de la secte des Nazaréens ». La place secondaire qu’occupe cette accusation dans l’acte d’accusation est remarquable : son grand délit est d’être un fauteur de troubles parmi les Juifs du monde entier, un homme pestilentiel qui trouble partout la paix ; son appartenance à la secte des Nazaréens était un délit tout à fait secondaire. Il n’était pas un martyr du christianisme, mais simplement un fauteur de troubles notoire, perturbateur de la paix et créateur de tumultes !

Lorsqu’il plaida devant Félix, Paul, selon les « Actes », déclara qu’il s’était rendu à Jérusalem « pour apporter des aumônes à son peuple et des offrandes » ; pourtant, rien de tout cela n’est mentionné à Jérusalem, et nulle part n’est fait état des sommes d’argent qu’il a collectées pendant si longtemps « pour les saints » et dont il fait tant étalage à plusieurs reprises, comme dans sa première lettre aux Corinthiens : –

« Maintenant, en ce qui concerne la collecte pour les saints, faites la même chose que ce que j’ai ordonné aux églises de Galatie. Que chacun de vous, le premier jour de la semaine, mette à part chez lui ce qu’il aura pu épargner, de sorte que je n’aie pas à faire de collectes quand je viendrai. Et quand je viendrai, j’enverrai à Jérusalem, avec ceux que vous aurez désignés par vos lettres, ceux que vous aurez approuvés, pour apporter là-bas votre libéralité. Et s’il convient que j’y aille aussi, ils m’accompagneront.

« Je viendrai vers vous quand je passerai par la Macédoine, car je dois effectivement passer par la Macédoine 62. Et peut-être que je resterai, oui, que je passerai l’hiver avec vous, si le Seigneur le permet. » (1 Cor. xvi. 1–8.)

Encore dans sa lettre aux Romains : –

« Mais maintenant, je vais à Jérusalem pour servir les saints, car ceux de Macédoine et d’Achaïe ont bien voulu faire une collecte pour les saints pauvres qui sont à Jérusalem. Ils l’ont bien voulu, et ils leur sont redevables. Car si les païens ont été rendus participants de leurs biens spirituels, ils doivent aussi leur rendre le service dans les choses matérielles.

« Lorsque j’aurai accompli cela et que je leur aurai remis ce fruit, je passerai par chez vous pour aller en Espagne. » (Rom. xv. 25–28.)

De ce qui précède, nous devons déduire que ce sont les païens ou les Grecs qui ont fait des dons aux « saints pauvres » de Jérusalem, et non les Juifs convertis. Et pour les vérités spirituelles que ces païens avaient tirées de Jérusalem, il est juste qu’ils leur envoient en retour des biens matériels. Voici un précédent à la pratique des pontifes romains qui, ayant répandu la vérité et la consolation spirituelle dans toutes les parties du monde, réclamaient naturellement en retour ce que ces autres pouvaient leur donner : ils avaient été servis spirituellement, qu’ils servent en retour dans les choses matérielles.

À l’exception de l’affirmation ci-dessus faite au gouverneur Félix, non seulement des mois mais des années après qu’il eut collecté l’argent, nous ne trouvons pas un mot dans les « Actes » ou dans les lettres de Paul sur le sceau promis aux saints pauvres de Jérusalem 63.

Paul fut emprisonné pendant deux ans à Césarée, jusqu’à ce que Félix soit remplacé par Porcius Festus comme gouverneur romain de la province.

Conduit devant Festus, Paul fit appel à César ; et c’est à cette occasion, alors qu’il plaidait devant Festus et le roi Agrippa, que le troisième et le plus extravagant des trois récits contradictoires de sa conversion lui est attribué dans la légende des « Actes » 64.

À cette exception près, le récit de cet évènement est très plausible, car il a manifestement été rédigé dans un but particulier, tant pour la postérité que pour l’époque.

Et tandis qu’il parlait ainsi pour sa propre défense, dit le compilateur, Festus s’écria d’une voix forte : « Paul, tu es fou, ton grand savoir te rend fou. » Mais il répondit : « Je ne suis pas fou, très noble Festus. » (Actes xvi. 24.)

Et bien que Paul se soit contenté d’une narration, sans utiliser un seul mot d’argumentation ou de persuasion, le roi Agrippa lui dit : « Tu m’as presque persuadé de devenir Chrétien. »

C’est la première fois qu’apparaît ce terme ; juste avant, les convertis étaient appelés la secte des Nazaréens. Ils ont d’abord été appelés Chrétiens à Antioche, selon les « Actes », mais la date exacte n’est pas précisée.

Festus et Agrippa ne trouvèrent donc rien à reprocher à Paul, mais comme il avait fait appel à César, il fut nécessairement envoyé à Rome, où Néron était alors empereur.

Il s’embarqua au port de Césarée, sur un navire d’Adrymittium, vers l’an 60 ou 61, selon certaines sources.

Le récit du voyage vers Rome, qui a probablement occupé les mois d’hiver 60-61, est rédigé à la première personne du pluriel et semble donc provenir des notes d’un compagnon de voyage.

Les voyageurs firent naufrage à Malte, où ils passèrent l’hiver. Ils débarquèrent finalement à Pouzzoles et arrivèrent probablement au printemps de l’an 61 à Rome, où Paul resta prisonnier en liberté conditionnelle, mais sous surveillance militaire, pendant deux années entières, prêchant l’Évangile du Christ sans entrave ni obstacle. Les liens ou chaînes dont il est question dans les dernières lettres apocryphes sont, bien sûr, figuratifs : nous pouvons être sûrs que Paul ne prêchait pas enchaîné.

Il y avait une importante communauté juive à Rome à l’époque d’Auguste ; beaucoup avaient été emmenés là-bas par Pompée après sa conquête de la Judée et y étaient détenus ; c’est sans doute principalement aux descendants de ces Juifs que Paul adressa sa lettre aux « Romains », les chrétiens juifs de Rome, parmi lesquels se trouvaient de nombreux convertis de la « Ville Sainte » elle-même, disciples du Christ et des apôtres ; c’est sur ceux-ci que Paul aspirait à étendre son influence.

Après son arrivée dans la « Ville éternelle », on ne trouve plus aucune trace des activités de Paul : le compilateur des « Actes » le laisse à Rome, interrompant brusquement sa chronique, le récit du voyage à Rome étant la dernière de ses sources.

Il n’y avait apparemment aucune source d’information pour en savoir plus : les récits tels qu’ils sont, de ce qui s’est passé par la suite, sont fondés sur de simples rumeurs et conjectures.

Paul a peut-être retrouvé sa liberté vers l’an 63, lorsqu’il aurait été acquitté de sacrilège par Néron 65, mais cela n’est étayé par aucune source fiable. Les « Actes » ne nous renseignent toutefois pas à ce sujet et le laissent prisonnier.

Le martyre de Paul à Rome s’explique par une deuxième arrestation et un deuxième emprisonnement ; comme l’histoire lui avait rendu sa liberté, il fallait l’emprisonner à nouveau pour justifier son martyre.

Quand il écrivit la lettre à Philémon, il était certainement prisonnier à ce moment-là ; mais cette lettre aurait tout aussi bien pu être écrite depuis Césarée que depuis Rome.

La lettre écrite pendant son emprisonnement à Rome, ou du moins pendant son séjour à Rome, était celle aux Philippiens ; il y parle de ses chaînes, mais celles-ci semblent appartenir au passé. Il écrit avec beaucoup d’enthousiasme, dans un état d’exaltation et dans l’attente de la venue imminente du Christ.

Il semble remercier les Philippiens de lui avoir envoyé à nouveau de l’argent ; non pas qu’il en ait besoin ou qu’il désire un don, mais il se réjouit pour eux ! Il n’est pas question ici de « la collecte pour les saints pauvres de Jérusalem », tout cela appartient au passé ; les contributions dont il est question sont destinées à Paul personnellement. (Phil. iv. 14, 16-18.)

Il n’écrit pas cette lettre en tant que prisonnier ou en tant que personne anticipant le martyre ; loin de là, il parle avec confiance de rendre bientôt visite à ses amis de Philippes. (Phil. ii. 24.)

À partir de l’année 63 ou 64 (?), toute trace de Saul de Tarse disparaît. Nous ne connaissons ni le moment ni le lieu de sa mort, et encore moins la nature de celle-ci. L’histoire de son martyre présumé est totalement dépourvue d’autorité.

La tradition commune veut qu’il ait subi le martyre lors des horribles persécutions de Néron, à Rome, en l’an 67 après J.-C.

Selon la tradition ecclésiastique, Paul aurait été décapité et Pierre crucifié au même moment à Rome ; nous savons toutefois dans quelle mesure il faut croire aux traditions ecclésiastiques.

Cette tradition est vaguement reprise par Denys, évêque de Corinthe (170 après J.-C.), puis par Eusèbe ; mais il n’existe aucun récit positif ou authentique de l’un ou l’autre martyre ; s’il en existait un, Eusèbe l’aurait su. Pourtant, tout ce que nous apprenons de lui, c’est le vague récit suivant : –

« Paul, après avoir plaidé sa cause, aurait été renvoyé à son ministère de prédication, et après une deuxième visite à la ville, aurait fini sa vie par le martyre. » (Hist. Ecclés., II, xxii.)

Ce qui suit n’est pas moins vague, sauf qu’il montre clairement qu’aucun document sur la mort de Paul n’était accessible ou n’avait été conservé, directement ou indirectement, à l’époque d’Eusèbe :

« Ainsi, Néron, s’étant publiquement proclamé ennemi principal de Dieu, fut poussé par sa fureur à massacrer les Apôtres. On dit donc que Paul fut décapité à Rome et que Pierre fut crucifié sous son règne (Néron). Et ce récit est confirmé par le fait que les noms de Pierre et de Paul figurent encore aujourd’hui dans les cimetières de cette ville. Mais de même, un certain écrivain ecclésiastique, nommé Caius, né à l’époque de Zéphyrin, évêque de Rome (vers 200 après J.-C.), disputant avec Proclus, chef de la secte phrygienne, fait la déclaration suivante concernant les lieux où reposent les tabernacles terrestres des apôtres susmentionnés :

« “Mais je peux vous montrer, dit-il, les trophées du martyre des apôtres ; car si vous allez au Vatican ou à la route d’Ostie, vous trouverez les trophées de ceux qui ont posé les fondations de cette Église, et qui ont tous deux subi le martyre à peu près à la même époque !” » (Hist. Ecclés., I, xxv.)

Denys, évêque de Corinthe, rend le témoignage suivant dans son discours adressé aux Romains.

« Ainsi, vous aussi, grâce à cette exhortation, vous avez mélangé la semence florissante qui avait été plantée par Pierre et Paul à Rome et à Corinthe. Car tous deux nous ont plantés à Corinthe, nous ont instruits de la même manière, ont enseigné de la même manière en Italie et ont subi le martyre à peu près à la même époque. »

Le passage vague de Clément (de Rome ou d’un autre Clément) dans la célèbre lettre aux Corinthiens a déjà été cité, selon lequel Paul, après avoir enseigné la justice au monde entier, a atteint l’extrémité occidentale (Espagne ?) et a subi le martyre, sur ordre des gouverneurs ! (Voir ci-dessus, chap. VIII.) Ce passage désigne l’Occident comme le théâtre d’un tel martyre, et non Rome. Ce Clément était à Rome lorsqu’il a mis ceci par écrit.

Si les « Trophées des Apôtres » peuvent prouver leur martyre, ou même établir les lieux de leurs tabernacles terrestres, ils sont toujours là, au Vatican et sur la route d’Ostie, à savoir les églises de Saint-Pierre et Saint-Paul hors les murs ! Et si c’est là la seule preuve que nous ayons de leur martyre à Rome, le sujet peut sans risque être rejeté pour se reposer sur ses propres mérites.

Eusèbe dit encore : « Pierre semble avoir prêché à travers le Pont, la Galatie, la Bithynie, la Cappadoce et l’Asie, aux Juifs dispersés à l’étranger ; il vint finalement à Rome, où il fut crucifié la tête en bas, ayant lui-même demandé à souffrir de cette manière.

« Pourquoi devrions-nous parler de Paul diffusant l’Évangile du Christ de Jérusalem à l’Illyrie, et finissant par subir le martyre à Rome, sous Néron ? Ce récit est rapporté par Origène, dans le troisième livre de son exposition de la Genèse. » (III, i.)

Dans la citation ci-dessus, la tradition est présentée comme un fait avéré, et non comme une simple hypothèse. Mais cela suffit peut-être pour illustrer la manière vague dont l’histoire ecclésiastique est écrite.

Bien sûr, il est désormais établi dans l’Église paulinienne que Pierre et Paul ont tous deux subi le martyre à Rome, et en même temps ! Pourtant, il n’existe aucune preuve que Pierre ait jamais mis les pieds à Rome.

 

 

 

 

 

 

 

LIVRE IV.

 

LE PAULINISME N’EST PAS LE CHRISTIANISME.

 

« C’est en vain qu’ils m’adorent, enseignant des doctrines qui sont des commandements d’hommes. » – Marc vii. 7.

 

–––––––——

 

 

 

CHAPITRE XIV.

 

LA LOI EST MORTE ! LE DÉCALOGUE OU LE RITUEL, OU LES DEUX ?

 

« Maintenant, nous sommes délivrés de la loi, celle qui nous tenait prisonniers et qui est morte. » – Romains vii. 6.

« Car nous concluons qu’un homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la loi 66. » – Romains iii. 28.

 

J’AI qualifié Paul d’apôtre de la foi, car il est sans conteste le prédicateur de la foi, et par conséquent, l’Église paulinienne est l’Église de la foi ; j’entends simplement par là que son principe caractéristique est la profession de foi, par opposition à la charité. Autrement dit, la foi occupe une place tellement prépondérante dans les épîtres pauliniennes qu’elle exclut pratiquement, sinon théoriquement, l’amour ou la charité de la règle de vie.

Paul n’a pas insisté sur ce point en autant de mots, mais telle est la doctrine vantée par Luther, disciple de Paul, et telle est la pratique de presque toutes les sectes protestantes.

Paul a enseigné à la fois la foi et la charité, à certaines occasions, mais son dogmatisme sur la foi est tellement plus prononcé, et sa dénonciation des œuvres tellement plus positive, qu’il s’est exposé à des interprétations erronées, s’il ne pensait pas exactement ce qu’il disait. La foi seule est donc considérée comme un élément essentiel de sa doctrine. En réalité, il alterne entre l’une et l’autre, et rejette ainsi les deux tour à tour.

Il est inutile de tenter de concilier des sentiments diamétralement opposés. Et si Paul avait vraiment ressenti dans son cœur les enthousiasmes occasionnels de charité et de bonnes œuvres qu’il mettait de l’avant, il n’aurait pas pu se livrer à répétition à ses virulentes dépréciations de ces œuvres ; il n’aurait pas non plus pu nourrir un seul instant dans son esprit des propositions aussi monstrueuses que l’Élection et la Prédestination, qui sont totalement destructrices de toute notion de charité ou d’amour.

Et comme ses paroles sur la charité ne sont que des mots courants qui appartiennent à la morale juive telle qu’elle est enseignée dans la Parole et dans le Talmud, dans la loi écrite et non écrite, nous ne pouvons pas permettre à Paul de se les approprier comme siennes, face à toutes ses diatribes dans un sens opposé, qui sont exclusivement siennes.

« Toute fausse doctrine », dit Swedenborg, « ne tire son origine que de l’intelligence dérivée de soi-même ; car qu’y a-t-il de plus universellement enseigné dans la Parole que d’éviter le mal et de faire le bien ? » « Il est donc évident que c’est un blasphème d’exclure les œuvres de cette loi du salut, comme le font ceux qui font de la foi seule, c’est-à-dire de la foi séparée des bonnes œuvres, la seule chose qui soit compétente pour le salut. » (Apoc. Rév., n° 571.)

Que signifie le fait que la Loi soit morte ? Nous savons très bien que la Loi n’est pas morte et qu’elle ne peut mourir ; et que si elle n’existe nulle part ailleurs, elle demeurera dans le cœur des êtres spirituels et véritables.

Le rituel des Juifs est peut-être mort, et en tant que simple représentation, il n’a jamais eu de vie réelle.

Mais Paul ne mentionne jamais le Rituel par opposition à la Loi. Il a désigné la Loi dans son ensemble, et ici, bien sûr, le Rituel est inclus ; et plusieurs passages montrent que Paul ne fait pas référence au Rituel lorsqu’il utilise le simple terme « Loi » : on ne trouve pas un seul exemple où la Loi désigne le Rituel. C’est un point très important, car presque tout dépend de ce qu’il entendait réellement par « Loi morte ».

Quand il dit que la Loi est morte, le bon sens devrait nous amener à conclure qu’il entend par là que toute la Loi est morte, et non une partie seulement. La simple lettre de la Loi est certainement supplantée par la Foi authentique, qui, en soi, dans son esprit, est une loi pour le cœur, et qui agira par amour ; et c’est là une source d’action bien plus élevée que le simple esprit d’obéissance.

Permettre à la foi d’inclure l’amour est une solution à la difficulté, et cela est conforme au principe de Jacques, qui était la plus haute autorité de l’Église de Jérusalem. Il s’agit d’une foi qui implique nécessairement des œuvres et ne les remplace en aucun cas : les œuvres ne sont que le fruit de la foi. Les œuvres peuvent exister sans la foi, mais la foi authentique ne peut exister sans les œuvres ; il est donc superflu de déprécier les œuvres, comme le fait constamment Paul, même s’il les dénonce, comme le dit la lettre aux Éphésiens : « Afin que personne ne se glorifie ». (Éphés. ii. 9.)

Mais un homme dont les œuvres procèdent de la loi qui est écrite dans son cœur ne peut s’en vanter ; il n’agit pas selon la lettre et ne peut tirer aucune fierté de l’accomplissement de la lettre. Pourtant, un homme ne doit pas non plus cacher ses œuvres ; l’Évangile dit : « Que votre lumière brille ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux ! » (Matth. v. 16.)

Nous conclurons donc avec Jacques que là où il n’y a pas d’œuvres, il n’y a pas de foi ; ou que là où les œuvres sont mauvaises, la foi est fausse, une foi imaginaire, une foi morte ; une simple persuasion mentale qui n’a jamais touché le cœur.

« La foi vient de ce qu’on entend », dit Paul. (Rom. x. 17.) Oui, si la conviction suit l’écoute ; il ne suffit pas d’entendre et de confesser. La simple profession de foi issue d’un assentiment intellectuel n’est pas la foi ; la profession de foi peut n’être que vanité, un désir d’aller avec la foule, ou simple orgueil. La vraie foi ne peut être alliée à l’orgueil. Le péché qui assaille l’homme est l’orgueil, et s’il pouvait se voir tel que les autres le voient, il serait très mortifié ; mais s’il pouvait se voir tel que le Seigneur le voit, il saurait qu’il est vraiment nu et se cacherait de honte. (Gen. iii. 7.)

La foi, comme le montre Swedenborg, est en réalité de l’amour ; la foi dans le Seigneur implique l’amour pour le Seigneur, et l’amour pour le Seigneur nécessite de mettre en pratique ses paroles, comme il l’enseigne ; et ses paroles sont la loi à chérir dans son cœur. La foi, loin de justifier seule, indépendamment de la loi ou en remplacement de celle-ci, implique les « œuvres de la Loi », et c’est en cela que réside son pouvoir de justification, et c’est dans ce sens seulement qu’il y a une vérité dans la justification par la foi.

La foi, au lieu de rendre la Loi caduque, transforme la lettre morte en une source de vie.

Il est tout à fait possible que l’enseignement dogmatique de Paul ait été déformé et étendu à des significations que Paul lui-même n’aurait pas approuvées, mais le sens littéral de ses paroles dans ses sentiments originaux est souvent contraire au bon sens et constitue un outrage à la charité ou à l’amour, malgré le fait qu’il prêche parfois l’amour et la charité.

C’est principalement à l’ambiguïté de son expression que l’on doit toute mauvaise interprétation de ses principes.

Mais si le dogmatisme de Paul est souvent obscur et incohérent, il est aussi parfois si concis et positif qu’il n’y a qu’une seule signification évidente à en tirer, quelles que soient les réserves qu’il ait pu avoir dans son esprit ou les limites que ses disciples aient pu attribuer à la véritable signification des termes qu’il a employés.

Nous considérons comme appartenant à cette catégorie les deux passages très souvent cités sur le sujet de la justification par la foi, à savoir « Romains », chap. iii, vers. 28, et « Galates », chap. ii, vers. 16, où il n’y a aucune allusion à un simple rituel.

« Où donc est le sujet de se glorifier ? Il est exclu. Par quelle loi ? Par celle des œuvres ? Non, mais par la loi de la foi. Car nous concluons qu’un homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la loi. » (Rom. iii. 27.)

« Nous avons cru en Jésus-Christ, afin d’être justifiés par la foi de Christ, et non par les œuvres de la loi ; car nul ne sera justifié par les œuvres de la loi. » (Gal. ii. 16.)

Que signifie ici « être justifié par la foi » ? Et que signifient « les œuvres de la loi » ?

Les œuvres de la loi devraient signifier l’accomplissement de la loi, sa mise en œuvre dans tous ses éléments essentiels et particuliers. La loi elle-même ne doit s’appliquer qu’au Décalogue, et c’est ainsi que Paul l’applique dans tous les cas : lorsqu’il inclut expressément le rituel, il utilise le terme toute la loi. (Gal. v. 3.)

L’esprit de la loi n’est « pas dans des tables de pierre », dit Paul, mais dans les « tables de chair du cœur » ; ce n’est pas la lettre qui est le ministère, mais l’esprit, « car la lettre tue, mais l’esprit vivifie ». (2 Cor. iii. 3-6, 17.)

« Là où est l’esprit du Seigneur, là est la liberté » : c’est-à-dire loin des tables de pierre !

Le Décalogue est donc mis de côté ; nous en avons fini avec les tables de pierre et, suivant Paul, nous devons être une nouvelle loi pour nous-mêmes, dans la foi !

Devons-nous vivre comme bon nous semble dans la foi ? Si nous avons l’esprit de la loi dans notre cœur, c’est des tables de pierre qu’il provient ; c’est donc par les tables de pierre que nous sommes liés, et c’est à elles que nous devons tous les principes de la vie, car elles sont la quintessence de la Parole.

Le sens évident des deux passages cités, nous dit-on, ne doit pas être pris au pied de la lettre ; car nous trouverons ailleurs des dogmes qui excluent le sens obvie selon lequel la loi est remplacée par la foi, comme l’illustre la « liberté » que nous avons reçue par rapport aux « tables de pierre ».

Il est vrai que Paul affirme à plusieurs reprises un dogme à un endroit et son contraire à un autre : le dogme hardi lui est propre ; son contraire est partagé par les autres, et ce dernier est dérivé des Écritures.

Dans le même chapitre de l’épître aux Romains, il écrit : « Annulons-nous donc la loi par la foi ? Loin de là ! Au contraire, nous confirmons la loi. » (Rom. iii. 31.)

Là encore, tout est obscur.

Quelle loi ? comme le demande Paul ci-dessus ; celle des œuvres ? ou celle de la foi ? Est-ce que nous établissons par la foi la loi, par les œuvres de laquelle aucune chair ne sera justifiée ? Ou y a-t-il une loi des œuvres pour les Juifs, et une autre loi de la foi, indépendante des œuvres, pour les chrétiens ?

Ici, la distinction entre la loi et le rituel serait valable, le rituel étant certainement réservé aux Juifs ; la loi s’applique également aux Juifs et aux chrétiens ; or, aucune distinction de ce genre n’est faite : la loi ici comme ailleurs désigne la loi essentielle, le Décalogue, qui lie à la fois les Juifs et les chrétiens.

Mais Paul ne l’admet pas. « Si vous êtes conduits par l’Esprit », écrit-il aux Galates, « vous n’êtes pas sous la loi ». (Gal. v. 18.) « Le Christ ayant aboli dans sa chair l’inimitié, la loi des commandements avec leurs observances », comme nous le lisons dans « Éphésiens ». (Éphés. ii. 15.)

Sur quelle base peut-on supposer que, dans tous ces passages, il fait exclusivement référence au rituel prévu par la loi ? Il est probable qu’il ne fait référence au rituel dans aucun de ces passages, comme nous le verrons bientôt ; bien que dans le dernier cas, tiré de l’épître aux Éphésiens, la loi puisse très bien être interprétée comme un rituel, en tant qu’ensemble de prescriptions que le Christ a effectivement aboli, telle n’est pas l’interprétation de Paul.

Les dix commandements sont l’essence même de la loi, tant pour les juifs que pour les chrétiens.

L’Église est-elle donc en tort d’avoir conçu que par la loi,νόμος, Paul entendait la loi dans toute sa substance, et non le simple rituel mosaïque, sans la substance ?

Il a peut-être parfois inclus le rituel dans le terme « loi », mais en règle générale, « la loi » semble très clairement désigner uniquement le Décalogue, qui n’est en tout cas jamais omis. Dans un passage où il souhaitait également souligner le rituel il utilise l’expression « toute la loi », ὅλον τὸν νόμον, et c’est un fait qu’il convient de noter : – « Car je témoigne encore une fois à tout homme circoncis qu’il est tenu de pratiquer toute la loi. » (Gal. v. 3.) Par là, il ne pouvait que signifier qu’il ne pouvait négliger le Rituel, montrant ainsi que lorsqu’il se référait spécifiquement à la seule partie cérémonielle, le simple terme loi n’était pas applicable.

Si Paul a donc été mal interprété par ceux qui ont fondé la doctrine de la foi seule sur son enseignement, c’est son ambiguïté dans l’expression qui est en cause, et non l’interprète ou le « mésinterprète », comme le diraient ses amis.

La tendance de ses écrits est certainement d’éloigner l’homme d’une vie de charité comme essentielle, pour le conduire vers une vie de foi, voire une simple profession de foi : l’orientation irrésistible de son enseignement est de donner la primauté à la foi (Luther en est un excellent exemple) et de séparer la foi de la charité.

Permettre aux œuvres de participer de quelque manière que ce soit à l’accomplissement du salut est considéré comme dérogatoire, voire impie.

Alors que Jésus-Christ nous dit : « Ce ne sont pas tous ceux qui me disent : Seigneur ! Seigneur ! qui entreront dans le royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père qui est dans les cieux », montrant clairement de cette manière que la simple foi ne sert à rien. (Matth. vii. 21.)

Paul déclare quant à lui : « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. » (Rom. x. 13.)

Rien ne peut être plus simpliste ou trompeur que cette citation prise au pied de la lettre, comme elle l’a été par la majorité des chrétiens. Il s’agit d’une citation imparfaite du prophète Joël, et Paul, comme à son habitude, cite la Septante. (Joël ii. 32.)

L’hébreu dit : « Sera délivré », et ajoute : « Car sur le mont Sion et à Jérusalem, il y aura délivrance. »

C’est-à-dire ceux qui font la volonté du Père, ceux qui font du Seigneur leur guide et qui, en gardant ses paroles, deviennent membres de son Église ; et ils sont donc à Sion et à Jérusalem : ce qui est exactement ce que le Seigneur lui-même dit en d’autres termes, dans Matthieu.

Seuls ceux-là peuvent entrer dans le royaume des cieux.

Les paroles de Paul impliqueraient que la simple confession de foi en Christ est ce qui est nécessaire pour invoquer le nom du Seigneur – τὸ ὄνομα κυρίου. Mais ici aussi, on pourrait nous dire que Paul veut dire plus que ce qu’il dit.

L’apôtre Jacques a réussi à s’exprimer sans ambiguïté ; il parle de « toute la loi », plus particulièrement du Décalogue, et il ajoute :

« À quoi sert-il, mes frères, qu’un homme dise qu’il a la foi, s’il n’a pas les œuvres ? La foi peut-elle le sauver ? » « De même, la foi, si elle n’a pas les œuvres, est morte, étant seule. Oui, un homme peut dire : Tu as la foi, et j’ai les œuvres ; montre-moi ta foi sans les œuvres, et je te montrerai ma foi par mes œuvres. » (Jacques ii. 10, 14, 17, 18.)

Jacques semble donc lui aussi avoir mal compris Paul, car la remontrance ci-dessus ne peut provenir que de l’enseignement de Paul.

Il était évêque (ἐπίσκοπος) de l’Église de Jérusalem et veillait donc à souligner les dangers de la doctrine paulinienne, afin de protéger son troupeau ; on lui attribue le mérite d’avoir été l’instigateur de la mission en Asie pour circonscrire les effets de la doctrine antinomienne de Paul dans cette région.

Il n’y a en effet qu’une seule conclusion logique à tirer des passages cités ci-dessus des épîtres pauliniennes, et une grande partie du monde religieux l’a tirée : la foi seule. Et Paul n’en est-il pas responsable ?

Il semble constamment renforcer ce dogme. Il dit : « Nous sommes maintenant délivrés de la loi, dont nous étions retenus morts ; afin que nous servions dans la nouveauté de l’esprit, et non dans la vieillesse de la lettre. »

Toute la loi est abrogée, les Dix Commandements sont lettre morte, car il poursuit : « Que dirons-nous donc ? La loi est-elle péché ? Loin de là ! Je n’aurais pas connu le péché, si ce n’est par la loi ; car je n’aurais pas connu la convoitise, si la loi n’avait dit : Tu ne convoiteras point. » (Rom. vii. 7.)

La loi fait ici clairement référence aux Dix Commandements, « qui nous tenaient prisonniers ».

Ses illustrations de la loi sont invariablement tirées du Décalogue.

Ailleurs, il dit : « Celui qui aime autrui a accompli la loi ; en effet, tu ne commettras point d’adultère », etc., montrant à nouveau que la loi est le Décalogue. (Rom. xiii. 8-10.)

Ce constat est concluant ; quelle que soit l’intention de Paul, il a logiquement mis de côté toute la Loi, remplacée par la foi en Jésus-Christ et l’imputation conséquente de Sa justice à l’homme.

« Car le péché n’aura pas de pouvoir sur vous, puisque vous n’êtes pas sous la loi, mais sous la grâce. » (Rom. vi. 14.) C’est son thème récurrent : –

« Mais à celui qui ne fait pas d’œuvre, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi lui est comptée comme justice. » (Rom. vi. 5.)

« Celui qui ne fait pas d’œuvre » signifie-t-il ici simplement celui qui méprise le rituel mosaïque, ou bien « l’impie », celui qui néglige les œuvres de la loi de Dieu, qui ne respecte pas les commandements et qui est donc impie ? Et qui pourtant est justifié par sa foi en la mort du Christ, qui lui est imputée comme justice !

Et que signifie abolir la « loi des commandements dans les ordonnances » (Éphés. ii. 15? Cela s’applique-t-il éventuellement au rituel ?

Luc semble faire une distinction entre les commandements et les ordonnances : « Marchant dans tous les commandements et ordonnances du Seigneur sans reproche » (Luc 1, 6). Dans l’Exode également, nous lisons « ordonnances et lois » (Exode xviii. 20).

C’est le terme ordonnance qui semble s’appliquer plus particulièrement aux règles du rituel, bien que le terme loi soit également utilisé pour préciser les détails.

Pourtant, malgré tout ce dogmatisme sur la « foi », Swedenborg, qui n’est pas un ami de l’enseignement de Paul, en déduit qu’il ne s’agit pas dans ces passages d’une foi imputée, mais d’une foi réelle en Jésus-Christ, qui est une foi venant de lui et en lui.

Et il ajoute en guise d’explication que par les œuvres de la loi, Paul n’entend pas les œuvres de la loi morale ou du Décalogue, mais les œuvres de la loi mosaïque, propres aux Juifs, ou le rituel.

Que Paul n’ait pas limité son sens à cette partie de la loi est démontré très clairement par les citations données ci-dessus, tirées des chapitres sept et treize de l’épître aux Romains. Et la citation du chapitre cinq de l’épître aux Galates montre que lorsqu’il a spécialement inclus la « loi mosaïque propre aux Juifs », il a eu recours à une expression différente : la loi tout entière 67.

Swedenborg s’efforce également de montrer dans son ouvrage l’Apocalypse révélée que Paul n’avait pas plus que Jacques l’intention d’enseigner la foi seule, c’est-à-dire la foi sans les œuvres de la loi, comme le soutiennent les Églises réformées.

Or, Jacques est très catégorique sur cette question des œuvres, insistant sur le fait que ce n’est que par les œuvres, ou la vie, que la foi peut être vérifiée.

« Mais veux-tu savoir, ô homme vain », dit-il, « que la foi sans les œuvres est morte ? Abraham, notre père, n’a-t-il pas été justifié par les œuvres, lorsqu’il a offert son fils Isaac sur l’autel ? Vois-tu comment la foi a agi avec ses œuvres, et comment les œuvres ont rendu la foi parfaite ?

« Vous voyez donc que c’est par les œuvres qu’un homme est justifié, et non par la foi seule. » (Jacques ii. 20-22, 24.)

Paul a exprimé des sentiments similaires, et c’est sur la base de ces passages que Swedenborg affirme que Paul n’avait pas l’intention de prêcher la foi seule.

Montrer que Paul enseigne deux doctrines opposées, c’est montrer ce que beaucoup ont découvert, et cela prouve seulement que Paul était un être plein de paradoxes, ce qui est l’un de ses défauts évidents.

Il serait en effet facile de nettoyer Paul avec sa propre éponge, en juxtaposant simplement ses diverses déclarations contradictoires.

Swedenborg utilise l’argument suivant (Apoc. Rév., n° 417. Rom. iii. 28) : « Paul, lorsqu’il dit que l’homme est “justifié par la foi sans les œuvres de la loi”, n’est pas bien compris, car par les œuvres de la loi, Paul entendait les œuvres de la loi mosaïque, qui étaient destinées aux Juifs ; ce que nous voyons aussi clairement dans ses paroles à Pierre, qu’il a réprimandé pour avoir judaïsé, alors qu’il savait pourtant que personne n’est justifié par les œuvres de la loi (Gal. ii. 14-16) ; comme on le voit également dans la distinction qu’il fait entre la loi de la foi et la loi des œuvres, et entre les Juifs et les Gentils, ou la circoncision et l’incirconcision, entendant par circoncision le judaïsme, comme partout ailleurs ; et de même dans sa conclusion par ces mots : « Annulons-nous donc la loi par la foi ? Loin de là ! Au contraire, nous confirmons la loi » (Rom. iii. 27, 31).

Swedenborg résume toutes ces choses comme suit : –

« “Car ce ne sont pas ceux qui entendent la loi qui sont justes devant Dieu, mais ce sont ceux qui la mettent en pratique qui seront justifiés” (Rom. ii. 13) ; aussi, que Dieu “rendra à chacun selon ses œuvres” (Rom. ii. 6) ; aussi « car nous devons tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal qu’il aura fait dans son corps » (2 Cor. v. 10 ; Rom. ii. 17-26). Outre beaucoup d’autres choses allant dans le même sens, il est évident que Paul rejette la foi sans les bonnes œuvres, tout comme Jacques. »

J’ai cité cet argument dans son intégralité, car il a été considéré comme concluant.

Je pense néanmoins qu’il peut être démontré qu’il est très peu solide. Soit il utilise le terme loi dans deux sens, dans un cas comme désignant le rituel et dans tous les autres comme désignant le Décalogue, et son propos est donc vain ; soit il s’agit d’un simple tissu de contradictions.

Dans tous les passages cités par Swedenborg, et dans ceux auxquels il fait simplement référence, le terme loi ne peut désigner que le Décalogue. Si le terme loi ou les œuvres de la loi, dans Romains iii. 28, désigne le rituel, remplacez loi par rituel dans les autres passages, et tout l’argument tombe de lui-même. Pourquoi le rituel dans ce cas particulier seulement ?

En réalité, ici, Swedenborg s’oppose aux luthériens, s’efforçant de montrer que Paul n’est pas d’accord avec eux : Luther supprime hardiment toute loi pour celui qui a foi en l’expiation du Christ, selon Paul 68.

Les trois seuls passages importants sur les œuvres que Swedenborg cite de Paul ne sont pas de Paul lui-même ; il s’agit simplement de modifications apportées par Paul à l’Ancien Testament, à la Septante grecque, et plus particulièrement aux Psaumes et à Jérémie. (Ps. lxii. 12 ; Jér. xvii. 10.)

Seul le premier, passage très obscur du troisième chapitre de l’épître aux Romains, est de Paul lui-même : –

« Annulons-nous donc la loi par la foi ? Loin de là ! Au contraire, nous confirmons la loi. » (Rom. iii. 31.)

Voyez la confusion dans laquelle nous tombons si nous permettons que la loi signifie le rituel dans un cas, et le Décalogue dans un autre.

Essayons : « L’homme est justifié par la foi sans les œuvres du rituel. » (Rom. iii. 28.)

« Annulons-nous donc le rituel par la foi ? Loin de là ! Au contraire, nous confirmons le rituel. » (Rom. iii. 31.)

Si vous interprétez νόμος par rituel dans le premier cas, pourquoi pas dans le deuxième et le troisième cas également ?

Les passages originaux de la Parole rappelés ici par Paul, et que Swedenborg lui attribue, sont les suivants : –

« À toi aussi, ô Seigneur, appartient la miséricorde, car tu rends à chacun selon ses œuvres. » (Ps. lxii. 12.)

« Moi, le Seigneur, je sonde le cœur, j’éprouve les reins, afin de rendre à chacun selon ses voies, selon le fruit de ses œuvres. » (Jér. xvii. 10.)

Ces passages et les modifications que Paul y apporte sont en totale contradiction avec l’ensemble de son enseignement particulier ; ils réfutent complètement sa doctrine de l’expiation, ou du salut par une offrande pour le péché.

Les hommes sont ici jugés selon leurs œuvres, selon leur amour, ce qui est conforme à l’enseignement du Christ dans tous les Évangiles ; et cet enseignement montre comment la foi en Lui, en ses paroles et non en sa mort, peut établir la loi, car elle ne peut qu’être suivie d’œuvres.

Montrer qu’un homme enseigne deux principes opposés est un argument qui n’établit aucun des deux, mais qui peut permettre de détruire les deux.

Dans un premier temps, Swedenborg n’apporte aucune preuve que la loi désigne ici le rituel.

C’est une déduction contredite par tous les passages cités précédemment dans l’épître aux Romains ; et elle est contredite par l’utilisation du terme dans tous les passages qui suivent immédiatement celui cité par Swedenborg, sur les praticiens de la loi étant justifiés, à savoir (Rom. ii. 13) : –

« Car, lorsque les païens, qui n’ont pas la loi, font naturellement ce que prescrit la loi, ils sont, eux-mêmes, une loi pour eux-mêmes, et ils montrent que l’œuvre de la loi est écrite dans leur cœur. » (Rom. ii. 14, 15.)

Ici, il ne peut être question que de la loi morale ; les païens n’ont certainement pas le rituel de Moïse écrit dans leur cœur !

Ainsi, la loi qui est morte, et dont sont tirées toutes les illustrations de Paul, n’est pas le rituel, la loi propre aux Juifs, mais la grande loi morale, le DÉCALOGUE.

Cela peut être démontré plus en détail à partir du même chapitre de « Romains ».

« Si donc l’incirconcis observe la justice de la loi, son incirconcision ne sera-t-elle pas considérée comme une circoncision ? Et l’incirconcis de nature, s’il accomplit la loi, ne jugera-t-il pas celui qui, avec la lettre et la circoncision, transgresse la loi ? » (Rom. ii. 26-29.)

Car, ajoute-t-il avec finesse, ce n’est pas celui qui est Juif à l’extérieur qui est Juif, mais celui qui l’est à l’intérieur.

« Voici, tu es appelé Juif, et tu te reposes sur la loi » – « étant instruit par la loi ». « Toi donc, qui enseignes les autres, ne t’enseignes-tu pas toi-même ? Toi qui prêches qu’il ne faut pas voler, voles-tu ? Toi qui dis qu’il ne faut pas commettre d’adultère, commets-tu l’adultère ? »

Dans tous les passages ci-dessus, où Paul s’adresse clairement aux Juifs, bien qu’il s’adresse à l’Église chrétienne de Rome, qui était sans doute composée principalement de Juifs convertis, le terme loi désigne clairement le Décalogue, et en aucun cas la simple loi cérémonielle destinée aux Juifs.

Paul a probablement enseigné plus qu’il ne le pensait lorsqu’il a dit : « Ce n’est pas celui qui est juif à l’extérieur qui est juif, mais celui qui l’est à l’intérieur. » C’est-à-dire, comme il le montre, celui qui observe les commandements, celui qui a la loi écrite dans son cœur, qu’il soit circoncis ou non, extérieurement, qu’il soit juif ou chrétien !

Le vrai Juif est celui qui aime le Seigneur et observe ses paroles : cela renvoie à la véritable restauration, à la véritable descendance d’Abraham. Mais une telle doctrine ignore tout d’une foi sans œuvres ; la charité ou la bonté de vie en sont l’essence même.

Cela est clairement énoncé par Swedenborg lui-même comme l’interprétation du dogme « que l’homme est justifié et sauvé par la foi seule, sans les œuvres de la loi », dans l’Apocalypse révélée, où il dit que « les œuvres de la loi du Décalogue » sont visées, et que « cette foi a été accueillie avec joie et est devenue la doctrine de toute l’Église. » « Elle est accueillie avec joie, car ainsi ils ne sont pas esclaves de la Loi, mais hommes libres sous la foi ; ne sachant pas que c’est exactement le contraire qui est vrai, à savoir que ceux qui se croient libres sous la foi, ou de cette foi, ou par cette foi, sont esclaves du péché, c’est-à-dire du diable, car le péché et le diable ne font qu’un ; car ils pensent ainsi que la loi ne condamne pas, et donc que pécher sans être passible de la sentence de la loi constitue la liberté, à condition qu’ils aient la foi ; alors que c’est néanmoins l’esclavage même ; mais l’homme, lorsqu’il fuit le péché, c’est-à-dire le diable, passe de l’esclavage à la liberté. » (Apoc. Rev., nos 576, 578.)

Ainsi, Swedenborg impute à ceux qui sont séduits ou induits en erreur par la doctrine paulinienne ce qu’il n’impute pas à Paul lui-même, bien que cette doctrine soit dérivée de Paul et lui appartienne clairement.

Swedenborg commence ainsi son illustration du treizième chapitre de l’Apocalypse : –

« Il continue dans ce Chapitre à être traité du Dragon ; et la doctrine et la foi, qui sont entendues par lui, y sont décrites, telles qu’elles sont chez les Laïques, et ensuite telles qu’elles sont chez les Ecclésiastiques ; cette doctrine et cette foi chez les Laïques sont décrites par la Bête qui montait de la Mer, Vers. 1 à 10 ; et chez les Ecclésiastiques, par la Bête qui montait de la Terre, Vers. 11 à 17 ; puis il s’agit de la falsification du vrai de la Parole par ceux-ci, Vers. 18. »

Au cinquième verset, nous lisons : –

« Et il lui fut donné une bouche qui proférait des paroles arrogantes et des blasphèmes » (Apoc. Rév., xiii. 5). C’est-à-dire qui corrompait la Parole et prêchait des faussetés issues de son intelligence personnelle, comme Paul avait coutume de le faire.

« Et la doctrine », dit Swedenborg, « selon laquelle la foi seule, c’est-à-dire la foi sans les œuvres de la Loi, justifie et sauve, ne provient pas de la Parole, mais d’une seule expression de Paul, mal comprise. » (Apoc. Rév., 571, 582.) (Rom. iii. 28.)

Ainsi, Swedenborg attribue à Paul l’origine de tout le mal, mais il ne lui en impute aucune responsabilité, la rejetant plutôt sur le clergé, qu’il considère comme ses interprètes erronés ! Or, Paul est incontestablement le père de ce blasphème, et c’est à lui qu’en incombe la responsabilité. Pourquoi protéger Paul ?

J’ai tenté de montrer ci-dessus que cette fausse doctrine ne provient pas d’une seule expression de Paul et qu’en réalité il n’est pas mal compris ; en effet, conformément à la loi, il se référait invariablement et uniquement au Décalogue. Le rituel suit naturellement, lequel est manifestement sans vie ; mais la découverte que les « tables de pierre » sont remplacées elles aussi est due à Paul.

J’en conclus donc que le monde n’a pas mal compris les paroles de Paul en l’occurrence, mais qu’il les a correctement interprétées ; s’il voulait dire autre chose que ce qu’il a dit et que le monde ne l’a pas compris, ce n’est pas la faute du monde, mais la sienne.

Paul est tellement enclin aux paradoxes, comme on est souvent obligé de le souligner, qu’aucun système logique ne peut être déduit de ses lettres : si vous en adoptez certaines parties, vous devez en rejeter d’autres.

Vraisemblablement, tous ses dogmes et toutes ses affirmations sont contredits par d’autres ; les plus essentiels le sont très nettement ; et si nous prenons l’un des passages cités ci-dessus par Swedenborg sur les œuvres comme thèse de départ, il peut être réfuté par une série de citations qui le contredisent directement, affirmant que les principes de la grâce, de l’élection et de la prédestination excluent ou écartent totalement la nécessité ou l’utilité des œuvres ; même lorsque la Loi n’est pas mentionnée ; de sorte qu’il ne peut être question ni du Rituel ni du Décalogue : comme dans « Romains » – i. 17, iv. 5, v. 1, viii. 30, ix. 18, xi. 6. Ou dans la fausse épître aux Éphésiens, i. 5, ii. 8, 9 ; et dans Tite iii. 7. Et là où la loi est mentionnée, de très nombreux autres exemples pourraient être cités.

Nous pouvons laisser les passages cités ci-dessus parler d’eux-mêmes, et le lecteur peut juger s’il est raisonnable de dire de Paul, compte tenu de ces extraordinaires déclarations contraires, qu’il est évident que Paul rejette la foi sans bonnes œuvres au même titre que Jacques.

Par exemple : –

« Car en cela est révélée la justice de Dieu, de foi en foi, comme il est écrit : Le juste vivra par la foi 69. » (Rom. i. 17 ; Habac. ii. 4.)

« Mais à celui qui ne fait pas d’œuvres, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi est comptée comme justice. » (Rom. iv. 5.)

« Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. » (Rom. v. 1.)

Il s’agit d’une foi en l’efficacité de la mort du Christ, et cela justifie absolument, indépendamment de toute mise en œuvre de la loi morale ; le rituel n’entre en aucune façon en ligne de compte. Un homme mauvais ou impie qui croit (ou même imagine qu’il croit) que ses péchés sont lavés par le sang du Christ, indépendamment de tout effort pour mener une vie bonne, peut se considérer comme sauvé, comme l’un des élus. Si ce n’est pas cela qui est signifié ici, alors tout cette phraséologie n’est que vain bavardage ; bien sûr, la chose est vaine de toute façon.

Écoutons ce que Paul dit des élus : –

« De plus, ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés. » (Rom. viii. 30.)

« Ainsi, il fait miséricorde à qui il veut, et il endurcit qui il veut. » (Rom. ix. 18.)

« Et si c’est par grâce, ce n’est plus par les œuvres ; sinon, la grâce n’est plus la grâce. » (Rom. xi. 16.)

Dans les lettres beaucoup plus tardives, aux Éphésiens et à Tite, nous trouvons exactement la même doctrine ; bien qu’elles ne soient pas de Paul, ces lettres sont essentiellement pauliniennes : –

« Il nous a prédestinés à être adoptés comme ses enfants par Jésus-Christ, selon le bon plaisir de sa volonté. » (Éphés. i. 5.)

« Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi, et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est pas par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. » (Éphés. ii. 8, 9.)

Voilà bien un passage très apprécié de ceux qui adoptent la justification par la foi.

« Afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions héritiers selon l’espérance de la vie éternelle. » (Tite iii. 7.)

Toutes les idées essentielles dérivées de l’enseignement de Paul.

Si l’on oppose les paroles ci-dessus à la substance ou à l’esprit des citations des Psaumes et de Jérémie, sur lesquelles repose réellement l’argumentation de Swedenborg, comment l’enseignement de Paul peut-il alors tenir debout ?

Les œuvres sont ignorées ou condamnées dans chaque phrase, et il ne peut être question ici du Rituel.

Il n’est ici nullement question des « praticiens de la Loi », ni de rendre « à chacun selon ses œuvres », « qu’elles soient bonnes ou mauvaises », mais tout n’est que grâce et élection !

Nous allons maintenant examiner brièvement l’ensemble de la doctrine de Paul, en partant du principe que, par le terme Loi, nous concluons qu’il désigne toujours la Loi morale essentielle ou le Décalogue, et jamais le Rituel ou la loi cérémonielle propre aux Juifs.

La seule fois où il inclut le Rituel, il ne parle pas de la Loi, mais emploie l’expression « toute la loi », ὃλον τὸ νόμον, comme nous l’avons déjà souligné. Et la Loi qui est morte est donc toute la loi, le Décalogue et le rituel, les deux. (Gal. v. 3.)

 

 

 

CHAPITRE XV.

 

LE PÉCHÉ EST-IL UNE TRANSGRESSION DE LA LOI ? – LE PAULINISME – LES ÉPÎTRES PAULINIENNES, AUTHENTIQUES ET APOCRYPHES : SEPT AUTHENTIQUES ? SEPT APOCRYPHES ?

 

« Car sans la loi, le péché était mort. » – Romains vii. 8.

 

POUR Paul, le péché est purement et simplement la transgression de la Loi, « car la Loi produit la colère ». Avant la Loi, le péché était inconnu, « car sans la Loi, le péché était mort » ; et sans la Loi, il ne pouvait y avoir de transgression ni d’imputation de péché. (Rom. iv. 15 ; v. 13 ; vii. 7, 8.)

Jean, lui aussi, dit que « le péché est la transgression de la Loi » ; ou l’anarchie –

Καὶ ἡ ἁμαρτία ἐστὶν ἡ ἀνομία (1 Jean iii. 4 ; v. 17)

mais il ajoute quelque chose de plus.

La transgression de la loi est bien sûr un péché, ou un crime, mais le péché ne peut être défini comme une transgression de la loi, c’est-à-dire de la loi écrite. « Toute injustice est péché », – πᾶσα ἀδικία ἁμαρτία ἐστίν – comme l’ajoute Jean, car le péché n’est pas seulement ce qui est contraire à la lettre de la Loi, mais ce qui est contraire à l’Amour et à la Sagesse ; et comme Dieu est essentiellement Amour et Sagesse, le péché est ce qui s’oppose à Dieu et à l’ordre divin, que le pécheur en soit conscient ou non ; et même s’il ne peut être imputé à l’homme comme un péché, dans ces circonstances, l’homme n’en est pas moins responsable, par la détérioration de son âme ou de son esprit, en se trouvant dans un état contraire à l’ordre divin.

Dieu a donné la Loi à l’homme, certainement pas pour que « les transgressions abondent » (Rom. v. 20), mais à cause des transgressions ou des offenses contre l’ordre, afin que l’homme connaisse la transgression ou le péché, et qu’il s’en détourne en conséquence ; et ainsi se sauve de la perdition.

La Loi rend donc évidentes les transgressions de l’ordre, mais il peut y avoir des péchés qui ne constituent pas une transgression de la lettre d’une quelconque ordonnance ; bien qu’il n’y ait sans doute aucun péché qui ne soit pas couvert par l’esprit des commandements, qui sont l’épitomé exhaustive de la Loi, ou de la Parole.

Une chose n’est pas nécessairement mauvaise en soi parce qu’elle est interdite par la loi, et rien n’est nécessairement inoffensif parce qu’il n’est pas interdit par une loi écrite ; mais nous ne pouvons pas appliquer cela à la loi de Dieu.

Si un homme est dans l’amour absolu de soi, il ne peut être que mauvais, bien qu’il ne puisse, bien sûr, profaner une vérité qu’il ne croit ni ne connaît, ni enfreindre moralement une loi qu’il ignore nécessairement ; c’est-à-dire qu’il n’a aucune responsabilité légale pour ce que la loi ne lui a jamais interdit dans sa propre communauté ; pourtant, la simple ignorance individuelle de ce que la loi prescrit ne donne, à juste titre, aucune immunité.

C’est pourquoi le Christ dit des Juifs qui l’ont rejeté : « Si je n’étais pas venu et ne leur avais pas parlé, ils n’auraient pas péché ; mais maintenant ils n’ont aucune excuse pour leur péché. » (Jean xv. 23.)

La volonté doit être impliquée, l’homme doit faire son propre choix avant de pouvoir s’engager moralement dans les conséquences de ses actes. Cela est peut-être nécessaire avant que la transgression ou le dépassement ne puisse être un péché moral ; pourtant, les conséquences spirituelles de tous ses actes doivent rester avec lui, dans la mesure où l’acte est un acte de la volonté.

La loi peut permettre ce qui est péché en soi, mais pas relativement ; et le péché demeure dans ses conséquences, même s’il n’y a pas de transgression de la loi. Le salaire du péché est la mort, non pas parce qu’il s’agit d’une transgression, mais simplement parce qu’il est contraire à l’amour et à la sagesse divins, et celui qui ne se détourne pas de son péché ne peut avoir de place auprès de Dieu, c’est-à-dire dans le royaume céleste.

La Loi, dans son sens le plus élevé, n’est que l’amour de Dieu et la charité envers le prochain, et tel est le sens des commandements ; cette Loi est inscrite dans le cœur ; et les commandements ne sont que des instructions, l’exposé salvateur de cette loi dans des statuts ou des ordonnances, nécessaires à ceux qui ne perçoivent pas les choses intérieures.

De telles ordonnances ne peuvent créer le péché, elles ne sont que de simples avertissements contre la transgression du bien vers le mal, ou de Dieu vers soi-même, en particulier pour ceux dont le cœur ne peut les avertir.

Déjà avant la promulgation de la loi, l’homme était absorbé par l’amour de soi et du monde, et était donc plongé dans le péché ; il a abandonné l’esprit pour suivre la chair.

Même s’il n’y avait aucune loi, écrite ou orale, la luxure et autres concupiscences pourraient constituer si complètement toute la pensée et toute l’action d’un homme que la résurrection à la vie serait tout aussi impossible pour un tel homme que pour un homme qui défierait délibérément la loi ; car son intérieur serait, dans l’esprit, d’une nature telle qu’il ne pourrait être toléré dans aucune société de bien, ni exister un seul instant dans la sphère spirituelle du bien, car cela serait tout à fait contraire à son propre principe intérieur.

Il s’agit d’une question de compatibilité, voire de possibilité, et non en aucun cas de grâce ou de miséricorde, car le mal ne peut en aucun cas exister dans la sphère céleste de l’amour et de la sagesse du Seigneur.

Un homme peut donc périr dans le péché même s’il ignore la loi, même s’il est innocent dans la mesure où il n’a pas conscience d’avoir transgressé la loi.

La simple estimation du péché, chez Paul, montre une conception erronée du bien et du mal, ou de Dieu et de soi-même.

La loi, loin d’avoir été donnée pour qu’il y ait une multitude de transgressions, ou pour que le péché abonde, comme Paul le dit de manière perverse dans sa lettre aux Romains (v. 20 ; vii. 13), a été donnée avec miséricorde pour sauver l’homme de la perdition dans ses propres voies, qui ne sont pas les voies de Dieu ; et l’homme a été averti que la mort doit nécessairement résulter d’un éloignement de la bonté et de la vérité, c’est-à-dire d’un détournement de Dieu vers soi-même.

La Loi a donc été donnée par pure miséricorde, par amour et dans la sagesse, et non par vaine gloire pour magnifier la grâce de Dieu. La vaine gloire n’est pas un attribut de Dieu, mais de l’homme.

Paul s’exprime de manière plus précise dans sa lettre aux Galates (Gal. iii. 19), où il dit que la Loi a été donnée « à cause des transgressions », c’est-à-dire du détournement de la bonté ou de la justice ; afin que les transgressions cessent, ce qui est un sentiment très différent de celui exprimé dans l’épître aux Romains 70.

Mais le peuple juif était si désespérément sensuel, comme le montrent Moïse et Jésus-Christ, que même la puissance du Seigneur ne pouvait le conduire, en respectant la libre volonté par laquelle l’homme est homme, des voies de la chair aux voies de l’esprit ; il ne pouvait l’amener à se détourner de ses mauvaises voies et à rendre ses voies et ses actions bonnes. (Jér. xviii. 11.)

Dans la lettre apocryphe aux Éphésiens, on nous dit, dans le véritable esprit paulinien, que par la foi, la loi est abolie : « La loi des commandements dans les ordonnances », et bien sûr, avec la loi, le péché, et par conséquent la mort : c’est une séquence logique, car la loi a engendré le péché, et le péché a causé la mort ; et il ne s’agit pas d’une mort spirituelle, mais d’une mort absolument naturelle. (Éphés. ii. 15)

La chose n’est vraie que si on se limite à l’esprit, et exclusivement pour ceux qui sont dans la bonté et la vérité du Seigneur, dont la foi est réellement la source de leurs actions ; sinon, on suppose qu’une simple foi impulsive change la condition de l’homme ; de sorte que son esprit ne peut plus pécher, dit Paul, quelle que soit sa vie, s’il désapprouve les actes de la chair et ne fait que ce qu’il ne ferait pas s’il était assez fort pour contrôler la chair. (Rom. vii. 15-25.)

La volonté est bonne, seule la chair est faible ; l’esprit n’a donc aucune responsabilité.

Selon Paul, le péché réside dans les membres du corps, et c’est seulement avec la chair (σὰρξ) que celui qui est en Christ sert la loi du péché, tandis qu’avec l’esprit (πνεῦμα), il sert la loi de Dieu ! Et il n’y a aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, lesquels sont affranchis de la loi du péché et de la mort. (Rom. viii. 1.)

Le péché est dans la chair, mais aussi pécheresse que soit la chair, nous ne sommes pas tenus de la contrôler ; nous n’avons qu’à la condamner dans notre cœur, à la désapprouver, et alors nous n’avons plus de péché, car nous sommes sanctifiés par la foi.

Pourtant, nos corps pécheurs sont membres du Christ !

Voici un sophisme ! Qui peut en tirer du sens ? Il n’est rempli que de dangers pour ceux qu’il réussit à inciter à le suivre ou à l’imiter ; c’est la fausse tranquillité que Paul offre à la conscience. (1 Cor. vi. 15.)

Mais pourquoi cette condamnation sans réserve de la chair ? La chair ne peut-elle pas être rendue utile au corps ? N’est-elle pas aussi nécessaire au bien qu’au mal ? La chair est-elle mauvaise ?

Cette dénonciation totale de la matière et des sens, du matériel comme étant essentiellement antagoniste à l’esprit, avec un principe actif du mal en soi, a un goût merveilleux de gnosticisme, déformation que Paul affiche souvent.

Le matériel est inerte ou indifférent ; il est conduit par le bien, ou par le mal, c’est-à-dire par le moi et les sens échappant à l’emprise de la bonté ou de la raison ; mais il n’est ni bon ni mauvais en soi.

L’antagonisme essentiel entre πνεῦμα et σὰρξ est imaginaire, et cette notion est absurde, sinon il ne pourrait y avoir de bonté chez l’homme, car l’homme n’est homme que par le biais de son organisation matérielle.

Les fous laissent leur esprit se faire dominer par les sens, les sages maîtrisent leurs sens par leur esprit, et c’est là l’affaire de toute la vie.

Le même Dieu qui nous a donné notre esprit nous a aussi donné nos sens, afin que nous les utilisions à bon escient ; la mortification systématique de la chair est une folie lâche à laquelle seuls les esprits les plus faibles peuvent recourir ; nous pouvons tout aussi bien prôner la vertu de l’abstinence des eunuques que celle de ceux qui font vœu de célibat ; mais en soi ce sont là des affronts à la nature, car ce sont des violations de la loi de Dieu.

La chair (σὰρξ) n’est pas mentionnée dans Matthieu en opposition, mais en contradiction avec l’esprit (πνεῦμα), en référence à la somnolence ou à l’incapacité de rester vigilant. Jésus-Christ a dit : « Veillez et priez afin de ne pas entrer en tentation ; l’esprit est bien disposé, mais la chair est faible. » (Matth. xxvi. 43.)

« Leurs yeux étaient lourds », et les disciples dormaient alors qu’ils auraient dû veiller.

Mais les mots introductifs de l’évangile de Jean condamnent de la manière la plus complète possible l’idée d’un antagonisme ou d’une incompatibilité essentielle entre l’esprit et la chair : –

« Au commencement était la Parole, et la Parole était Dieu, et la Parole s’est faite chair. » C’est entre l’amour de Dieu et l’amour de soi qu’il y a antagonisme. Tout homme qui s’abandonne à l’amour de soi, sans tenir compte d’aucune autre considération, est un démon. (Jean i. 1, 14.)

Paul lui-même semble avoir eu ses propres remords, car il s’exclame dans une apparente agonie de désespoir : « Misérable que je suis ! Qui me délivrera de ce corps qui appartient à la mort ? » (Rom. vii. 24.)

Dans cette doctrine paulinienne, la foi exclut donc le péché, et un homme ne peut être perdu que s’il abandonne la foi, et non la bonté ou la charité ; car pour Paul, la foi est la justice.

La foi, comme nous le voyons, sanctifie même le corps de l’homme, qui, tout comme son esprit, devient membre du Christ, et elle neutralise les conséquences du péché de la chair sur l’esprit ; il n’y a même pas vraiment lieu de mortifier la chair.

Que l’homme marche selon l’esprit (κατὰ πνεῦμα) ou selon la chair (κατὰ σὰρκα), le résultat est le même ; la justice du Christ est si grande que, en lui, tous ceux qui croient sont rendus justes, même les impies sont justifiés. (Rom. iv. 5 ; viii. 33 ; x. 4.)

Et qui accusera les élus de Dieu ? (Gal. iii. 26.)

Dans ce système, personne n’est digne ou bon en aucun manière, pas même un petit enfant ; personne n’est juste par nécessité, mais personne n’est non plus volontairement mauvais ; ils sont seulement aveuglés, et tous ceux qui ne sont pas aveuglés sont les enfants de l’élection de la grâce, qui transcende et remplace tous les péchés, quels qu’ils soient.

Le seul mérite possible, ou la seule récompense, car il n’y a pas de mérite qu’un homme puisse avoir, c’est la foi ; mais cela aussi n’est qu’une illusion, car la foi elle-même est un don gratuit de la grâce, dans le système paulinien. (Éphés. ii. 8.)

Que nul n’ose prétendre contribuer par sa propre vie, grâce à l’illumination spirituelle acquise par l’appropriation des vérités de la Parole, à sa propre régénération et à son salut. Par conséquent, selon Paul, toute prédication de l’Évangile est vaine, les élus n’en ont pas besoin, et pour ceux qui sont aveuglés, elle ne peut nécessairement être d’aucune utilité.

Toutes les paroles et toutes les paraboles du Christ sont vaines, car elles exhortent invariablement à l’action et inculquent le bien de la vie, jamais la foi, sauf dans la mesure où elle peut se manifester dans la vie.

Avec Paul, tout est accompli par la foi ; même si un homme pèche et a néanmoins la foi, ce n’est pas lui qui pèche, mais ses membres ! Il est néanmoins considéré comme juste, grâce à la foi qu’il possède, bien qu’il n’ait rien fait pour l’acquérir, car c’est un don gratuit de la grâce.

« Avec mon esprit, je sers la loi de Dieu, mais avec ma chair, je sers la loi du péché ! » s’exclame-t-il. (Rom. vii. 25.)

Est-ce là la parole de Dieu ? Ou bien s’agit-il en vérité d’autre chose que de folie ? Une théologie vaine, enseignant des doctrines qui sont des inventions de l’homme.

Le don gratuit de la grâce est une chimère vaine : sans amour ni charité, sans fruit, il ne peut y avoir de foi.

Sans un effort constant vers la bonté et la vérité du Seigneur, aucune foi ne sauvera l’homme de la perdition ; sa foi même est un péché, ce n’est qu’une fausse persuasion de foi ; car c’est un mensonge, le pire des mensonges, un blasphème, parce que c’est un mensonge envers le Saint-Esprit.

« Ce qui glorifie mon Père », lisons-nous dans Jean, « c’est que vous portiez beaucoup de fruits ; ainsi vous serez mes disciples. » (Jean xv. 8.) La foi sans les œuvres ne peut manifestement porter aucun fruit.

Le calvinisme et le luthéranisme sont indéniablement des ramifications du paulinisme ; Paul est leur père, même si certains adeptes de Paul peuvent nier cette filiation.

Ils sont tellement captivés par les réflexions capricieuses de Paul sur la charité et la justice qu’ils en sont incapables de comprendre son enseignement sur la justification par la foi, ou sur la prédestination et l’imputation.

Après tout, il est peut-être impossible de définir ce qu’est réellement la justice selon Paul, car il déprécie tout respect de la loi, respect que Luther décrit même comme un état de péché. La justice selon Paul n’est ni la charité ni les œuvres de charité, mais semble être simplement la foi en Jésus-Christ. Et qu’est-ce que cette foi en Jésus-Christ ? Est-ce simplement une foi en sa passion ? En la mort sur la croix du Fils de Dieu, qui a souffert à votre place, afin que vous puissiez échapper à la punition légitime de votre méchanceté qu’il a prise sur lui, et vivre une vie de béatitude malgré votre nature mauvaise ? Cette croyance vous a-t-elle rendus justes ? Ou bien la justice consiste-t-elle à vivre dans la charité et les bonnes œuvres parce que c’est la volonté de Dieu que vous viviez ainsi, afin que vous puissiez entrer dans la vie éternelle et jouir de la bénédiction qu’Il a préparée pour tous ceux qui « portent beaucoup de fruits » ?

S’il était impossible de respecter les commandements, ceux-ci n’auraient jamais été donnés. Puisque nous les avons, nous savons qu’ils peuvent être observés, sinon Jésus-Christ n’aurait jamais pu dire : « Si vous m’aimez, respectez mes commandements. » (Jean xiv. 15.)

La croyance que le Christ inculque est de croire en lui, qu’il est venu du Père, qu’il est un avec le Père et qu’il a prononcé les paroles du Père. Il ne dit rien au sujet de la foi en sa mort !

Le mal causé par le dogmatisme constant de Paul sur la foi est évident ; en effet, de vastes communautés ont fait de la foi seule un article essentiel de leur credo, étant complètement induites en erreur par lui, directement ou indirectement. Cela montre, à tout le moins, le grand mal que peut causer un langage ambigu appliqué à des questions de conviction religieuse. Certaines des choses qu’il a écrites sont « si difficiles à comprendre que les ignorants et les instables », dit Pierre (?), « les détournent à leur propre perte » ! (2 Pierre iii. 16.)

Il n’y a pas de fondement substantiel dans les évangiles pour aucun des principes caractéristiques du protestantisme, mais à l’exception de la Trinité des personnes, qui n’est pas propre aux sectes protestantes, il n’y en a pas un seul qui ne puisse être justifié par le sens clair de certains passages des épîtres pauliniennes.

Ces principes peuvent être très cohérents avec le paulinisme, mais ils ne sont certainement pas chrétiens.

Aucun des trois grands dogmes protestants ne peut être déduit des Évangiles, mais ils sont tous proclamés, si irrecevables soient-ils, dans les épîtres pauliniennes, sous les différents dogmes de l’Expiation, de la Foi sans les œuvres et de la Prédestination.

La doctrine de la Prédestination à elle seule rend toutes les autres doctrines vaines ; car là où tout est prédestiné, ni la foi ni la charité ne peuvent avoir aucun effet ; et quelle sorte d’Église peut-ce être, celle dont une doctrine capitale nie l’action de la charité, tant en Dieu qu’en l’homme, et fait de la vie un pèlerinage mortel ?

Pourtant, aussi insensée et choquante que soit cette religiosité, car elle n’est rien d’autre, cette doctrine cruelle et détestable est indéniablement prêchée, non seulement par Calvin, mais aussi par le « grand apôtre des Gentils » lui-même ; et cela dans une épître qui n’a jamais été remise en question, celle aux Romains.

Bien que le fait qu’elle figure dans une lettre authentique soit sans importance, nous connaissons son auteur, puisque l’Église considère les épîtres pauliniennes dans leur ensemble comme un corps doctrinal et comme la Parole de Dieu, indépendamment de leur auteur, qui est une question personnelle.

L’inspiration de Paul est considérée comme acquise, et toutes les lettres qui lui sont attribuées sans discernement, sur la base d’une simple tradition, sont acceptées comme ayant une autorité divine, sur la base des dictats des papes romains ou des conciles querelleurs.

Que Paul lui-même soit ou non l’auteur de toutes les épîtres qui portent aujourd’hui son nom est donc sans importance, car l’Église les a toutes admises, même si elles n’ont été adoptées dans le canon que sous l’impression qu’elles étaient de lui.

Tous ces documents étant canoniques et réputés pauliniens, la question de savoir si l’un d’entre eux est authentique ou apocryphe ne se pose pas pour le critique ; la question de l’orthodoxie chrétienne du paulinisme n’a théoriquement pas sa place ici. Nous sommes libres d’utiliser indifféremment les lettres authentiques ou apocryphes, car toutes sont canoniques et orthodoxes ; cependant, en ce qui concerne la responsabilité de Paul, la question est essentielle : si elles ne sont canoniques qu’en tant que pauliniennes, alors la question est importante dans les deux sens.

Historiquement, dans l’intérêt de la vérité, en ce qui concerne la question personnelle, les recherches de nombreux critiques allemands les ont amenés à rejeter définitivement, et sans doute à juste titre, plusieurs de ces lettres 71.

Les seules épîtres qui ne sont pas du tout remises en question sont au nombre de cinq : la première aux Thessaloniciens, celle aux Galates, les deux aux Corinthiens et la lettre aux Romains ; celles-ci sont généralement admises.

Deux autres complètent les lettres authentiques : celle à Philémon, sans importance doctrinale mais caractéristique, et l’intéressante communication aux Philippiens, la dernière ou l’une des dernières qui nous soient parvenues, écrite depuis Rome vers l’an 63.

Toutes les autres, également au nombre de sept, y compris celle aux Hébreux, sont rejetées par plusieurs critiques fiables.

Celles qui sont le plus fermement condamnées sont les lettres aux Colossiens (plus tard gnostiques), aux Éphésiens et les trois lettres pastorales, une à Tite et deux à Timothée ; la deuxième aux Thessaloniciens fait également partie des lettres rejetées.

Il n’y a guère aujourd’hui de voix critiques qui s’élèvent contre l’« Épître aux Hébreux », qui aurait été initialement adressée aux Juifs d’Alexandrie.

Selon Hilgenfeld, c’est grâce à Athanase et Augustin qu’elle a finalement été intégrée aux épîtres pauliniennes dans l’Église occidentale. (Das Neue Testament, p. 153.)

Les trois lettres pastorales semblent avoir été délibérément présentées comme étant de Paul à une période ultérieure, car elles contiennent des passages qui montrent qu’elles ne peuvent lui avoir été attribuées de manière spéculative, sans fraude préméditée, par des copistes employés à une période antérieure pour les transcrire.

Ces lettres pastorales, cependant, ainsi que d’autres lettres rejetées, bien que beaucoup plus tardives que Paul, sont l’œuvre de ses disciples dévoués ; elles sont en règle générale tout à fait dans l’esprit du dogmatisme paulinien. Il existe toutefois des passages exceptionnels, comme le célèbre passage sur la « plénitude de la divinité » dans le deuxième chapitre de l’épître aux Colossiens (Col. ii. 9).

Toutes ces lettres, à l’exception de celle aux Hébreux, étaient acceptées comme étant de Paul à l’époque d’Eusèbe, au début du IVe siècle.

Il n’y avait pas de canon fixe à l’époque d’Eusèbe, tout était encore vague jusqu’au concile de Trente en 1546, année de la mort de Luther ; Eusèbe rejette l’Épître aux Hébreux.

La lettre aux Éphésiens, comme celle aux Colossiens, est beaucoup plus catholique ou libérale que Paul ; elle ne défend pas un évangile paulinien exclusif, mais attribue la fondation de l’Église aux « apôtres » et aux prophètes, tout en imposant fortement le dogmatisme paulinien. (Éphés. ii. 20 ; iii. 5.)

Aucune de ces lettres n’est exempte de principes gnostiques ou d’allusions explicites à ceux-ci, ce qui montre qu’elles ont été écrites après que les spéculations gnostiques se fussent répandues, au milieu du IIe siècle. À l’instar des « Actes des Apôtres », elles feignent dans une certaine mesure d’ignorer les différences et traitent l’Église comme si elle était déjà une et essentiellement indivise.

L’Épître aux Hébreux est certainement tout à fait exempte de l’égotisme de Paul, lequel était peut-être sa principale caractéristique, et elle n’insiste pas de manière proéminente, ni même exclusivement, sur la foi ; pourtant, bien qu’elle ne fasse aucun cas de la doctrine de la prédestination, elle s’inspire beaucoup de l’école paulinienne, prêchant la justice qui vient de la foi, « c’est-à-dire la preuve des choses qu’on ne voit pas » (Hébr. x. 38).

L’auteur dit : « Le juste vivra par la foi » (Habac. 2, 4), montrant ainsi que lui aussi, tout comme Paul, citait la Septante, comme cela semblait être la coutume depuis longtemps.

Croire à la preuve des choses invisibles est une définition très approximative de la foi ; elle n’atteint certainement pas la charité, et si la foi s’arrêtait là, elle serait bel et bien morte. Mais la lettre aux Hébreux ne parle que de la foi telle qu’elle se manifeste dans les œuvres, dont l’auteur donne de nombreux exemples.

Origène remarque que le style de cette lettre aux Hébreux est plus pur que celui de Paul ; il dit qu’elle a été attribuée à Clément et à Luc. Plus récemment, elle a été attribuée à Barnabé, et plus certainement à Apollos, un Juif d’Alexandrie ; mais tout cela n’est que pure conjecture. (Eusèbe, Hist. Ecclés., vi. 25.)

Elle a été écrite à Rome, mais apparemment après l’époque de Paul ; elle parle de la « Jérusalem céleste » (Hébreux xii. 22) et, dans l’ensemble, son esprit est beaucoup plus proche de la lettre de Jacques que de celles de Paul.

Les dates et les lieux à partir desquels Paul a écrit ses lettres sont incertains. Les manuscrits les plus anciens et les meilleurs ne comportent pas les en-têtes ou les signatures courantes avec lesquelles ils sont publiés dans notre version autorisée ; le nom de Paul est invariablement omis dans les originaux, et invariablement ajouté dans les en-têtes, dans les traductions, sans même omettre la lettre aux Hébreux 72.

Voici l’ordre des lettres tel qu’il a été établi par Hilgenfeld : –

La première aux Thessaloniciens, depuis Corinthe, en 53 après J.-C.

Celle aux Galates, depuis Éphèse, en 55.

La première aux Corinthiens, depuis Éphèse, en 58, et

La deuxième aux Corinthiens, d’Éphèse, également en 58.

Celle aux Romains, depuis Corinthe, en 59.

Lettre à Philémon, écrite à Césarée en 61, et

Celle aux Philippiens, depuis Rome, en 62-64.

Les lettres apocryphes ne sont pas nécessaires pour compléter la doctrine de Paul, qui est parfaitement exhaustive dans les épîtres authentiques ; mais certains points sont peut-être exprimés de manière plus extravagante dans les lettres apocryphes que dans les lettres authentiques ; elles ne font toutefois qu’illustrer un développement plus avancé des principes pauliniens tels qu’ils sont énoncés dans les lettres authentiques.

La lettre aux Romains, la dernière de ses épîtres importantes, contient peut-être en elle-même une exposition suffisamment complète de la doctrine paulinienne.

Dans cet essai, il a été nécessaire de se référer à quelques passages qui ne se trouvent pas dans les « Romains », les « Corinthiens », la première aux « Thessaloniciens » ou les « Philippiens ». Les passages cités dans d’autres lettres contiennent certainement la véritable empreinte du paulinisme, mais n’ajoutent rien aux doctrines essentielles des lettres authentiques reconnues.

Et dans l’ensemble de ces lettres authentiques, sept au total, aussi positives et particulières que soient les opinions doctrinales énoncées, leur principale caractéristique est peut-être l’égotisme, l’exaltation de soi ; même le dogmatisme est subordonné à l’intrusion du moi dans une épître paulinienne authentique.

Pour ceux qui sont gagnés par la doctrine paulinienne, le Christ est devenu une simple abstraction à laquelle il faut ajouter la foi ; il n’a pas de personnalité réelle, le Sauveur vivant et parlant est oublié ; seule sa mort sur la croix, l’effusion de son sang, est le grand mystère qui occupe l’esprit et qui est la source et le sujet de la foi ; pas lui-même, pas sa vie et ses combats, pas son enseignement et son exemple. (Rom. v. 9, 10.)

En tant qu’enseignant divin, le Christ a été supplanté par Saul de Tarse, qui a réussi à s’interposer entre Dieu et l’homme ; tel était manifestement son but et son ambition. Non seulement il se présente à plusieurs reprises comme un modèle à imiter, mais il entreprend de conduire au Christ et au salut ceux qui le suivent et lui obéissent. (1 Cor. xi. 1, 2.)

Il n’est pas nécessaire de faire directement appel au Christ.

Paul s’adresse au Père, et non au Christ, et il a pris sous sa protection tous ceux qui embrassent son évangile, comme participants de sa grâce. Leur résurrection à la vie est assurée s’ils suivent ses préceptes, écoutent son enseignement, son évangile ; s’ils en suivent un autre, qu’ils soient maudits.

Et c’est cet homme qui s’exclame : « La foi, l’espérance, la charité, ces trois choses demeurent, mais la plus grande d’entre elles est la charité ! »

Ce qui est étrange, c’est que Paul a trouvé tant de personnes, tant de foules, pour suivre son exemple dans leurs professions. Ils le reconnaissent comme leur apôtre élu, en tant que païens ; et ils le voient dans des proportions tellement démesurées ; son ombre est si dense et son étendue si grande que le Christ est perdu de vue, sauf en tant que sacrifice expiatoire ; son enseignement n’a aucune importance.

Lorsque le pasteur protestant monte en chaire pour inculquer ce qu’on appelle le christianisme, ce n’est pas aux Évangiles qu’il se réfère pour son texte, mais aux Épîtres de Saul de Tarse, qui n’a jamais vu ni entendu le Christ ; et il le fait peut-être sept ou huit fois sur dix lorsqu’il se lève pour prêcher ; trahissant ainsi un exemple extraordinaire d’influence individuelle, qui s’apparente à de l’appropriation, et un merveilleux engouement de la part des masses qui peuvent l’écouter patiemment.

L’affirmation de soi de Paul est si persistante, si énergique, qu’il a réussi pendant un certain temps à faire en sorte que le monde lui accorde une grande valeur.

Il a été appelé le fondateur du christianisme ; c’est exactement ce qu’il ne devrait pas être considéré, et ce qu’il n’est pas réellement ; le seul fondateur du christianisme est Jésus-Christ, le Seigneur et Sauveur. Paul est simplement le fondateur du paulinisme, qui a supplanté le christianisme dans l’esprit de trop nombreuses personnes.

Il faut supposer que Paul ne connaissait pas les évangiles et qu’il n’assistait pas aux prêches des évangélistes. Celui de Matthieu était peut-être le seul évangile existant, ou du moins en circulation, à l’époque de Paul ; et à l’exception du sacrement de l’Eucharistie, une cérémonie familière avant la conversion de Paul, il n’a rien mentionné de ce qui était enseigné par Jésus ; dont il semble avoir si peu connu l’enseignement qu’il n’a jamais fait allusion à une seule parabole ; pourtant, aucun évangéliste ne pouvait parler du Christ sans mettre en avant ses paroles ou ses paraboles, ces allégories sublimes qui incarnent tant de sagesse, d’amour et de vie.

Il est presque impossible de lire les lettres de Paul sans avoir l’impression que sa foi, ses opinions, en sont le thème, et non l’enseignement du Christ.

Le but principal de sa prédication n’est pas la glorification directe de Dieu le Sauveur, ni l’amour de l’homme ; c’est la gloire et la domination de Paul ; tout est par et pour Paul ; et le résultat en dit long sur sa compréhension des esprits faibles des hommes ; car il occupe depuis des siècles la première place dans la vénération des chrétiens confessants, et ce de manière particulièrement visible dans les Églises réformées. Un phénomène qui ne peut s’expliquer que par l’hypothèse selon laquelle Paul a fourni à l’homme exactement ce que son état moral et spirituel dégradé lui permettait d’assimiler, étant donné qu’il lui était tout à fait impossible d’approcher ne serait-ce qu’une appréciation de l’amour et de la sagesse qui émanent du Christ.

Paul encourage une conception prétentieuse de la foi, une fierté dans la justice, et endurcit le cœur, mettant complètement de côté toute considération pour le prochain. Son christianisme est purement égoïste, ignorant l’amour dans l’égotisme de l’élection.

Le véritable christianisme est établi par le Christ seul ; si un homme lance une théologie originale qui lui est propre, elle ne peut être celle du Christ ; il n’y a pas de place pour l’originalité dans la prédication de l’Évangile, sauf dans la méthode ; si l’on revendique l’originalité de la doctrine d’un homme, elle ne provient pas des Évangiles et ne peut être chrétienne.

Nous en concluons donc, et nous nous efforcerons de montrer, que le paulinisme n’est pas le christianisme.

Il ne fait aucun doute que bon nombre des sentiments de Paul sont tout à fait originaux ; il ne se réfère à aucun des Évangiles pour les exprimer, et il est le seul inventeur de tous ses dogmes caractéristiques. Pour Paul, le christianisme est l’expiation et la justice est la foi.

Je considère que les remarques ci-dessus, dans ce chapitre, constituent un examen équitable des principes généraux de Paul, tels qu’ils sont principalement exposés dans l’Épître aux Romains.

Je laisse au lecteur le soin de tirer ses propres conclusions quant à la mesure dans laquelle ces principes peuvent être bénéfiques pour l’Église aujourd’hui ; pour l’auteur, ils semblent totalement délétères pour la vraie religion, même s’ils ont peut-être eu leur utilité à une certaine époque.

Selon la Nouvelle Église, les doctrines inculquées dans les épîtres pauliniennes sont essentiellement fausses, et l’esprit doit se tenir loin de ces principes, sauf pour mettre en garde contre eux.

S’il y a une chose qui ressort plus que les autres dans l’enseignement de Paul, loin d’être la charité dérivée de la foi, c’est le contraire, la doctrine de la foi sans les œuvres.

Nous examinerons séparément chaque point litigieux de l’enseignement de Paul, mais nous tenterons d’abord de montrer qu’il est raisonnable de supposer que des lettres qui ont occupé une place si importante dans la vie de l’Église ont dû avoir un rôle nécessaire à jouer.

 

 

 

CHAPITRE XVI.

 

LE PAULINISME N’ÉTAIT-IL PAS UNE NÉCESSITÉ EN SON TEMPS ? – LA PARABOLE DE L’ÉPINE – L’ENNEMI QUI L’A SEMÉE ÉTAIT LE DIABLE.

 

« Moïse, à cause de la dureté de vos cœurs, vous a permis de répudier vos femmes ; mais au commencement, il n’en était pas ainsi. » – Matthieu xix. 8.

 

CEUX qui sont sous l’influence ou la domination de Paul considèrent nécessairement tous ses adversaires comme des hérétiques ; parmi les premiers auteurs, Eusèbe se distingue dans son « Histoire ecclésiastique ».

Il est possible que la situation s’inverse et que les adversaires de Paul soient classés parmi les justes et les sages, et que l’Église paulinienne soit à nouveau considérée comme hérétique, comme elle l’était au début.

Nous avons parlé du mahométisme comme d’une nécessité et d’un grand bienfait pour la partie du monde où son emprise s’est d’abord établie 73 ; et il a sans doute constitué une immense amélioration par rapport à la parodie idolâtre du christianisme qu’il a remplacée, partout où il a trouvé sa place dans la chrétienté.

Le paulinisme a peut-être rendu un service similaire à l’Église occidentale, dans laquelle, sans une telle intervention de la providence divine, le christianisme et la Parole auraient couru le risque d’une profanation des plus graves.

« Ceux qui ne croient pas aux choses intérieures de l’Église ne peuvent les profaner, et encore moins ceux qui les ignorent. » (A. C., 6595.)

Le christianisme fut donc pour ainsi dire relégué dans le désert, et le paulinisme le remplaça, par nécessité, pour remplir une fonction opportune, et qui, de par sa nature même, en tant que perversion de la véritable Église, n’admettait pas la profanation, mais était suffisamment proche de l’Église authentique pour que tous ceux qui l’embrassaient puissent passer pour des chrétiens, car le nom du Christ n’était certainement pas supprimé.

Paul est même considéré par beaucoup comme le sauveur du christianisme ; l’œuvre du Seigneur et des apôtres ayant échoué dans son objectif de sauver l’Église, un autre apôtre était encore nécessaire, qui, par sa prédication et ses écrits, était destiné à la sauver des fanatiques juifs, qui avaient usurpé la prérogative de la propager et ne faisaient que la mener à sa perte ; tandis que Paul la purifiait de la souillure juive et la transformait en un canal d’eaux vives.

Paul, disent-ils, était le grand apôtre qui a substitué une justice intérieure à un simple cérémonial extérieur, l’amour (la foi) à l’obéissance aveugle. Mais d’autres peuvent adopter un point de vue opposé, sans nier qu’il avait un travail à accomplir et qu’il l’a fait. Le Talmud inculque un principe de vie intérieur qui exalte la charité par-dessus tout. Mais devons-nous à Paul l’établissement définitif du christianisme, ou ne lui devons-nous pas plutôt le renversement du christianisme, sa suppression et son remplacement par quelque chose de nature très différente, que l’on pourrait qualifier de paulinisme ?

Après tout, le paulinisme n’était-il pas une nécessité, en raison de la corruption du cœur et de l’esprit humains, qui étaient tout à fait incapables d’accueillir le christianisme dans son état pur, tel qu’enseigné par le Seigneur dans les Évangiles ?

Avec l’effondrement du christianisme pur, prédit par le Seigneur et dans l’Apocalypse de Jean, les Évangiles eux-mêmes tombèrent nécessairement dans l’obscurité, et l’esprit des hommes fut encombré de superstitions répugnantes tendant à profaner le christianisme jusqu’aux profondeurs les plus basses, comme nous le voyons dans les Églises grecque et romaine.

Un voile fut tiré sur les Évangiles ; les spéculations des hommes prirent une autre direction ; un aventurier audacieux conçut un nouveau schéma théologique et, en y combinant la morale juive et le grand principe juif du monothéisme, il réussit à l’établir.

Le principe fondamental de cette Église est que le Christ est le Fils de Dieu et qu’il a été offert en sacrifice pour les péchés des hommes, qu’il reviendra dans le monde pour rassembler les fidèles et régner sur eux, Juifs ou Gentils, qui jouiront ici-bas d’une liberté glorieuse, libérés du péché et de la mort, dans la vie éternelle.

Il s’agit donc uniquement du judaïsme sous une autre forme ; et pour montrer à quel point tout lien avec l’Évangile avait été rompu, il enseignait une rédemption par le sacrifice expiatoire et une élection de grâce par la prédestination.

Il s’agit en théorie d’une Église sans amour, d’un système de foi sans charité, comme je m’efforcerai de le montrer plus en détail ailleurs.

Ce n’est pas le christianisme, mais le christianisme a au moins été sauvé de la profanation, car aucun dogme purement chrétien n’a jamais été remis en question ; même l’amour, ou la charité, n’a pas été totalement mis de côté au profit de la foi.

Mais il y avait une foi, et si le monde ne pouvait croire que Jésus-Christ était l’incarnation du Seigneur Dieu le Sauveur, il pouvait croire qu’il était le Fils de Dieu, bien qu’il fût un homme. C’est ainsi que les épîtres pauliniennes ont supplanté les Évangiles dans l’Église, mais cela n’aurait pas pu se faire sans la permission divine, et ce n’est sûrement que pour un temps.

L’influence de Paul s’est accrue à mesure que l’Église devenait plus corrompue ; au début, il a fait peu de progrès et a été considéré par la plupart avec aversion comme un hérésiarque et un opposant à l’enseignement des apôtres, autant après sa conversion qu’avant, comme cela a été montré dans le livre précédent.

Comme les gens abandonnaient la charité et s’adonnaient à l’amour de soi et du monde, se tournant vers leurs propres mauvaises voies, au lieu de rendre leurs voies et leurs actions bonnes, ils trouvaient les doctrines de Paul plus sympathiques ; et son enseignement devint un refuge.

Si les hommes restaient dans l’océan infini de l’incrédulité ou dans le labyrinthe de l’idolâtrie païenne, ils étaient « perdus comme des marins en mer sans boussole » ; mais ceux qui avaient une religion ou une superstition ne pouvaient se résigner à cette condition malheureuse et saluaient avec joie tout phare qui se présentait. La profession de foi en Jésus-Christ n’était pas une exigence excessive, lorsqu’elle était présentée de manière plausible, et sa forme purement extérieure n’était pas difficile à accepter.

Ils étaient tout à fait disposés à croire que le Christ avait souffert pour leurs péchés et que, dans sa mort, ils avaient trouvé leur rédemption. Ils admettaient être trop humbles pour même désirer revendiquer un quelconque mérite propre, et que la justice du Christ était suffisante ; ils étaient trop heureux d’une telle promesse d’expiation par procuration ; l’humiliation de soi-même devenait un mérite et une justice.

C’était une doctrine très commode, qui apportait la paix, même fausse, à la conscience ; et elle fut accueillie avec enthousiasme. La gloire de « l’apôtre des Gentils », qui apportait une telle onction au cœur, était également grande.

Il n’était pas tout à fait clair dans les Évangiles qu’une profession de foi suffisait pour le salut ; car le Seigneur y avait enseigné que celui qui voulait être sauvé devait non seulement écouter, mais aussi agir, observer les commandements. Il ne suffisait pas de dire : « Seigneur ! Seigneur ! », il fallait aussi vivre en accord avec la volonté divine. (Marc x. 18 ; Matth. vii. 21.)

Les écrits de Paul étaient d’une tout autre nature ; il enseignait, ou était compris comme enseignant, que c’était par la foi qu’un homme était justifié ; que la Loi était bonne pour les Juifs, mais que pour ceux qui appartenaient à la nouvelle alliance de grâce par la foi, la Loi était morte ; que dans la passion du Christ, ils avaient l’expiation ; et que plus le PÉCHÉ abondait, plus la grâce abondait également (Rom. v. 21). Ceux qui avaient la consolation de la foi n’avaient pas besoin d’examiner de trop près leur vie ou leurs motivations. La doctrine de la foi sans les œuvres est à la fois une excuse et une justification pour une vie sans charité, ou sans amour de Dieu ou des hommes.

On leur a si souvent répété que s’ils croyaient simplement qu’ils étaient réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, leur salut était assuré, qu’ils ont fini par le croire. Ainsi, quelle que soit la qualité de leur vie, sans peser leurs actes ni leurs motivations, ils ont suivi leur chemin dans la joie.

C’était là une religion charmante, qui répondait à toutes les exigences et apaisait la conscience.

Les hommes pouvaient suivre leur propre voie en paix, rendant principalement toute la gloire à Jésus-Christ et s’attribuant sa justice en tant qu’enfants de l’élection de la grâce : il était impossible de respecter la Loi, mais pour ceux qui étaient dans la grâce, la Loi était morte.

Telle était l’interprétation de la doctrine paulinienne, et elle fut poussée à l’extrême par Luther.

D’où l’ascendant général de Paul, le remplacement progressif du Christ par lui dans l’enseignement du clergé, et la substitution finale du paulinisme au christianisme, qui est resté en sommeil pendant des siècles.

Une profession de foi bruyante, mais un abandon total de la charité : tel est l’esprit de l’Église, et tout cela vient de Paul. Dans aucun esprit impartial, les épîtres pauliniennes ne peuvent échapper à la responsabilité de toutes les principales hérésies qui sont encore aujourd’hui des défauts fatals au christianisme moderne, plus particulièrement dans les Églises réformées.

Malgré tout cela, nous pouvons admettre que même le paulinisme vaut mieux que l’absence totale de christianisme, car il peut être associé à une simplicité de vie, et peut donc être une simple erreur plutôt qu’une corruption confirmée de la vérité.

Nous supposerons qu’une doctrine erronée vaut bien mieux que l’absence de doctrine, car elle donne un principe de vie venant de l’extérieur ; dans de telles circonstances, l’homme ne se considère pas uniquement comme la fin et l’objet de la vie. La religion implique l’amour de Dieu, l’amour de l’ordre et l’amour des usages, lorsqu’elle est fondée sur la charité ; lorsqu’elle est fondée uniquement sur la foi, il est impossible de dire ce qu’elle est ; mais un homme simple peut mener une bonne vie sous une doctrine erronée, à condition qu’il ne se confirme pas dans les mensonges et les maux qui les accompagnent. Ce qui n’est qu’une simple erreur peut être désappris, mais ce qui est une confirmation intérieure ne peut être éradiqué que par de longues et douloureuses vastations.

Même en admettant que le paulinisme ait eu son utilité, il n’y a aucune raison pour que les épîtres de Paul aient des germes de pérennité plus solides que la loi mosaïque des sacrifices, qui n’a jamais eu de véritable vitalité, mais qui était une exigence de l’État juif, purement extérieure.

Maintenant qu’un principe de vie plus intérieur se dévoile dans les doctrines de la Nouvelle Église et dans l’ouverture du sens spirituel de la lettre de la Parole, leur utilité pour le bien a disparu.

Nous savons qu’il y aura un changement par rapport à un état autorisé, qu’un temps de moisson est à venir, d’après les paroles du Seigneur dans Matthieu, dans la parabole de l’ivraie. L’ivraie devait attendre son heure, elle avait sa saison qui lui était assignée – « jusqu’à la moisson ».

Il ne s’ensuit donc pas du tout que Paul soit exclusivement responsable du résultat de son dogmatisme, car, bien que très malheureux, celui-ci a peut-être évité pire ; et l’état général de méchanceté du cœur des hommes doit partager la responsabilité en rendant une telle doctrine nécessaire.

On nous dit que Moïse a permis aux Juifs de répudier leurs femmes en raison de la dureté de leur cœur ; mais il n’en était pas ainsi au commencement ; pourtant, cela a été toléré, car cela empêchait un mal plus grand. (Matth. xix. 8 ; Marc x. 5.)

Nous pouvons donc supposer que les épîtres pauliniennes ont été tolérées dans l’Église par la providence divine, bien qu’elles ne soient pas en accord avec l’Église du Seigneur, en raison de la dureté du cœur des hommes ; car il est évident qu’elles ont été tolérées et ont occupé les pensées des hommes, et en particulier du clergé, pendant des siècles, bien que beaucoup plus chez les protestants que chez les catholiques romains, et plus récemment que par le passé.

L’effondrement de l’Église est prédit par le Seigneur en de nombreux endroits, mais nulle part de manière plus évidente et plus forte que dans la parabole de l’ivraie, que nous venons d’évoquer. Le sol était tellement détérioré par la négligence que des mauvaises herbes devaient nécessairement pousser.

« Les mauvaises herbes sont les enfants des méchants ; l’ennemi qui les a semées est le diable ; la moisson est la fin de l’âge » – συντέλεια αἰῶνος, c’est-à-dire de l’Église de l’âge ; pas la fin du monde. (Matth. xiii. 39.)

L’Église était déjà complètement corrompue au premier siècle, comme le montre l’« Apocalypse » de Jean, où il y avait tant de faux prophètes et d’antéchrists.

L’homme connaissait la vraie doctrine, mais ne l’acceptait pas ; il ne pouvait embrasser que ce qui ne perturbait pas sa vie. Toute foi ou toute vanité qui flattait son ego ou apaisait sa conscience, sans pour autant perturber ses habitudes, était acceptable ; la vraie foi était perdue de vue, et la fausse foi fleurissait dans le cœur des méchants, car elle pouvait être embrassée sans changer leur vie. Ils étaient les enfants de la grâce et de l’élection, et le manteau de la justice du Christ était tombé sur eux !

L’enseignement de Paul, dans son écart par rapport à l’enseignement de l’Évangile, est comme l’ivraie parmi la bonne semence, comme on le disait autrefois de son œuvre ; et nous pouvons déduire des paroles prophétiques du Seigneur que c’était une étape inévitable dans le progrès de l’Église.

Nous pouvons donc supposer que Paul n’a fait que rendre un service pour lequel son caractère individuel le qualifiait parfaitement.

La bonne semence a été semée comme il se doit, mais la moisson n’était pas encore prête à être récoltée, ou du moins pas sans obstacle. Pendant que les hommes dormaient, « l’ennemi vint, sema de l’ivraie parmi le blé, et s’en alla » (Matth. xiii. 24).

Le mal était fait, les hommes dormaient, et pendant leur sommeil, l’ivraie avait été semée parmi le blé ; mais l’ivraie ayant pris racine, il ne fallait pas l’arracher, de peur que la bonne semence « ne soit arrachée avec elle ». Il fallait la laisser pousser jusqu’à la moisson, puis la rassembler en bottes et la brûler, tandis que le blé serait rassemblé dans la grange.

C’est là une leçon très importante, qui pourrait bien s’appliquer à l’enseignement des épîtres pauliniennes ; en même temps, elle leur confère une tâche désignée, ou plutôt autorisée, sous la providence divine.

Tout comme la désolante ivraie était une protection pour le blé en croissance, nous pouvons supposer que les épîtres de Paul ont été une sorte de bouclier et de protection pour les Évangiles ; elles ont détourné les flots de maux et de faux vers des canaux appropriés, atténuant sous leur direction leur pouvoir de destruction.

En se mettant en avant, elles ont fourni les sujets de discorde dans l’Église ; elles ont supporté les moqueries ; elles ont fourni les points de discorde de l’humanité sur les choses sacrées, ou les choses sacrées imaginaires, et ont ainsi préservé de la profanation les vérités des Évangiles ainsi négligés.

Un grand service, certes, mais qui n’honore pas pour autant le serviteur, « car l’ennemi qui a semé l’ivraie est le diable », – c’est-à-dire l’amour de soi et du monde, et tous les mensonges qu’entraînent une telle corruption et un tel mal.

L’Église exalte Paul au-delà de toute raison, en tant qu’apôtre de Jésus-Christ ; mais même en admettant cela, ce qui n’a aucun fondement réel, Judas Iscariote était lui aussi un apôtre du Seigneur ; il n’y a donc pas lieu de se vanter ici.

Chacun a eu sa fonction particulière à remplir dans le grand drame de la rédemption, mais l’honneur et la gloire reviennent uniquement à celui qui fait le bien.

La parabole de l’ivraie est une préfiguration du sort de toute fausse doctrine et de toute mauvaise vie ; la liberté de la volonté était sacrée ; aucune violence ne devait être faite à l’esprit, même s’il était imprégné de faussetés et de maux, de peur que les vrais principes de la vie ne périssent avec eux ; il fallait laisser l’ivraie pousser avec le blé.

En raison de la dureté du cœur des hommes, il était donc bon pour l’Église en difficulté que les hérésies soient tolérées.

Si les faux enseignements de Paul ou d’autres avaient été réprimés, le christianisme lui-même aurait pu être réprimé ou disparaître complètement ; c’était la volonté du Seigneur que cela ne se produise pas.

Et c’est ainsi que nous trouvons des doctrines telles que la prédestination, la justification par la foi, l’expiation ou l’imputation du mérite et de la justice du Christ, et la purification par son sang, qui sont des dogmes populaires et florissants depuis des siècles.

Et comme ces choses ont été permises, elles ont sans doute rendu service à la véritable Église ; et bien que l’Église se trouve actuellement dans le désert, ce n’est que pour un temps ; le temps de la moisson est promis, où toutes ces fausses doctrines périront et où leur influence néfaste sur l’esprit de vie sera éliminée ; où les froides abstractions de la foi céderont la place à l’amour et au bien de la vie, où la foi sera inséparable de la vie, où la véritable Église du Seigneur sera établie et où l’esprit du quatrième Évangile demeurera dans le cœur de l’homme.

Le monde peut être en grande partie redevable à Paul, s’il est vrai que grâce à son opposition efficace, les communautés chrétiennes ont principalement renoncé à l’observance de la simple loi cérémonielle ; mais bien que cela soit souligné par les admirateurs de Paul, cela n’est pas tout à fait conforme à ce qui est dit dans le pacte d’Antioche, par lequel le rituel a été aboli d’un commun accord pour les convertis parmi les païens.

Il est possible que la prédication de Paul ait été bénéfique pour les Juifs, car elle inculquait fortement la foi. En effet, vu qu’ils attendaient le Messie comme un roi conquérant de ce monde, la foi en Christ comme Messie dont le royaume n’était pas de ce monde était le grand obstacle qu’ils avaient tant de mal à surmonter, s’accrochant naturellement à la lettre de leur Loi.

Mais à mesure que le christianisme se répandait parmi les Gentils, le dogme de la foi dans la relation antinomique que Paul mettait si fortement en avant, c’est-à-dire la Foi contre la Loi, n’avait plus de raison d’être et était tout simplement pernicieux ; car chez un peuple non juif, ce dogme en viendrait à prendre l’esprit de la foi contre la vie et, avec le temps, ferait nécessairement naître des formes de perversion telles que le luthéranisme et le calvinisme.

Paul a donc très probablement accompli une œuvre nécessaire à son époque, mais cela ne fait pas de sa doctrine une doctrine authentique, ni de ses paroles les paroles de Dieu.

Si l’on en juge par l’état actuel de confusion et de scepticisme dans lequel est tombée l’Église, une grande consommation ne saurait tarder. L’Église se dirige vers une crise en Angleterre comme ailleurs.

La liberté générale qui serait acquise ici par la suppression de l’anglicanisme serait un élément essentiel d’une régénération totale, car le premier élément nécessaire est la liberté absolue de pensée et de croyance.

Les grandes ressources temporelles de l’Église anglicane ont fermé la bouche et l’esprit de ses ministres à tout changement, révision ou réforme matérielle ; l’établissement et les dotations sont les véritables obstacles au progrès.

C’est l’établissement qui crée l’hérésie ou l’hétérodoxie, qui organise la dissidence et le sectarisme ; supprimez l’établissement et les privilèges, et de nombreuses sectes et hérésies périront par simple inanition ; toute marque d’infériorité imputée ou implicite est instinctivement rejetée, et la déviation s’intensifie.

La persécution ne fait souvent que développer ce qu’elle s’efforce d’éradiquer, comme par exemple le protestantisme, ou, pour remonter encore plus loin, le christianisme lui-même ; car bien que le paulinisme ne soit pas le christianisme, le christianisme lui-même a surmonté tous les obstacles et a survécu pour entrer dans une nouvelle vie, dans laquelle le Christ lui-même sera vénéré comme le Dieu véritable.

Le fanatique paulinien est allé jusqu’à faire de Paul un veau d’or et lui a permis de supplanter Jésus-Christ dans son cœur, allant jusqu’à affirmer que les lettres de Paul sont plus pratiques que les Évangiles ; car il y a ceux qui affirment que celles-ci sont socialistes et visionnaires, et que sans Paul, il n’y aurait pas eu de christianisme ; remplacez le christianisme par le paulinisme, et cela est vrai.

Ses lettres, dit l’un de ses biographes, « sont les communications de Dieu à l’homme, concernant la foi et la vie des chrétiens, que saint Paul a déclarées (comme il l’affirme souvent) par la révélation immédiate du Christ lui-même ».

Et il s’exclame avec enthousiasme : « Nous nous souvenons avec plaisir que la terre, la mer et le ciel se combinent encore pour nous dans les mêmes paysages qui passaient sous les yeux de l’apôtre voyageur 74. »

C’est en effet quelque chose dont nous devons être reconnaissants ! Mais notre tâche actuelle consiste à montrer que les épîtres pauliniennes ne sont pas des communications de Dieu à l’homme par la révélation de Jésus-Christ.

Si nous admettons que l’œuvre de Paul était opportune, nous n’admettons rien de plus que le fait qu’elle était utile à son époque ; elle était en accord avec les capacités de réception de l’homme pendant un certain temps, mais pas pour toujours. Seules les paroles du Seigneur sont éternelles.

Admettre que les épîtres pauliniennes ont pu être utiles malgré les nombreux naufrages qu’elles ont causés n’est donc pas un argument pour continuer à les intégrer dans la Parole de Dieu.

Il est absurde de supposer que sans les efforts de Paul, le christianisme serait devenu une secte insignifiante du judaïsme. La simple destruction de Jérusalem aurait rendu une telle catastrophe impossible ; et l’augmentation progressive du nombre de prosélytes païens par rapport aux juifs était une autre garantie sûre contre une telle consommation vaine de la grande œuvre de la rédemption.

Nous savons que le véritable Évangile est entre les mains du Seigneur et qu’il sera établi en son temps.

Il y a quelques années, l’auteur a eu le malheur, ou peut-être la chance, d’entendre deux dignitaires de l’Église établie en Angleterre prêcher le même dimanche de Pâques.

L’un, un très haut dignitaire, a parlé de l’Expiation ; l’autre, un dignitaire moins élevé, a parlé de la Résurrection et du Millénium terrestre.

Il serait très difficile, voire impossible, de donner une image plus dégradante d’une horrible superstition que celle dépeinte par ce haut dignitaire anglican de la doctrine paulinienne de l’expiation par le sang du Christ ; ou de porter « une accusation plus cruelle contre Dieu », comme le dit Swedenborg.

Et il serait tout aussi difficile de faire une représentation plus absurde ou irrationnelle que celle donnée par l’autre dignitaire de la doctrine, également paulinienne et matérialiste, de la résurrection du Christ dans ce monde et de son royaume millénaire ici-bas ; cette dernière étant toutefois un raffinement du paulinisme.

Telle est l’instruction dans les vérités de la foi et les bienfaits de la charité que l’Église établie dispense à ses enfants ; tel est le fruit du paulinisme dans ce pays ; sans parler du calvinisme, qui a également une abondante moisson de prosélytes, plus particulièrement dans la moitié nord de l’île ; tel est le résultat de la prédestination et de la justification par la foi.

 

 

 

CHAPITRE XVII.

 

LE DOGMATISME PAULIN N’EST PAS L’ENSEIGNEMENT DES ÉVANGILES – LA TRADUCTION QUE DONNE LA SEPTANTE DE LA PAROLE OU DE L’ANCIEN TESTAMENT – SEPT POINTS CONTROVERSÉS DANS L’ENSEIGNEMENT DE PAUL – LE DUALISME, L’EXPIATION, LA FOI SEULE, LA PRÉDESTINATION, LE MATÉRIALISME, LE CÉLIBAT, L’EXALTATION DE SOI – RÉSUMÉ, LES ÉPÎTRES PAULINIENNES NE SONT PAS DE BONNES LECTURES POUR L’ÉGLISE DU CHRIST.

 

JE vais maintenant m’efforcer de montrer, à partir des écrits de Paul lui-même, qu’il n’y a aucune justification, ni intrinsèque ni extrinsèque, à supposer que les épîtres pauliniennes soient d’inspiration divine, c’est-à-dire qu’elles constituent une partie de la Parole divine. Au contraire, il semble bien que ces épîtres aient été un obstacle pour l’Église et aient retardé son développement, sans toutefois prétendre affirmer que l’effet des épîtres pauliniennes n’a pas été subordonné aux fins de la Providence divine.

Ce point de vue admet que Paul, comme d’autres hommes éminents, a été un instrument divin, dans un but temporaire, ce qui implique en même temps la cessation de son utilisation en temps voulu : à la moisson.

Les preuves historiques existantes ont déjà été utilisées contre Paul en tant qu’apôtre du christianisme, y compris le témoignage qu’il a lui-même rendu ; elles le présentent plutôt comme un ennemi des apôtres et de l’Église chrétienne.

Les preuves internes, dans l’esprit de la prédication de Paul et dans le caractère de son dogmatisme, montrent également un très fort antagonisme avec l’esprit des Évangiles, ou en d’autres termes avec l’enseignement du Christ lui-même, tel qu’il a été transmis par les évangélistes.

Pourtant, Paul déclare lui-même qu’il parle avec l’esprit de Dieu.

« Or, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données gratuitement. » (1 Cor. ii. 12.)

Il vient cependant de nous dire, dans la même lettre :

« Mais, comme il est écrit, ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment. » (1 Cor. ii. 9.)

Cela est peut-être tout à fait vrai, mais cela n’est pas écrit dans la Parole ; nous le cherchons en vain dans la loi écrite ; cela ne se trouve pas dans le Pentateuque, ni nulle part dans les Prophètes, certainement pas dans Isaïe (Is. lxiv. 4), ni dans les Évangiles 75.

Ce passage semble en contradiction avec l’Évangile, car il ne correspond pas tout à fait à ce que le Seigneur lui-même a dit à ses disciples lorsqu’ils lui ont demandé pourquoi il parlait à la foule en paraboles.

Il y a yeux et yeux, et il y a oreilles et oreilles. Le Christ répondit : « Parce qu’ils voient sans voir, et qu’ils entendent sans entendre, et qu’ils ne comprennent pas. » « Car le cœur de ce peuple est devenu insensible, leurs oreilles sont devenues sourdes, et leurs yeux se sont fermés. » « Mais heureux sont vos yeux, poursuit-il, parce qu’ils voient, et vos oreilles, parce qu’elles entendent. » (Matth. xiii. 13-16.)

Pour Paul, tout était clair ! Mais les apôtres qui marchaient avec le Seigneur étaient dans les ténèbres spirituelles, « ils ne marchaient pas droitement selon la vérité de l’Évangile ». C’est cette impression qu’il voulait transmettre en toutes occasions. Pour voir les choses du Seigneur, ils devaient se tourner vers Paul et embrasser son Évangile.

Nous adoptons aujourd’hui un point de vue tout à fait opposé. Le christianisme essentiel et le paulinisme sont en fait, selon nous, aux antipodes l’un de l’autre, lorsqu’on les compare et les examine à la lumière des principes de la Nouvelle Église, ou même simplement à la lumière du sens naturel des Évangiles.

Lorsque nous parlons de l’enseignement de Paul, nous ne faisons bien sûr référence qu’à son enseignement particulier, à son dogmatisme propre, et non aux principes généraux de moralité qui parsèment parfois ses épîtres, qu’il partage avec d’autres et qui, dans la plupart des cas, sont des expressions courantes dans la communauté juive, des citations plus ou moins modifiées ou inexactes de l’Ancien Testament, c’est-à-dire de la traduction grecque des Septante, et ces citations sont fréquentes dans ses lettres.

Je ne fais pas référence à ceux-ci, mais à ces passages ou sentiments qui ne trouvent aucun fondement dans la Bible et qui heurtent l’orthodoxie évangélique.

Paul ne connaissait bien sûr pas le Nouveau Testament, et on peut se demander, comme cela a déjà été remarqué, s’il connaissait un seul évangile. On peut en douter, car lui et les évangiles n’ont rien en commun, si ce n’est la morale juive ordinaire.

J’ai déjà attiré l’attention du lecteur sur un outil très précieux pour étudier les citations bibliques, qui donne à la fois le texte hébreu et la version grecque de la Septante, ou traduction des Soixante-dix, à savoir l’Ancien Testament dans le Nouveau de M. McCalman Turpie.

M. Conybeare, dans sa traduction des épîtres pauliniennes, a également apporté une aide précieuse en imprimant les citations dans une police distincte 76.

La traduction des Septante de l’Ancien Testament est écrite en grec hellénistique ou juif, et était autrefois lue dans de nombreuses synagogues.

Josèphe (né en 37 après J.-C.), tout comme Paul, utilise beaucoup la Septante, plus que le texte hébreu. Paul semble n’avoir jamais utilisé le texte hébreu ; mais à une époque plus tardive, lorsque les chrétiens ont employé cette version grecque des Septante, les Juifs l’ont rejetée.

Le Talmud fixe un jour de jeûne, le huitième jour du mois de Tébeth (décembre), car ce jour-là « la loi fut écrite en grec par le roi Ptolémée, et les ténèbres envahirent la terre pendant trois jours ; ce jour fut fatal à Israël, comme le jour où le veau fut fabriqué ». Megillath Ta’anîth (Liste des fêtes).

La traduction de la Septante aurait été réalisée à Alexandrie, pour Ptolémée Soter, entre 298 et 285 avant J.-C., ou pour Ptolémée Philadelphe, 285-247, et fut appelée Septante parce qu’elle fut approuvée par les Septante, le grand conseil juif d’Alexandrie, le Sanhédrin.

On dit que les Ébionites ultérieurs ont utilisé une autre version grecque, celle d’Aquilas, un Juif converti de l’époque de l’empereur Hadrien, au début du IIe siècle.

Aucun manuscrit hébreu de la Bible n’est antérieur au XIIe siècle, et la raison pour laquelle les manuscrits de l’Ancien Testament ne sont pas aussi anciens que ceux du Nouveau Testament est que les Juifs ne tolèrent pas que leurs écritures sacrées existent dans un état endommagé ou délabré 77.

J’ai trouvé chez Paul sept chefs d’accusation majeurs contre l’esprit authentique du christianisme évangélique, si l’on examine son système du point de vue de la Nouvelle Église, qui considère le Seigneur comme le seul Dieu du ciel et de la terre et inculque l’amour ou la charité comme principe directeur de la vie.

Les sept chefs d’accusation sont les suivants :

Premier chef... Le dualisme, ou la dualité de Dieu.

Deuxième chef... L’expiation ou l’imputation de la justice du Christ.

Troisième chef... La foi seule, ou la foi sans les œuvres.

Quatrième chef... La prédestination, ou l’élection de la grâce.

Cinquième chef... La résurrection matérielle.

Sixième chef... Le célibat exalté au-dessus du mariage.

Septième chef... L’exaltation de soi et la soif de domination, jusqu’à l’usurpation du pouvoir judiciaire.

 

 

_____________

 

 

 

SECTION 1. Le premier chef d’accusation : le dualisme ou la dualité de Dieu. Le Paraclet ou Consolateur n’est pas une personne.

 

« Celui qui m’a vu a vu le Père. » – Jean xiv. 9.

 

Nous examinerons ces chefs l’un après l’autre, et pour plus de clarté dans cette revue, la répétition de citations déjà utilisées sera inévitable. Premièrement, la séparation du Père et du Fils, ou la DUALITÉ DE DIEU, que nous pourrions peut-être appeler DUALISME, sans penser au dogme gnostique de deux pouvoirs ou principes essentiels distincts, l’un bon, l’autre mauvais.

La doctrine paulinienne du christianisme s’oppose très clairement à l’unicité de Dieu et du Rédempteur ; elle prêche la foi en Jésus-Christ non pas comme Dieu, mais seulement comme le Fils de Dieu, et en tant que tel distinct de Lui, donc une foi présentant deux personnalités. Paul dit : « Il y a un seul Dieu, le Père (εῖς θεὸς), et un seul Seigneur, Jésus-Christ » (εῖς Κυριος) (1 Cor. viii. 6). Et il les maintient toujours séparés : cela est frappant dans le passage suivant, et cela aussi après la résurrection et la glorification du Christ, et son union avec le Père : « Car il (le Christ) doit régner jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds 78. » « Et lorsque toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous. » (1 Cor. xv. 25, 28.)

Ainsi, dans l’ajustement final, Dieu et le Christ sont deux, et ne sont pas égaux, car il y a un seul Dieu, et il y a aussi un seul Seigneur, soumis à Lui 79. Cela semble toutefois tout à fait incompatible 80 avec la remarquable déclaration contenue dans la lettre réputée apocryphe aux Colossiens : « En Christ habite corporellement toute la plénitude de la divinité. » – ἐν αὐτῷ κατοκεῖ πᾶν τὸ πλήρωμα τῆς θεότητος σωματικῶς. (Col. ii. 9.)

La citation ci-dessus tirée de « Corinthiens » rejette entièrement cette idée, car si le Fils est soumis au Père, toute la plénitude de Dieu ne peut habiter en lui 81 ; l’une des citations est la négation de l’autre, et si Paul est l’auteur de l’épître aux Colossiens, ce qui est toutefois fortement contesté, nous devons considérer cela comme un autre de ses nombreux paradoxes. Cette lettre est apparemment une production gnostique postérieure. (Hillgenfeld, Das Neue Testament.)

Ce passage des Colossiens est souvent cité par Swedenborg, dans La Vraie Religion chrétienne, dont il est conforme aux principes, mais il ne l’est pas à ceux de Paul, comme le montre clairement ce qui a déjà été exposé ; le Fils étant soumis afin que le Père soit tout en tous.

Si la doctrine s’applique uniquement au Christ dans ce monde, elle est manifestement fausse, car rien dans le monde naturel ne pourrait contenir la divinité dans sa plénitude – πᾶν τὸ πλήρωμα τῆς θεότητος.

Il est incontestable que cette dualité est une doctrine essentielle chez Paul, car il a pris soin d’expliquer la distinction entre le Père et le Fils, soulignant avec insistance la subordination du Fils au Père, de peur d’être soupçonné de déroger à la gloire du Père en élevant le Fils à l’égalité divine, après sa glorification et son retour auprès du Père. La doctrine de l’expiation seule, distincte d’une simple rédemption divine, rend impérative une dualité de personnes.

L’Église qui insiste sur l’égalité, voire l’identité, du Père et du Fils, doit rejeter la doctrine de Paul exposée ici dans la lettre aux Corinthiens, sinon elle se ridiculise en acceptant comme inspiration divine une théorie concernant la divinité elle-même qui contredit complètement son propre dogme sur ce point capital.

Nulle part dans Paul il n’est dit que le Christ est Dieu en tant que tel 82, bien qu’il existe des passages qui peuvent être déformés pour aboutir à une telle admission, en particulier dans les lettres apocryphes et postérieures. Ce sentiment est trop clairement contredit dans d’autres passages, dans les épîtres pauliniennes authentiques, pour que l’ensemble puisse s’harmoniser avec une telle interprétation.

Les différentes versions traduisent cependant le grec dans son ordre simple, et l’affirmation n’est alors pas du tout évidente.

Le passage le plus souvent cité se trouve dans l’épître aux Romains (Rom. ix, 5) – ό ὢν ἐπὶ Πάντων θεὸς εὐλογητὸς εἰς τοὺς αἰῶνας, que la version autorisée rend par – (Christ) – « qui est au-dessus de tout, Dieu béni pour toujours », les derniers mots étant une simple doxologie, comme nous les avons dans Luc (Luc i. 68) – Εὐλογητὸς Κύριος ὁ θεὸς τοῦ Ἰσραὴλ – « Béni soit le Seigneur Dieu d’Israël ». Également dans la première épître de Pierre, dans la deuxième épître aux Corinthiens et dans la lettre aux Éphésiens. (1 Pierre i. 3 ; 2 Cor. i. 3 ; Éphés. i. 3.)

On trouve une expression d’un caractère différent dans l’Épître à Tite (Tite ii. 13), qui, selon l’interprétation que certains en donnent, est tout à fait étrangère aux principes authentiques de Paul – καὶ ἐπιφάνειαν τῆς δόξης τοῦ μεγάλου Θεοῦ καὶ σωτῆρος ἡμῶν Ἰησοῦ Χριστοῦ ὃς ἔδωκεν ἑαυτὸν, etc., que la version autorisée traduit par « et la glorieuse apparition du grand Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ, qui s’est donné lui-même », etc. Or, si nous lui donnons l’interprétation que certains lui donneraient – « de Jésus-Christ, le grand Dieu et Sauveur », cela ne fait que renforcer l’argument contre la paternité de Paul pour cette lettre, qui est encore corroboré par les derniers mots du verset suivant – « et purifier pour lui-même un peuple particulier, zélé pour les bonnes œuvres » ; très différent d’une foi sans œuvres.

Quant au passage de la première épître à Timothée – « Dieu s’est manifesté dans la chair » (1 Tim. iii. 16), il s’agit là de plus qu’une mauvaise interprétation ; c’est une falsification du texte par Macédonius, évêque de Constantinople, bien qu’elle soit toujours conservée dans notre Version autorisée. Macédonius a changé ὉC (ὃς) qui en ΘC (Θεὸς) Dieu 83.

Ce que Paul, ou plutôt l’auteur de l’épître aux Colossiens, voulait dire en affirmant que toute la plénitude de la divinité habite corporellement en Christ, seul l’auteur lui-même pourrait l’expliquer ; mais Paul nous interdit lui-même de conclure qu’il considérait le Christ comme Dieu, dans le passage que nous venons de citer de la première épître aux Corinthiens, et il est difficile de supposer que les deux passages puissent provenir de la même plume.

Dans la théosophie paulinienne, le Fils est donc un être tout à fait distinct de Dieu. Paul ne suggère même pas l’idée que le Fils était l’une des trois personnes qui constituaient ensemble Dieu, une notion qui s’est développée plus tard, ni l’une des deux, mais il dit qu’il était nécessairement subordonné, « afin que Dieu soit tout en tous ».

Le Fils n’est donc pas Dieu, ni une partie constitutive de Dieu, mais il est le Seigneur, le Fils divin de Dieu qui est mort pour l’homme et qui devait régner dans ce monde, avec une existence indépendante et distincte de Dieu.

Paul ne savait donc rien d’un Dieu tripersonnel, ni de la soi-disant Trinité athanasienne.

La véritable Trinité divine du Père, du Fils et du Saint-Esprit est en réalité quelque chose de bien plus prodigieux que ce que Paul ou l’auteur du Credo d’Athanase auraient pu imaginer : c’est un mystère qui n’a été développé de manière intelligible que par la Nouvelle Église, qui vénère le Christ comme Dieu et considère cette vénération comme l’essence même du christianisme.

La Trinité dans le Seigneur, dit Swedenborg, consiste en la Divinité elle-même appelée le Père, l’Humain divin appelé le Fils, et le Procédant divin appelé le Saint-Esprit, et ces trois sont une seule personne, le Seigneur Jéhovah-Jahveh.

Le Seigneur était un et identique à Jéhovah, même lorsqu’Il était dans le monde, dans la mesure où l’essence humaine était unie au Divin ; mais Il était distinct de Jéhovah, et Il Lui parlait et Le priait comme un autre, dans la mesure où Il était dans l’infirmité humaine dérivée de Sa mère. (A. C., 1745.)

« Quand le Seigneur était dans le monde, il était le Divin Vrai, et alors le Divin Bien en Lui était le Père ; mais quand il eut été glorifié, il devint Lui-Même le Divin Bien, aussi quant à l'Humain ; le Divin Vrai qui alors a procédé de Lui est appelé Paraclet ou Esprit de Vérité » (παράκλητος – le Consolateur ou l’Avocat). (A. C. 8724.)

« Les trois cieux sont un dans les derniers, et il en est de même de chaque ciel : cela tire son origine du Divin Même, dans lequel est un Trine, savoir, le Divin Même, le Divin Humain, et le Divin procédant, et ces Divins sont un ; ce Trine Divin Lui-Même et cet Un Divin, c'est le Seigneur. » (A. C. 9866.)

« Quant à son homme intérieur, le Seigneur était un avec Jéhovah » (Jahveh), même dans le monde. (A. C. 1602, 1999.)

« Celui qui m’a vu a vu le Père 84 », dit le Seigneur dans le quatrième Évangile. (Jean xiv. 9.)

Paul ne pouvait comprendre cette unité, et en tant que Juif zélé, pharisien et Hébreu parmi les Hébreux, il ne pouvait se défaire de ses principes monothéistes, et s’il n’avait pas montré la soumission finale du Fils au Père, il serait tombé dans le dilemme de confesser deux Dieux.

Au Fils, donc, le Seigneur, ou la divinité incarnée, l’Humain Divin en fait, est attribuée une seconde position subordonnée, celle du Messie et du Roi des Juifs, avec son royaume dans ce monde.

Paul, cependant, ne suggère nulle part une troisième personne pour le Saint-Esprit : il ne savait rien de la doctrine de la Trinité des personnes, de sorte que le fondateur de l’Église paulinienne est en contradiction avec son credo favori, celui d’Athanase, ainsi qu’on l’appelle, qui s’est développé au Ve siècle.

Paul inclut la communion du Saint-Esprit – καὶ ἡ κοινωνία τοῦ ἁγίου μνεύματος – dans l’une de ses doxologies, mais ni ici ni ailleurs il ne s’engage à reconnaître trois personnes, et encore moins trois personnes égales ; comme nous l’avons vu, il en admet deux, mais celles-ci ne sont pas égales ; elles sont si loin d’être égales que l’une est entièrement subordonnée à l’autre.

Si l’on exclut cette doxologie aux Corinthiens, Paul ne fait même pas allusion à une troisième personne ; cette idée s’est développée bien après Paul. L’influence de l’Esprit de Dieu peut être conçue et mentionnée sans qu’il soit nécessaire de supposer une personne.

L’Esprit de Dieu coexiste bien sûr avec Dieu et est mentionné à plusieurs reprises dans la Parole, mais jamais en tant que personne.

L’homme lui-même est une Trinité – composée d’une âme, d’un corps et d’une opération ou d’une vie qui en découle, et il ne peut être approché que par son corps, ni agir autrement que par sa vie, ou par l’opération qui découle de l’union de son corps et de son âme.

Ainsi, tant que l’Humanité divine du Christ n’était pas glorifiée et unie au Père, le Saint-Esprit, par lequel l’homme est désormais maintenu en communion avec Dieu, ne pouvait pas agir. C’est pourquoi le Seigneur a dit à ses disciples qu’il était nécessaire qu’il s’en aille, sinon le Consolateur ne pourrait pas venir, mais s’il partait, il l’enverrait. Cette idée n’est même pas abordée par Paul.

Dans la Version anglaise autorisée, le Saint-Esprit est appelé « Holy Ghost » (Saint-Esprit) et est invariablement désigné par le pronom « He » (Il), ce qui en fait une personne distincte ; mais cela n’est pas justifié par le grec original et, dans certains cas, une telle traduction est une violation du grec, comme dans les versets 16 et 17 du chapitre 14 de Jean.

Lorsque Jean nous dit que le Seigneur, après sa résurrection, a soufflé sur ses disciples et leur a dit : « Recevez le Saint-Esprit » (Jean xx, 23), il ne leur a certainement pas transmis une personne, mais l’Esprit de vérité pour ouvrir leur compréhension, comme l’explique Luc (chap. xxiv. 45).

Le Saint-Esprit, le Consolateur ou l’Avocat, est mentionné sans distinction dans les Évangiles comme l’Esprit, le Saint-Esprit, l’Esprit du Père et l’Esprit de vérité (Matth. xii. 31 ; iii. 11 ; x. 20) : il s’agit dans tous les cas de la même chose, à savoir l’Esprit qui procède du Père et du Fils, ou la Vérité divine qui procède du Seigneur (Jean xiv. 17) 85.

Le Paraclet ou le Consolateur, qui est « le Saint-Esprit » – τὸ πνεῦμα τὸ ἅγιον – en tant que troisième élément de la Trinité, ne pouvait venir à l’homme qu’après la passion et la résurrection du Christ ; comme le Seigneur lui-même le déclare. Car ce n’est qu’à ce moment-là qu’il devait venir, et il devait venir au nom du Christ, en provenance du Christ et du Père. (Jean xiv. 26 ; xv. 26 ; xvi. 7.)

Jean lui-même donne la même explication : « car le Saint-Esprit n’était pas encore, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié ». (Jean vii. 39.)

Il ne pouvait venir en son propre nom, ni parler de lui-même, mais seulement dire ce qu’il entendait ; c’est-à-dire qu’il est un flux intermédiaire provenant du Seigneur en tant que Dieu, vers l’homme ; et ressenti comme un avocat dans la conscience.

Les passages essentiels de la Parole relatifs au Saint-Esprit, en tant que Consolateur et Divin Procédant, se trouvent dans les chapitres XIV, XV et XVI de l’Évangile de Jean, et sont les suivants, selon l’original grec.

« Et je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur, afin qu’il demeure éternellement avec vous, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit point et ne le connaît point ; mais vous, vous le connaissez, car il demeure avec vous, et il sera en vous 86. » (Jean xiv. 16, 17, 18.) « Je ne vous laisserai pas orphelins, je viendrai à vous » – (montrant qu’il est lui-même le Consolateur).

« Mais le Consolateur, le Saint-Esprit, que le Père enverra en mon nom (ἐκεῖνος), vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. » (Jean xiv. 26.)

Le Christ était alors avec eux, mais après son départ, ses disciples recevraient de lui l’Esprit de vérité, le Saint-Esprit, le Consolateur. Autrement dit, ce sont les disciples qui possèdent les biens et les vrais du Seigneur ; le Saint-Esprit agit sur la conscience comme un avocat auprès de l’homme pour lui-même, et non comme un intercesseur auprès de Dieu pour lui, car l’Esprit est Dieu ; pourtant, cette action est celle de Dieu qui conduit l’homme à lui-même, par sa conscience.

« Quand viendra le Consolateur, que 87 vous enverra le Père, l’Esprit de vérité, qui procède du Père, il rendra témoignage de moi, – ἐκεῖνος μαρτυρήσει περὶ ἐμοῦ. (Jean xv. 26.)

« Néanmoins, je vous dis la vérité : il est avantageux pour vous que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le Consolateur ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai. » (Jean xvi. 7.)

C’est parce que la vérité divine procède de l’humain du Seigneur glorifié, et non immédiatement du divin lui-même, dans la mesure où celui-ci était glorifié en lui-même depuis l’éternité. (Apoc. Exp., 183.)

« Mais quand cela sera venu, l’Esprit de vérité vous guidera dans toute la vérité, car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu 88. » C’est-à-dire que c’est le Seigneur lui-même qui parle. (Jean xvi. 13.)

Nous cherchons en vain dans les Évangiles une quelconque autorité pour trois personnes dans la Divinité 89.

 

 

_____________

 

 

 

SECTION 2. Le deuxième chef d’accusation : l’expiation, ou l’imputation de la justice du Christ,

 

« Et sur ses têtes, des noms de blasphème. » – Apoc. xiii.

« Car il a fait, de lui qui n’a point connu le péché, un péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu. » – 2 Cor. v. 21.

 

Le Père et le Fils, ou Dieu et le Seigneur, sont en effet si distincts dans la théosophie paulinienne que cela rend la mort du Fils nécessaire au salut de l’homme, afin d’apaiser la juste colère du Père offensé : le Fils a subi à la place de l’homme la punition pour les péchés de l’homme qui était due à l’homme lui-même, afin que l’homme puisse être sauvé de la juste rétribution due à ses maux.

Une proposition monstrueuse, mais cela n’a pas empêché les disciples de Paul de l’adopter comme un mérite et une gloire :

« Comme Christ nous a aimés et s’est livré lui-même pour nous, en offrande et en sacrifice à Dieu, comme un parfum de bonne odeur », dit l’Épître aux Éphésiens. (Éphés. v. 2.)

Ce sont là des mots étranges, même pour une métaphore ou une allégorie, bien que la douce odeur du sacrifice soit mentionnée plus d’une fois dans la Parole elle-même.

Pourquoi un sacrifice à Dieu ? Pourquoi pas simplement la rédemption, pure et simple ? Il n’y a rien dans le chapitre 53 d’Isaïe qui justifie l’interprétation paulinienne de la grande œuvre de rédemption de notre Sauveur.

C’est nous qui avions besoin du sacrifice pour la réconciliation, pas Dieu : le sacrifice était pour nous.

« Il a été blessé pour nos transgressions, il a été meurtri pour nos iniquités » : non par Dieu, mais par l’homme ; « Il a livré son âme à la mort, et il a porté le péché de beaucoup » (Isaïe 53, 5-12).

Le Seigneur portant nos péchés signifie qu’il a combattu les enfers et remis toutes choses en ordre lorsqu’il était dans le monde. (A. C., 9937.)

On dit que le Seigneur porte nos péchés parce qu’il est le seul à lutter contre le mal et le faux dans l’homme, et qu’il les enlève également de ceux qui sont bons ; parce qu’il a rendu l’humain divin.

Et c’était là le but pour lequel il a lui-même pris l’humanité par amour, et non parce qu’il avait été envoyé par la colère du Père ; Jéhovah lui-même étant le Rédempteur, comme nous l’apprend Isaïe : –

« Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné, et le gouvernement sera sur ses épaules ; et son nom sera appelé Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix. » (Isaïe ix, 6.)

« Toute chair saura que moi, l’Éternel, je suis ton Sauveur, ton Rédempteur, le Puissant de Jacob. » (Chap. xlix, 26.) De même, Osée dit : « Il n’y a pas d’autre Sauveur que moi. » (Chap. xiii. 4.) Le Christ n’est donc Sauveur qu’en tant que Dieu.

Nous apprenons la même vérité importante de Jean : « Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui, et le monde ne l’a pas connu. » ἐν τῷ κόσμῷ ἢν, καὶ ὁ κόσμος δἰ αὐτοῦ ἐγέλετο, καὶ ὁ κόσμος αὐτὸν οὐκ ἔγνω. (Jean i. 10.)

Et Jean, dans sa première épître, dit que Jésus-Christ « est le vrai Dieu et la vie éternelle ». οὔτος ἐστιν ὁ ἀληθινος Θεὸς καὶ ξωὴ αἰώνιος. (1re épître, v. 20.)

Le point de vue de Paul est donc clairement en contradiction avec la vérité des Écritures, tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament ; Paul ne connaissait bien sûr pas l’Évangile de Jean, qui n’existait pas encore sous forme écrite à son époque. Mais il connaissait Jean, comme il nous l’apprend lui-même, et se donnait la latitude de s’écarter de ses enseignements.

Jéhovah, dit Swedenborg, qui est très homme in esse, a voulu naître en tant qu’homme, car tout ce qui était véritablement humain avait péri dans le monde. (A. C., 1894.)

Et s’il n’était pas venu ainsi, et s’il n’avait pas vaincu les enfers en acceptant les tentations, et s’il n’avait pas glorifié son humanité, c’est-à-dire s’il ne l’avait pas unie au divin, la race humaine n’aurait pas pu être sauvée. (Ibid., 1676, 1990.) L’humanité aurait péri dans la mort éternelle, car le divin et l’humain n’auraient pas pu être réunis autrement. Il s’agissait donc d’une réconciliation entre Dieu et l’homme, et non d’un sacrifice d’expiation de Son Fils à un Dieu offensé, ni d’un substitut puni à la place de l’homme : l’idée même d’appliquer une telle conception au Tout-Puissant, le Père de tous, qui est l’Amour même, est tout simplement horrible ; et cela montre la corruption et la perversité infinie du cœur et de l’esprit humains, qui non seulement peuvent entretenir une telle notion, mais même se glorifier de l’adopter comme le couronnement de la justice. Comme dans ce qui suit : –

« Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ. » (Rom. v. 1.) Où la foi signifie simplement la croyance en l’expiation du Christ. « Qui a été livré pour nos offenses, et ressuscité pour notre justification. » (Rom. iv. 25.)

« Car il a fait de lui, qui n’a point connu le péché, un péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu. » (2 Cor. v. 21)

On voit clairement ici à la fois l’expiation et la substitution : le Christ a été fait péché pour nous, le Christ a souffert pour nous, et nous sommes rendus justes par la substitution du Christ, qui a été livré au châtiment pour nous ; l’homme a été délivré parce que le Christ a volontairement expié pour ses transgressions, afin qu’il y ait une réconciliation entre Dieu et l’homme. Le blasphème consiste à dire que le Père aurait pu accepter une telle expiation de la part du Fils, ce qui est bien sûr faux et impossible.

Il y a bien eu une rédemption, mais pas de sacrifice expiatoire. Il a Lui-même « donné Sa vie en rançon pour beaucoup », non pas pour apaiser un Père en colère, mais parce qu’il n’y avait pas d’autre moyen de sauver l’humanité, si ce n’est par Sa propre venue ; et Il a été rejeté par les hommes.

La rédemption n’a toutefois pas été accomplie par Sa mort, mais par Ses victoires sur les tentations admises dans Son humanité (dérivée de Sa mère), dont la passion sur la croix a été l’aboutissement.

Et cette rédemption s’est accomplie par la soumission des enfers et la libération conséquente de la race humaine de l’infestation des esprits infernaux : ainsi, Il a rendu possible l’union de tous les hommes à Lui-même, en menant une vie conforme à Ses préceptes.

Cela diffère essentiellement du dogme de Paul selon lequel l’homme a été réconcilié avec Dieu par la mort de son Fils : c’est Sa vie sur terre qui nous a réconciliés.

Ceux qui, comme Paul, ne s’intéressent qu’aux aspects extérieurs, croient que le Seigneur a racheté le monde par son sang, c’est-à-dire par sa passion sur la croix, afin d’apaiser un Dieu courroucé ; « mais ceux qui s’intéressent aux aspects intérieurs », dit Swedenborg, « savent que personne n’est sauvé par le sang du Seigneur, mais par une vie conforme aux préceptes de la foi et de la charité issus de la parole du Seigneur ». (A. C., 10152.)

Et la seule foi efficace possible est l’acceptation sincère de cette condition par l’homme. Imaginer un autre salut est une illusion insensée.

Et nous en venons ainsi au deuxième chef d’accusation, l’imputation de la justice du Christ, ou l’EXPIATION.

« Car si, lorsque nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, à plus forte raison, étant réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie. Et non seulement cela, mais nous nous réjouissons aussi en Dieu, par notre Seigneur Jésus-Christ, par qui nous avons maintenant reçu l’expiation » – δἰο ὔνῦ τὴν καταλλαγὴν ἐλαβομεν. (Rom. v. 10, 11.)

Il a déjà été démontré dans la section précédente que Dieu et le Christ sont deux personnes distinctes. Et cela est absolument nécessaire selon cette doctrine de l’expiation.

La καταλλαγὴ n’était donc pas une réconciliation de l’homme avec lui-même par Dieu, dans l’Homme Divin, mais une réconciliation de Dieu avec l’homme par la passion du Fils apaisant la colère du Père ; par une substitution ou un sacrifice vicariant ; ce qui en fait un acte d’amour infini de la part du Fils, mais un acte de vengeance de la part du Père ! ce qui est tout à fait impossible.

La doctrine de l’expiation, non pas comme une simple réconciliation, mais comme un sacrifice, comme la substitution d’un autre à un autre, ici inculquée, est inventée par Paul, car elle n’apparaît nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament, ni dans l’Ancien, pas même dans le chapitre 53 d’Isaïe, comme nous venons de le montrer.

Pourtant, cette doctrine est aujourd’hui la doctrine principale de ce qu’on appelle l’Église chrétienne. En effet, le christianisme paulinien consiste presque exclusivement en l’expiation et en la justice acquise par la croyance en celle-ci, la justification par la foi 90.

J’ai parlé de l’Expiation comme de la doctrine la plus importante de l’Église d’aujourd’hui, bien que les Évangiles n’en fassent aucune mention.

Swedenborg s’est attardé sur cette étrange conclusion :

« Qu’est-ce qui remplit et farcit le plus aujourd’hui les livres des Orthodoxes, qu’est-ce qui est enseigné et inspiré avec le plus d’ardeur dans les lieux d'instruction, et qu’est-ce qui est prêché et déclamé le plus fréquemment dans les chaires, sinon que Dieu le Père, irrité contre le genre humain, non seulement l’a éloigné de lui, mais encore l’a compris dans une damnation universelle, par conséquent l’a excommunié ; mais que par une grâce spéciale il a engagé ou incité son Fils à descendre, et à prendre sur lui la damnation qui avait été décidée, et ainsi à apaiser la colère de son Père, et que ce n’était que par ce moyen qu’il pourrait regarder l’homme avec quelque faveur ; que le Fils a exécuté cette œuvre, de sorte qu’en prenant sur lui la damnation du Genre humain, il s’est laissé flageller par les Juifs, cracher au visage et ensuite crucifier comme malédiction de Dieu, — Deutér. XXI, 23 ; — que le Père, après l’accomplissement de cette œuvre, est devenu propice, et a par amour pour son Fils retiré la damnation, mais seulement de dessus ceux pour lesquels intercéderait le Fils, qui s’est fait ainsi Médiateur à perpétuité devant son Père ? » (V. R. C., n° 132.)

Cette doctrine, cette foi, la croyance en l’expiation par substitution, est selon Swedenborg un blasphème ; c’est l’un des noms de la Bête : « Et sur ses têtes, des noms de blasphème. » – Καὶ ἐπὶ τὰς κεφαλὰς αὐτοῦ ὀνόματα βλασφημίας. (Apoc. xiii.)

« Le nom de blasphème sur ses têtes signifie la qualité des raisonnements d’après l’homme naturel qui confirment la séparation de la foi et de la vie. » (Apoc. Exp., n° 778.)

« Et ils pervertissent le sens littéral de la Parole, afin de confirmer la doctrine de la justification et du salut par la foi seule, sans les bonnes œuvres. »

Le blasphème est le suivant : l’Être divin, qui est l’amour même, la miséricorde même et la bonté même, « s’est éloigné de la race humaine, voire l’a rejetée de Lui-même, à cause de ses maux, et c’est pour cela que Son Fils a été envoyé, ou que le Fils lui-même, ému de compassion, est venu dans le monde ; et en subissant le châtiment de la dernière malédiction, qui était la passion de la croix, et en y versant Son sang, et enfin par Sa mort, Il a réconcilié l’humanité avec le Père, en intercédant ainsi pour elle. »

Telle est la foi de Paul, telle est la justice de Paul ; la croyance en cette expiation, que c’est la mort du Christ qui a sauvé l’humanité, que nos péchés sont lavés dans Son sang.

Cette idée est clairement énoncée dans l’Épître aux Éphésiens, où nous lisons : –

« En lui, nous avons la rédemption par son sang, le pardon des péchés, selon la richesse de sa grâce. » Nous apprenons dans l’Évangile que le pardon est le fruit de la repentance. (Éphés. i. 7.)

Et encore, de manière encore plus positive, dans l’Épître aux Romains, où Paul écrit :

« Alors que nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous. Étant maintenant justifiés par Son sang, nous serons sauvés de la colère par Lui » (Rom. v. 8-9). Ici encore, il y a justification sans repentance. Sommes-nous sauvés de la colère si nous transgressons l’ordre divin ? Le pécheur ne subira-t-il pas le châtiment dû à ses péchés aussi complètement qu’avant la venue du Christ, quelles que soient les persuasions dont il puisse se bercer ?

Paul dit que « étant maintenant délivrés de la loi » par le sang du Christ seul, sans aucun acte de notre part au-delà de la foi en cette délivrance, nous sommes justifiés, sanctifiés, sauvés de la colère, le pécheur et l’homme juste de la même manière. (Rom. vii. 6.)

Sauvés, observez bien, non par l’enseignement et les triomphes du Christ vivant, le Sauveur, mais par Son sang ; et c’est cela qui a lavé les péchés des impies, car cela a détourné la colère du Père.

Ce n’est pas que le Christ soit venu dans le monde pour unir l’humanité à lui-même, et en Lui et par Lui à Dieu le Père, qui est un avec Lui, et qu’Il ait ainsi donné Sa vie en rançon pour beaucoup, en ôtant le péché du monde, par Sa reconnaissance et en suivant Ses traces. (Matth. xx, 28 ; Jean i. 29.)

Les mots de la lettre en question, la première épître de Jean – « Et il est la propitiation pour nos péchés » – n’impliquent nullement la doctrine moderne de l’expiation telle qu’elle est dérivée de Paul, ou quoi que ce soit de similaire. (Jean, 1re épître, ii. 2.)

Le Christ en tant qu’ἱλασμος n’est que le moyen de conciliation, en tant que Victime du sacrifice à l’homme et pour l’homme, pour une réconciliation de l’homme avec Dieu ou avec Lui-même, non pas que Dieu se soit réconcilié avec nos péchés, mais que nos péchés aient rendu nécessaire le sacrifice du Christ pour accomplir notre réconciliation avec Lui-même et le salut qui en découle.

Son enseignement et son exemple, ainsi que sa lutte contre les enfers pour nous dans Ses tentations, « afin de détruire les œuvres du diable », comme le dit Jean, nous ont permis d’être sauvés, en étant libérés ou délivrés des infestations et des maux et mensonges qui en découlent, et de devenir Ses disciples. (1re épître, iii. 8)

Et c’est dans ce sens que le Christ était le sacrifice dans Isaïe : l’intercession entre la vie et la mort, entre l’homme et l’enfer – non pas l’expiation, mais la rédemption.

Jean dit : « C’est pour cela que le Fils de Dieu a été manifesté, afin qu’il détruise les œuvres du diable » (1 Jean iii. 8). Non pas pour apaiser la colère d’un Père vindicatif par une mort substitutive ! ce qui est l’essence même du paulinisme.

Si le Christ était seulement mort, il n’y aurait eu ni rédemption, ni réconciliation. Nous disons que le Christ est mort pour nous, mais nous voulons vraiment dire, ou devrions vouloir dire, qu’il a vécu comme un homme pour nous, qu’il s’est manifesté dans la chair pour nous. « Son sang a été versé pour beaucoup, pour la rémission des péchés », est une partie qui représente le tout. (Matth. xxvi. 28.) Sans ses tentations dans le désert, sans ses victoires sur les enfers, sa simple mort sur la croix n’aurait rien accompli. Versé pour beaucoup, c’est-à-dire pour tous ceux qui avaient foi en ses paroles et les mettaient en pratique, et pour personne d’autre. « Nos péchés lavés dans le sang de l’Agneau » (Apoc. i. 5) est encore une fois une partie pour le tout ; ce n’est qu’une autre image du grand drame de la Rédemption. Bien sûr, le « Sang de l’Agneau » est tout et a tout fait, mais le Sang de l’Agneau signifie simplement la Vérité Divine issue du Bien Divin du Seigneur. (A. C., 10026.)

Une réconciliation n’implique pas nécessairement une expiation, mais Paul ne pouvait séparer son sens de la réconciliation de l’idée juive du sacrifice expiatoire : cela ressort clairement du contexte et d’autres passages.

« Ainsi, comme par l’offense d’un seul, la condamnation a atteint tous les hommes, de même par la justice d’un seul, la justification qui donne la vie s’étend à tous les hommes. » (Rom. v. 18.) Encore une fois : « À celui qui ne fait pas d’œuvre, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi est comptée comme justice. » (Rom. iv. 5.)

Il y a donc ici une imputation positive de la justice du Seigneur, même aux impies, ce qui est une violation directe de la Parole, contre Isaïe et les Psaumes : –

« Et le fruit de la justice sera la paix, et l’effet de la justice, la tranquillité et la sécurité pour toujours. » (Esaïe xxxii. 17.)

« Mais la voie des impies périra. » (Ps. i. 6.)

Cette « imputation du mérite et de la justice du Christ », dit Swedenborg, « est impossible, et à moins que l’erreur répandue concernant cette fausse doctrine ne soit abolie, l’athéisme envahira tout le monde chrétien » (V. R. C., 134, 628).

Cette horrible invention de Saul de Tarse est donc si pernicieuse que le monde entier risque d’être submergé par l’athéisme.

Et c’est à cause de cette invention et d’autres inventions de Paul, confondues par le monde avec le christianisme, que le christianisme est si souvent rejeté par les érudits et les plus réfléchis de l’humanité. Le bon grain est étouffé par l’ivraie.

Les enseignements de Paul et du Christ ne sont en aucun cas en harmonie ; ils sont en totale opposition, et peut-être n’y a-t-il aucun sujet où ils sont plus éloignés l’un de l’autre que celui de la passion du Christ.

Paul enseigne que Jésus-Christ, le Fils de Dieu, en s’offrant lui-même en sacrifice expiatoire à un Père offensé, en se substituant à l’homme pour porter son châtiment, a expié le péché et a aboli la mort ; et que tous ceux qui croient en ce lavage par le sang du Christ hériteront de la vie éternelle avec le Messie, dans son royaume sur cette terre.

Jésus-Christ a enseigné que tous ceux qui croyaient en sa mission en tant qu’incarnation du Divin et menaient une vie conforme aux commandements de Dieu, c’est-à-dire qui aimaient Dieu de tout leur cœur et leur prochain comme eux-mêmes, hériteraient de la vie éternelle dans son royaume spirituel, qui n’est pas de ce monde. (Jean xviii. 36.)

Jean l’a bien illustré dans sa première épître : « Et par là nous savons que nous le connaissons, si nous gardons ses commandements. Celui qui dit : Je le connais, et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité de Dieu n’est point en lui. Mais celui qui garde sa parole l’amour de Dieu est véritablement parfait en lui. » (1 Jean ii. 3-5.)

C’est là le vrai Juif et le chrétien parfait, et c’est en lui seul que s’accomplit cette rédemption par laquelle la régénération et le salut sont redevenus possibles pour l’homme.

L’homme était dans un état de déchéance tel que le Seigneur lui-même ne pouvait plus communiquer spirituellement avec lui.

Il avait atteint cet état de désolation de la bonté et de la vérité, prévu par le Seigneur, qui rendait nécessaire la mesure extrême de la rédemption, l’arrachage de l’homme à la mort éternelle.

Et cela ne pouvait être accompli que par l’Être divin lui-même, né homme dans le monde naturel, comme l’avait prédit le prophète Isaïe (Chap. liii), et ainsi retrouver le pouvoir de communiquer directement avec l’homme, afin qu’il soit possible d’éliminer ou d’apaiser les maux et les mensonges de l’homme.

Aucun homme n’était donc bon, et tous devaient périr, sauf si la Divine intercession venait à leur secours. Toutes les âmes étaient mauvaises, et donc tous les esprits qui quittaient la terre étaient des démons ; chaque démon était plus grand que le suivant, et tous ne désiraient qu’infester ceux qui vivaient sur terre et les rendre aussi diaboliques qu’eux-mêmes. Il n’y avait aucune communication entre le ciel et les hommes, tandis que, d’un autre côté, tous les enfers s’employaient uniquement à causer leur destruction.

La première étape que nous est enseignée, dans cette rédemption de l’homme, était de soumettre les enfers, de les ramener à l’ordre et ainsi de les empêcher d’infester l’esprit de l’homme.

Et c’est ce que le Seigneur, dans Son amour infini, a entrepris de faire et a accompli, en Se soumettant, dans l’humanité imparfaite qu’Il a assumée de Sa mère, à toutes les tentations auxquelles l’homme déchu est exposé.

Son âme était divine, mais Son corps était humain, et cet humain, Il l’a successivement rendu divin, pendant qu’Il était dans le monde, en résistant et en éradiquant tout mal hérité de Sa mère, inhérent à l’humanité qui provenait d’elle. (Apoc. Exp., 1112. A. C., 2083.)

Et par ces tentations successives, et ces victoires sur le mal et le faux, Il a progressivement soumis et mis de l’ordre dans les enfers, dont l’homme était infesté ; la dernière et la plus grande de Ses tentations étant la passion sur la croix, par laquelle Il a finalement glorifié Son humanité et l’a unie à la divinité du Père, Sa propre divinité.

C’est cela, la Rédemption, et c’est ainsi que le Seigneur a délivré l’homme de la mort éternelle. Et par l’action de Son Divin Humain, qui est le Saint-Esprit, Il le protège continuellement et lui permet de se débarrasser des maux et des faux héréditaires et de se régénérer. Et sans cette action du Saint-Esprit, sans cette présence continue du Seigneur, aucun homme ne pourrait être sauvé.

C’est ainsi qu’Il « a donné sa vie en rançon pour beaucoup », c’est ainsi qu’Il a porté nos péchés ; et Lui seul lutte contre les maux et les faux dans l’homme ; qu’Il élimine finalement comme des maux et des faux actifs de tous ceux qui sont animés par l’amour du bien et de la vérité qui viennent de Lui.

Et ainsi, comme nous le disent les prophètes Jérémie et Osée, c’est Jéhovah Lui-même qui est notre Rédempteur, et l’enfant qui nous est né était le Dieu très puissant, le Père éternel Lui-même ; et il n’y a pas d’autre Sauveur que Lui.

« Je suis le chemin, la vérité et la vie », dit le Seigneur, « nul ne vient au Père que par moi. »

« Celui qui m’a vu a vu le Père. » (Jean xiv. 6, 9.)

 

 

_____________

 

 

 

SECTION 3. Le troisième chef d’accusation : la foi seule, ou la foi sans les œuvres.

 

« Mes brebis entendent ma voix, je les connais, et elles me suivent ; et je leur donne la vie éternelle. » – Jean x. 27, 28.

 

Paul était un pharisien, un Hébreu parmi les Hébreux, comme il nous le dit, et il est toujours Juif, malgré sa justification vantée par la foi en Jésus-Christ.

Le Christ de Paul était cependant, comme nous l’avons déjà montré, le Messie juif, dont le royaume est de ce monde ; son Christ était un Juif, le roi des Juifs, au sens propre et non au sens figuré ; il n’était pas le Seigneur Dieu le Sauveur.

Mais alors que Pierre était l’apôtre des Juifs, ou de l’évangile de la circoncision, Paul se proclamait l’apôtre des païens et prêchait le soi-disant évangile de l’incirconcision, la circoncision n’ayant plus aucune valeur.

Malgré cette profession, les Juifs dispersés semblent avoir été les principaux objets de son attention dans ses voyages d’évangélisation, et les Gentils seulement de manière accessoire, ou lorsqu’il avait échoué auprès des Juifs.

Son grand texte était que la loi était remplacée par la foi en Jésus-Christ, et la circoncision par le baptême ; jusqu’ici, tout va bien, s’il avait vraiment voulu dire le rituel par la loi, mais il ne connaissait pas une telle limitation. Son principe est la foi en la mort du Christ, pure et simple ; c’est la panacée, c’est la justice. Celui qui est seulement circoncis, dit-il, est toujours soumis à la Loi et tenu de respecter l’ensemble de ses dispositions, c’est-à-dire le Rituel ainsi que le Décalogue, ou la loi cérémonielle ainsi que la loi morale.

Paul, néanmoins, si l’on en croit les « Actes », semble s’être trahi comme un Juif superstitieux jusqu’à la fin, comme le montrent à la fois ses vœux à Cenchrées et ses actions à Jérusalem, lors de sa dernière visite dans cette ville ; lorsqu’il se renia formellement et se soumit à la cérémonie de purification, afin de prouver qu’il était toujours un bon juif et qu’il n’avait pas apostasié la Loi, comme le croyaient les chrétiens de Jérusalem, les soi-disant Ébionites. (Actes xviii ; 18. Actes xxi, 26. Voir Chap. XIII, ci-dessus.)

Il a certainement renié ses serments, même si l’on considère ses actes comme une simple illustration politique et pratique de son principe selon lequel il était tout pour tous, « pour les Juifs comme un Juif », et qu’il l’a fait délibérément pour concilier les disciples de Jacques, qui étaient à la fois chrétiens et juifs ; ce motif d’opportunité primait chez lui sur tous les autres principes.

Comment concilier de tels agissements, tout ce grand cérémonial, avec son dogme capital de la justification par la foi ?

« Car nous concluons qu’un homme est justifié par la foi sans les œuvres de la loi. » C’est-à-dire qu’il est rendu juste par la foi en Jésus-Christ, « que Dieu a établi comme victime propitiatoire par la FOI EN SON SANG ». (Rom. iii. 28 ; v. 18 ; iii. 25.)

Il n’y a pas un mot à ce sujet dans les Évangiles ou dans l’enseignement de Jésus-Christ lui-même ; il met toujours en avant les œuvres : « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui qui m’aime. » (Jean xiv. 21.)

La foi en Christ consiste à croire que Christ vient directement du Père et qu’il prononce les paroles du Père ; et que, dans son état glorifié, il est identique au Père et doit être adoré comme tel.

La foi en Christ consiste donc à mettre en pratique les paroles du Christ, à vénérer Dieu et à aimer son prochain en toutes circonstances ; rien de moins que cela n’est la foi, et ce sont là les injonctions répétées du Seigneur.

La foi est la vie, la foi et la charité sont une et inséparables, aucune autre foi n’est la justice. (Hébr. ii. 4.)

Toute séparation entre la foi et la charité provient de l’amour pur de soi et du monde, qui est totalement incompatible avec la justice.

Le Christ n’a jamais enseigné le salut par la foi en sa mort, n’a jamais enseigné la justification, ni pour les pieux ni pour les impies, en croyant que par Sa mort sur la croix, l’humanité était réconciliée avec le Père, qu’Il avait ainsi expié les péchés du monde ; Il n’a jamais enseigné qu’Il était une offrande pour le péché au Père.

Aucun évangéliste n’a jamais fait allusion à cela. Pour que l’homme vive, il doit se détourner de sa méchanceté et suivre le Seigneur ; s’attribuer le mérite et la justice du Christ, c’est simplement couronner sa méchanceté par le blasphème. (Exode xxxiii. 19.)

La foi imputative est une subversion totale du christianisme, et c’est une théorie inventée par notre ambitieux Juif de Tarse, qui n’a jamais vu ni entendu le Christ et dont nous devons supposer qu’il ne savait rien de Son enseignement, à moins qu’il ne l’ait délibérément ignoré, car il ne nous en a laissé aucune trace dans ses propres lettres.

Tout comme l’expiation ne se trouve que chez Paul, la foi sans les œuvres ne se trouve que chez Paul. Et il dit très succinctement : « Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus et si tu crois dans ton cœur que Dieu L’a ressuscité des morts, tu seras sauvé. » (Rom. x. 9.)

Il n’est pas question ici d’agir, mais seulement de croire. Croire, c’est la justice, et confesser, c’est le salut ! Et nombreux sont ceux qui adhèrent à cette doctrine, affirmant, avec Luther, que l’action est une présomption impie. (Rom. x. 10.)

Nous avons donc ici, dans l’épître aux Romains, la doctrine de la FOI SEULE, ou de la FOI SANS LES ŒUVRES, comme troisième motif d’offense.

Ce sujet a déjà été largement abordé, de manière assez détaillée, dans le chapitre XIV, et les citations qui y figurent doivent être répétées ici, car leurs points ne doivent pas être laissés à la mémoire du lecteur.

Je vais ici le présenter de manière concise comme une séparation entre la foi et la charité, fatale à toute Église qui l’adopte ; et c’est là en réalité l’essence du principe enseigné dans la prédication de la justification par la foi sans les œuvres de la loi ; la charité, dans son sens le plus élevé, étant simplement l’accomplissement de la loi, venant du cœur ; car la loi n’est que la règle de vie, enseignant, comme éléments essentiels, l’amour de Dieu et l’amour du prochain ; ou l’amour envers Dieu et la bonne volonté envers le prochain.

Paul, avec son manque de rigueur habituel, enseigne ici de simples paradoxes, faisant de lui-même un guide impossible à suivre pour ceux qui pèseront ses paroles. Ceux qui ne les pèseront pas seront inévitablement conduits dans un piège.

Et bien que l’on puisse tirer des lettres de Paul, par des citations partielles et unilatérales, le contraire même de la doctrine de la justification par la foi sans les œuvres, tous ceux qui, égarés, suivent les traces de Luther et de Calvin peuvent également maintenir à fond leur dogme de la foi seule à partir des paroles de Paul ; il n’est donc pas injuste envers Paul de le tenir pour responsable de cette doctrine pernicieuse dans l’Église : il en est l’inventeur, tout comme il est l’inventeur de l’expiation appliquée à la mort du Christ et d’autres abominations qui défigurent ce que le monde a si longtemps accepté d’appeler le christianisme, mais qui n’est rien d’autre que le paulinisme.

Paul lui-même comprenait et ressentait probablement aussi peu ce qu’il prêchait que ceux qu’il induisait en erreur.

S’il avait été un prédicateur sincère et dévoué, nous n’aurions pas eu à déplorer une telle catastrophe dans l’Église, à savoir ce solifidianisme pestilentiel.

Les passages suivants sont certainement quelque chose de plus qu’une défense du christianisme contre le judaïsme. Bien que Paul semble enseigner qu’un Juif doit renoncer à la Loi avant de pouvoir devenir chrétien, il nie ce principe lorsqu’il est confronté aux anciens de l’Église de Jérusalem.

Il dit, dans son zèle antinomique : –

« Vous avez rompu avec Christ, si vous placez votre justice dans la loi ; vous êtes déchus de la grâce. » (Gal. v. 4.)

La loi et le Christ semblent donc incompatibles : si vous avez la loi, vous ne pouvez pas être avec le Christ ! Pourtant, le Christ lui-même a dit qu’il n’était pas venu pour détruire la loi, mais pour l’accomplir. Abroger ou supprimer la loi, c’est la détruire. Le simple terme loi signifie ici, comme partout ailleurs, le Décalogue. (Matt. v. 17 ; vii. 12.)

« Si la justice vient de la loi, alors le Christ est mort sans raison. » (Gal. ii. 21.)

Le Christ n’était donc rien d’autre qu’une offrande extraordinaire pour le péché selon le cérémonial juif, et la foi en l’efficacité de cette mort ou de cette offrande pour le péché remplace toute la loi, qui n’a plus aucun effet, sinon le Christ est mort en vain : la grande offrande pour le péché n’était pas une expiation. Nous pouvons nous satisfaire de cette dernière alternative : si nous ne gardons pas la loi dans nos cœurs, le Christ ne peut avoir aucun effet sur nous.

Pour Paul, l’efficacité du Christ réside dans sa mort, et non dans sa vie, dans ses triomphes sur les tentations, dans ses victoires sur les enfers, dans sa « destruction des œuvres du diable » !

L’inventeur de l’expiation ne pouvait comprendre que la rédemption n’était pas l’accomplissement d’un rite de la loi cérémonielle juive, mais qu’elle était le fruit des victoires remportées sur toutes les tentations, sur tout le mal, dans l’humanité divine du Rédempteur, par lesquelles Il a soumis et mis de l’ordre dans les enfers des mauvais esprits, et ainsi délivré l’homme du mal, des tentations et des infestations. Et Il l’a fait par sa vie dans le monde, et non par sa mort.

« Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ. » (Rom. v. 1.)

La foi sans la charité ni les œuvres ! Celles-ci étant sans fruit.

« Israël n’a pas obtenu la loi de la justice. Pourquoi ? Parce qu’il ne l’a pas recherchée par la foi, mais comme par les œuvres de la loi. » (Rom. ix, 31, 32.)

La foi mentionnée ici n’est pas précisée, mais la pratique religieuse de la loi implique la foi en Dieu et en la loi, selon le même principe que la charité implique la foi, dont elle n’est que l’expression pratique.

« Nous savons cependant que l’homme n’est pas justifié par les œuvres de la loi, mais seulement par la foi en Jésus-Christ ; nous avons cru, nous aussi, en Jésus-Christ, afin d’être justifiés par la foi du Christ et non par les œuvres de la loi. » (Gal. ii. 16.)

Cela semble impliquer qu’il n’y a pas de justification possible pour le Juif, aussi strict soit-il dans l’observance des commandements !

« Car vous êtes tous enfants de Dieu par la foi en Jésus-Christ. » (Gal. iii. 26.)

Encore une fois : « Il est évident que nul n’est justifié devant Dieu par la loi, car le juste vivra par la foi. » (Gal. iii. 11.)

Heureux l’homme « à qui Dieu impute la justice sans les œuvres » (Rom. iv. 6).

À l’exception du dernier, qui proclame la grâce pure, tous les passages ci-dessus semblent impliquer qu’il n’y a pas de salut pour le Juif, si par les œuvres de la loi on entend simplement le judaïsme extérieur, ou l’observance des ordonnances du rituel mosaïque.

Dans la citation tirée de l’épître aux Galates : « Le juste vivra par la foi », Paul, utilisant la Septante, a mal cité et quelque peu déformé l’original d’Habacuc, qui dit seulement : « Le juste vivra par sa foi » (Hab. ii. 4), ce qui est tout autre chose : cela implique simplement que la vie du juste sera conforme à sa foi ; il ne montre pas au monde un extérieur distinct de son intérieur ; il est juste parce qu’il a la foi ; ce n’est pas que la foi dans l’abstrait puisse avoir un effet quelconque ; ici, la tache du proprium de Paul se trahit. (Voir ci-dessus, chap. XIV.)

Mais le principe du prophète hébreu s’applique certainement aussi bien aux Juifs qu’aux chrétiens. L’homme juste est celui qui respecte la loi, et il la respecte parce qu’il a foi en elle. Un Juif ne ferait certainement pas partie des bienheureux parmi les chrétiens, une telle société ne serait pas un paradis pour lui ; mais le Juif fidèle, celui dont la vie est guidée par sa foi, rejoindrait ses pères et ferait partie des bienheureux de son propre peuple.

Il est juste, celui qui vit selon sa foi ; c’est un sentiment très différent de celui de Paul qui, tout en opposant la foi à l’accomplissement de la loi, explique que son credo salvateur est la croyance en une expiation par le sang du Christ. (Rom. iii. 25.)

Ce dogme n’est pas seulement l’alternative aux œuvres, mais il remplace entièrement ou supprime complètement la nécessité des œuvres ; c’est là que réside l’apostasie de Paul par rapport à la loi.

Dans aucun des passages ci-dessus, il n’y a la moindre allusion au fait que la signification du terme loi se limite au rituel mosaïque.

Il a peut-être déjà été suffisamment démontré 91 que par « la loi », Paul entendait la loi essentielle, le Décalogue, sans référence particulière à la loi cérémonielle ou au rituel (Rom. vii. 7 ; xiii. 9) ; comme cela est clairement exprimé dans les chapitres sept et treize de l’Épître aux Romains, où la loi se réfère purement aux commandements ; de sorte que les œuvres de la loi ne peuvent en aucun cas être rejetées comme de simples ordonnances du rituel juif ; et cela ne saurait être répété trop souvent.

Paul n’entend pas non plus par œuvres ce que les réformateurs en ont fait, car ils les ont confondues avec les formes, les cérémonies et les vaines observances de l’Église, ignorant complètement le fait que, dans les Évangiles, les œuvres désignent purement l’amour de Dieu et du prochain, ainsi que l’effort constant de respecter la parole de Dieu et d’honorer les commandements parce que ce sont les commandements. Pourtant, face à tout ce dogmatisme sur la foi, Paul a également prêché les œuvres.

Il était, nous dit-il, un grand lecteur de la loi juive, mais seulement dans la traduction des Septante, et beaucoup de ses propos sont des citations ou des modifications de passages des Psaumes ou d’autres livres de l’Ancien Testament.

En fait, ce qui est bon chez Paul se résume presque entièrement en des citations ; et tout ce qui est pernicieux chez lui est original, c’est-à-dire dérivé entièrement de lui-même.

C’est cette matière originale, qui n’est en aucune façon en harmonie avec les Évangiles, qui constitue le dogmatisme appelé paulinisme, et nous ne condamnons donc aucun contenu valable en condamnant en bloc le paulinisme, qui n’est certainement pas le christianisme des Évangiles de Matthieu ou de Jean.

Paul parle des Gentils, mais écrit aux Juifs. Le Christ ne s’adressait pas aux Juifs, mais à l’humanité. L’essentiel de son enseignement porte sur la VIE, les actes, les fruits : « Je suis le cep, vous êtes les sarments ; celui qui demeure en moi et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit, car sans moi vous ne pouvez rien faire. » (Jean xv. 5, 7, 8.)

« Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé. C’est ici que mon Père est glorifié, c’est que vous portiez beaucoup de fruit ; ainsi vous serez mes disciples. »

C’est cela, le christianisme ; dans le paulinisme, la foi est la justice, et non une vie vertueuse selon les paroles du Christ : demeurer en Christ.

Pour celui qui a la foi, même l’adultère, s’il pouvait être commis par les fidèles, ne serait pas un péché.

« Il suffit, dit Luther, que nous reconnaissions, à travers les richesses de la gloire de Dieu, l’Agneau qui enlève le péché du monde ; le péché ne nous en détournera pas, même si nous commettions mille fois par jour la fornication ou le meurtre 92. »

Le prix payé par un Agneau aussi grand pour la rédemption de nos péchés n’était pas si insignifiant qu’il puisse être neutralisé par des futilités telles que l’adultère et le meurtre ; nous sommes en sécurité sur le roc solide de la foi, ou même dans la simple reconnaissance de la foi : « Sufficit quod agnovimvs agnum qui tollit peccatum mundi. » Cette position extravagante ne revient-elle pas pratiquement à admettre que sans les œuvres de la loi, il n’y a pas de foi, car comment quelqu’un qui a la foi pourrait-il abandonner tous les principes de la moralité ? Si l’on a la foi, on doit respecter la loi et s’abstenir du mal ; si l’on ne s’abstient pas du mal, il ne peut y avoir de foi : le fait de fuir le mal comme un péché est l’essence même de la loi. Aucun homme sensé ne peut croire à la possibilité de la position de Luther, mais de telles affirmations de la part de chefs religieux sont calculées pour engendrer des maux sans limites ; tout comme Luther lui-même est un exemple de l’aveuglement engendré par les principes pervers de Paul, qui était véritablement un semeur d’ivraie.

C’est ce dogme de la justification par la foi en la mort du Christ qui a été repris avec tant d’énergie par les réformateurs, au point d’exclure presque tous les autres ; non pas que cette doctrine fût inconnue des catholiques romains, car elle est maintes fois inculquée par les Pères grecs et latins, qui fondent tous leur foi sur les paroles de Paul 93.

La foi réformée n’est pas une foi en Jésus-Christ lui-même et en son enseignement, mais en ses cinq plaies, en le sacrifice de l’Agneau comme offrande pour le péché, selon le type mosaïque ; et ceux qui croient que le Christ est mort pour eux et porte leurs péchés, en ce sens, sont, selon cette foi, ipso facto justifiés ; et cela de manière si complète que rien de ce qu’ils peuvent faire, aucun péché, ne peut mettre en péril leur salut ou souiller leur justice, s’ils restent fermes dans cette foi, car cette foi est leur justice.

C’est la citation erronée par Paul du prophète Habacuc, tirée des Septante, qui fut la cause immédiate de la séparation de Luther du catholicisme romain, et c’est sur elle qu’il fonda sa propre théologie.

« Le juste vivra par la foi ! » Tel était son texte préféré ; il a été crié à sa conscience d’une voix tonitruante alors qu’il était à genoux, rampant sur la scala santa à Rome ; et il s’exclame avec jubilation : « En vérité, ces paroles de saint Paul ont été pour moi les portes ouvertes du paradis 94. »

« La foi seule, sans les œuvres », dit-il, « justifie devant Dieu, comme si l’homme juste pouvait vivre sans œuvres. » Et l’une de ses thèses de Wittenberg était : « Maudits soient tous ceux qui accomplissent les œuvres de la Loi ! » Telle était la folie de sa haine contre les prêtres romains, que leur défense suffisait à mériter l’estampille du mal.

Mais, dans cette thèse, il renverse complètement le dicton du Deutéronome, où il est écrit : « Maudit soit celui qui ne confirme pas toutes les paroles de cette loi pour les mettre en pratique. » (Deut. xxvii. 26.)

Paul applique la malédiction du Deutéronome à toute la loi, modifiant même la version inexacte de la Septante : « Maudit soit quiconque ne persévère pas dans toutes les choses qui sont écrites dans le livre de la Loi pour les accomplir. » Mais il ajoute que le Christ nous a rachetés de la malédiction de la Loi, « étant devenu malédiction pour nous, car il est écrit : Maudit quiconque est pendu à un arbre. » (Gal. iii. 10-13.) Là encore, suivant la Septante, il prend une autre liberté avec le Deutéronome, qui dit : « Car celui qui est pendu est maudit par Dieu 95. » (Deut. xxi. 23.)

C’est donc là toute l’autorité de Paul pour affirmer que le Christ est devenu « une malédiction pour nous » : telle est la conclusion monstrueuse à laquelle l’a conduit sa doctrine blasphématoire de l’expiation.

Luther décrit ainsi sa foi : « Or, cette foi consiste en la conviction ferme que Jésus-Christ est le Fils de Dieu ; qu’après avoir pris sur lui nos péchés et nos iniquités, et les avoir portés sur la croix, il est lui-même notre seule et toute-puissante expiation ; qu’il se tient continuellement devant Dieu, qu’il nous réconcilie avec le Père, et qu’il nous a donné le sacrement de son corps pour fortifier notre foi en cette miséricorde ineffable 96. »

Et cette foi justifie même les impies, selon la doctrine luthérienne et paulinienne.

Ce n’est pas la sanctification de la vie induite par une foi authentique en Christ qui justifie, mais la simple foi en l’expiation ; c’est cela qui justifie ; aucune œuvre, aucune vie ne peut avoir d’effet sur le salut ; les bonnes œuvres sont immorales, car elles tendent à l’élévation de soi.

La partie négative de la thèse peut être juste, car les œuvres peuvent être pharisaïques ; mais la partie positive est certainement fausse et peut conduire à une destruction totale de la charité ou de l’amour du prochain.

Les œuvres ne peuvent bien sûr pas sanctifier, mais si elles sont motivées par une foi authentique et un amour sincère pour le Seigneur, elles sont les véritables expressions de l’état intérieur qui sanctifie.

Tout comme Abraham a témoigné de sa foi en Dieu en offrant son fils Isaac sur l’autel, et a ainsi montré par ses œuvres que sa foi était parfaite, et c’est par ses œuvres qu’il a été justifié, et non par la foi seule.

La vraie foi est celle qui grave la LOI dans le cœur, et c’est en effet une foi salvatrice, non pas malgré la LOI, mais à cause de la LOI ; car c’est elle qui nous fait respecter les commandements en principe ; et les deux choses ne peuvent être séparées. (Jacques ii. 22, 24.)

La vraie foi consiste donc pratiquement en œuvres, mais il faut admettre que la foi est un don ou une grâce de Dieu pour ceux qui la recherchent correctement, car l’homme n’est en lui-même que mal.

La foi n’est justice que dans la mesure où elle sanctifie la vie d’un homme. Il n’y a pas de justification, mais il y a le salut dans le fait d’éviter le mal comme un péché.

« Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu. » (Matth. v. 8.)

Les mots justification et sanctification ne sont jamais employés par le Christ, ni dans les Évangiles ni d’aucune autre manière.

Un homme ne peut jamais être justifié, même s’il peut être dans une certaine mesure sanctifié ou rendu saint pour le salut, par une justice et une pureté de cœur acquises grâce à une foi authentique dans le Seigneur comme Rédempteur ; mais ce n’est pas une justice propre à l’homme, elle est implantée par l’action du Saint-Esprit. L’amour de soi et du monde, cependant, demeure toujours en l’homme, même s’il est maintenu en paix par le Seigneur.

Paul a été très loué pour avoir dit : « Qui rendra à chacun selon ses œuvres », dans des termes presque identiques à ceux de Matthieu, ce qui contredit directement son dogmatisme ci-dessus sur la foi sans les œuvres. (Rom. ii. 6.) (Matt. xvi. 27.)

Tout comme la phrase suivante : « Car ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu, mais ceux qui la mettent en pratique qui seront justifiés. » Exactement le contraire de ce qu’il vient de dire dans la citation tirée de Galates. (Rom. ii. 13.) (Gal. ii. 16.)

Ces passages sur les œuvres ne sont toutefois pas de Paul lui-même, ce sont des illustrations de ses emprunts ; ce sont de simples citations ou modifications tirées de la Parole, des Psaumes et de Jérémie ; et, bien sûr, ils sont aussi vrais après la venue du Christ qu’avant, et ils abolissent complètement le dogme de la foi seule. (Ps. lxxi. 13.) (Jér. xvii. 10.)

Encore une fois : –

« Car toute la loi est accomplie dans une seule parole, à savoir : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Gal. v. 14.)

De même :

« L’amour ne fait point de mal au prochain : l’amour est donc l’accomplissement de la loi. » (Rom. xiii. 10.)

Ces deux citations sont tirées du Lévitique 97, et il est difficile de concevoir comment la main qui les a écrites ou la bouche qui les a dictées a pu également exprimer tant de dogmes inconditionnels sur la justification par la foi, la prédestination et l’élection de la grâce.

Ces paroles montrent également que par la foi sans les œuvres de la loi, Paul ne pouvait pas simplement vouloir distinguer le judaïsme du christianisme, le christianisme étant la foi et le judaïsme les œuvres de la loi. Car ce sont là des sentiments chrétiens de l’ordre le plus élevé, et comme ils sont tirés de la Parole donnée aux Juifs, ils sont aussi le judaïsme lui-même, montrant la relation entre Dieu et l’homme telle qu’elle a été révélée aux Juifs.

Le christianisme n’a pas supplanté le Décalogue ou la loi juive ; il l’a simplement complété ou parachevé. Le rituel simple, qui ne consistait qu’en des représentations extérieures, a été remplacé. La loi elle-même, dont les commandements sont la quintessence, reste intacte et doit perdurer éternellement.

Même la loi du sabbat, dans son sens interne, est aussi sacrée pour le chrétien que, dans son sens représentatif externe, elle était et reste sacrée pour le juif.

Le chrétien n’a pas besoin de la forme extérieure, car l’essence intérieure lui est révélée. Mais nous ne devons pas chercher le christianisme dans le paulinisme, qui a été présenté comme un simple écran temporaire, adapté à son époque pour protéger le vrai christianisme de la profanation.

Si Paul s’était contenté de prêcher les doctrines de la Parole uniquement, comme le compilateur des « Actes » (chap. xxvi. 22) la lui fait professer dans sa plaidoirie devant Agrippa, il n’y aurait pas eu plus de raison de le rejeter que nous n’en avons d’objecter aux lettres de Pierre, Jean ou Jacques ; Luther est le seul à avoir trouvé matière à controverse dans ces dernières, et il rejette Jacques pour avoir prêché la charité ou les œuvres, simplement parce qu’il était lui-même imprégné de paulinisme. Aveuglé par sa haine du catholicisme, Luther s’est opposé au christianisme en glorifiant la foi au détriment de la charité, qui est l’essence même de l’enseignement du Seigneur.

Nous voyons donc, d’après les citations ci-dessus, que nous ne pouvons imputer à Paul l’enseignement absolu de la foi seule, tel qu’enseigné par Luther et d’autres ; mais cela ne tient pas à une clarté directe des principes de Paul, mais seulement au fait qu’il enseigne paradoxalement une chose à un endroit et son contraire à un autre ; il souffle le chaud et le froid dans le même souffle, et n’est donc qu’un guide déroutant. Dans de nombreux domaines importants de la foi, il est impossible d’affirmer exactement ce qu’il enseigne.

La foi seule est une conclusion évidente de ses écrits si nous accordons leur juste valeur aux premiers passages cités, et cette opinion est tout à fait confirmée, à l’exclusion de la charité, lorsque nous les appuyons par ses nombreux passages sur la prédestination, un principe qui exclut totalement les œuvres ; outre d’autres passages allant dans le même sens, comme ses fréquentes affirmations selon lesquelles la loi est morte, et ses paroles à cet effet, comme par exemple :

« Car maintenant, nous sommes délivrés de la loi, qui est morte, dans laquelle nous étions retenus. » (Rom. vii. 6, 7.) Les mots qui suivent immédiatement montrent sans équivoque que la loi signifie ici le Décalogue.

Sa perversité est implacable, comme ici encore : –

« De même que David décrit la bénédiction de l’homme à qui Dieu impute la justice sans les œuvres ! » (Rom. iv. 6.)

David ne dit pas cela, mais quelque chose de tout à fait différent : « Heureux celui dont la transgression est pardonnée, dont le péché est couvert. Heureux l’homme à qui le Seigneur n’impute pas l’iniquité. » (Ps. xxx. 1-2.)

Que l’homme ne soit pas justifié par les « œuvres de la loi » est conforme à l’Écriture, mais qu’il soit justifié par la foi est contraire à l’Écriture. La foi et la charité ne peuvent être séparées.

Paul admet que « ceux qui pratiquent la loi seront justifiés », mais il dit : « L’homme n’est pas justifié par les œuvres de la loi, mais par la foi en Jésus-Christ. » Il ne dit pas sans la foi, ou séparé de la foi, mais la foi est opposée aux œuvres, en tant que puissance ou qualité justifiante. (Rom. ii. 13 ; Gal. ii. 16.)

Un homme ne peut se justifier de quelque manière que ce soit, mais il est sauvé de lui-même et de la damnation qui en découle en se laissant guider entièrement par le Seigneur, c’est-à-dire par la loi des commandements.

Les Psaumes nous enseignent qu’aux yeux du Seigneur, « aucun homme vivant ne sera justifié » (Ps. cxliii. 3).

Mais, dit le Seigneur : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si quelqu’un garde ma parole, il ne verra jamais la mort », c’est-à-dire la mort spirituelle. Et cela est en harmonie avec les citations de Paul tirées des Psaumes et de Jérémie dans « Romains », mais est en opposition directe avec tout son dogmatisme initial sur ce point. (Jean viii. 51 ; Rom. ii. 13.)

Le Christ a ajouté que pour entrer dans la vie, ou hériter du royaume des cieux, il est nécessaire de garder les commandements (Matth. xix. 17) ; et il nous a également donné cette injonction : « Si vous m’aimez, gardez mes commandements. » (Jean xiv. 15.)

Et dans le livre de l’Apocalypse, nous avons : « Je suis celui qui sonde les reins et les cœurs, et je vous rendrai à chacun selon vos œuvres. » (Apoc. ii. 23.)

Et dans Matthieu, nous avons : « Il rendra à chacun selon ses œuvres. » (Chap. xvi. 27.)

On retrouve également ces sentiments élevés chez Paul lui-même, mais rien ne peut les concilier avec ses prêches habituels sur la foi, qui ne sont certainement pas annulés ou expiés par des élans impulsifs occasionnels en faveur de la charité ; ils ressortent malgré tout dans toute leur répugnance luthérienne.

En voici quelques exemples :

« Car, en Jésus, ni la circoncision ni l’incirconcision n’ont de valeur, mais la foi qui agit par l’amour » ; ou, à un autre endroit : « une nouvelle créature », c’est-à-dire l’homme régénéré. (Gal. v. 6 ; vi. 15.)

En troisième lieu, il dit : « Mais l’observance des commandements de Dieu ». (1 Cor. vii. 19.)

Encore : « Tout ce qu’un homme sème, il le moissonnera aussi. » (Gal. vi. 7.)

Cette dernière citation est toutefois tirée ou modifiée de l’Ancien Testament. (Osée viii. 7 ; Prov. xi. 18 ; Job iv. 8.)

Dans les passages ci-dessus, Paul s’est rapproché de la définition juste de la foi donnée par Swedenborg, et il est beaucoup plus proche de la vérité évangélique que dans tous ses autres passages sur la foi et les œuvres, dans lesquels la foi est presque toujours considérée comme primordiale.

La foi de Swedenborg, fondée sur la base la plus large, est inséparable de la vie et en stricte conformité avec ce que disent le prophète Habacuc et Jésus-Christ partout. (Hab. ii. 4.)

« L’essence de la foi de la Nouvelle Église, dit-il, est, premièrement, la confiance en Dieu le Seigneur Sauveur, Jésus-Christ ; deuxièmement, la confiance que quiconque mène une vie bonne et croit correctement sera sauvé par Lui. » (V. R. C., n° 342.)

« La foi est morte en tous ceux qui sont sans œuvres » (n° 543). La foi imputée est nécessairement une foi sans œuvres, car la bonté de la vie n’entre pas en ligne de compte, c’est la foi elle-même qui est considérée comme la justice. La chair ne fait que pécher, l’esprit sert Dieu ! comme le professe Paul ; par la foi seulement ? (Rom. vii. 25.)

Swedenborg admet que : « Le dicton courant selon lequel ceux qui ont la foi sont sauvés est vrai ; mais par foi, on n’entend rien d’autre dans la Parole que l’amour du Seigneur et la charité envers son prochain ; par conséquent, une vie conforme à cette foi. » (A. C., n° 2116.)

À qui peuvent se référer les paroles remarquables de Matthieu, au chapitre sept, si ce n’est aux disciples de Paul qui, mettant de côté la Loi, ont le nom du Christ sur les lèvres et se glorifient de leur foi : « Beaucoup me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en ton nom ? N’avons-nous pas chassé des démons en ton nom ? N’avons-nous pas accompli de nombreux miracles en ton nom ? Et alors je leur déclarerai : Je ne vous ai jamais connus ; retirez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité. » (Matth. vii. 22, 23.)

Cette parole désigne clairement ces pharisiens dont la religion était sur leur front et non dans leur cœur, et bien sûr, de manière prophétique, tous les religieux qui séparent la vie de la foi, comme le font les solifidiens.

Le treizième chapitre de la première épître aux Corinthiens semble couvrir une multitude de défauts chez les admirateurs de Paul ; mais ses quelques mots impulsifs en faveur de la charité dans ce chapitre ne peuvent expier son enseignement très positif de la prédestination, ni défaire le mal de cette fausse doctrine pernicieuse par laquelle il a aveuglé tant de gens. (Cor. xiii. 2, 13.)

Nous n’avons cependant aucune raison de nous tourner vers Paul pour faire valoir la charité.

Mis à part la grande injonction du Lévitique et l’enseignement positif du Christ, que Paul ne connaissait peut-être pas, il est clairement établi dans le Talmud que l’amour est la vie et que c’est par lui seul que le royaume céleste peut être atteint. (Lév. xix. 18.)

Hillel, président du Sanhédrin, une génération avant l’ère chrétienne (vers 30 avant J.-C.), lorsqu’un païen lui demanda ce qu’il devait faire pour se convertir à la Loi, répondit : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse. C’est là toute la Loi, le reste n’est que commentaire. » (Deutsch, Essais, Le Talmud, Quar. Rev., octobre 1867.)

Bien sûr, il ne s’agit là que d’un commentaire sur le commandement du Lévitique : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

Cependant, ce commandement ne pouvait jamais être appliqué par les Juifs au sens chrétien du terme, car pour eux, leur prochain ne pouvait être qu’un autre Juif ; ils étaient donc incapables d’apprécier pleinement ce précepte prêché par le Christ.

Le Talmud ajoute : « Le but et la fin de toute sagesse sont la repentance et les bonnes œuvres. » Voilà un sentiment profondément chrétien, plus complet dans son principe et plus pratique que toutes les paroles de Paul sur la charité.

Si un homme n’est rien sans charité, comme il le déclare, et si la charité est plus grande que la foi, pourquoi prêcher la foi sans les œuvres ? Ou quelle valeur peut-on accorder à ces paroles sur la charité ?

Si la charité est plus grande que la foi, comment peut-il dire qu’un homme est « justifié par la foi sans les œuvres de la loi » ? C’est-à-dire sans charité, le moindre sans le plus grand ? (Rom. iii. 28 ; iv. 5.)

La foi sans les œuvres est la même chose que la foi sans la charité ; et loin d’être une foi « qui agit par l’amour », c’est une foi sans amour, car la charité est simplement l’amour : l’amour de Dieu et l’amour du prochain, qui est toute la loi, comme Paul lui-même l’admet. (Lév. xix. 18 ; Matt. xxii. 39 ; Rom. xiii, 10.)

Par conséquent, la foi sans les œuvres est une foi sans amour, sans loi, sans vie ; en un mot, une foi morte.

Comme la vie elle-même n’est que l’accomplissement de la loi, il n’est pas possible que la foi donne la vie si ce n’est en accomplissant la loi, lorsqu’elle n’est donc plus seule. (Matth. vii. 2.) (Gal. v. 14.)

Et ce n’est pas seulement celui qui écoute la loi, mais celui qui la met en pratique qui est justifié, selon sa propre confession. (Rom. ii. 13.)

Voici un guide aveugle ! C’est la foi, mais ce n’est pas la foi ; c’est la charité, mais ce n’est pas la charité.

Malheur au guide aveugle, dit le Seigneur, car par ses paroles il sera justifié, et par ses paroles il sera condamné !

Le Christ dit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. C’est le premier et le plus grand commandement.

« Et le second lui est semblable. Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

« De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes. » (Matth. xxii. 37, 40.)

Et c’est là, en vérité, la loi qui est abrogée par la foi en l’expiation de Paul !

En vérité, nous pouvons nous exclamer, avec Jeremy Bentham : « Pas PAUL, mais JÉSUS. »

 

 

_____________

 

 

 

SECTION 4. Le quatrième chef d’accusation : la prédestination ou l’élection de la grâce.

 

« Et le vase fut abîmé dans la main du potier, qui en fit un autre vase. » – Jérémie xviii. 4.

 

Une fois encore, selon Paul, l’homme n’a si peu à voir avec le soutien ou la réalisation de son propre salut que la foi elle-même est un don de la grâce, qui vient par l’élection, ce qui nous amène au quatrième chef d’accusation : la PRÉDESTINATION.

Cette doctrine n’est pas seulement suggérée ou évoquée par lui, mais elle est enseignée de manière positive ; il renverse ainsi aveuglément tout ce qu’il a dit ailleurs sur la charité ou les œuvres ; même sa grande panacée, la foi, a disparu, car elle n’appartient pas à l’homme, elle est le simple don de la grâce ; et c’est sur elle que repose exclusivement le salut.

Quelle est maintenant la valeur de sa belle directive tirée du Lévitique : « Aimez-vous les uns les autres, car celui qui aime les autres a accompli la loi » ? (Rom. xiii. 8 ; Lév. xix. 18.)

Qu’est-ce que la loi ? Elle n’a aucune valeur non plus selon le principe de l’élection de la grâce. L’homme n’a plus aucune raison de vivre et ne peut se reposer que dans la consolation de savoir qu’il fait partie du petit reste de la grâce ; et une belle individualité morale se développera selon ce principe partout où il pourra s’enraciner. En vérité, c’est l’aveugle qui guide l’aveugle.

L’enseignement de Paul est si incohérent, pour ne pas dire absurde, que s’il ne conduisait pas perpétuellement des milliers de personnes dans un paradis illusoire, ses doctrines ne mériteraient pas qu’un homme sensé s’y attarde un seul instant, et certainement pas qu’on se donne la peine de les réfuter.

La prédestination est quelque chose de tout à fait distinct de la prescience ou de la providence ; aucune persuasion ne peut harmoniser ces idées.

Tous peuvent avoir une utilité, dans la grande économie, selon leur qualité, certains une utilité élevée, d’autres une utilité moindre, certains comme exemples, d’autres comme avertissements ; et tous ceux qui veulent être guidés par le Seigneur sont guidés par le Seigneur. Mais l’homme, en règle générale, suit ses propres desseins, et non les voies du Seigneur.

Le Seigneur peut utiliser chacun selon sa capacité à être utile, mais il ne force personne et ne conduit personne vers des sphères d’action particulières ; tout dépend de leurs capacités.

Faire du Seigneur le guide des hommes dans leurs propres voies, c’est le rendre responsable de leurs actes et décharger entièrement l’homme lui-même de toute responsabilité. C’est monstrueux.

Dieu enjoint à l’homme d’abandonner ses propres voies, c’est-à-dire l’amour de soi et du monde, et de suivre Ses voies. Si le Seigneur était responsable des maux de l’homme, l’homme n’aurait pas de voies qui lui soient propres, tout serait les voies de Dieu, ce qui est absurde.

Dieu nous a révélé Ses voies, expressément pour détourner l’homme de ses propres voies, qui ne sont pas celles de Dieu. Mais on peut tirer profit des voies des méchants, car elles peuvent servir d’avertissements évidents pour les autres et être ainsi un moyen de faire beaucoup de bien. Cependant, utiliser les voies des méchants ne signifie pas prédestiner certains à être méchants et d’autres à bénéficier de la méchanceté.

La providence n’est donc pas la prédestination, et la prescience n’a aucun lien avec la prédestination. Nous sommes tous prédestinés au ciel, mais beaucoup d’entre nous préfèrent leurs propres voies à celles de Dieu et se ferment eux-mêmes le ciel. Pour ceux qui n’aiment qu’eux-mêmes et le monde, les cieux eux-mêmes sont des enfers insupportables.

Nous avons dans la lettre aux Éphésiens : « Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi, et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu, afin que personne ne se glorifie. » (Éphés. ii. 8, 9.)

Or, cela est essentiellement paulinien, bien que ce ne soit guère de Paul, et on peut en dire autant de ce qui suit, tiré de la deuxième épître à Timothée, même si cela revient à prétendre de manière incohérente que Paul a mérité la couronne de justice « parce qu’il a combattu le bon combat et gardé la foi ». Une foi, remarquez-le, donnée par la grâce du Père. (2 Tim. iv. 6, 8.)

« Par la grâce de Dieu, je suis ce que je suis, et sa grâce envers moi n’a pas été vaine ; mais j’ai travaillé plus qu’eux tous, non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi. »

Encore une fois : « Il nous a prédestinés à être adoptés comme ses enfants par Jésus-Christ, selon le bon plaisir de sa volonté. » (Éphés. i. 5, 11, 12.)

« En lui aussi, nous avons obtenu un héritage, ayant été prédestinés selon le dessein de celui qui opère toutes choses selon le conseil de sa volonté. Afin que nous soyons à la louange de sa gloire, nous qui avons eu recours aux sentiments de Christ. »

Nous retrouvons ces mêmes principes exprimés de manière encore plus forte dans l’épître aux Romains, quintessence du paulinisme.

« Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils. » (Rom. viii. 29.)

« De plus, ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés. » (Rom. viii. 30.)

« Ainsi, il fait miséricorde à qui il veut, et il endurcit qui il veut. » (Rom. ix. 18.)

« Le potier n’a-t-il pas le pouvoir sur l’argile, pour faire d’une même masse un vase d’honneur et un autre de déshonneur ? » (Rom. ix. 21.)

« Ainsi, à l’heure actuelle, il existe aussi un reste d’élus par grâce. Et si c’est par grâce, ce n’est plus par les œuvres ; sinon, la grâce n’est plus la grâce. » (Rom. xi. 5.)

« L’élection l’a obtenu, et les autres ont été aveuglés. » (Romains xi. 7.)

Voici un étrange mélange, qui n’est pas tout à fait original, mais qui est tellement imprégné de paulinisme que les passages originaux de la Parole sont, dans leur esprit, complètement pervertis : –

« Avant que je t’aie formé dans le ventre, je te connaissais, et avant que tu sois sorti du sein, je t’avais consacré, je t’avais établi prophète des nations. » (Jér. i. 5.)

« Mais maintenant, ô Seigneur, tu es notre Père ; nous sommes l’argile, et tu es notre potier ; nous sommes tous l’œuvre de ta main. » (Is. lxiv. 8.)

« Je descendis alors dans la maison du potier, et voici, il travaillait sur le tour. Le vase qu’il faisait avec l’argile fut gâché dans la main du potier ; il en fit un autre vase, comme il semblait bon au potier de le faire. » (Jér. xviii. 3-4.)

« Alors la parole du Seigneur me fut adressée, en ces termes : Maison d’Israël, ne puis-je pas agir à votre égard comme ce potier ? dit le Seigneur. Voici, comme l’argile est dans la main du potier, ainsi vous êtes dans ma main, maison d’Israël. » (Jér. xviii. 5-6.)

« Revenez chacun de vos mauvaises voies, et rendez vos voies et vos actions bonnes. » (Jér. xviii. 11.)

« Et j’aurai de la grâce pour qui j’aurai de la grâce, et je ferai miséricorde à qui je ferai miséricorde. » (Exode xxxiii. 19.)

Remarquez que Jérémie dit : L’argile a été gâchée dans la main du potier ; elle n’a pas pu devenir ce qu’elle était destinée à être à l’origine, à cause d’un défaut inhérent. Mais elle n’a pas été jetée, elle a été transformée en un autre vase, non pas condamnée, mais seulement utilisée à d’autres fins. Elle a été transformée en quelque chose de différent de ce que le potier avait initialement prévu, mais elle reste un vase pouvant être utilisé à des fins autres que celles pour lesquelles elle était initialement destinée, sa première destination ayant échoué.

Cette illustration du potier ne plaide donc pas pour la prédestination, comme Paul le prétend, mais plutôt directement contre elle.

La destination était vouée à un usage, la condition finale était une adaptation à un autre ; de sorte que la destination n’était pas prédestinée.

Et ainsi, bien que tous les hommes soient prédestinés au paradis, certaines vies sont gâchées par des défauts inhérents, et les enfers sont adaptés à leur état, par la miséricorde du Seigneur. Les enfers sont destinés à ceux qui ne pourraient pas exister au paradis, car ils ne se détournent pas de leurs mauvaises voies et ne « rendent pas leurs voies et leurs actions bonnes » ; le royaume des cieux n’est destiné qu’à ceux qui rendent leurs voies bonnes.

Leurs vies ont été gâchées par leur propre faute, sans quoi ils auraient été des vases d’honneur, et non de déshonneur.

Tous les méchants étaient donc à l’origine prédestinés à l’honneur, et ils doivent leur déshonneur à eux-mêmes, et non à la volonté du Seigneur, dont ils ont constamment ignoré les exhortations à la repentance.

Il n’y a donc pas, pour les sauvés, une élection spéciale qui laisse les autres dans l’aveuglement, mais tous sont également prédestinés au ciel, tandis que seuls les bons sont élus ; mais tous peuvent l’atteindre s’ils accomplissent les œuvres de la Loi, dans une foi simple et sincère. (Jean viii. 51.)

Les passages ci-dessus de la Parole, qui font référence au potier, sont vraiment extrêmement beaux et pleins d’amour, mais Paul en a fait quelque chose d’absolument abominable sous l’influence particulière de son ego. Il devait nécessairement apposer sa marque sur tout ce qu’il touchait.

Swedenborg déclare qu’il serait impossible de concevoir une idée plus pernicieuse ou de concevoir une accusation plus cruelle contre Dieu que cette doctrine de la prédestination.

Et bien que Paul ait énoncé cette doctrine pernicieuse de manière si catégorique, son incohérence est telle, ses lettres sont tellement remplies de contradictions, qu’il peut dire dans la même épître aux Romains : « Tribulation et angoisse sur toute âme d’homme qui fait le mal ; mais gloire, honneur et paix à tout homme qui fait le bien. » (Rom. ii. 9, 10.)

Que devient donc l’élection de la grâce, si tout homme qui fait le bien doit recevoir la gloire, l’honneur et la paix ? Pourquoi cette vaine prédication de l’élection de la grâce ?

Paul est si cohérent dans ses paradoxes qu’il n’a rien prêché qu’il n’ait contredit.

Cet état de choses n’est-il pas à lui seul une provocation suffisante pour le rejeter complètement comme un enseignant indigne ? On ne peut trouver dans sa doctrine aucun point qui vaille plus qu’un autre, à moins d’être simplement guidé par son propre goût ; il s’ensuit qu’il n’est pas un guide et ne peut être recommandé comme exemple à quiconque, sauf comme contre-exemple de ce qu’il faut scrupuleusement éviter comme enseignant : oscillant, illogique, en même temps que malsain et dangereux.

Et tout cela est l’œuvre d’un vase élu du Seigneur ! N’est-ce pas plutôt le travail insidieux d’un Antéchrist ? Dont Jean nous dit qu’il y en avait beaucoup à cette époque : « Même maintenant, il y a beaucoup d’Antéchrists. »

Paul, comme nous l’avons vu, a donc lui-même détruit son dogme de l’élection.

Il y a bien sûr une Élection, mais ce n’est pas celle de Paul. Swedenborg explique bien que les élus sont tous ceux, et seulement ceux, qui aiment le Seigneur et mènent une vie conforme aux commandements ; et sur ce principe, nous pouvons dire : « Gloire, honneur et paix à l’homme qui fait le bien. » Non pas de lui-même, mais parce qu’il se laisse guider par le Seigneur et se laisse régénérer ; et sait que, par lui-même, il n’est rien.

Il n’y a pas d’autre élection, ni avant la naissance d’un homme ni après, mais tous sont élus et prédestinés au ciel.

Après la mort, le Seigneur élit ceux qui ont bien vécu et qui ont cru correctement. (V. R. C., 664.)

En se basant sur le sens littéral de la Parole dans plusieurs passages des Prophètes, l’Église continue de croire que les Juifs seront à nouveau rassemblés dans le pays de Canaan, malgré ce qui est dit de ce peuple dans le cantique de Moïse et par le Seigneur dans l’Évangile de Jean ; et cela, bien que les membres de l’Église devraient savoir que le royaume du Messie du Christ n’est pas de ce monde. (A. C., 7051.) (Deut. xxxii. 21, 35 ; Jean viii. 44.)

Les prophéties ne se réfèrent pas à ce monde, mais à la Nouvelle Jérusalem du Royaume céleste. Canaan signifie le ciel, et Israël, Jacob et Juda ne désignent pas ces personnes, mais les qualités qu’elles représentent.

« La raison, dit Swedenborg, pour laquelle les chrétiens croient encore que la nation juive se convertira finalement au Seigneur et sera alors introduite dans le pays (de Canaan) où elle a habité jusqu’à présent est qu’ils ne connaissent pas le sens interne de la Parole ; et parce qu’ils supposent que la qualité de la vie de l’homme n’a aucune importance, et que le mal, même s’il est enraciné par des actes répétés, n’est en rien un obstacle à la spiritualisation et à la régénération de l’homme, et donc à son acceptation par le Seigneur, par la FOI, même s’il ne s’agit que d’une foi qui n’a pas duré plus qu’une heure. De même, cette intromission dans le ciel est uniquement due à la miséricorde, et cette miséricorde s’exerce envers une nation particulière en particulier, et non de la même manière envers tous ceux qui, dans l’univers, reçoivent la miséricorde du Seigneur.

« Ceux qui nourrissent de tels sentiments ne se rendent pas compte qu’il est tout à fait contraire au Divin que certains, comme les Élus, naissent pour le salut et le ciel, et que d’autres, comme les non-élus, naissent pour la damnation et l’enfer.

« Il est horrible de penser ainsi au sujet du Divin, car cela implique la plus grande cruauté de la part du Divin, alors que le Divin est lui-même la miséricorde même. »

 

 

_____________

 

 

 

SECTION 5. Le cinquième chef d’accusation – Le matérialisme – La seconde venue, la résurrection naturelle ou la résurrection dans ce monde.

 

« Mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. » – Jean xii. 24.

 

Paul, malgré ses exhortations spirituelles répétées, semble avoir été un matérialiste très convaincu, si l’on en juge par les idées modernes.

Peut-être qu’en tant que Juif, il lui était impossible d’être autre chose ; car un homme pouvait clairement avoir foi en Christ comme Messie sans être ce que l’on entend aujourd’hui par chrétien au sens le plus élevé, c’est-à-dire un membre de la Nouvelle Jérusalem, quelqu’un qui adore le Seigneur Jésus-Christ comme Dieu.

Comme cinquième motif d’offense, nous aborderons donc ce sujet : le MATÉRIALISME, la résurrection d’un corps matériel dans ce monde ; car aussi raffiné que puisse être le corps incorruptible ou pneumatique de Paul, il s’agit, comme nous le lisons dans la première épître aux Thessaloniciens, d’un corps destiné à habiter l’espace ; bien qu’il ne soit donc pas terrestre, il n’en reste pas moins matériel. (1 Thess. iv. 17.)

Je suis bien conscient que cette résurrection matérielle n’est pas la notion couramment admise en ce qui concerne la conception de Paul, car la Version autorisée parle d’un corps spirituel, alors que Paul ne conçoit en réalité qu’un corps immortel, et je pense qu’il est possible de démontrer qu’il pensait effectivement ainsi.

Paul ignorait totalement l’idée moderne du spirituel, en tant que quelque chose d’absolument immatériel au sens naturel.

Paul ne fait aucune distinction entre la mort spirituelle et la mort naturelle, comme si la mort naturelle n’était pas autant dans l’ordre de la nature que la naissance naturelle.

Il n’avait conscience que d’une seule mort : « Le dernier ennemi qui sera détruit », une force active qui enlève la vie du corps et qui sera finalement détruite par le second avènement. (1 Cor. xv. 26.)

Il imaginait qu’Adam avait introduit cette mort naturelle par sa chute ; et c’est cette même mort naturelle qu’il imaginait que le Seigneur avait abolie par sa passion sur la croix et la Rédemption, pour tous ceux qui ont la foi ; pour les autres, la mort est éternelle.

Ceux qui dormaient en Christ devaient ressusciter dans ce monde ; ceux qui vivaient (dans la foi en la mort et la résurrection du Christ) devaient être transformés et jouir de la vie éternelle avec le Messie, dans son royaume, dans ce monde. (1 Thess. iv. 15-17.)

Nous n’avons aucune indication sur le sort de ceux qui sont morts avant le Christ, il n’y a pas de résurrection pour eux ; selon le système de Paul, ils sont morts.

« C’est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, ainsi la mort s’est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché. » (Rom. v. 12.)

« Le salaire du péché, c’est la mort » ; c’est-à-dire la mort éternelle, ou l’exclusion du royaume du Seigneur.

Cependant, le fait de manger le fruit défendu, celui de l’arbre de la connaissance du bien et du mal (c’est-à-dire se détourner du Seigneur pour se tourner vers soi-même, passer du spirituel au sensuel), n’impliquait pas du tout la mort au sens où l’entend Paul, comme « le dernier ennemi qui sera détruit », car c’est après cette catastrophe qu’Adam et Ève ont peuplé la terre ; pour prendre les choses au pied de la lettre, pour une fois. (A. C., 102.)

Nous savons que la mort n’est pas du tout un ennemi, mais un évènement naturel qui, pour tous ceux qui mènent une vie ordonnée, est en règle générale une bénédiction.

« Le salaire du péché, c’est la mort », mais c’est la mort spirituelle et non la mort naturelle qui est impliquée par le péché, c’est-à-dire l’exclusion du royaume céleste du Seigneur.

Selon le système de Paul, personne ne peut être ressuscité avant le Christ ; Abraham, Isaac et Jacob étaient donc morts, et non vivants, comme l’ange du Seigneur l’a dit à Moïse sur le mont Horeb ; et le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob était le Dieu des morts, et non des vivants.

Le Seigneur donne une explication différente dans Matthieu : –

« Mais quant à la résurrection des morts, n’avez-vous pas lu ce que Dieu vous a dit : Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ? Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. » (Matth. xxii. 31, 32.)

Nous avons donc le témoignage positif du Christ selon lequel Abraham, Isaac et Jacob sont ressuscités et vivent toujours, mais pas dans ce monde !

Qu’en est-il maintenant des prémices de la résurrection dont parle Paul ? Toute la question se résumerait en fait ici si les gens n’étaient pas aveuglés par les écailles matérialistes qui leur recouvrent les yeux ; écailles dont Paul ne les soulagera pas.

La mort spirituelle, dont souffrent tous les méchants exclus du royaume céleste du Seigneur, est indépendante et tout à fait distincte de la mort naturelle, que les bons et les méchants doivent subir de la même manière ; bien que cette mort spirituelle, distincte de la mort naturelle, ne semble pas avoir davantage traversé l’esprit de Paul que la véritable vie spirituelle après la mort, comme le démontre Swedenborg.

Pour entrer dans le royaume spirituel de Paul, il n’était pas nécessaire de franchir la porte de la mort ; mais les vivants pouvaient y entrer grâce au changement miraculeux de leur corps naturel, qui passait de corruptible à incorruptible !

Et c’est tout ce qu’il sous-entend lorsqu’il dit : « S’il y a un corps naturel, il y a aussi un corps spirituel. Il est semé corps naturel, il est ressuscité corps spirituel ; il est semé dans la corruption, il est ressuscité dans l’incorruptibilité. » (1 Cor. xv. 42, 44.)

C’est-à-dire qu’il passe de mortel à immortel, tout en restant matériel.

Les paroles admirées de Paul : « Ô mort, où est ta victoire ? Ô tombeau, où est ta victoire ? » s’appliquent en effet à son propre système, pour ses élus, mais pas autrement. Il ne dit cependant rien de la victoire du tombeau, car dans les deux cas, il utilise le mot mort (θάνατος). (Tischendorf, l. c.)

Ces paroles admirées sont cependant infiniment plus pertinentes lorsqu’elles sont appliquées au système du Seigneur tel qu’expliqué par Swedenborg.

La tombe n’a en effet aucune victoire, car l’homme n’y entre jamais ; et il serait certainement préférable que l’enveloppe rejetée, le corps corruptible et corrompu, après avoir rempli son rôle, ne soit jamais mis dans une tombe, mais puisse retourner naturellement à son élément premier, la poussière à la poussière.

Le système moderne d’inhumation, avec tous ses vains efforts pour préserver ce corps corruptible, avec son embaumement et ses cercueils de plomb, ne fait que lutter contre la nature et contre Dieu. Tout cela n’est qu’une folie monstrueuse issue de la notion d’une résurrection matérielle.

On ne peut pas persister à enterrer les morts à perpétuité, comme le veut la théorie, sinon le monde entier finira par devenir un immense cimetière et il n’y aura plus de place pour les vivants.

Le tollé contre la profanation des tombes est une absurdité sentimentale qui doit prendre fin tôt ou tard, et il faut espérer que ce soit le plus tôt possible.

Il existe des objections à la crémation en tant que substitut à l’enterrement, et c’est certainement un gaspillage de matériaux précieux, en supposant que les corps soient correctement enterrés ; mais dans les cas de mort suspecte, il pourrait bien sûr y avoir une autopsie ou un examen minutieux avant la crémation.

Ce processus consistant à brûler le corps au lieu de l’enterrer a toutefois été condamné de manière très singulière, car cette pratique est censée détruire la croyance vulgaire en la résurrection prochaine du corps naturel, sans tenir compte du fait que le corps doit périr de la même manière, qu’il soit brûlé ou qu’il soit simplement soumis au processus plus lent de la décomposition naturelle.

Le corps naturel est censé être nécessaire, car il est communément admis dans le monde chrétien que le Christ reviendra dans la chair et qu’il y aura alors un jugement universel, un ordre définitif ici-bas ; et que tous ceux qui auront la chance d’échapper à la condamnation se lèveront de leurs tombes pour vivre dans la félicité éternelle avec le Seigneur dans son nouveau royaume qu’il est sur le point de fonder sur terre.

Lorsque Paul dit : « Il y a un corps spirituel » – σωμα πνευματικόν, il ne prêche pas la doctrine d’une résurrection spirituelle, à moins que nous ne donnions notre propre signification au mot pneumatique, traduit par spirituel, et nous nous retrouvons alors dans le dilemme d’admettre une résurrection spirituelle dans ce monde, ce qui est absurde. L’Église surmonte cette difficulté en admettant que la résurrection signifie la résurrection du corps naturel, ce que Paul rejette.

Le corps spirituel de Paul est simplement un corps pneumatique, c’est-à-dire un corps fait de pneuma (souffle) matériel ; et il est constitué pour vivre dans l’espace matériel, c’est-à-dire dans ce monde, ou même simplement dans cette atmosphère. Il s’agit donc toujours d’un corps matériel ou naturel, pneumatique ou autre, s’il doit exister dans ce monde ou dans la nature matérielle. (1 Thess. iv. 15-17.)

Ce concept est tout aussi éloigné du corps spirituel substantiel, de la vie spirituelle dans le monde spirituel de Swedenborg, que l’idée la plus grossière de la résurrection matérielle de l’Église actuelle.

Et certainement, à cet égard, l’Église paulinienne a faussé la doctrine de Paul, car il rejette clairement l’idée de la résurrection de nos corps matériels actuels de chair et de sang, ne les remplaçant que par un autre type de corps matériel de nature moins grossière ; tout comme sa vie de résurrection est une vie de ce monde, bien que dans des conditions différentes de notre vie actuelle, car la mort n’y a pas sa place ; ce corps est donc immortel ; ce qui implique que spirituel et éternel doivent être la même chose ; de sorte que, selon ce principe, les rochers eux-mêmes peuvent être considérés comme spirituels.

Nous ne devons pas interpréter les paroles de Paul à l’aide du vocabulaire de Swedenborg. Il n’est pas plus proche de la résurrection spirituelle, ou de la véritable vie spirituelle, que ceux qui attendent le millénaire terrestre.

Il est toutefois très remarquable que ceux qui ont fondé leur foi sur l’enseignement de Paul aient complètement ignoré son déni très catégorique de la résurrection du corps physique naturel. « C’est un corps naturel, il est ressuscité en corps spirituel (σωμα πνευματικόν) ; car la chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu. »

Paul est donc cohérent jusqu’ici, car son corps spirituel, quelle que soit la manière dont il l’a imaginé, est quelque chose de très différent de notre corps naturel ; ils ne sont manifestement pas identiques, ni ne représente des stades différents d’un même corps, comme le prétend l’Église. C’est la différence entre ὕλη et οὐσία, la matière et la substance. La première appartient exclusivement au monde naturel, la seconde appartient plus proprement au monde spirituel et est la source de la matière, comme l’âme l’est du corps, dans les deux mondes. (Long’s M. Aurelius Antoninus, p. 35 n.)

Il n’est pas nécessaire ici d’aborder l’impossibilité physique d’une telle résurrection : la terre elle-même ne pourrait trouver la matière nécessaire à une telle réanimation des corps, et encore moins trouver un endroit où ces corps ressuscités pourraient demeurer.

Swedenborg nous dit que l’esprit de l’homme apparaît peu après la mort, dans l’autre vie, sous une forme humaine tout à fait semblable à celle qu’il avait dans le monde.

« Il est un homme à tous égards, sauf qu’il n’est pas entouré du corps grossier qu’il avait dans le monde ; il le quitte lorsqu’il meurt et ne le reprend jamais. » (A. C., 10591-6.)

« La vie de l’homme après la mort est la vie de son amour et de sa foi ; par conséquent, tel qu’était son amour et telle qu’était sa foi lorsqu’il vivait dans le monde, telle est la vie qui lui reste pour l’éternité. »

L’homme spirituel de Paul est l’homme naturel qui, par l’imputation de la justice du Christ, par la foi, est libéré du péché et, par conséquent, de la mort. Cependant, son corps peut être transformé de corruptible en incorruptible ; c’est toujours un corps adapté à la vie dans ce monde, et c’est donc un corps naturel, bien qu’il ne soit pas de la terre, qu’il ne soit pas terrestre.

Sa fausse analogie avec le grain de blé corrobore cette conclusion : « Insensé, ce que tu sèmes ne prend vie que s’il meurt. » (1 Cor. xv. 36, 44.) Ce qui meurt en l’homme ne prend pas vie, il ne ressuscite pas. Même Paul ne prêche pas la résurrection du corps vil dans lequel nous avons habité ici, mais celle d’un corps transformé. Le grain de blé périt après avoir été mis en terre, mais lorsqu’il est ressuscité, il est toujours de nature identique et n’illustre en rien le changement que subit l’homme lorsqu’il se débarrasse du corps matériel qui lui a permis de vivre dans ce monde et se présente dans son corps spirituel substantiel, qui lui permet de vivre une vie nouvelle et plus substantielle dans le monde des esprits ; le monde des esprits n’étant pas moins substantiel pour l’homme spirituel que le monde naturel l’est pour l’homme dans son corps matériel.

L’analogie est erronée dans un autre sens : le grain de blé doit être sain et en bonne santé, sinon il ne peut être ravivé. Ce qui est mis en terre n’est pas le corps sain et vigoureux, mais une enveloppe morte ou une coque que l’homme lui-même a abandonnée parce qu’elle ne lui était plus d’aucune utilité ; il n’y a rien en soi qui puisse germer, bien que la terre, en récupérant ce qui lui appartient, acquière une matière précieuse pour d’autres usages, pour la nourriture d’autres corps qui peuvent servir aux âmes d’autres hommes. Et c’est le seul type de germination qui peut provenir de la décomposition du corps de l’homme. Ainsi, dans ce sens, le corps mort porte effectivement du fruit, bien que d’une manière très différente du grain de blé qui périt. Il est la source directe d’autres grains de blé comme lui, tandis que le corps décomposé contribue simplement à la nourriture générale contenue dans la terre ; il ne sera jamais, du moins, la source directe d’un corps comme lui.

L’utilisation de la comparaison avec le grain de blé est appliquée dans un sens très différent dans l’Évangile de Jean, pour une autre raison que celle utilisée par Paul. Le Seigneur dit : « Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. »

Et cela est vrai naturellement et spirituellement, car tout ce que dit le Seigneur a une signification spirituelle. Et cette parole s’applique ici aux biens et aux vérités spirituels, qui ne peuvent avoir leur place dans l’esprit de l’homme tant que toutes les convoitises naturelles impures n’ont pas péri ou n’ont pas été rendues inactives, car tant qu’un homme a quelque chose qui lui appartient en propre, il ne peut être libéré du mal.

Le corps spirituel de Paul (σωμα πνευματικόν) n’est donc qu’un corps matériel « incorruptible » d’un autre genre que nos corps de chair et de sang ; et bien que matériel, il est néanmoins spirituel selon sa notion pneumatique, car il est libéré de la loi du péché et de la mort, ce qui est impossible ; il ne peut être à la fois matériel et spirituel.

« Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ. Car la loi de l’esprit de vie en Jésus-Christ t’a affranchi 98 de la loi du péché et de la mort. » (Rom. viii. 1, 2.)

La théorie de Paul semble être qu’un corps immortel est un corps spirituel. Il a supposé qu’un corps matériel, par la suppression par la foi de toute responsabilité envers le péché et, par conséquent, envers la mort, devient ainsi spirituel ; il devient clairement seulement immortel.

Son corps spirituel est donc un corps naturel glorifié ; comme si ces corps étaient liés dans une série de degrés continus. Alors que le corps spirituel ne peut exister que par la mort du corps naturel, comme il l’admet ailleurs.

Le lien entre eux est-il discret ou continu ? Il est identique à la relation entre le corps et l’esprit. Le corps ne peut jamais devenir l’esprit, même si c’est par le corps que l’esprit se développe et se manifeste dans le monde naturel. Ainsi, les corps naturel et spirituel sont séparés par des degrés discrets, et l’un ne peut en aucun cas être transformé en l’autre.

Quel que soit ce dont le corps incorruptible de Paul peut être libéré, il reste toujours un corps matériel, pneumatique ou autre, et il doit donc toujours demeurer dans l’espace.

La doctrine des pharisiens, dont Paul se disait disciple, était récente, dérivée d’Alexandrie, et prônait une résurrection matérielle très obscure, à l’image de celle de Paul lui-même ; il ne la tirait certainement pas du Christ ni des Évangiles, malgré ce qu’il affirmait dans sa lettre aux Thessaloniciens (1 Thess. iv. 15) 99. Mais la doctrine de la résurrection et de l’immortalité est pleinement admise dans le Talmud, qui dit : « Ce monde est comme une auberge au bord de la route, mais le monde à venir est comme la véritable demeure. » (Deutsch, Le Talmud.)

Tout l’échafaudage de Paul est un matérialisme pur et simple ; sa résurrection concerne cette vie, et donc une nécessité de ce monde ; et les Églises dites orthodoxes n’ont pas d’autre conception.

Comme il n’y avait pas eu de résurrection des morts dans ce monde, il n’y avait pas eu de résurrection ! Le Christ est le premier fruit de la résurrection ; avant le Christ, aucun homme n’était jamais ressuscité d’entre les morts, selon Paul, bien que les apôtres aient vu Moïse et Élie parler avec le Christ transfiguré.

Et « celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts rendra aussi la vie à vos corps mortels », dit-il aux Romains. Le corps mortel deviendra un corps immortel, car « si nous sommes morts avec le Christ », « nous vivrons aussi avec lui » (Rom. viii. 11). « Qui changera notre corps vil, afin qu’il soit semblable à son corps glorieux » (Rom. vi. 8). « En un instant, en un clin d’œil, à la dernière trompette » (Philip. iii. 21 ; 1 Cor. xv. 52).

Paul ne nous dit pas ce que nous ferons de nos corps glorieux une fois acquis, ni où nous habiterons, sur terre ou dans les airs. Pas au ciel, car le ciel est réservé aux anges, qui ne sont ni hommes ni femmes, et ne l’ont jamais été selon son système, car aucun homme, à l’exception du Christ, le « premier-né », n’est encore ressuscité d’entre les morts !

Quelle perspective sombre ! Comme si la mort elle-même n’était pas la porte de la vie, la résurrection. Le corps meurt simplement à cause de la résurrection de l’âme, parce que l’esprit s’élève.

Les païens eux-mêmes étaient de meilleurs philosophes chrétiens que Saul de Tarse, même après sa conversion.

« Mors janua vitae » – La mort, porte de la vie – était un proverbe romain.

Et cette croyance suppose l’existence d’un esprit vivant après la mort, même si l’idée qu’on en avait était assez vague, une ombre, un fantôme, comme beaucoup le conçoivent encore aujourd’hui.

« La raison, dit Swedenborg, pour laquelle l’homme a conçu l’idée d’un ange, d’un esprit et de lui-même après la mort comme étant semblables à l’éther ou à l’air sans corps humain, est que les érudits sensuels l’ont conçue à partir du nom d’esprit, qui désigne un souffle de la bouche, et aussi à partir du fait qu’ils sont invisibles et n’apparaissent pas devant les yeux, car les sensuels ne pensent qu’à partir du principe sensuel du corps, et à partir de ce qui est matériel, ainsi qu’à partir de certains passages de la Parole qui ne sont pas compris spirituellement ; pourtant, ils savent d’après la Parole que le Seigneur, bien qu’il fût un homme de chair et d’os, est devenu invisible aux disciples et a traversé des portes fermées.

« Les anges ont également été vus comme des hommes devant beaucoup de gens, selon le témoignage de la Parole, qui n’ont pas pris une forme humaine (pour l’occasion), mais se sont manifestés sous leur propre forme (humaine) devant les yeux de l’esprit des hommes à qui ils sont apparus, qui étaient alors ouverts. » (Apoc. Exp., vol. vi, p. 345.)

En fait, nous avons un passage dans Cicéron, dans son « Rêve de Scipion », qui montre une bien meilleure compréhension de la vie future, et peut-être du monde spirituel, que celle donnée par Paul.

Scipion parle de cette vie mondaine comme de la mort, et il dit que l’homme ne vit vraiment que lorsqu’il s’est débarrassé des chaînes ou des liens du corps naturel, lorsqu’il est libéré, pour ainsi dire, d’une prison.

Une vie de justice et de piété, dit-il, est le chemin vers le ciel, où vivent ces sociétés de bienheureux qui ont été libérés de cette existence terrestre et ont abandonné leur corps matériel (corpore laxati).

Cicéron évoque ici clairement une existence renouvelée, indépendante de ce monde et du corps physique, une existence plus pure, issue de la libération de l’âme (animus) de ses liens matériels.

Socrate dit à peu près la même chose dans le Phédon de Platon.

Platon enseigne de manière positive la vie dans un autre état après la mort, mais il gâche l’idée d’une existence spirituelle distincte et substantielle pour l’âme immortelle en suggérant sa préexistence à sa vie ici-bas et en adoptant un principe analogue à la métempsychose des Égyptiens. La même notion est exprimée dans le Talmud.

Platon passe également à côté de l’idée d’un monde spirituel distinct en attribuant aux âmes qui ont quitté le corps des habitations quelque part dans l’espace matériel, voire sur cette terre.

Mais la notion d’une vie indépendante de ce corps est exprimée de manière absolue : « Puisque l’âme est immortelle, il n’y a d’autre remède que de la rendre bonne et sage ; car elle n’emporte rien avec elle dans l’autre monde que la préparation qu’elle a reçue ici. » (Platon, Phédon, 130. Dialogues platoniciens, de Whewell, i. 419.)

Dans les « Morales » de Sénèque, on trouve également des remarques similaires, exprimant clairement une immortalité future.

Homère nous donne la première idée d’une existence fantomatique ou spirituelle (?) indépendante de la vie naturelle de ce monde, lorsqu’il parle de l’esprit de Patrocle dans l’Hadès :

 

« Son âme s’envola de son corps,

Et atteignit la maison de Pluton ;

Pleurant son triste destin,

De la jeunesse et de l’âge adulte. »

(Iliade, xvi. 856-7. Traduction de Newman. 1856.)

 

Ce qui est ainsi paraphrasé par Pope : –

 

« Il s’évanouit ; l’âme s’envole à contrecœur ;

Le beau corps, laissé comme un fardeau d’argile,

S’envole vers la côte solitaire et inconfortable,

Un fantôme nu, errant et mélancolique ! »

 

Mais il s’agit tout de même d’une existence matérielle, bien que fantomatique ; c’est à l’intérieur de la terre, dans la région des ombres ou Hadès, plutôt que dans l’atmosphère terrestre, que semble se situer la vie future de Paul ! La notion pharisienne de l’immortalité était très similaire à cette idée païenne. Paul parle en effet du Christ descendant dans les parties inférieures de cette terre avant de monter au ciel ; c’est du moins ce que nous lisons dans la lettre aux Éphésiens, qui est toutefois une lettre contestée.

« Maintenant qu’il est monté, qu’est-ce que cela signifie, sinon qu’il est d’abord descendu dans les parties inférieures de la terre ! » Notre terre, bien sûr, mais dans quel but ? (Éphés. iv. 9.)

Paul nous dit que « la chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu ». (1 Cor. xv. 50.)

Cela est bien sûr vrai dans son sens le plus évident : la corruption ne peut hériter de l’incorruptibilité. Et Paul a peut-être voulu dire que les convoitises de la chair ne pouvaient hériter de la vie éternelle, ce qui est vrai au sens spirituel.

Mais lorsque cette affirmation est mise en parallèle avec le passage remarquable de la première épître aux Thessaloniciens sur la seconde venue du Seigneur, elle ne peut être classée que parmi ses paradoxes ; car ce passage ne pouvait être pris au sens littéral que par ceux à qui il était adressé ; et rejeter la chair et le sang est contraire à la vision orthodoxe actuelle, qui embrasse le Millénium. S’il doit y avoir une vie glorieuse dans ce monde, ce doit être une vie dans le corps naturel, une vie de chair et de sang.

La chair et le sang, remarquez-le, ne doivent pas entrer dans le « royaume de Dieu » ; cela ne signifie pas les cieux spirituels, mais le royaume du Christ dans ce monde. Pourtant, dans cette lettre aux Thessaloniciens, il dit (1 Thess. iv. 15, 17) : –

« Car nous vous le disons par la parole du Seigneur, que nous qui sommes vivants et qui restons jusqu’à la venue du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui se sont endormis. Car le Seigneur lui-même descendra du ciel avec un cri, avec la voix de l’archange et avec la trompette de Dieu, et les morts en Christ ressusciteront les premiers ; ensuite, nous qui sommes vivants et qui restons, nous serons enlevés ensemble avec eux dans les nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur. »

Où serons-nous ? Dans les airs ? Le royaume de Dieu se trouve-t-il donc dans notre atmosphère ?

Ceux qui ressuscitent pour la vie ont besoin d’avoir des corps pneumatiques, s’ils doivent habiter dans les airs.

Cette idée des âmes dans les airs est exprimée par Marcos Antoninus, qui dit : « Si les âmes continuent d’exister, comment les airs peuvent-ils les contenir depuis l’éternité ? » (Traduction de Long, iv. 21.)

Paul n’est pas plus spirituel.

Ce récit de la résurrection, tiré d’une lettre incontestée, ressemble beaucoup à une parodie, mais ce n’est certainement pas l’intention de Paul ; il le présente, comme nous le voyons, comme une explication de la consommation finale par le Seigneur lui-même, comme une description du royaume du Christ dans ce monde ; pourtant, il semble laisser les « nouvelles créatures » dans les airs !

Cela ne fait que montrer le vide total dans l’esprit de Paul en ce qui concerne une vie spirituelle substantielle.

Il ne savait apparemment rien du tout de la Nouvelle Jérusalem en tant qu’Église céleste ou spirituelle, ni d’aucun royaume céleste pour l’homme. Le Seigneur doit venir du ciel, mais, selon Paul, son royaume n’est pas dans les cieux, mais sur la terre. (Swedenborg, Diar. Minus, n° 4561.)

Cette idée de résurrection matérielle semble trop grossière, même pour un thème scolaire ; pourtant, l’Église l’accepte comme la Parole de Dieu.

Dans un sens spirituel, la régénération, la seconde naissance, est la résurrection d’entre les morts ; car ceux qui marchent selon la chair sont morts à l’esprit.

Mais si c’est une résurrection, il n’y en a pas seulement une ou deux, mais trois : car l’homme régénéré n’est pas plus exempt de la mort naturelle que l’homme non régénéré ; et ce dernier a sa mort spirituelle qui s’ajoute à sa mort naturelle. Mais il a néanmoins sa résurrection, l’injuste pas moins que le juste : le corps naturel, cependant, n’est pas l’homme, et la résurrection ne lui appartient en aucune façon ; c’est le grain qui meurt, mais qui ne peut plus jamais être vivifié.

Paul n’accorde aucune résurrection aux impies (à l’exception, bien sûr, de ceux qui sont justifiés par la foi). Ceux qui n’ont pas la foi, qui ne dorment pas en Christ, meurent d’une mort éternelle ; il semble ainsi sous-entendre que lorsqu’ils quittent cette vie, ils n’en ont pas d’autre ; pour eux, il n’y a pas d’avenir, car ils ne peuvent faire partie du royaume du Seigneur.

Si telle était l’opinion de Paul, c’est là une caractéristique remarquable de sa théologie, qui ne correspond pas du tout aux traditions du monde antique, comme nous venons de le voir. Mais que veut-il dire par « livrer un homme à Satan » ? (1 Tim. i. 20.)

Paul ne mentionne pas une seule fois l’enfer ! L’annihilation est-elle sa conception de la damnation ? Ce n’est en tout cas pas l’enseignement de l’Évangile. Il n’y a pas de mort au sens d’annihilation de l’esprit : les maux et les mensonges ne périssent pas au-delà de la tombe, pas plus que les biens et les vérités. Le bien et le mal ont tous deux leur résurrection, comme nous l’apprend clairement Jean.

Il y a une résurrection de vie pour ceux qui ont fait le bien, nous dit le Seigneur, mais il y a aussi une résurrection pour ceux qui ont fait le mal, « la résurrection de la condamnation » (Jean v. 29).

Ici, le contraste est entre une vie bonne et une vie mauvaise, il n’y a aucune allusion à la foi.

Quelle image différente nous donne Paul !

Ceux qui dorment en Christ sont morts au péché, par la justification que procure la foi, et ressusciteront d’abord ici, pour la vie éternelle ; ensuite, ceux qui vivent, s’ils sont à Christ, étant ainsi morts au péché et devenus de nouvelles créatures, entreront aussi immédiatement, par un changement instantané de leur corps mortel en corps immortel, dans le royaume du Seigneur, étant déjà morts avec le Christ ; telle est la vertu de la foi ; comme si sa réception avait un effet instantané sur l’homme naturel et pouvait se passer du processus nécessairement lent de la régénération.

Le vieil homme Adam meurt, la nouvelle créature est donc morte au péché, et la mort n’a plus aucun pouvoir sur elle ; elle est devenue servante de la justice et héritière de la vie éternelle. (Rom. vi. 7, 18.)

Tels sont les dons de Dieu à ceux qui croient : ils sont cohéritiers avec le Christ.

Mais le théâtre de cette grande résurrection est ce monde ; comment concilier avec une vie dans ce monde nos corps spirituels ou pneumatiques glorifiés et notre existence en compagnie du Seigneur dans les airs ?

Si nous pouvions seulement nous débarrasser de notre sentiment d’absurdité, qui est indissociable de cette notion paulinienne de la résurrection appartenant à ce monde, et donc purement matérielle, nous pourrions admettre une certaine grandeur d’idée dans le projet d’une nouvelle vie des régénérés avec le Christ, dans un royaume incorruptible ; mais tel qu’est ce sentiment, il n’y a pas de fondement ni de notion définie de la nature de la vie de cette nouvelle créature.

Si nous devons être autre chose que des hommes et des femmes dans cette nouvelle vie avec le Christ, l’immortalité n’est qu’une illusion.

Tout le schéma grossier de cette résurrection de Paul est une simple folie, comparativement à la vie spirituelle grandiose et substantielle, mais essentiellement humaine, qui nous est révélée dans les œuvres de Swedenborg.

Que veut dire Paul par « ceux qui dorment » ? Paul ne parle pas par correspondances, et nous ne devons pas chercher de signification spirituelle dans ses propos. Il ne peut désigner que ceux qui dorment dans leurs tombes, comme le monde l’a accepté. Il serait difficile de concevoir une idée plus odieuse ou plus ridicule que celle de dormir dans la tombe. C’est une expression qui ne doit pas être prise au sérieux, car nous savons qu’un cadavre ne peut pas dormir. Le sommeil est propre à la vie, pas à la mort.

L’expression très similaire dans Matthieu – « les saints qui dormaient » – sera expliquée dans un instant ; elle ne fait pas référence à ce monde, ni aux tombes naturelles, mais à des choses vues en vision. (Matth. xxvii. 52, 53.)

Toute notion se rapprochant de l’idée que les fantômes se sont levés de leurs tombes dans le monde naturel doit être écartée de l’esprit.

Ceux qui entretiennent une telle notion, celle de dormir dans la tombe, ne se rendent-ils pas compte que l’âme n’a plus rien à voir avec le corps lorsque le cœur cesse de battre, et que lorsque l’âme l’a quitté, le corps se décompose, devient la nourriture des vers, se putréfie et se décompose, et retourne ainsi à la terre dont il a été formé, afin de permettre à la terre de fournir à nouveau la substance nécessaire à la constitution d’autres corps similaires ? Que l’âme et le corps, une fois séparés, sont essentiellement et définitivement divisés à la mort, de sorte que l’esprit ne peut jamais être réuni à la matière dont il s’est débarrassé ?

Ce sommeil dans la tombe trouve sans doute son origine dans la notion selon laquelle le corps de l’homme est l’homme lui-même, et qu’à la résurrection, il en aura à nouveau besoin. Le corps de l’homme n’est pas l’homme lui-même, mais simplement l’enveloppe dans laquelle l’homme habite dans le monde naturel, dans cette vie. Il n’a rien à voir avec l’homme lui-même, si ce n’est qu’il lui sert d’habitation dans ce monde et lui permet de former son proprium.

L’homme est un homme complet indépendamment du corps naturel, bien que ce ne soit que par le biais de ce corps matériel naturel qu’il puisse vivre ici et développer une individualité humaine et une nature spirituelle, son propre moi.

Le corps humain est de même substance que le corps de l’oiseau ou de la bête, mais il a une forme humaine parce qu’il est le réceptacle d’une âme humaine implantée en lui par le Seigneur, qui a façonné le corps en conséquence dans l’ordre divin de la création. « Toute chair est comme l’herbe », dit le prophète, « mais la parole de notre Dieu subsistera éternellement » (Is. xl. 6, 8).

Et lorsque cette âme quitte son enveloppe terrestre, ce corps, qui n’a plus aucune utilité, retourne à ses éléments premiers par le processus naturel de la décomposition, tandis que l’âme ou l’esprit retrouve son état éternel.

L’homme est toujours aussi réel, mais il est passé dans un autre monde, dans une autre vie. La mort le libère des imperfections de son corps naturel, mais ce n’est pas le repos.

Les imperfections de l’âme ne peuvent être rejetées avec le corps matériel, comme un vêtement. Dire qu’un homme, lorsqu’il meurt, est parti se reposer, est une idée qui doit provenir de la notion insensée de dormir littéralement dans la tombe.

Pourtant, cette notion est pratiquement contredite par tous ceux qui la défendent, quand elle est appliquée à un parent ou ami ; ils font alors immédiatement preuve d’une incohérence extrême ; leur cœur, mieux éduqué que leur raison, ne sanctionne pas les caprices de leur esprit. Leur théorie ne résiste pas à l’épreuve de la nature humaine commune, car elle est atrocement inhumaine et essentiellement fausse.

L’idée de la tombe comme lieu de repos n’est en aucun cas limitée aux gens vulgaires, mais est une notion presque universelle ; il est courant de dire : « Il est parti se reposer », ce qui implique invariablement le sommeil de la tombe, qui doit durer jusqu’au dernier jour. Même Wordsworth dit :

 

« Reposez en silence dans vos tombes, ô morts !

Reposez en paix dans votre lit du cimetière ! »

                         La biche blanche de Rylstone.

 

Pourquoi l’esprit devrait-il se reposer parce que le corps est dans la tombe ? Si l’esprit est agité, il ne peut se reposer : il n’y a pas de repos pour les méchants !

Chaque désir, chaque concupiscence, chaque ambition a une vitalité distincte du corps naturel et sera tout aussi active lorsque l’esprit quittera ce corps qu’elle l’était dans la vie du corps ; en fait, elle sera beaucoup plus vive, car elle sera alors libérée des imperfections et des obstructions du corps naturel, ainsi que de toute contrainte extérieure.

Pourquoi alors la mort serait-elle un repos ? Pourquoi le sommeil, qui n’est que la vie au repos, et non pas la mort ?

C’est un matérialisme profondément enraciné que de parler du « long repos » et du « sommeil » de la mort ; la mort est sans doute une libération des maladies du corps, mais rien de ce monde ne peut être prédit des morts, ou de ceux qui n’en font pas partie ; nous savons que les imperfections du corps naturel ne peuvent affecter l’esprit dans l’autre vie, car celui-ci a quitté le corps.

Les « saints qui dormaient » sont une simple figure de style chez Matthieu, et ont une signification interne qui ne peut apparaître dans la lettre, bien que l’interprétation littérale de ces mots ait pu conduire le monde à ses notions monstrueuses sur l’état des âmes après la mort ; comme l’interprétation trop littérale de l’Écriture a conduit dans de nombreux cas à des erreurs doctrinales des plus perverses.

« Et beaucoup de corps des saints qui dormaient, dit Matthieu, se levèrent et sortirent des tombeaux après sa résurrection, dans la Ville Sainte ; et apparurent à beaucoup », c’est-à-dire qu’ils furent vus en vision : ils ne furent pas vus par tous, mais apparurent à beaucoup. (Matth. xxvii. 52, 53.) (A. C., 9229.)

C’était une représentation de la résurrection dont parle le Seigneur, dans l’évangile de Jean, de ceux qui étaient réservés pour le salut par le Seigneur, dans des lieux sous le ciel, jusqu’au moment de sa venue ; et qui, après sa résurrection et la soumission des enfers, furent élevés au ciel ; la ville sainte signifiant le ciel. (Jean v. 28, 29.) (Apoc. Expl., 659, 899.)

Et cette résurrection fut effectivement vue en vision par certains à Jérusalem à cette époque.

L’ascension des sépulcres signifie, comme dans Ézéchiel, la régénération et la résurrection des fidèles à la vie.

Tous les jugements ont lieu dans le monde spirituel. Ainsi, ce qui n’était qu’une apparition dans la vision de certains, dans le monde naturel, s’est réellement produit, pour ceux de l’Église spirituelle, dans le monde des esprits, lors du jugement qui a eu lieu dans ce monde après que l’œuvre de rédemption eut été accomplie ici-bas par le Seigneur.

Nous trouvons le passage remarquable suivant à ce sujet dans les Arcanes célestes (A. C., 6854) : –

« Ceux qui sont appelés Spirituels, ce sont ceux qui ne peuvent être régénérés que quant à la partie intellectuelle et non quant à la partie volontaire, dans la partie intellectuelle desquels le Seigneur implante en conséquence une volonté nouvelle, volonté en rapport avec les doctrinaux de la foi qui appartiennent à leur Église.

« Ceux-là, savoir, ces spirituels, ont été uniquement sauvés par l’avènement du Seigneur dans le monde ; et cela, parce que le Divin qui traversait le Ciel, et qui était le Divin Humain avant l’avènement du Seigneur, ne pouvait parvenir jusqu’à eux, car les doctrinaux de leur Église quant à la plus grande partie n’étaient pas des vrais, et par suite le bien qui appartenait à la volonté n’était pas non plus le bien.

« Comme ceux-là n’ont pu être sauvés que par l’avènement du Seigneur, et ainsi n’ont pu être auparavant élevés dans le Ciel, c’est pourquoi, en attendant cet avènement, ils étaient tenus dans la terre inférieure, dans les lieux qui sont nommés fosses dans la Parole ; cette terre était assiégée de tout côté par les enfers où sont les faux, par lesquels ils étaient alors fortement infestés, néanmoins ils étaient toujours gardés par le Seigneur.

« Mais après que le Seigneur fut venu dans le monde et eut en soi fait Divin l’Humain, alors il délivra ceux qui étaient dans ces fosses, et il les éleva dans le Ciel ; c’est d’eux qu’il forma le Ciel spirituel, qui est le second Ciel.

« Voilà ce qui est entendu par la descente du Seigneur dans les enfers, et par la délivrance de ceux qui étaient enchaînés. »

Comme nous le lisons dans le prophète Isaïe : « L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi, car le Seigneur m’a oint pour annoncer la bonne nouvelle aux humbles ; il m’a envoyé pour panser les cœurs brisés, pour proclamer la liberté aux captifs et l’ouverture de la prison à ceux qui sont liés. » (Is. lxi. 1 ; Luc iv. 18.)

Devons-nous douter de l’existence d’une vie spirituelle indépendante de cette vie corporelle, parce que nous ne pouvons pas la voir ? Pourquoi n’y aurait-il pas d’autre vie que celle que nous voyons autour de nous dans ce monde naturel ?

Nous savons que le corps est mortel, et nous professons de croire que l’âme est immortelle. Dire que l’âme ne peut vivre sans son corps naturel revient à nier son immortalité. Un corps naturel est un corps mortel, et supposer que l’âme ne peut exister ou vivre sans ce corps revient à embrasser le paradoxe selon lequel l’immortel ne peut vivre que dans le mortel.

Un homme vit sa vie dans son corps naturel uniquement pour former son âme du mieux qu’il peut, pour développer son individualité et son proprium. Et lorsque sa carrière dans ce monde, qui n’est qu’une simple étape de préparation, est terminée, il part pour exister à nouveau dans sa propre sphère spirituelle, toujours homme dans tous les aspects essentiels et particuliers, tant sur le fond que sur la forme.

Le corps matériel n’a de substance que pour l’esprit naturel ; pour l’esprit spirituel, il n’est rien ; de même, le corps spirituel a de la substance pour l’esprit spirituel, tandis que pour l’esprit naturel, il n’est rien. Il en va de même pour les deux mondes : pour l’esprit naturel, le monde spirituel n’est rien ; pour l’esprit spirituel, le monde naturel n’est rien – seul Dieu considère les deux comme des réalités. La mort n’est donc pas un sommeil, mais le passage de l’âme du monde naturel au monde spirituel ; la porte de la résurrection, la porte de la vie éternelle.

Et le jugement suit la mort. Il n’y a pas de jugement arbitraire ; l’homme est son propre juge ; c’est-à-dire qu’il est jugé par les qualités qui constituent son esprit ou son âme, qu’elle soit composée de biens et de vérités, ou de maux et de mensonges. Dans le premier cas, il entre instinctivement dans une société de bienheureux ; dans le second, dans la société des esprits agités, ou des damnés (ceux qui sont exclus du royaume du Seigneur), car il ne peut exister dans aucune autre, de par la nature même des sphères spirituelles.

Le Seigneur sauverait tout le monde, mais les méchants ne veulent pas être sauvés. Ils aiment le mal et le faux, et haïssent le bien et le vrai, qu’ils détestent. Les enfers eux-mêmes sont prévus pour eux, uniquement par l’amour et la miséricorde infinis du Seigneur.

Les âges et les consommations dont parlent les Évangiles se rapportent exclusivement au monde spirituel, aux périodes des Églises, ou aux états et qualités de l’esprit humain en ce qui concerne la reconnaissance ou le culte et l’amour de Dieu. Ainsi, la colère de Dieu n’est pas une réalité, mais seulement une apparence, car chaque homme mauvais est son seul juge.

La vie réelle de chaque homme l’attend, dit Swedenborg, après la mort, non pas la vie civile qui apparaissait au monde et qui n’est que pure apparence, mais la véritable vie spirituelle de l’intérieur, qui n’apparaissait pas au monde ; c’est cela qui sera sa vie dans l’état futur. Car lorsque les aspects extérieurs sont supprimés, les aspects intérieurs sont mis à nu, tels qu’ils étaient secrètement pendant que l’homme vivait dans le monde ; et ainsi, on découvre que certains, qui semblaient être des anges dans le monde naturel, se sont révélés être de véritables démons dans le monde spirituel. (A. C., 7032, 7046, 4314.)

Le matérialisme est le grand rocher sur lequel le christianisme s’est principalement échoué. C’est surtout à travers le matérialisme que le scepticisme se nourrit.

Malgré l’avertissement du Christ selon lequel son royaume n’est pas de ce monde, les disciples de Paul persistent à l’attendre ici-bas. Aveuglés, ils ont suivi leur chef aveugle dans un bourbier dont ils ne peuvent se sortir. Ils voient le monde matériel qui les entoure et ont foi en lui ; ils ne voient pas le monde spirituel et ne peuvent le toucher, donc ils n’ont aucune foi en lui. Ils ne comprennent pas que la partie réellement substantielle de l’homme n’est pas son corps, mais son âme ; qu’un homme est un homme non pas en vertu de son corps naturel, mais en vertu de son esprit.

Tant que l’âme de l’homme peut habiter son corps matériel, il reste ici, mais dès que ce corps devient un logement impropre à son âme, il s’en débarrasse et abandonne sa vie naturelle. Mais l’esprit lui-même ne périt pas avec son logement matériel ; l’âme garde son existence substantielle, revêtue d’un corps substantiel parfait, adapté au monde substantiel des esprits dans lequel elle est entrée.

Le monde spirituel n’est pas un monde matériel et n’a donc aucune existence dans l’espace ; dans le monde spirituel, il n’y a ni temps ni espace, qui ne sont que des phénomènes mentaux, mais néanmoins tout à fait réels pour l’esprit naturel. Selon ce principe, même l’infini de l’espace et l’infini du temps ne sont pas plus merveilleux que l’objet le plus simple ou qu’un instant de temps.

Le matérialiste pur et simple ne peut imaginer que le temps et l’espace ne sont que des conditions ou des réalités du monde matériel ou naturel, qui est nécessairement aussi irréel pour l’esprit que le monde spirituel l’est pour l’homme naturel.

La matière elle-même n’est que relativement réelle, et non absolument, c’est-à-dire qu’elle n’est réelle que pour l’esprit naturel ; on ne peut rien dire de plus à son sujet.

Toutes ces questions sont bien sûr très difficiles à expliquer, et ne peuvent sans doute pas être parfaitement démontrées ; on ne peut que faire et accepter des suggestions, sans jamais insister sur aucune d’entre elles, car l’esprit ne peut être contraint.

Toute la nature peut être constituée d’atomes et de molécules, mais elle se présente sous forme d’ensembles organisés, disposés par un Organisateur tout-puissant.

Chaque créature possède sa propre combinaison de molécules organisées, et toutes les choses sont des formes d’usages, des plus simples aux plus complexes ; mais il doit nécessairement y avoir un créateur des usages, totalement extérieur et supérieur à toutes les formes d’usages. La science est vraie, mais toute vérité scientifique n’est que la vérité du Tout-Puissant ; tous les usages ne sont que les émanations d’un amour infini à travers une sagesse infinie.

La puissance de la matière n’est pas inhérente à la matière elle-même, mais elle est communiquée par la présence du Tout-Puissant dans toutes ses créations. Chaque création, quelle que soit sa nature, remplit les fonctions que le Créateur lui-même lui confère, et il ne peut y avoir d’autre vie ou énergie. De la plus simple à la plus compliquée, chaque forme d’usage reçoit sa puissance directement du Créateur, et cette puissance est constante parce que la Cause première est toujours présente dans tous les changements, quels qu’ils soient, régissant tous les changements, créant éternellement. Chaque atome reçoit son pôle d’attraction et de répulsion, et l’esprit humain son activité, d’une seule et même source. Chaque usage n’est qu’une forme d’ordre surnaturel ou divin, et chaque abus est un dérèglement de cet ordre. L’organisation du mâle et de la femelle est-elle un arrangement d’atomes sans but, sans pouvoir distinct et infiniment supérieur à ces atomes ?

Le matérialiste ordinaire, trop souvent athée, comme il ne peut concevoir ce qu’est devenu l’homme lorsque la vie a quitté le corps, maintient son anéantissement. Il comprend ses atomes et ses molécules et leurs combinaisons, mais il ne peut concevoir ce qui régule et ordonne ces atomes et conclut qu’ils s’organisent d’eux-mêmes. Il n’admettra pas qu’il existe une puissance intelligente qui les façonne en combinaisons et individualités singulières, dans le cadre d’un système universel dont la fin n’est pas la vie matérielle dans ce monde. Comme cette puissance inconcevable ne peut agir sans atomes et molécules dans ce monde matériel, il en conclut que la vie se trouve dans les atomes et les molécules ; et il les qualifie de vie, au lieu de comprendre qu’ils ne sont que les simples moyens naturels ou réceptacles de l’amour du Seigneur. Et il ne reconnaîtra pas que l’Amour et la Sagesse infinis qui ordonnent la vie des atomes ici peuvent également ordonner une vie dans un autre état, qui consistera en quelque chose de tout à fait différent des atomes et molécules matériels ou naturels ; et il rabaisse ainsi la Puissance Toute-Puissante au niveau inférieur de sa propre compréhension extrêmement limitée ; supposant aveuglément qu’il ne peut y avoir d’autre vie que celle qu’il connaît, le développement purement naturel de ses protoplasmes matérialistes ; telle est l’éducation athée des simples scientifiques.

Le matérialisme paulinien a détruit l’idée spirituelle, avec son corps pneumatique dans les airs, et a rendu le christianisme ridicule aux yeux des esprits purement philosophiques ou scientifiques qui, sous cette impression que le chrétien est essentiellement matérialiste, demandent avec mépris : « Où est votre paradis ? Où est votre enfer ? Il n’y a pas de place pour eux dans la nature ! » Ce qui est vrai.

Le royaume spirituel de Paul dans les airs (!) n’est que l’hallucination d’un matérialisme insensé.

Le paradis et l’enfer sont tous deux à l’intérieur de l’homme, dans son esprit, et non dans la nature ; le sceptique a raison dans sa conclusion, mais il a tort dans ses prémisses, en limitant l’univers de la création de Dieu à ce qu’il peut lui-même voir et appréhender dans son état naturel ; Pourtant, aussi grande que soit sa compréhension, il ne peut même pas saisir la nature de sa propre âme, et ne le pourra jamais, tant qu’il n’admettra pas qu’il y a quelque chose de plus dans la création que ce qu’il voit, que tout procède directement du Seigneur, qu’il existe une vie spirituelle substantielle dans un corps spirituel substantiel qui n’a aucun lien avec la matière, pour faire suite à la vie naturelle et la couronner.

La seconde venue du Seigneur, selon Swedenborg, fait référence à l’ouverture du sens interne de la Parole. « Alors ils verront le Fils de l’homme venir dans les nuées du ciel, avec puissance et grande gloire. » (Matth. xxiv. 30.)

Les nuées du ciel signifient le sens littéral de la Parole ; la puissance et la grande gloire signifient le sens spirituel, qui concerne uniquement le Seigneur et son royaume dans tous ses aspects ; c’est de ce sens que la Parole tire sa puissance et sa gloire. (A. C., 49.)

 

 

_____________

 

 

 

SECTION 6. Le sixième chef d’accusation : le célibat exalté au-dessus du mariage ; la parabole des dix vierges ; les mariages dans les cieux.

 

« Il les créa homme et femme, et ils deviendront une seule chair. » – Genèse i. 27 ; ii. 24.

 

Pour le sixième chef d’accusation, nous avons le système pestilentiel du CÉLIBAT, dont Paul doit assumer une grande part de responsabilité pour les maux qui ont opprimé la société dans ce domaine de la vie humaine ; ce principe est similaire à celui de la justification par la foi. Le monde ecclésiastique a suivi l’exemple de Paul jusqu’à son issue naturelle, bien que Paul n’ait probablement pas eu la moindre idée de ce que serait cette issue.

Le septième chapitre de la première épître aux Corinthiens est un avertissement et une exhortation contre le mariage, considéré comme un obstacle à la sainteté et aux choses du Seigneur. Ce n’est peut-être pas tant par antagonisme inhérent au mariage, mais plutôt par une conception très erronée de l’état et des perspectives du monde à l’époque, considérant toutes choses sous un angle naturel ou matérialiste. Mais ce qu’il dit du mariage montre une vision mesquine ou impure de cet état qui est sacré lorsqu’il est contracté de manière appropriée. (1 Cor. vii. 26.)

Les opinions de Paul ont sans doute été façonnées et adaptées, comme il l’imaginait, à la « détresse actuelle » qui possédait l’esprit de l’Église chrétienne naissante, en raison de l’attente quotidienne de la consommation supposée imminente de l’âge, en tant que phénomène matériel et destruction de ce monde, qui devait accompagner la seconde venue du Seigneur dans la chair, telle qu’elle était alors comprise et attendue avec impatience.

Une fin spirituelle, ou un jugement dans le monde spirituel, était bien sûr alors, comme aujourd’hui, tout à fait au-delà de la conception de l’esprit ordinaire des hommes ; et en tant que purs matérialistes, ils attendaient une réalisation matérielle de toutes les prophéties.

La fin des temps était donc attendue avec anxiété comme la destruction du monde matériel, au lieu d’un jugement universel dans le monde des esprits, auquel les paroles du Seigneur dans Matthieu faisaient exclusivement référence, car tout ce qu’il disait avait un sens spirituel interne ; un jugement en effet inappréciable même dans le monde matériel naturel. (Chap. xxiv. 30, 31.)

Et bien que cette erreur soit facilement comprise par la Nouvelle Église, elle n’était pas alors si facile à résoudre, à une époque où l’on parlait constamment des derniers jours et où chaque idée était imprégnée de matérialisme ; non pas que, à cet égard, les choses soient beaucoup mieux aujourd’hui, que ce soit parmi le clergé ou les laïcs.

Et comme nous l’avons vu, Paul lui-même était loin d’être exempt de cette erreur courante, puisqu’il est l’auteur de cette résurrection matérielle qui est l’une des plus grandes taches du christianisme moderne, si l’on peut employer ce terme pour désigner un système théologique aussi irrationnel et impraticable que le paulinisme.

Paul dit : « Mais je voudrais que vous soyez sans souci. Celui qui n’est pas marié se soucie des choses du Seigneur, comment il peut plaire au Seigneur ; mais celui qui est marié se soucie des choses du monde, comment il peut plaire à sa femme. » (1 Cor. vii. 32-34.)

Et encore : « La femme non mariée s’occupe des choses du Seigneur, afin d’être sainte tant dans son corps que dans son esprit ; mais celle qui est mariée s’occupe des choses du monde, afin de plaire à son mari. »

Voici un poison insidieux – mais je pense qu’il n’est pas moins faux que stupide – qui a éloigné des myriades de personnes des plus hautes fonctions de la charité et a complètement détruit à la fois le bonheur et sa raison d’être, voire, dans d’innombrables cas, l’âme elle-même.

La recommandation ci-dessus du célibat, telle qu’elle est formulée, sans aucune réserve, comme le seul état en véritable harmonie avec Dieu, est peut-être le plus fatal parmi tous les sentiments pernicieux contenus dans les écrits pauliniens ; ces écrits ont probablement été la source de plus de conséquences néfastes pour l’humanité et l’Église que tout autre.

« Il est bon pour un homme de ne pas toucher une femme », dit Paul. D’autre part : « Le mariage est honorable pour tous », dit l’auteur de la « Lettre aux Hébreux ». (1 Cor. vii. 1 ; Hébr. xiii. 4.)

Nous trouvons des sentiments très différents de ceux de Paul dans le Talmud : « Quiconque vit sans se marier vit sans joie, sans réconfort, sans bénédiction. » Un homme ne pouvait être membre du Sanhédrin s’il n’était pas marié et n’avait pas d’enfants, car sinon il était inapte à juger les affaires humaines.

Pourquoi un homme célibataire devrait-il se soucier particulièrement des choses du Seigneur ? Pourquoi une femme célibataire ? Ne sont-ils pas tous deux, lorsqu’ils sont éloignés des soucis familiaux, beaucoup plus enclins à développer un amour pour eux-mêmes, leurs propres plaisirs, leur propre paix et leur propre confort, plutôt que pour les choses du Seigneur ? Les hommes et les femmes ne servent-ils pas le Seigneur lorsqu’ils s’acquittent bien de leurs devoirs d’époux et d’épouses ?

Dieu a créé la femme pour être l’aide de l’homme, car il n’est pas bon que l’homme soit seul, et « c’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair » (Gen. ii. 24).

Paul, supposons-le charitablement, n’a pu adopter cette position absurde que sous l’impression que le monde allait bientôt prendre fin ! Sinon, en tant que proposition abstraite, en tant que règle de vie, c’est monstrueux. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons ici que considérer le principe inculqué dans cet enseignement fatal.

Une femme mariée ne peut-elle pas être sainte tant dans son corps que dans son esprit ? Car c’est là la conclusion que nous devons tirer des paroles de Paul, à savoir qu’une femme qui n’est pas mariée peut, de ce fait, être sainte tant dans son corps que dans son esprit ; mais si elle est mariée, cela ne peut être ; son corps au moins est corrompu, impur et impie !

Le Christ, en revanche, nous enseigne que le mariage est un état saint et que ceux qui sont unis par les liens du mariage sont réunis par Dieu lui-même, comme nous l’enseigne la Genèse.

Paul trahit donc ici la mesquinerie et l’impureté de sa propre conception du mariage. Que les femmes d’Angleterre se méfient de se laisser influencer par un guide aussi aveugle ; rien de bon ne peut sortir d’un tel leadership. Le mariage n’est impur que pour les impurs, pour qui tout est impur. Le mariage n’est impudique que pour les impudiques ; en soi, il est essentiellement chaste.

Le célibat, s’il est adopté par principe et non pour des raisons physiques conscientes, est soit un égoïsme aveugle, soit une perversité impie.

« Néanmoins », conseille Paul, « pour éviter la fornication, que chaque homme ait sa propre femme, et que chaque femme ait son propre mari. » (1 Cor. vii. 2.) Lequel de ces deux conseils un homme doit-il suivre ? Si le mariage est nécessaire pour éviter la fornication, pourquoi déconseiller le mariage ? Le mariage n’a-t-il aucune vertu intrinsèque ? N’a-t-il que le bien négatif de prévenir la fornication ? N’est-il pas la source des affections les plus exaltées de l’âme humaine ?

Paul fait grand cas de la chasteté, se présentant, comme d’habitude, comme un modèle. Mais nous sommes obligés de supposer qu’il n’avait aucune conception de la véritable sphère de l’amour conjugal, qu’il ne pouvait pas voir de lien plus élevé entre les sexes chez l’homme que celui de l’homme et de la femme naturels, pas d’alliance plus sacrée entre les hommes et les femmes que celle qui existe parmi les bêtes des champs ou les oiseaux du ciel.

Il ne pouvait imaginer que les âmes mêmes des hommes et des femmes puissent être et soient parfois des contreparties ou des compléments l’une de l’autre, et que l’esprit ait autant, voire plus, besoin d’une aide que le corps ; car les esprits complémentaires ne font qu’un, tandis que les corps ne peuvent jamais ne faire qu’un. Lorsque les esprits ou les âmes des partenaires mariés sont en harmonie, l’intérieur et l’extérieur agissent comme un seul, et c’est ce que la Parole implique lorsqu’elle dit que l’homme et la femme seront une seule chair. (Gen. i. 24.)

Paul, cependant, avoue qu’il n’a reçu aucun commandement du Seigneur à ce sujet, ce qui est honnête ; mais il aurait mieux valu qu’il ne dise rien à ce sujet. Il parle, dit-il, uniquement en tant que personne qui a obtenu la miséricorde, quoi que cela puisse signifier, et il ajoute gracieusement : « Mais si tu te maries, tu n’as pas péché ; et si une vierge se marie, elle n’a pas péché ; néanmoins, ceux-là auront des tribulations dans la chair. » (Chap. v. 28.)

Ainsi, pour atteindre la sainteté et le bonheur, il faut éviter les troubles et se réfugier dans le célibat pour échapper aux soucis du monde. Je crois que l’ensemble des épîtres pauliniennes ne contient pas de doctrine plus égoïste ou plus pernicieuse.

Swedenborg 100, en revanche, souligne avec soin à quel point le mariage est infiniment préférable au célibat, précisément en termes de sainteté et de bonheur. Le vrai mariage, dit-il, est en soi saint ; il correspond à l’union du Seigneur et de son Église, ou de la charité et de la foi, qui est l’essence même de la Parole.

Il montre que l’homme et la femme ne sont dans la plénitude de leur nature humaine que lorsque leurs âmes sont unies dans le mariage. C’est-à-dire leurs âmes autant que leurs corps ; lorsque tous deux ont non seulement appris à aimer, mais aussi à se montrer patient et indulgent ; en un mot, à se maîtriser.

Les mariages, dit Swedenborg, sont les séminaires du royaume céleste ; et toute la pureté des cieux provient de l’amour conjugal. Un ANGE est simplement une âme masculine et une âme féminine réunies par une telle union. Un ange est en fait un homme spirituel, car un homme humain n’est pas un homme, pas plus qu’une femme humaine ; tous deux sont humains et possèdent des qualités humaines spécifiques, mais pour cette raison même, aucun n’est un être humain parfait ; pour constituer un être humain complet, ou un homme, homo, les deux doivent être unis en un seul, un seul esprit, une seule vie, être littéralement un, intérieurement et extérieurement.

Il existe un passage curieux dans la soi-disant deuxième lettre de Clément de Rome aux Corinthiens, qui exprime précisément ce sentiment, et qui provient du Seigneur Lui-même. Il dit : « Car le Seigneur lui-même, interrogé par une certaine personne sur la date de l’avènement de son royaume, répondit : “Quand deux ne feront plus qu’un, et que ce qui est à l’extérieur sera comme ce qui est à l’intérieur, et que l’homme ne sera plus homme ni femme 101.” »

Que les adultères spirituels ou les falsifications de la Parole par Paul, ou au contraire les vérités de la Parole, comme en témoigne Swedenborg dans son Journal spirituel, aient trouvé sur la terre une base naturelle, nous ne pouvons rien en savoir à présent. (Diar. Majus, 4321.)

Le monde connaît par expérience cruelle les méfaits infinis auxquels a conduit le célibat systématique, privant les prêtres et autres personnes soumises à cette loi inhumaine de tout intérêt pour la postérité et leur espèce en général, leur ôtant toute sympathie humaine, les transformant en simples outils pour la promotion du pouvoir et de la richesse de « l’Église » : c’est « l’Église » qui doit être servie maintenant, et non le Seigneur. Il suffit de remplacer le mot « Seigneur » par « Église » dans les deux passages de Paul cités ci-dessus pour obtenir la définition du principe ecclésiastique moderne du célibat. (1 Cor. vii. 32, 34.)

Si les intérêts de la société, de la famille sociale, sont incompatibles avec les intérêts et la prospérité de cet organisme religieux ou ecclésiastique appelé « Église », qui usurpe un pouvoir sur les hommes dont aucun autocrate mondain n’aurait jamais osé rêver, car il se contente de limiter son pouvoir à ce monde ; si la famille sociale ne se soumet pas à l’esclavage de cette usurpation sacerdotale, alors périsse la famille sociale. Ce n’est que dans une armée de célibataires que l’on peut trouver les outils adéquats pour exercer un tel despotisme.

Et la seule autorité à laquelle l’« Église » peut faire appel pour justifier cette violation flagrante de la politique humaine est Saul de Tarse, qui avoue d’ailleurs n’avoir reçu aucun commandement du Seigneur à ce sujet.

Si Paul avait connu l’enseignement du Seigneur, il aurait pu étayer ses arguments, dans un sens naturel, en utilisant les paroles du Christ relatives aux mariages dans les cieux : –

« Car, à la résurrection, ils ne se marient ni ne sont donnés en mariage, mais ils sont comme les anges de Dieu dans les cieux. » (Matth. xxii. 30.)

« Car, lorsqu’ils ressusciteront des morts, ils ne se marieront ni ne seront donnés en mariage, mais ils seront comme les anges dans les cieux. » (Marc xii. 25.)

« Les enfants de ce monde se marient et sont donnés en mariage ; mais ceux qui seront jugés dignes d’obtenir ce monde et la résurrection d’entre les morts ne se marient ni ne sont donnés en mariage ; ils ne peuvent plus mourir, car ils sont semblables aux anges et sont enfants de Dieu, étant enfants de la résurrection. » (Luc xx. 34-36.)

Swedenborg explique qu’il y a une signification spirituelle dans tout ce que le Seigneur a dit, et qu’Il fait ici référence aux noces spirituelles, qui signifient la conjonction avec le Seigneur, qui doit être effectuée dans la vie sur terre, et lorsque cela est effectué sur terre, cela est également effectué dans les cieux. Il n’y a pas de répétition de telles noces, et si elles ne sont pas effectuées sur terre, elles ne peuvent pas être effectuées dans les cieux.

Appliqué aux mariages ou aux noces au sens naturel, qui sont des représentations de la conjonction du Seigneur avec l’Église, le sens est le suivant : si un homme ou une femme n’ont pas atteint sur terre, c’est-à-dire dans la vie naturelle, cet état de soumission de soi ou de charité, ou de bonté et de vérité combinées, qui les rend aptes au véritable mariage de l’âme, dans lequel une relative négation de soi est implicite, il leur est impossible d’y parvenir dans l’autre vie, car un tel état ne peut y être acquis ou initié. (Amour conj., 41-44, 50.)

Ces personnes non préparées sont représentées par les cinq vierges folles, qui avaient des lampes mais pas d’huile, des vérités mais pas le bien correspondant, et qui n’ont donc pas pu entrer avec les autres au festin de noces.

Elles manquaient du véritable principe de l’amour conjugal, c’est-à-dire du principe intérieur de l’état conjugal, qui est la véritable source de paix et de bonheur entre les partenaires mariés.

Dans les cieux, dit Swedenborg, il n’y a que ceux qui sont dans ce véritable mariage conjugal – les anges – car aucun autre n’est ange ; chaque ange étant une âme masculine et féminine dans ce mariage, ou unie en une seule dans l’amour du bien et l’amour de la vérité du Seigneur. Car, comme le mâle et la femelle représentent ou incarnent les qualités distinctes du « grand homme » (Maximus Homo) ou du ciel, ce n’est que dans cette union, progressivement développée vers la perfection, qu’ils peuvent devenir complètement humains. (A. C., 3637, 4225.)

Ceux qui sont dans l’amour de soi et du monde ne font pas partie du « Grand Homme » ; dans le sens suprême, seul le Seigneur est le « Grand Homme » 102.

Si donc des hommes ou des femmes se sont confirmés dans des habitudes ou des sentiments, dans leur for intérieur, opposés à l’amour conjugal, dans cette vie, au point de rendre le mariage avec un partenaire incompatible avec leurs sentiments les plus intimes et essentiellement déplaisant pour eux, donc intérieurement impossible pour eux, ils resteront dans ces habitudes ou ces sentiments dans l’autre vie, et s’excluront ainsi du ciel.

Mais si la préparation à un tel mariage spirituel est commencée dans ce monde, elle peut être perfectionnée dans l’autre monde, ou monde spirituel ; comme l’illustre le Seigneur dans la parabole des dix vierges : cinq d’entre elles, ayant l’huile nécessaire pour leurs lampes, étaient préparées et ont été admises au mariage.

Les cinq autres n’étaient pas préparées, n’ayant pas d’huile pour leurs lampes, c’est-à-dire pas de bien, bien qu’elles aient eu des vérités ou des connaissances des vérités, c’est-à-dire des lampes. Ou, ce qui revient exactement au même, elles avaient une foi sans charité, ou une foi sans œuvres, et elles ont donc été rejetées et exclues de la fête, ou du ciel.

Les vierges folles sont le type de celles qui ne sont pas en état de se marier, l’union nécessaire n’a pas sa place chez elles. Elles n’avaient pas d’huile dans leurs lampes, et quand le moment est venu, il était trop tard pour s’en procurer ; l’heure était passée, l’occasion était perdue.

Elles dormaient alors qu’elles auraient dû être debout et actives ; tout comme les hommes dorment aujourd’hui dans une indifférence totale quant à leur état spirituel, se fiant à la foi et à la miséricorde, au lieu de chercher l’huile nécessaire pour leurs lampes ou de s’approprier les biens correspondant à leurs vérités. La connaissance seule, même des vérités les plus élevées, ne peut conduire aucun homme au ciel.

Le saint mariage, qui est la vie éternelle, ne peut avoir lieu là où le bien n’est pas associé à la vérité, et comme cette association ne peut trouver son origine dans l’autre vie, elle doit se développer dans ce monde ; un homme ne peut changer son état après être passé de ce monde à l’autre.

Et en voici l’application : en tant qu’enfants de ce monde, nous devons nous marier et être donnés en mariage ; cela ne signifie pas exactement que nous devons avoir des épouses ou des maris ici-bas, mais nous devons au moins devenir aptes au vrai mariage, en expulsant ou en éliminant de notre esprit toutes les convoitises et concupiscences naturelles impures qui peuvent interférer avec le vrai mariage, ou avec l’union de la bonté et de la vérité en nous, c’est-à-dire avec les principes fondamentaux de l’amour conjugal ; ce n’est qu’ainsi que nous pouvons devenir comme les anges de Dieu dans les cieux et être des enfants de la résurrection.

 

 

_____________

 

 

 

SECTION 7. Le septième chef d’accusation : l’exaltation de soi et la convoitise de la domination. L’usurpation du pouvoir judiciaire.

 

« Quiconque s’élèvera sera abaissé. » – Matth., xxiii. 12.

 

Pour le septième chef d’accusation, en tant que leader, guide et exemple, il y a son égotisme, ou son EXALTATION DE SOI et sa SOIF DE DOMINATION, allant jusqu’à l’usurpation du pouvoir judiciaire.

Partout dans ses épîtres, je, moi et mon sont semés à profusion, comme dans le septième chapitre de « Romains », où ces pronoms personnels apparaissent quarante-neuf fois, dans environ autant de lignes ordinaires.

Il parle constamment de son évangile, de ses voies, exhortant ses disciples non pas à imiter Jésus-Christ, mais à le suivre. (Rom. ii. 16.)

« Car c’est en Jésus-Christ que je vous ai engendrés, par l’Évangile. C’est pourquoi je vous exhorte à être mes disciples. C’est pour cette raison que je vous ai envoyé Timothée, qui vous rappellera mes voies en Christ, telles que je les enseigne partout dans toutes les Églises. » (1 Cor. iv. 15, 17.)

« C’est ainsi que j’ordonne dans toutes les Églises. » (Chap. vii. 17.)

« Je voudrais que tous les hommes soient comme moi. » (Chap. vii. 7.)

« Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Christ. » (Chap. xi. 1.)

« Car je vous ai fiancés à un seul époux, afin de vous présenter à Christ comme une vierge pure. » (2 Cor. xi. 2.)

« Ne suis-je pas apôtre ? Ne suis-je pas libre ? N’ai-je pas vu Jésus (Christ) notre Seigneur ? N’êtes-vous pas mon œuvre dans le Seigneur ? » (2 Cor. xi. 1.)

Il ne nous a jamais dit comment, quand ni où il a vu le Seigneur. Il ne l’a jamais vu en chair et en os.

Pourtant, malgré tout ce qu’il dit, il professe avoir reçu l’autorité du Seigneur : « Car je n’oserais parler de rien de ce que le Christ n’a pas accompli par moi. » (Rom. xv. 16.)

Mais il avoue honnêtement qu’il n’a pas reçu du Seigneur sa dénonciation oraculaire du mariage. (1 Cor. vii.)

Dans ses prétendus accès d’humilité, même lui ne peut s’empêcher d’être ostentatoire, se vantant de sa volonté de se sacrifier pour ses disciples : « Car je souhaiterais moi-même être maudit et séparé de Christ pour mes frères. » (Rom. 9 :3.)

C’est protester un peu trop, et comme c’est une aspiration tout à fait irréalisable, on peut la qualifier d’aussi folle que fausse.

Encore une fois : « Car je suis le moindre des apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu. » (1 Cor. xv. 9.)

Mais il se débarrasse rapidement de cette humeur maussade, car dans le verset suivant, il écrit : « Mais j’ai travaillé plus abondamment que tous. » (1 Cor. xv. 10.)

Et ailleurs : « Je ne pense pas avoir été en rien inférieur aux apôtres les plus éminents. » (2 Cor. xi. 5, 6.)

La gloire des apôtres semble malheureusement lui être restée en travers de la gorge.

Comme exemple de sa charité et de sa tolérance envers ceux qu’il aurait dû considérer comme ses compagnons de travail dans la vigne, nous avons le célèbre passage de la lettre aux Galates, après environ vingt ans d’efforts missionnaires.

« Mais celui qui vous trouble portera son jugement, quel qu’il soit. » Ce qui fait probablement référence à l’apôtre Jacques ? Il poursuit : « Et moi, frères, si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je encore persécuté ? Alors l’offense de la croix a cessé. »

« Je voudrais que ceux qui vous troublent soient retranchés. » (Gal. v. 10-12.)

Certains commentateurs interprètent ce dernier souhait bienveillant comme signifiant : « Je souhaite que ceux qui vous troublent soient non seulement circoncis, mais aussi castrés 103 ! »

Pourtant, le souhait qu’ils soient retranchés, c’est-à-dire du salut, semble être une interprétation plus simple. Quant à la charité des deux souhaits, il n’y a guère de différence entre eux.

Dans la chaleureuse épître aux Philippiens, nous avons : –

« Vous êtes tous participants de ma grâce. » (Phil. i. 7.)

« Frères, soyez tous mes imitateurs, et regardez ceux qui marchent selon l’exemple que vous avez en nous. » (Phil. iii. 17.)

« Ce que vous avez appris, reçu, entendu et vu en moi, mettez-le en pratique, et le Dieu de paix sera avec vous. » (Phil. iv. 9.)

« Si quelqu’un d’autre pense avoir des raisons de se confier dans la chair, j’en ai davantage. » (Phil. iii. 4.)

« Je rends grâce à mon Dieu, je parle en langues plus que vous tous. » (1 Cor. xiv. 18.)

Cette glorification de sa supériorité présomptueuse semble sans limite. Il a peu réfléchi, s’il l’a jamais entendu, à l’avertissement du Seigneur contre ceux qui se mettraient en avant. Et tous les passages ci-dessus sont tirés de ses lettres, dont l’authenticité ne fait aucun doute.

La présomption que nous venons de citer dans le troisième chapitre de l’épître aux Philippiens (Phil. iii. 17) est encore plus poussée dans les lettres apocryphes ou scolaires, comme dans la deuxième épître aux Thessaloniciens et la première épître à Timothée. Je ne tiens pas Paul pour responsable de ces paroles, même si elles sont peut-être les siennes, mais il est pleinement responsable des prétentions affirmées et est l’inventeur des notions inculquées, étant lui-même toujours la figure de proue dans toutes les perspectives. Ainsi, ce qui suit a une consonance paulinienne authentique : « Si quelqu’un n’obéit pas à notre parole dans cette épître, notez cet homme et ne le fréquentez pas, afin qu’il ait honte. » (2 Thess. iii. 14.)

« C’est pour cela que j’ai obtenu miséricorde, afin que Jésus-Christ fît voir en moi le premier toute sa longanimité, pour que je servisse d’exemple à ceux qui croiraient en lui pour la vie éternelle. » (1 Tim. i. 16.)

C’est franc, il n’y a pas de détours ; ce n’est pas le Seigneur lui-même qui est présenté comme notre modèle, mais Saul de Tarse ; et celui qui ne suit pas cet homme modèle, qui ne se laisse pas guider implicitement par lui, doit être mis au ban, excommunié, considéré comme un paria. C’est là la charité paulinienne ; c’est la mise en pratique de cette grande vertu qu’est l’amour du prochain, sans lequel l’homme n’est rien, dit-il. (1 Cor. xiii. 22.)

Tout soumettre à son pouvoir et à son influence, comme il le trahit dans d’innombrables passages, était l’ambition stimulante de Paul : être un chef d’hommes. C’était la gloire à laquelle il aspirait – une gloire de ce monde – et une gloire qu’il a exigée de manière merveilleuse d’une multitude irréfléchie, séduite par les facilités séduisantes de la justification offerte par la foi. « Et ils glorifiaient Dieu en moi », s’exclame-t-il avec jubilation dans son épître aux Galates. (Gal. i. 24.)

Il s’est placé au-dessus de la loi, comme il le proclame dans la première épître aux Corinthiens, où il déclare avec une impudence sans pareille : « Tout m’est permis, mais tout ne convient pas ; tout m’est permis, mais moi je ne me laisserai asservir par rien. » (1 Cor. vi. 12.) Et il ne se contente pas de le dire une fois, mais il le répète dans le dixième chapitre de cette lettre. (1 Cor. x. 23.)

Le monde s’est demandé quel motif Paul pouvait avoir pour son apostolat zélé, si ce n’est la prédication désintéressée du salut par le sang du Christ, afin que d’autres « puissent être participants de Sa grâce ». (Phil. i. 7.)

Ne répond-il pas lui-même pleinement à cette question dans toutes ces louanges de soi-même et autres prétentions encore plus élevées pour son évangile ? Qu’il soit l’égal des principaux apôtres est une hypothèse modeste ; c’est son évangile que le monde devait suivre, et il devait être le modèle que toute la terre devait prendre pour exemple à imiter, afin que Dieu soit glorifié en lui. Cela aurait été un motif suffisant pour son ambition, indépendamment du pouvoir qu’il exerçait effectivement sur ses disciples.

L’amour de la gloire et de la domination est-il un défaut humain si rare, est-il si rarement le moteur de l’énergie humaine, qu’il ne nous viendrait pas à l’esprit d’expliquer la vigueur indomptable de Paul comme provenant de cette source alors que lui-même la désigne et trahit si constamment son intense amour de soi ou du pouvoir ? Il parle du monde entier comme s’il n’était qu’une simple arène pour son étalage et sa gloire. Il appelle le monde à Christ, mais c’est à son Christ, la créature de son imagination, et non au Christ des Évangiles, dont il ne savait rien, selon sa propre confession, car il n’avait rien reçu des hommes !

Chaque homme œuvre pour atteindre ses propres délices, et rien n’est plus délicieux à l’amour-propre que la gloire et le pouvoir, et il n’y a pas de limite à l’énergie de ceux qui sont animés d’un amour intense, dans leurs efforts pour atteindre la gloire et le pouvoir. Paul a vu ce champ s’ouvrir à lui et s’en est emparé, et ce qui est encore plus remarquable, il a atteint son but. Et il l’a atteint non pas en étant le coadjuteur des apôtres du Seigneur, mais en étant leur adversaire, comme cela a été montré à plusieurs reprises dans plusieurs chapitres du présent essai. Non pas que les apôtres eux-mêmes fussent beaucoup plus sages que Paul en ce qui concerne la nature du royaume du Seigneur. À titre d’exemple, Jacques et Jean, qui demandèrent au Christ de pouvoir s’asseoir l’un à sa droite et l’autre à sa gauche dans son royaume, ce à quoi il répondit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez » ; et aux autres apôtres, il fit remarquer : « Si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre ministre ; et si quelqu’un veut être le chef parmi vous, qu’il soit votre serviteur ». (Matth. xx. 21, 27.)

Ne pouvons-nous pas appliquer à juste titre cette réprimande à Paul comme une préfiguration de son état futur, tel que décrit par Swedenborg ?

Nous avons déjà insisté sur l’incohérence totale de la doctrine du mérite de Paul dans son propre cas et sur l’absence absolue de mérite chez tous les autres. Mais l’auteur des lettres à Timothée pousse cette prétention à l’extrême. « Désormais, affirme-t-il, la couronne de justice m’est réservée, que le Seigneur, le juste juge, me donnera en ce jour-là. » Parce qu’il a combattu le bon combat, achevé sa course et gardé la foi. (2 Tim. iv. 7, 8.)

Ses admirateurs s’obstinent à affirmer que les lettres à Timothée sont authentiques, bien que des juges compétents les rejettent comme étant bien postérieures à Paul. Cependant, ce n’est pas seulement dans les lettres douteuses que l’on trouve de tels exemples d’arrogance démesurée. Ses épîtres authentiques, comme nous l’avons vu, regorgent des mêmes auto-louanges. Il semble avoir été tout à fait inconscient ou peu familier avec les dénonciations évangéliques d’une telle exaltation personnelle.

Le Seigneur dit dans Marc : « Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous. » (Marc ix. 35.)

Et dans Jean, nous trouvons : « Celui qui parle de lui-même cherche sa propre gloire ; mais celui qui cherche la gloire de celui qui l’a envoyé, celui-là est vrai, et il n’y a pas d’injustice en lui. » (Jean vii. 18.)

Encore dans Matthieu : « Quiconque s’élèvera sera abaissé, et celui qui s’abaissera sera élevé. » (Matth. xxiii. 12.)

L’intolérance et l’empressement de Paul à imposer ses propres opinions – son évangile, comme il l’appelle – en opposition à l’enseignement des apôtres du Seigneur, sont extraordinaires, comme dans sa lettre aux Galates déjà citée. Et en ce qui concerne son zèle personnel pour le prosélytisme, nous pouvons ici encore citer les paroles mémorables du Seigneur aux pharisiens dans le sermon sur la montagne : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! car vous parcourez la mer et la terre pour faire un prosélyte, et quand il l’est devenu, vous en faites un fils de l’enfer (γεέννης) deux fois plus que vous. » (Matth. xxiii. 15.)

Paul se vantait d’être pharisien et fils de pharisien.

Il poussait son orgueil d’indépendance et d’affirmation de soi à un tel extrême qu’il prétendait avoir reçu une révélation spéciale du Seigneur lui-même concernant l’institution de la « Cène du Seigneur », ou sacrement de l’Eucharistie.

Bien sûr, il n’en avait rien appris de Pierre et de Jacques pendant son séjour de quinze jours à Jérusalem, ni des chrétiens de Damas et d’Antioche. Si ce n’était pas là une illusion aveugle, et s’il y a un passage dans ses épîtres qui, plus qu’un autre, l’expose à l’accusation d’imposture, c’est bien celui de sa première lettre aux Corinthiens, dans lequel il revendique cette intervention divine spéciale en sa faveur, pour communiquer une chose déjà communiquée par le Christ lorsqu’il était dans le monde, et qui était alors, lorsque Paul l’apprit, un souvenir familier à tous les chrétiens, comme des mots d’usage courant. (1 Cor. xi. 23, 25.)

« Car », dit Paul, « j’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai aussi transmis, que le Seigneur (Jésus 104) la nuit même où il fut trahi, prit du pain ; et après avoir rendu grâces, il le rompit et dit (prenez, mangez*) : Ceci est mon corps qui est (rompu*) pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. De même, après avoir soupé, il prit la coupe, en disant : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang. Faites ceci en mémoire de moi toutes les fois que vous en boirez. »

Les mots dans l’Évangile de Luc sont très similaires, mais comportent des différences.

« Ceci est mon corps, qui est donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. »

« Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, qui est répandu pour vous. » (Luc xxii. 19, 20.)

Paul revendique l’infaillibilité ; en ce qui concerne son enseignement, il dit qu’il ne l’a pas appris des hommes, mais qu’il provient entièrement de la « révélation de Jésus-Christ ». Il ne nous dit pas comment, quand ni où il a reçu son évangile. Ce n’était pas lorsqu’il a été enlevé au troisième ciel, car il ne nous a rien dit de cette expérience, n’ayant entendu que des paroles indicibles.

Son arrogance démesurée se manifeste dans l’hypothèse insensée du pouvoir judiciaire.

« Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges, et à plus forte raison les choses de cette vie 105 ? » (1 Cor. vi. 3.)

Anticipant ainsi pleinement les vaines prétentions des papes de Rome – les infaillibles.

« Comme je l’ai déjà dit, je le répète maintenant : si quelqu’un vous annonce un autre évangile que celui que vous avez reçu, qu’il soit maudit. » (Gal. i. 9.)

« Si moi-même ou un ange venu du ciel vous annonce un évangile différent de celui que je vous ai prêché, qu’il soit maudit. » (Gal. i. 8.)

Il se considérait comme au-dessus de la loi, « libre de la loi du péché et de la mort » (1 Cor. 6 :12 ; Rom. 8 :3).  S’étant très probablement convaincu qu’il faisait partie des élus qui devaient rencontrer le Christ dans les airs lors de sa seconde venue, il transféra la sainteté présumée de sa fonction apostolique à sa propre personne. Il était libre du péché et de la mort, il ne pouvait pas pécher en sa propre personne ; pour lui, comme il le professait, tout lui était permis. (1 Thess. iv. 15-17.)

Nous avons en effet souvent trouvé de telles présomptions consignées dans l’histoire, et même à notre époque, chez les prêtres romains et autres.

Swedenborg a fait remarquer à propos de cette prétention à la sainteté ou à l’immunité : « Dans la mesure où le prêtre revendique pour lui-même quelque chose de la sainteté de sa fonction ou de son sacerdoce, il est un voleur spirituel. » (A. C., 3670.)

De même, en ce qui concerne la prétention au pouvoir judiciaire : « Les prêtres ne devraient pas revendiquer pour eux-mêmes aucun pouvoir sur les âmes des hommes, dans la mesure où ils ne connaissent pas l’état intérieur de l’homme ; ils devraient encore moins revendiquer pour eux-mêmes le pouvoir d’ouvrir et de fermer le Ciel, puisque ce pouvoir appartient au Seigneur seul. » (A. C., 10795.)

Paul s’est arrogé ce pouvoir, non seulement sur les hommes, mais aussi sur les anges, comme nous l’avons vu. Et il n’a pas épargné ceux qui s’opposaient à lui dans ses pérégrinations missionnaires, comme l’illustre déjà l’épître aux Galates, condamnant apparemment ces compagnons missionnaires qui, sous l’influence de l’apôtre Jacques ou de l’Église de Jérusalem, avaient tenté de ramener les Galates au respect de la loi, mais pas de celle du Christ 106. (Gal. v. 13.)

Nous trouvons des exemples quasi particuliers de l’exercice de ce pouvoir judiciaire imaginaire par Paul dans les lettres à Timothée, qui, bien qu’elles ne soient pas de Paul, sont essentiellement pauliniennes.

Un certain Hyménée s’opposait à la prédication de Paul, « disant que la résurrection était déjà passée ». Il était donc un profane et un vain bavard. Hyménée avait sans doute raison. Une résurrection dans le monde spirituel après la passion du Christ est mentionnée dans Matthieu, passage remarquable qui a fait l’objet de quelques explications 107.

Alexandre, le chaudronnier, en était un autre qui avait offensé Paul et lui avait causé beaucoup de tort, dit la lettre à Timothée, et l’auteur a l’audace de dire, au nom de Paul, que parmi ceux qui ont fait naufrage dans la foi se trouvent : « Hyménée et Alexandre, que j’ai livrés à Satan, afin qu’ils apprennent à ne pas blasphémer. » Nous devons en déduire que cette remise à Satan était une habitude chez Paul lorsqu’il était indigné par ses adversaires, car cet esprit même se manifeste chez Paul lui-même dans de nombreux passages des lettres authentiques. (1 Tim. i. 20 ; 2 Tim. ii. 18 ; iv. 14.)

Il y a suffisamment de condamnations dans les épîtres pauliniennes pour justifier en partie le recours libéral des pontifes romains aux anathèmes.

Paul professe en effet ailleurs que son pouvoir ne lui a pas été donné à ces fins, mais uniquement à des fins d’illustration et d’instruction. « Car si je me glorifie un peu plus de l’autorité que le Seigneur nous a donnée pour votre édification, et non pour votre destruction, je n’en aurai pas honte. » (2 Cor. x. 8.)

« Loin d’avoir ce pouvoir de damnation, dit Swedenborg, ceux qui s’en arrogent sont eux-mêmes en enfer. » (Adversaria, n° 1480.)

Paul fait l’éloge de la charité, qui est souvent citée et longuement commentée, mais nous trouvons très peu d’illustrations de celle-ci dans sa propre pratique ; prêcher la charité ne coûte pas grand-chose.

« Et même si, dit-il, j’avais toute la foi, au point de pouvoir déplacer des montagnes, mais que je n’avais pas la charité, je ne serais rien. » – « La charité est patiente, elle est bienveillante », etc. – « Elle ne se vante pas, elle ne s’irrite pas, elle supporte tout », etc.

« La foi, l’espérance, la charité, ces trois choses demeurent ; mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité. » (1 Cor. xiii. 2, 4, 7, 13.)

Nous venons de voir quelques exemples de la manière dont ses actes étaient en harmonie avec sa profession ; il nous en a donné d’autres dans son récit des premières persécutions qu’il a subies et dans le style avec lequel il s’est adressé aux apôtres à Antioche, et à Pierre en particulier.

Il semble avoir toujours été prêt à maudire.

« Si quelqu’un n’aime pas le Seigneur 108, qu’il soit anathème, maranatha. » (1 Cor. xvi. 23.)

C’est-à-dire s’il n’aime pas le Seigneur à la manière de Paul ou s’il n’adhère pas aux opinions de Paul.

Il n’a guère tenu compte du conseil que le Seigneur a donné à ses apôtres, s’il l’a connu, ce qui est possible mais peu probable : « Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; soyez donc prudents comme les serpents et simples comme les colombes. » (Matth. x. 16.)

Paul semble avoir été l’un de ces êtres qui sont tellement esclaves de leur propre volonté qu’ils ne supportent pas la contradiction. Nous avons tous rencontré de telles personnes dans notre propre vie, suffisamment aimables lorsqu’elles ne sont pas contrariées, mais tellement imbues d’amour-propre qu’elles perdent tout contrôle d’elles-mêmes lorsqu’elles sont contrariées dans un dessein qui leur tient à cœur. Et c’est ainsi que nous cherchons en vain l’esprit de Dieu dans la pratique de Paul.

Son propre disciple et érudit, Augustin, que j’ai déjà appelé à mon aide sur ce point, n’a pas manqué de remarquer l’incohérence entre les prétentions de Paul au mérite et à la justice, et ses propres principes, dans les passages vantards qui lui sont attribués dans la deuxième épître à Timothée, sur son maintien de la foi et sa couronne de justice. (2 Tim. iv. 6, 8.)

Qu’est-ce que garder la foi ? Comment Paul l’a-t-il gardée, en la professant ou par ses œuvres ? Était-ce peut-être la « foi qui agit par l’amour » ? (Gal. vi. 15.)

Il serait difficile de montrer, ou même d’expliquer, comment une foi sans œuvres peut être gardée.

Augustin dit qu’il a trouvé Paul sans aucun mérite, mais avec de très nombreux défauts. Pourtant, ayant acquis la grâce de Dieu, don gratuit de Celui qui rend le bien pour le mal avec miséricorde, il s’attendait à recevoir une couronne de justice du Juge juste en récompense de ses mérites ; ces bons mérites, cette justice acquise n’étant rien d’autre que le don gratuit du Père miséricordieux, dont la grâce justifie les impies.

Pourtant, indépendamment de ce don gratuit de la grâce, les mérites de Paul ne sont rien d’autre que mauvais, selon son propre aveu.

Où donc se trouve le mérite à récompenser ? Et comment quelqu’un peut-il mériter ou revendiquer une couronne de justice, alors que la justice elle-même n’est qu’un don gratuit, ou la grâce de Dieu 109 !

C’est donc ce qu’enseigne Paul lui-même, et ce n’est qu’une application équitable de sa propre doctrine à son propre cas.

Sa revendication, ou la revendication en son nom, d’une couronne de justice est tout simplement monstrueuse, selon ses propres principes ; du moins lorsqu’il les applique aux autres, car l’homme ne peut rien faire pour son propre salut, comme il l’a proclamé de multiples façons, malgré ses citations à l’effet contraire, lorsque cela lui convenait.

Comme dans Romains : « Étant justifiés gratuitement par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ. » * (Rom. iii. 24.)

Encore : « À celui qui ne fait pas d’œuvre, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi est comptée comme justice. » (Rom. iv. 5.)

Et encore plus fortement dans « Éphésiens », qui, bien qu’il ne soit pas réellement de Paul, est identique dans son principe, et par un disciple dévoué de son évangile :

« Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi – διὰ της πίστεως – ; et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. » (Éphés. ii. 8.)

À qui donc la couronne de justice ? Et si ce n’est à personne d’autre, pourquoi à Paul lui-même ?

S’il y avait une quelconque vérité dans un dogmatisme tel que cette justification gratuite de la grâce, indépendamment des actes, toute prédication serait vaine – tout serait paradoxe.

La profession de foi, ou même la conviction de foi, n’est pas la foi en soi ; il ne peut y avoir de foi sans œuvres ; on ne saurait trop insister sur ce point.

La vraie foi, selon la définition large de Swedenborg, n’est ni plus ni moins que l’amour du Seigneur, la charité envers le prochain et une vie en conséquence.

Il ne peut y avoir de justification ni de paix avec Dieu par le biais d’une autre foi ; attendre cela de la foi seule, c’est-à-dire d’une foi qui prétend exister indépendamment de la vie menée, aussi fermement professée soit-elle, est tout simplement de la folie.

Une foi qui peut être considérée comme juste est donc quelque chose de très différent de la croyance ; il doit s’agir d’une conviction active qui régit et contrôle entièrement toute la vie, telle que la définit Swedenborg.

Par conséquent, celui qui n’agit pas et ne fait que croire ne peut avoir aucune foi ; et il ne peut avoir aucun mérite pour aucune croyance, selon le système paulinien, car c’est le don gratuit, c’est-à-dire immérité, de Dieu.

Augustin a bien raison de s’élever contre la couronne de justice usurpée dont Paul s’est couronné, et pas seulement dans la lettre réputée à Timothée.

 

 

_____________

 

 

 

RÉSUMÉ.

 

Les épîtres pauliniennes ne sont pas du tout une bonne lecture pour l’Église du Christ.

 

Si l’énoncé et l’examen qui précèdent sont une exposition juste des doctrines de Paul (et malgré certaines citations de la Parole d’un caractère opposé, il est incontestable qu’il a proclamé les principes de religion rejetés ci-dessus), il est clair qu’il ne les a pas tirés de la Parole, à laquelle seul il aurait dû se référer pour la doctrine ; il doit donc les avoir tirés de ses propres convictions originales ; il a ainsi justifié l’opinion et le jugement de Swedenborg sur ses œuvres, selon lesquels « il a tout tiré de lui-même ». (Diar. Maj., n° 4824.)

Paul n’a donc rien pris de l’enseignement du Seigneur et n’a rien appris de Lui ; c’est ce qu’affirme également Swedenborg, dans le même numéro de son Journal spirituel ; Swedenborg ajoute que Paul n’était pas autorisé à prendre quoi que ce soit du Seigneur, car il n’aurait fait que profaner tout ce qu’il touchait par son propre moi.

Il n’a certainement pas tiré de l’enseignement du Christ ses dogmes particuliers sur l’expiation ou l’imputation de la justice du Christ, sur la justification par la foi sans les œuvres, sur la prédestination ou l’élection de la grâce. Il n’est pas non plus possible qu’il ait tiré du Seigneur ses notions absurdes sur la résurrection finale, bien qu’il dise lui-même l’avoir fait, comme nous l’avons vu ; il n’a pas non plus tiré du Seigneur ses étranges sentiments sur les avantages spirituels du célibat ; mais concernant ces derniers, il admet qu’il n’avait reçu aucun commandement du Seigneur. Et ce sont là les mauvaises herbes que « l’ennemi » a semées parmi la bonne semence.

Comme Swedenborg déclare que Paul a tiré toutes choses de lui-même, et rien de Jésus-Christ, il semble presque impossible qu’il ait pu inclure les épîtres de Paul parmi les écrits des apôtres qu’il a qualifiés de bons livres pour l’Église dans sa lettre au Dr Beyer 110. Dans le passage mentionné, il n’a pas associé le nom de Paul à celui des « apôtres », comme il l’avait fait dans la première partie de la lettre, où il explique pourquoi il n’a pas cité Paul ou les apôtres dans son grand ouvrage des Arcanes célestes, et nous n’avons pas besoin de l’interpoler, que ce soit en acte ou par implication.

Et le nom de Paul est totalement omis dans le passage similaire de l’Apocalypse expliquée où Swedenborg dit que les épîtres des apôtres, bien qu’elles n’aient pas de communication directe avec le ciel, sont néanmoins des livres très utiles à l’Église. (N° 815.) Le nom de Paul n’est mentionné nulle part dans l’Apocalypse expliquée.

J’insiste sur ce point parce que ce passage a été saisi par les défenseurs de Paul comme une preuve que Swedenborg approuvait les épîtres pauliniennes et recommandait ou encourageait leur lecture dans l’Église ; mais même si cette opinion était justifiée, elle ne pourrait s’appliquer qu’à l’état de corruption de l’Église à son époque, alors qu’elle n’avait aucune connaissance des biens ou des vérités, comme il le déclare à plusieurs reprises ; car il a admis que Paul avait rendu un service d’une certaine utilité.

La véritable opinion, ou plutôt le jugement, de Swedenborg sur les épîtres pauliniennes ne peut être lu que dans son Journal spirituel, où l’on trouve une condamnation sans réserve de celles-ci ; de sorte que les sentiments exprimés dans ses lettres privées ne représentent pas le résultat de ses expériences spirituelles, mais seulement une opinion modifiée et réservée, apparemment par déférence envers les préjugés éducatifs de ses amis en Suède.

La valeur et le caractère de ses citations de Paul dans La Vraie Religion chrétienne seront discutés dans un autre chapitre, où se trouve la lettre en question. (Chap. XVIII.)

Nous devons donc conclure que les épîtres pauliniennes et les évangiles sont tout à fait incompatibles.

Ce que Paul enseignait semble être ceci : Jésus-Christ, en se donnant lui-même en offrande pour apaiser un Dieu offensé, est devenu le bouc émissaire des offenses des hommes, éliminant ainsi le péché et la mort, sanctifiant même les impies ; et que tous ceux qui croyaient, qu’ils soient juifs ou païens, que leurs péchés avaient été lavés par le sang du Christ, hériteraient, par le simple fait de leur foi (διὰ πίστεως) en cette expiation, de la vie éternelle en tant qu’élus de Dieu, et demeureraient avec son Fils divin, le Messie, dans son royaume glorieux, qui serait immédiatement établi dans ce monde. (Rom. iii. 25.)

Telle est la vertu de la foi qu’il inculquait, même sans œuvres, mais seuls les élus pouvaient avoir cette foi, c’est-à-dire ceux qui étaient prédestinés depuis le commencement. Car la foi, la justice de Paul, était le don gratuit de la grâce ! (Rom. iii. 28 ; xi. 5-7.)

Jésus-Christ n’enseignait pas cela, ni rien de semblable. Il enseignait que tous ceux qui se tournaient vers le vrai Dieu, révélé à eux dans Sa propre Humanité Divine (finalement glorifiée, c’est-à-dire rendue une avec le Père, dans Sa passion sur la croix), et qui menaient une vie conforme aux commandements, c’est-à-dire qui aimaient Dieu de tout leur cœur et leur prochain comme eux-mêmes, hériteraient de la vie éternelle, dans Son royaume céleste, qui, nous dit-Il, n’est pas de ce monde ! (Jean xviii. 36.)

Dans l’œuvre de la rédemption de l’homme, il n’y a aucune allusion à un sacrifice à un tiers, aucun Père courroucé à apaiser, aucun sacrifice par procuration, aucune foi imputative ; mais l’homme n’est réconcilié avec Dieu le Sauveur qu’en abandonnant ses mauvaises voies pour suivre celles du Seigneur ; aucune foi ne l’aidera sans cela.

Il peut maintenant, grâce aux victoires du Christ sur les enfers et à sa « destruction des œuvres du diable » (c’est-à-dire de l’amour-propre), en embrassant la bonté et la vérité dans la foi en Jésus-Christ, comme Seigneur Dieu le Sauveur, se détourner de la mort spirituelle pour accéder à la vie éternelle. Et ceux qui font cela sont les Élus. (Jean, 1re épître iii. 8.)

Tout le drame de la Rédemption est une œuvre d’amour divin du début à la fin, car « Dieu est amour ».

Il n’y a pas de colère divine, au sens vulgaire du terme ; une expiation à Dieu est impossible ; le chrétien n’a rien à voir avec les formes juives de piété extérieure.

Il n’y a pas de condamnation, sauf pour les méchants, qui se condamnent eux-mêmes, qui s’excluent eux-mêmes ; il n’y a pas d’élection de grâce, car tous sont prédestinés à l’origine pour le ciel ; mais l’homme doit coopérer à son propre salut, en se détournant résolument de lui-même et du monde pour se tourner vers Dieu, en menant une vie de charité et de service, par amour de la bonté et de la vérité.

Tels sont les attributs divins essentiels ; toutes choses sont comprises dans l’amour infini et la sagesse infinie du Seigneur, d’où toute la création a procédé et par lesquels toute la création est toujours maintenue.

Loin donc que ces lettres pauliniennes soient de bons livres pour l’Église, ne sommes-nous pas plutôt contraints, après une enquête impartiale, de conclure qu’il serait difficile de trouver une lecture bien pire pour la véritable Église chrétienne, dans laquelle le Seigneur est adoré dans son humanité divine, que les lettres impulsives et paradoxales de Saul de Tarse, qui ne sont guère plus qu’un amas d’hérésies et d’autoglorifications ?

L’objectif de l’analyse qui précède était de discuter chaque dogme selon ses propres mérites et de le tester à l’aune des Écritures, et non pas uniquement à l’aune du jugement personnel ; bien que le raisonnement naturel ne doive en aucun cas être exclu du test de l’application pratique de tout principe, tant en morale qu’en physique. Seulement, nous devons veiller à ce que la lumière qui guide notre éthique provienne de la Parole.

L’auteur est fermement convaincu que le vrai christianisme ne peut progresser chez aucun homme tant que tous les dogmes originaux de Paul n’ont pas été complètement effacés de son esprit.

 

 

Je conclurai ce long chapitre par le remarquable résumé suivant, sur l’esprit de l’enseignement de Paul, par M. Ernest Renan, dans son Origines du Christianisme, écrit de manière trop ouvertement favorable à Paul.

« Paul voit de nos jours finir son règne ; Jésus, au contraire, est plus vivant que jamais. Ce n’est plus l’Épître aux Romains qui est le résumé du christianisme, c'est le Discours sur la montagne.

« Le vrai christianisme, qui durera éternellement, vient des Évangiles, non des Épîtres de Paul.

« Les écrits de Paul ont été un danger et un écueil, la cause des principaux défauts de la théologie chrétienne ; Paul est le père du subtil Augustin, de l’aride Thomas d’Aquin, du sombre calviniste, de l’acariâtre janséniste, de la théologie féroce qui damne et prédestine à la damnation. » (Saint Paul, vol. ii, chap. xxii.)

 

 

 

 

 

 

 

LIVRE V.

 

PAUL ET SWEDENBORG.

 

—————

 

 

 

CHAPITRE XVIII.

 

CITATIONS DE SWEDENBORG TIRÉES DES ÉPÎTRES DE PAUL, DANS LA VRAIE RELIGION CHRÉTIENNE, ILLUSTRATIONS UNIQUEMENT DE L’ENSEIGNEMENT DE PAUL SUR LA FOI EN JÉSUS-CHRIST ET LES ŒUVRES ; MONTRANT AINSI QU’IL N’EST PAS EN HARMONIE AVEC LES ÉGLISES RÉFORMÉES – LA FOI DE PAUL EST EN RÉALITÉ UNE FOI DANS LE PÈRE, ET NON DANS LE FILS EN TANT QUE DIEU – PAUL ET SWEDENBORG SONT SUBSTANTIELLEMENT IRRÉCONCILIABLES.

 

CONSIDÉRANT les caractéristiques que Swedenborg, aux numéros 4824 et 6062, fait ressortir dans les écrits de Paul, et plus particulièrement la remarque selon laquelle, parce que l’Église a expliqué la Parole à travers les épîtres de Paul, elle s’est éloignée partout du bien de la charité, il est surprenant qu’il ait jugé bon de citer Paul dans ses propres écrits.

Il n’a toutefois cité que très peu de passages, et ce dans un but précis, non pas pour illustrer ses propres doctrines, mais pour montrer que, sur deux points essentiels, l’Église actuelle a mal compris ou ignoré Paul, bien qu’elle l’ait largement adopté comme son grand apôtre et guide, accordant relativement peu d’attention aux évangiles ; ces points sont : – à qui la foi est due et la nécessité des œuvres, ainsi que de la foi.

Dans ses Arcanes célestes et dans son Apocalypse expliquée, qui contiennent ensemble quelque 20 000 références ou citations des Écritures, il n’y a pas une seule allusion aux écrits de Paul.

Son propre enseignement est bien sûr absolument indépendant de Paul, avec lequel il n’a en effet rien en commun, et il n’a pas eu besoin de le citer pour illustrer l’une ou l’autre de ses propres doctrines.

Il n’y a cependant aucune incohérence à ce qu’il cite Paul pour illustrer la doctrine erronée des Églises chrétiennes actuelles, c’est-à-dire les confessions protestantes, dont les doctrines sont professées comme étant principalement fondées sur Paul, et pour montrer en conséquence qu’elles sont en contradiction même avec leur propre chef reconnu.

Dans son dernier ouvrage, La Vraie Religion chrétienne, quelque dix-huit passages sont cités sur divers sujets controversés, certains d’entre eux à plusieurs reprises ; mais parmi ceux-ci, seuls quelques-uns sont cités indirectement par Swedenborg ; c’est-à-dire qu’ils sont mis dans la bouche des interlocuteurs, dans ses Memorabilia, ou discussions sur des questions de foi et de doctrine dans le monde spirituel ; où chaque interlocuteur explique ses propres points de vue et cite naturellement le maître dont il les a initialement tirés. Il ne s’agit donc pas de citations de Swedenborg, bien qu’il les ait consignées. Il n’a jamais fait directement appel à Paul pour corroborer l’une de ses propres doctrines.

Cependant, le fait qu’il ait cité Paul à ce point a conduit beaucoup de gens à affirmer qu’il fait lui-même appel à Paul comme autorité et justifie donc que d’autres y fassent appel. Il convient donc de donner ici l’intégralité de chaque citation qu’il a faite, ainsi que la manière dont il l’a fait.

Nous pouvons partir du principe que nous ne pouvons pas conclure que Paul ne prêche jamais la vraie doctrine sous prétexte que dans de nombreux cas, lorsqu’il s’exprime en son nom propre, il déforme les principes des Écritures et inculque de fausses doctrines ; de même, nous ne devons pas en déduire que, parce que nous trouvons ici et là un beau sentiment et une doctrine vraie dans ses écrits, tout ce qu’il enseigne doit être authentique et vrai : l’une et l’autre conclusions seraient tout aussi absurdes.

Supposer que parce que certaines choses sont vraies, tout est vrai, reviendrait à accorder à Paul non seulement une inspiration partielle, mais une inspiration plénière dans ses épîtres, ce qui est précisément l’argument et la croyance que le présent essai tente de contester et de détruire.

Tout au long de notre étude, l’objectif a été de montrer que Paul n’est pas une autorité inspirée au sens commun du terme ; qu’il n’a qu’une inspiration telle qu’elle peut exister dans les écrits de tout prédicateur sincère de l’Église, quelle que soit sa confession, selon les principes d’illumination énoncés dans le troisième chapitre du présent essai ; que ses épîtres ne sont pas plus inspirées, quant à leur nature et leur qualité, que, par exemple, les discours que l’on peut trouver dans n’importe quel volume de sermons sur le christianisme comme ceux qu’on trouve chez les vieux bouquinistes. Car le Seigneur accorde la même aide à tous ceux qui recherchent sincèrement la vérité, chacun selon sa foi, chacun recevant l’esprit de Lui-même selon sa qualité particulière de perception, et l’exerçant en fonction de sa force ou de son pouvoir.

Swedenborg ne revendiquerait rien de plus dans son propre cas, mais il avait l’avantage suprême de communiquer directement avec le monde spirituel et pouvait ainsi communier avec les esprits et les anges, et non seulement voir et entendre des choses infinies dans ce monde, mais aussi les enregistrer et nous les transmettre pour notre bénéfice. Mais il n’était pas plus infaillible dans ses opinions et ses raisonnements que le pontife romain, car il n’écrivait pas à partir de correspondances, mais à partir d’expériences spirituelles, telles que nous les voyons consignées dans son Journal spirituel, et, dans les conclusions qu’il tire de ces expériences, il n’est pas exempt des limites des pouvoirs de perception par lesquels il nous montre que les esprits et même les anges dans les cieux sont circonscrits – In mundo spirituali, seu in caelo, qui in statu boni sunt, interiors sunt secundum quale et quantum boni in quo sunt.

C’est-à-dire que, tant dans le monde spirituel que dans les cieux, ceux qui sont dans l’état du bien ne sont intérieurs que dans la mesure où la qualité et la quantité de leur bien le permettent, et chaque homme n’est illuminé que dans la mesure où il s’approprie les vérités du bien.

Swedenborg, dans une lettre à son ami le Dr Beyer, professeur de grec à Göteborg, explique pourquoi il n’a pas cité les écrits de Paul et les autres épîtres apostoliques dans ses Arcanes célestes. (A. C., 4482 ; Apoc. Expl., 130.)

1. « En ce qui concerne les écrits de saint Paul et des autres apôtres, je ne leur ai pas donné de place dans mes Arcanes célestes, car ce sont de simples écrits dogmatiques, et non des écrits rédigés dans le style de la Parole, comme ceux des prophètes, de David, des évangélistes et de l’Apocalypse de saint Jean.

2. « Le style de la Parole consiste tout entier en correspondances, et établit ainsi une communication immédiate avec le ciel ; mais le style de ces écrits dogmatiques est tout à fait différent, ayant certes une communication avec le ciel, mais seulement de manière médiate ou indirecte.

3. « La raison pour laquelle les apôtres ont écrit dans ce style est que la nouvelle Église chrétienne allait alors naître par leur intermédiaire, et que, par conséquent, le style utilisé dans la Parole n’aurait pas été approprié pour ces principes doctrinaux, qui exigeaient un langage clair et simple, adapté aux capacités de tous les lecteurs.

4. « Néanmoins, poursuit-il, les écrits des apôtres sont de très bons livres pour l’Église, dans la mesure où ils insistent sur la doctrine de la charité et de la foi qui en découle, aussi fortement que le Seigneur lui-même l’a fait dans les Évangiles et dans l’Apocalypse de saint Jean ; comme cela apparaîtra clairement à quiconque étudiera ces écrits avec attention.

5. « Dans l’Apocalypse révélée, no 417, j’ai prouvé que les paroles de Paul, dans Romains iii. 28, sont tout à fait mal comprises ; et ainsi, la doctrine de la justification par la foi seule, qui constitue actuellement la théologie des Églises réformées, est construite sur une base entièrement fausse 111. »

Cette lettre, écrite en suédois, est datée du 15 avril 1766 à Amsterdam. Il s’agit d’une communication privée à un ami, non publiée, et écrite à titre d’excuse, afin d’apaiser la susceptibilité de sa connaissance pour avoir complètement ignoré les épîtres de Paul et des apôtres dans un ouvrage volumineux et important, les Arcanes célestes, rempli de citations de l’Écriture, mais sans aucune référence aux épîtres susmentionnées, les rejetant ainsi pratiquement en tant qu’Écriture 112.

Dans sa vieillesse, il devint moins pointilleux ; environ cinq ans après avoir écrit cette lettre, alors qu’il avait, comme déjà mentionné, largement dépassé les quatre-vingts ans et que l’éducation luthérienne de sa jeunesse commençait peut-être à avoir un effet sur ses forces et sa santé déclinantes, il osa citer à plusieurs reprises Paul et les « Actes », comme dans son ouvrage La Vraie Religion chrétienne ; mais quant au bien qu’il a accompli en assouplissant la règle stricte de ses années plus vigoureuses, il aurait peut-être mieux valu qu’il ne s’en écarte jamais ; c’est du moins l’impression dont je ne peux m’empêcher de faire part. Il publia ce livre à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, en 1771, et mourut au mois de mars suivant.

Cette lettre contient, dans les circonstances indiquées ailleurs 113, une opinion très remarquable, si, comme on le suppose, Paul est compris parmi les « apôtres » mentionnés dans la quatrième section.

Le nom de Paul est associé à celui des « apôtres » au début de la lettre, mais il est omis dans ce deuxième passage, et il occupe une place à part entière dans la suite.

Il n’entre guère dans la catégorie des « apôtres » du Seigneur, car il n’était pas l’un de ceux qui avaient été choisis ou enseignés par le Seigneur et qui l’avaient accompagné dans son ministère ; il n’était même pas un disciple du Seigneur.

L’observation « Paul et les autres apôtres » montre en soi que le terme apôtres pouvait ne pas nécessairement inclure Paul.

Dans un passage très similaire de l’Apocalypse expliquée (no 815), le nom de Paul est complètement omis.

Nous allons maintenant, dit-il, citer des passages des Évangiles, « et non des Épîtres des apôtres, car les Évangiles contiennent les paroles du Seigneur lui-même, qui ont toutes un sens spirituel, par lequel une communication immédiate est établie avec le ciel, mais dans les écrits des apôtres, il n’y a pas un tel sens, bien qu’ils soient des livres très utiles à l’Église ».

À cette occasion, le nom de Paul n’est pas mentionné, mais on retrouve la même opinion exprimée dans des termes presque identiques ; et même si cela peut s’appliquer aux lettres de Pierre, Jacques et Jean, cela ne s’applique pas du tout à celles de Paul.

Il semblerait qu’il faille beaucoup plus qu’une attention ordinaire pour découvrir la clarté et la simplicité dans le langage de Paul, ou pour constater qu’il a insisté, sans grande obscurité, sur la doctrine de la foi dérivée de la charité.

Dans les Épîtres des Apôtres, l’étudiant n’a aucune difficulté à la découvrir.

L’opinion appliquée à Paul est totalement incompatible avec la condamnation par Swedenborg de l’esprit des épîtres pauliniennes, dans son Journal, où il dit : « L’Église explique la Parole du Seigneur à travers les épîtres de Paul, et de ce fait, bien qu’elle reçoive la vérité de la foi, elle s’éloigne partout du bien de la charité. » (Diar. Maj., no 4824.)

Ainsi, en tout état de cause, les épîtres de Paul « n’insistent pas sur la doctrine de la charité et de la foi qui en découle, aussi fortement que le Seigneur lui-même l’a fait ».

Cette critique a été écrite en 1749, dix-sept ans avant la date de la lettre d’Amsterdam ; et nous sommes presque obligés de conclure que Paul ne peut pas avoir été mentionné avec les autres dans le passage qui affirme que « les écrits des apôtres sont de très bons livres pour l’Église ». Une conclusion corroborée par l’omission de son nom dans le passage similaire que nous venons de citer de l’Apocalypse expliquée (no 815).

Il n’y a certainement pas grand-chose qui mérite une étude attentive dans les épîtres pauliniennes pour illustrer le principe de « la foi dérivée de la charité ».

Le passage suivant de la lettre aux Galates est un exemple très exceptionnel de cette vision plus large de la foi ; non seulement il est très mal étayé, mais il est souvent contredit : –

« En Jésus-Christ, ni la circoncision ni l’incirconcision n’ont de valeur, mais seulement la foi qui agit par l’amour. » (Gal. v. 6.)

La doctrine de la prédestination ou de l’élection, si clairement énoncée par Paul dans l’épître aux Romains, est tout à fait inconciliable, même avec la plus grande ingéniosité, avec une doctrine de la foi dérivée de la charité. (Rom. viii. 29, 30 ; ix. 18, 21 ; xi. 5, 6.)

Si l’homme possède la charité, il est tout à fait impossible que l’Être divin, source de tout le bien que l’homme peut posséder, n’en soit pas doté ; or, la prédestination implique une absence totale de charité chez Dieu. (V. R. C., 486.)

Il est intéressant de noter que, bien que Swedenborg s’exprime sans la moindre réserve à propos de Paul dans son Journal, il ne parle jamais de lui de manière condamnatoire lorsqu’il mentionne ses opinions dans ses écrits publiés par lui-même, alors qu’il condamne sans pitié ni réserve ce qui est manifestement des doctrines pauliniennes chez d’autres.

Les citations mentionnées, tirées de La Vraie Religion chrétienne, semblent avoir été faites dans deux buts précis : premièrement, montrer que Paul ne traitait pas d’un Dieu trinitaire et, deuxièmement, qu’il n’inculquait pas la foi seule des Églises réformées ; s’efforçant ainsi de démontrer à ceux qui embrassaient ces dogmes qu’ils n’avaient pas le soutien qu’ils prétendaient avoir. La première proposition ne pose guère de difficulté ; la seconde n’est pas aussi facile à écarter.

Bien sûr, Swedenborg a montré de manière collatérale, jusqu’à présent, que là où lui-même différait de l’Église dans certains cas, Paul était de son côté, et non du côté de l’Église. Mais il ne fait pas appel à l’aide de Paul lorsqu’il condamne les grandes hérésies de l’élection de la grâce, de la prédestination, de l’expiation et de l’imputation de la justice du Christ par la foi ; dans ces cas, Paul est lui-même la source des hérésies et se range donc du côté de l’Église.

Swedenborg remarque que la foi de Paul n’est pas une foi en Dieu le Père, mais en son Fils ; elle est encore moins une foi en trois Dieux successifs, ou une foi en trois personnes, comme le soutient l’Église. Et il s’efforce de corroborer cela par les citations suivantes. (V. R. C., 338.)

« Nous qui sommes Juifs de naissance, et non pécheurs parmi les païens, sachant qu’un homme n’est pas justifié par les œuvres de la loi, mais par la foi en Jésus-Christ, nous avons cru en Jésus-Christ. » (Gal. ii. 15, 16, 20.) (No 338.)

« Néanmoins, je vis ; mais ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ; et la vie que je vis maintenant dans la chair, je la vis par la foi au Fils de Dieu. » (Gal. ii. 20.) (No 338.)

« En Jésus-Christ, ni la circoncision ni l’incirconcision n’ont de valeur, mais la foi qui agit par l’amour », ou « mais une nouvelle créature ». (Gal. v. 6 ; vi. 15.) (Nos 675, 676.)

« Désormais, nous ne connaissons plus personne selon la chair ; et si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. » (2 Cor. v. 16, 17.) (No 601.)

« Car la chair convoite contre l’esprit, et l’esprit contre la chair. » (Gal. v. 17.) (No 327.)

« La justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ, pour tous ceux qui croient ; afin qu’il soit le justificateur de celui qui croit en Jésus. » (Rom. iii. 22, 29.) (No 338.)

« Nous concluons donc qu’un homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la loi 114. » (Rom. iii. 28.) (Nos 288, 506.)

« Annulons-nous donc la loi par la foi ? Loin de là ! Au contraire, nous confirmons la loi. » (Rom. iii. 31.) (No 508.)

Mais ayant la justice « qui vient de la foi en Christ, la justice qui vient de Dieu par la foi ». (Phil. iii. 9.) (Nos 338, 354.)

« Par la foi qui est en Jésus-Christ. » (2 Tim. iii. 15.) (No 388.)

Bien que Paul, dans les passages ci-dessus, prêche clairement la foi en Christ, il faut noter que sa foi était en Jésus-Christ en tant que Fils de Dieu, qui a donné sa vie pour l’homme, rien de plus, et non en Christ en tant que Dieu.

Les passages cités sont tous de Paul lui-même et ne font pas autorité dans la Parole, à l’exception de celui de Galates sur l’amour ; ils ne sont cités par Swedenborg que pour montrer que Paul prêchait la foi en Christ, et non en trois personnes ou même en le Père ; non pas pour appuyer son propre enseignement, mais pour s’opposer aux Églises réformées. Une référence à ces passages n’est donc en aucun cas incompatible avec ses observations sur Paul dans le Journal ; il ne cite pas Paul pour corroborer sa propre doctrine ou pour illustrer la vraie doctrine de quelque manière que ce soit. C’est simplement pour montrer qu’il est question d’une foi envers le Christ et non envers le Père, ou trois personnes, et que par conséquent « la pierre angulaire de la foi actuelle, avec toute sa superstructure supposée sacrée, s’effondre, comme une maison qui s’enfonce dans la terre, dont seul le sommet du toit est visible au-dessus de la surface » (V. R. C., n° 338).

Pourtant, j’ose dire que la foi de Paul était une foi dans le Père, après tout, comme je l’ai déjà montré ; c’est-à-dire dans le Père seul comme Dieu, tout en tous, et dans le Seigneur seulement comme Fils de Dieu, le Médiateur 115.

« Il y a un seul Dieu, le Père, et un seul Seigneur, Jésus-Christ », ce sont deux personnes distinctes, l’une subordonnée à l’autre. (1 Cor. viii. 6.)

Voici les citations sur les œuvres qui semblent en contradiction directe avec la plupart de celles données ci-dessus sur la foi ; Swedenborg en a conclu que Paul n’enseignait pas la « foi seule » de l’Église réformée ; il leur accorde la vertu de neutraliser complètement les dogmes pauliniens sur la foi.

« Maintenant demeurent la foi, l’espérance et la charité, mais la plus grande d’entre elles est la charité. » (1 Cor. xiii. 13.) (Nos 506, 722, 796.)

« Dieu, au jour de la colère et du juste jugement, rendra à chacun selon ses œuvres. » (Rom. ii. 5, 6.) (N° 376.)

« Ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu, mais ceux qui la mettent en pratique. » (Rom. ii. 13.) (Nos 376, 506.)

« Car nous devons tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive selon ce qu’il a fait dans son corps, soit en bien, soit en mal. » (2 Cor. 5 :10.) (Nos 376, 506, 643.)

« Celui qui aime autrui a accompli la loi : car tu ne commettras point d’adultère ; tu ne tueras point ; tu ne déroberas point ; tu ne diras point de faux témoignage ; tu ne convoiteras point ; et s’il y a quelque autre commandement, il est brièvement compris dans cette parole : tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour (ou la charité) ne fait pas de mal au prochain, donc l’amour (ou la charité) est l’accomplissement de la loi. » (Rom. xiii. 8-10.) (Nos 330, 414, 506.) (Exode xx. 13, etc. ; Deutér. v. 17, etc.)

Les beaux passages ci-dessus, dans lesquels on remarque que la Loi désigne le Décalogue et non le rituel, semblent étrangement déplacés dans l’enseignement de Paul ; car ils sont en contradiction directe avec l’ensemble de ses propres prises de position ; et comme nous l’avons déjà expliqué 116, ils ne sont pas de Paul lui-même et peuvent donc difficilement être présentés comme des sentiments ou des doctrines de Paul. Il s’agit en substance de citations tirées de la Septante, des Psaumes et de Jérémie ; ils sont également prescrits dans l’Exode, le Lévitique et Matthieu ; ils prêchent l’amour, et non la foi. (Ps. lxii. 12 ; Jér. xvii. 10 ; Lév. xix. 18.)

On constate invariablement que, en règle générale, lorsqu’un beau sentiment sort de la plume de Paul, il n’est pas le sien, mais emprunté : les exceptions sont très rares.

Les dogmes, les idées et les sentiments qui lui sont exclusivement propres sont généralement répugnants tant pour le bon sens que pour la charité.

Bien sûr, il n’y a pas lieu de contester l’utilisation par Paul de passages nobles tirés de la Parole ou de la sagesse proverbiale juive ; mais d’un point de vue controversé, ces extraits ne peuvent être cités comme illustrations des principes de l’auteur, étant donné que son propre enseignement est diamétralement opposé au contenu de ces citations, lesquelles sont en outre plutôt rares.

Il reste encore une citation à mentionner, une citation importante, tirée du deuxième chapitre de la lettre aux Colossiens, bien qu’elle fasse partie des lettres apocryphes ou fortement contestées ; voici ce qu’elle dit : « Car en lui (le Christ) habite corporellement toute la plénitude de la divinité. » (Col. ii. 9.)

ὅτι ἐν αὐτῷ κατοικεῖ πᾶν τὸ πλήρωμα τῆς θεότητος σωματικῶς.

Un passage cité pas moins de dix fois par Swedenborg ; pourtant, bien que ce passage soit fidèle au système de Swedenborg (selon une certaine explication, le Fils étant un avec le Père), il ne l’est pas du tout à celui de Paul, si l’on donne à ces mots leur sens évident, celui d’unité ; comme le montre clairement le passage remarquable déjà cité de la « Première épître aux Corinthiens » : –

« Car il (le Christ) doit régner jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds ; et lorsque toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a tout soumis, afin que Dieu soit tout en tous. » (1 Cor. xv. 28.)

C’est-à-dire Dieu en tant que Père, qui est un être ou une personne totalement distincte du Fils, en tant que Seigneur, qui n’est pas Dieu, qui n’a pas le πλήρωμα, mais qui est soumis à Dieu afin que Dieu soit tout en tous.

Alors comment Paul, l’auteur de cette distinction explicite entre le Père et le Fils, a-t-il pu dire que « toute la plénitude de la divinité habite corporellement en Christ » ? Ces deux sentiments sont totalement inconciliables et peuvent difficilement provenir de la même source 117. (Voir ci-dessus, chap. XVII, § 1.)

Il semble donc que nous soyons tout à fait fondés à dire que la foi de Paul, après tout, n’était pas une foi dans le Fils, en tant que Dieu, mais exclusivement une foi dans le PÈRE en tant que tel.

On peut se demander si Paul a admis une quelconque divinité en Christ, au-delà de celle qu’il acquiert par sa filiation ; car il est rendu aussi distinct de son Père divin qu’un fils humain l’est de son père humain ; et Dieu le Père est tout en tous, après comme avant la résurrection du Christ.

« Il y a un seul Dieu, le Père » – « et un seul Seigneur, Jésus-Christ », dit Paul (1 Cor. viii. 6) ; mais, pour lui, Jésus-Christ n’est pas le seul Seigneur Dieu Sauveur dont toutes choses proviennent, mais le Seigneur par lequel toutes choses proviennent, de Dieu le Père. Ils sont deux, et non un, et croire qu’ils sont un est la seule foi salvatrice selon Swedenborg.

Il est étonnant, après ce qu’il a écrit dans son Journal, que Swedenborg ait manifesté le moindre désir de paraître d’accord avec Paul sur quoi que ce soit ; sauf qu’il a été égaré par sa forte antipathie pour les doctrines des Églises réformées, et qu’il a voulu les priver même du soutien de Paul, le qualifiant de bien plus trompeur que réel.

Il est impossible de réconcilier Paul et Swedenborg ; il n’y a aucune harmonie entre leurs croyances ; pour Swedenborg, Dieu et le Sauveur ne font qu’un 118 ; pour Paul, ils doivent toujours être deux, comme il s’est donné tant de mal pour le montrer dans la citation de la première épître aux Corinthiens.

Je ne vois donc pas comment les citations de Paul par Swedenborg peuvent être raisonnablement justifiées, car elles semblent vouloir montrer un accord qui n’existe pas réellement ; les passages sélectionnés sont en effet cités jusqu’à un certain point dans un sens favorable, bien qu’ils ne soient pas directement invoqués pour corroborer sa propre doctrine.

Pour lui, faire appel à Paul comme autorité serait certainement incompatible non seulement avec ses passages fortement condamnatoires dans le Journal, mais aussi avec son rejet absolu des épîtres pauliniennes de la Parole.

Il convient de noter, et je dois répéter ce que j’ai dit ailleurs, que dans ses grands ouvrages, écrits à l’âge de la vigueur, Swedenborg a systématiquement évité toute référence à Paul ; mais à la fin de sa longue vie, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, dans sa Vraie religion chrétienne, nous trouvons plusieurs citations de Paul et des « Actes », bien qu’il ait auparavant soigneusement expliqué que ces livres ne font pas partie de la Parole inspirée. Dans La vraie religion chrétienne également, bien qu’il écrive beaucoup sur la Parole, il omet complètement de préciser quels sont les livres inspirés et lesquels ne le sont pas, distinction qu’il a soulignée dans les Arcanes célestes et dans Le Cheval blanc.

J’en conclus donc que Swedenborg n’a rien fait avancer en citant Paul ; pas même en montrant, comme il prétend l’avoir fait, contrairement aux luthériens, que la foi de Paul était une foi en Christ, et non une foi en Dieu le Père ; et pas même en montrant que Paul ne prêchait pas la foi seule. Car les paroles de Paul sur la foi sans les œuvres sont exclusivement les siennes, tandis que ses paroles sur les œuvres ou la charité sont presque toutes empruntées et ne représentent pas son propre enseignement, mais constituent une digression et un écart vers un autre domaine tout à fait étranger à sa doctrine caractéristique.

Lorsque nous mettons côte à côte des passages tels que ceux-ci : « Nous concluons donc qu’un homme est justifié par la foi sans les œuvres de la loi (Rom. iii. 28) » et « Ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu, mais ceux qui la mettent en pratique (Rom. ii. 13) », – et toute une série de paradoxes similaires pourraient être cités –, nous ne pouvons que nous interroger sur ce que Paul entendait réellement enseigner à ce sujet. En revanche, si l’on considère que ses passages sur la foi sont de lui et sont constamment réitérés sous diverses formes, tandis que ceux sur les œuvres ou la charité sont presque exclusivement empruntés et peu nombreux, on peut considérer les premiers comme les véritables représentants des principes de Paul.

Dans tous les cas cités ci-dessus, la LOI fait clairement référence au Décalogue, et non au rituel ; bien que le passage du troisième chapitre de « Romains » soit celui dont parle Swedenborg comme faisant référence au rituel, il est certain qu’ici, comme dans le chapitre ii. 13, dans le chapitre vii. 7 et dans le chapitre xiii. 8, seul le Décalogue peut être visé. Il serait étrange que, parmi tant de passages analogues, un seul terme fasse référence à une chose dans l’un et à une autre dans tous les autres. (Rom. iii. 28.) (Apoc. Rév., 417.)

Paul et Swedenborg avaient deux conceptions très distinctes de la foi, et ils donnaient à ce terme des significations très différentes ; leurs points de vue ne peuvent donc être conciliés, bien que tous deux aient enseigné la foi en Jésus-Christ.

Pour Paul, la foi signifiait croire en Jésus-Christ comme Fils de Dieu et au sacrifice expiatoire de son sang ; pour Swedenborg, la foi ne fait qu’un avec la vie ; elle ne consiste pas seulement à croire en Christ comme Seigneur Dieu Sauveur, mais comprend également la charité, ou une vie en stricte conformité avec l’esprit des commandements, comme c’est le cas avec le Christ lui-même, ce qui implique que toute foi qui n’atteint pas ce niveau est une foi morte ; une vie de foi n’étant rien de moins que croire au Seigneur comme Dieu et Sauveur, et fuir le mal en tant que péché.

Swedenborg n’est donc d’accord avec Paul qu’en donnant un sens très large à ce qui, dans l’esprit de ce dernier, n’avait qu’un sens particulier et restreint, de sorte que l’accord n’est qu’apparent.

« Il n’y a qu’une seule vraie foi, dit Swedenborg, et elle est dirigée vers le Seigneur Dieu, le Sauveur Jésus-Christ, et demeure avec ceux qui croient qu’il est le Fils de Dieu, le Dieu du ciel et de la terre, et un avec le Père ». Et pourtant, il cite la foi du dualiste Paul comme une foi en Christ. (V. R. C., 379.)

Il convient de noter que dans un passage de La vraie religion chrétienne, les « Actes des Apôtres » et les Épîtres apostoliques sont cités indirectement par Swedenborg, c’est-à-dire dans les discussions de son Memorabilia, comme appartenant à la Parole ; et il passe cela sous silence sans le moindre commentaire ni explication.

La Parole semble donc être mentionnée ici de manière conventionnelle, ou bien elle montre que les esprits dans le monde spirituel, tout comme les hommes sur terre, doivent raisonner à partir des impressions qu’elles regardent comme leur étant propres ; et que ce que l’esprit confirme dans cette vie, il le transporte nécessairement dans la suivante et y adhère jusqu’à ce qu’il soit mieux instruit, à condition qu’il soit capable d’instruction ; et cela doit se faire selon un ordre établi, et non de manière miraculeuse.

Bien sûr, un esprit ne peut avoir plus d’autorité dans l’autre vie qu’il n’en aurait dans celle-ci, car il s’exprime de la même manière dans les deux, à partir de son propre proprium, ou individualité.

Et même les anges ne sont pas exemptés de cette loi. Par anges, on entend généralement les esprits du ciel inférieur. Mais tous les anges du ciel universel ont été des hommes, et ont donc leur proprium, comme les hommes, qui n’est rien d’autre que le mal ; mais comme ils ont été régénérés par le Seigneur pendant qu’ils vivaient en tant qu’hommes dans le monde, ils sont capables d’être préservés du mal et du faux par le Seigneur, et apparaissent donc comme étant dans les biens par eux-mêmes. (Apoc. Expl., 462, 897.)

Il est donc tout à fait possible qu’il n’y ait pas de véritable incohérence dans l’affirmation positive de Swedenborg selon laquelle les « Actes des Apôtres » et les Épîtres apostoliques ne font pas partie de la Parole et qu’ils soient néanmoins cités comme tels par les esprits ou les anges. (A. C., 4482, 10134.)

Cela montre simplement que ces esprits ou anges étaient alors relativement ignorants du fait qu’un sens interne est nécessaire pour qu’un livre fasse partie de la Parole de Dieu. Le sens interne, bien que généralement connu des esprits angéliques, est apparemment resté longtemps inconnu dans le monde des esprits comme dans notre monde. (Doctr. de la Nouv. Jér. sur l’Écrit. sainte, ii. V. R. C., 206, 207.)

Parmi les citations faites par les anges, le passage suivant est peut-être le seul qui implique une incohérence, en ce sens que Swedenborg la passe sous silence sans aucune remarque (V. R. C., 137) : –

« Mais ne croyez pas que les paroles que j’ai dites soient seulement des paroles d’exaltation ; et, pour que vous ne les considériez pas comme des puérilités, je vais lire quelques passages de la Sainte Parole par lesquels vous verrez clairement que notre Foi est non pas en l’Homme, comme vous le croyez, mais au vrai Dieu, dans qui est tout Divin.

« Jean dit : “Jésus-Christ est le vrai Dieu et la Vie éternelle (1 Jean v. 20)” ; Paul dit : “Dans le Christ habite toute la plénitude de la Divinité corporellement (Col. ii. 9)” ; et dans les Actes des Apôtres : “Il a prêché et aux Juifs et aux Grecs la pénitence envers Dieu et la foi en notre Seigneur Jésus Christ (Actes xx. 21)”. »

Ici, clairement, une épître de Jean, les « Actes » et une lettre de Paul sont cités par un esprit angélique comme faisant partie de la Parole de Dieu – ex sancto verbo – et, d’après le silence de Swedenborg, n’importe qui pourrait déduire que cette citation avait son approbation, ce qui ne peut être le cas.

Cet esprit a-t-il parlé par ignorance, pensant que ces livres ne font pas partie de la Parole, ou a-t-il parlé de manière conventionnelle, c’est-à-dire en les citant comme faisant partie de la Parole parce que ceux à qui il s’adressait imaginaient qu’ils en faisaient partie ?

L’un ou l’autre de ces cas, voire les deux, peuvent être vrais, car l’illumination d’un ange n’est plus ou moins intérieure qu’en fonction de son propre état à ce moment-là. Car les anges ont un état intérieur et un état extérieur ; et lorsqu’ils sont dans l’état extérieur, ils sont dans un état relativement grossier et obscur, et bien qu’ils soient des anges, ils sont toujours imparfaits. (A. C., 4482, 10134, 6648, 4803 ; Diar. Majus, 2404.)

Il s’agit toutefois, à tous égards, d’un passage insatisfaisant et quelque peu déroutant, d’autant plus que dans le cas de Paul, l’essentiel de la citation n’est pas pertinent ; comme je viens de le montrer, pour cet apôtre, ce n’est pas le Christ, mais le Père qui est « Dieu tout en tous 119 ».

Et il en va de même dans la citation concernant la prédication de Paul tirée des « Actes », où Dieu et le Christ sont séparés, et où la foi implicite est en Christ en tant que Seigneur, ou Fils de Dieu uniquement. Il s’agit simplement d’une autre version de la parole de Paul : « Il y a un seul Dieu, le Père, et un seul Seigneur, Jésus-Christ. »

Un passage comme celui-ci, provenant de la plume de Swedenborg, sans aucun commentaire, est donc certainement une incohérence. De plus, les deux citations tirées de l’épître aux Colossiens et des Actes des Apôtres sont tout sauf heureuses.

La Parole elle-même fournit des passages adéquats à cet effet, comme celui déjà utilisé ci-dessous :

« Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné, et le gouvernement sera sur ses épaules ; et son nom sera appelé Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix. » (Ésaïe ix. 6.)

« Moi, le Seigneur, je suis ton Sauveur et ton Rédempteur, le Puissant de Jacob » (Ésaïe xlix. 26).

De même, Osée dit : –

« Il n’y a pas d’autre Sauveur que moi. » (Osée xiii. 4.)

Et dans l’Évangile de Jean, nous avons :

« Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui, et le monde ne l’a pas connu. » (Jean i. 20.)

Je mettrai maintenant en parallèle les dogmes de Paul et les doctrines de Swedenborg, dont nous avons longuement discuté, afin qu’il apparaisse clairement que Paul et Swedenborg sont fondamentalement inconciliables. Je prie le lecteur de bien vouloir m’excuser de répéter ici brièvement ce qui a déjà été dit, et peut-être à satiété 120.

Les grands dogmes pauliniens sont les suivants :

La dualité de Dieu, ou deux êtres divins distincts, le Père et le Fils ; le Fils étant essentiellement subordonné au Père, au lieu d’être un avec Lui.

Il prêche l’expiation et l’imputation de la justice du Christ à l’homme ; la justification par la foi sans les œuvres ; la prédestination, ou l’élection de la grâce ; la résurrection matérielle avec le royaume du Seigneur dans ce monde ; et il déprécie le mariage par rapport au célibat, dogmes ou principes qui sont soit des perversions gratuites, soit des perversions insensées de la vérité, sans rien qui vaille.

Ils sont tous essentiellement opposés à l’enseignement des Évangiles, et par conséquent à celui de Swedenborg, qui s’y conforme. Ce sont les mauvaises herbes qui, depuis tant de siècles, étouffent et obstruent la bonne graine semée par le Fils de l’homme.

Premièrement, en ce qui concerne la DUALITÉ DE DIEU : –

La doctrine paulinienne du christianisme ignore tout de l’unicité de Dieu et du Rédempteur, comme nous venons de le montrer ; elle prêche la foi en Jésus-Christ, non pas comme Dieu, mais seulement comme le Fils de Dieu, qui a donné sa vie pour détourner de l’homme la colère du Père.

Il dit : « Il y a un seul Dieu, le Père, et un seul Seigneur Jésus-Christ. » (1 Cor. viii. 6.)

Swedenborg dit : –

« Il y a une Trinité dans le Seigneur lui-même, qui consiste en : –

« Le Divin Lui-même, appelé le Père, l’Humain Divin appelé le Fils, et le Divin Procédant appelé le Saint-Esprit, et ces trois sont une seule personne, le Seigneur Jéhovah. »

« Cette Trinité et le Divin lui-même sont le Seigneur. » (A. C., 2156, 3704, 9866, 1602.)

Et il affirme que, quant à son homme intérieur, le Seigneur était un avec Jéhovah, même dans le monde.

Deuxièmement, en ce qui concerne l’EXPIATION, Paul dit : –

« Nous nous réjouissons aussi en Dieu, par notre Seigneur Jésus-Christ, par qui nous avons maintenant reçu l’EXPIATION. » (Rom. v. 11.)

« Alors que nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous. Étant maintenant justifiés par son sang, nous serons sauvés de la colère par lui.

« Nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils. » (Rom. v. 8-10.)

« Car à celui qui ne fait pas d’œuvre, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi est comptée comme justice. » (Rom. iv. 5.)

Écoutons maintenant Swedenborg s’exprimer sur le sujet de l’Expiation :

« Jéhovah, qui est véritablement homme en essence, a bien voulu naître en tant qu’homme, car tout ce qui était véritablement humain avait péri dans le monde. » (A. C., 1894.)

Et il dit : « Cette doctrine de l’expiation est un véritable blasphème. Le blasphème est le suivant : l’Être divin, qui est l’Amour même, la Miséricorde même et la Bonté même, « a écarté, voire rejeté de Lui-même la race humaine, à cause de ses maux, et c’est pour cette raison que Son Fils a été envoyé, ou que le Fils Lui-même, ému de compassion, est venu dans le monde ; et qu’en subissant le châtiment de la dernière malédiction, qui fut la passion de la croix, et en y versant son sang, et enfin par sa mort, il a réconcilié l’humanité avec le Père en intercédant ainsi en sa faveur. » (Apoc. Expl., 778 ; Apoc. xiii. 1) Il ajoute :

« L’imputation du mérite et de la justice du Christ est impossible ; et à moins que l’erreur répandue concernant cette fausse doctrine ne soit abolie, l’athéisme envahira tout le monde chrétien. »

Voilà pour le dogme tant vanté de l’expiation : le Christ était une victime sacrificielle – ἱλασμός – et il y a une rédemption, mais pas d’expiation, qui est une pure invention de l’esprit juif de Paul. Il y a une grande différence entre le sacrifice que le Seigneur a fait de lui-même dans ce monde pour l’homme et une expiation propitiatoire par procuration à Dieu, par le Christ, à la place de l’homme.

Troisièmement, la JUSTIFICATION PAR LA FOI : –

« Heureux l’homme, dit Paul, à qui Dieu impute la justice sans les œuvres. » (Rom. iv. 6.)

« Car nous concluons qu’un homme est justifié par la foi sans les œuvres de la loi. » (Rom. iii. 28.)

C’est-à-dire qu’il est rendu juste par la foi en Jésus-Christ, « que Dieu a établi comme victime propitiatoire par la foi en son sang » (Rom. v. 18).

Swedenborg dit : – « Le dicton courant selon lequel ceux qui ont la foi sont sauvés est vrai, mais par foi, on n’entend rien d’autre dans la Parole que l’amour du Seigneur et la charité envers son prochain : par conséquent, une vie conforme à cette foi. » (A. C., 2116.)

« La foi est morte en tous ceux qui sont sans œuvres. »

Quatrièmement, nous avons le terrible dogme de la PRÉDESTINATION, et Paul est très explicite à ce sujet :

« Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi, et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est pas par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. » (Éphés. ii. 8, 9.)

Dieu « nous ayant prédestinés à être adoptés comme ses enfants par Jésus-Christ, selon le bon plaisir de sa volonté ». Les deux citations sont tirées de l’épître aux Éphésiens.

Et dans l’épître aux Romains : « Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés. »

« Et il endurcit ceux qu’il veut. » (Rom. ix. 18, 21.)

« Les élus l’ont obtenu, et les autres ont été aveuglés. » (Rom. xi. 7.)

Swedenborg, quant à lui, déclare qu’il serait impossible de concevoir une idée plus pernicieuse ou de formuler une accusation plus cruelle contre Dieu que cette doctrine de la prédestination. (V. R. C., 486, 487.)

Il explique clairement que les élus sont tous ceux, et uniquement ceux, qui aiment le Seigneur et mènent une vie conforme aux commandements. (A. C., 7051.)

Il n’y a pas d’autre élection, ni avant la naissance d’un homme ni après, mais tous sont élus et prédestinés au ciel.

Il dit qu’il est horrible de penser que certains, en tant qu’élus, devraient naître pour le salut et le ciel, et que d’autres, en tant que non-élus, devraient naître pour la damnation et l’enfer, car cela implique la plus grande cruauté de la part du Divin, alors que le Divin est la Miséricorde même.

Cinquièmement, en ce qui concerne la RÉSURRECTION DES MORTS, nous sommes toujours aussi loin de la vérité.

Paul dit : « S’il y a un corps naturel, il y a aussi un corps spirituel. Il est semé corps naturel, il est ressuscité corps spirituel ; il est semé dans la corruption, il est ressuscité dans l’incorruptibilité. » (1 Cor. xv. 42, 44.)

La traduction du mot spirituel ici est trompeuse. Paul n’avait pas la notion moderne du spirituel comme distinct du matériel : l’âme de l’homme n’est pas du vent. Le corps spirituel de Paul est simplement un corps pneumatique, distinct du corps terrestre σωμα πνευματικòν fait de pneuma matériel (souffle, air) et constitué pour vivre dans l’espace matériel, c’est-à-dire dans ce monde, ou même dans cette atmosphère. Le spirituel ne peut pas vivre dans l’espace.

« Le Seigneur lui-même, dit-il, descendra du ciel avec un cri – et les morts en Christ ressusciteront les premiers ; ensuite, nous qui sommes vivants et qui restons – notre corps vil étant transformé, en un instant, en un clin d’œil, à la dernière trompette – nous serons enlevés ensemble avec eux, dans les nuées, pour rencontrer le Seigneur dans les airs ; et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur ! » (1 Cor. xv. 52.)

Malgré l’avertissement du Christ selon lequel son royaume n’est pas de ce monde, l’Église paulinienne persiste à l’attendre ici.

Aveuglés, ses fidèles ont suivi leur chef aveugle dans un bourbier dont ils ne peuvent se sortir.

Swedenborg présente une image tout à fait différente de la résurrection : – La vie d’un homme après la mort, dit-il, est la vie de son amour et de sa foi ; et son esprit apparaît, immédiatement après la mort, dans l’autre vie, sous une forme humaine, tout comme dans le monde. Car le corps spirituel est aussi substantiel pour l’esprit spirituel que le corps matériel l’est pour l’esprit naturel. Un esprit est donc un homme à tous égards, sauf qu’il n’est pas enfermé dans le corps grossier qu’il avait dans ce monde, qu’il abandonne à la mort et qu’il ne reprend jamais. Lorsque l’esprit le quitte, le corps naturel a rempli son rôle, une fois pour toutes. (A. C., 10594, 10596.)

Sixièmement et enfin, nous avons cette contrefaçon insidieuse et fallacieuse de la chasteté, le CÉLIBAT.

Le septième chapitre de la première épître aux Corinthiens déprécie le mariage comme étant impie et contraire aux choses du Seigneur.

Paul dit, avec un merveilleux enthousiasme : « Mais je voudrais que vous soyez sans souci. Celui qui n’est pas marié s’occupe des choses du Seigneur, comment il peut plaire au Seigneur ; mais celui qui est marié s’occupe des choses du monde, comment il peut plaire à sa femme. » (1 Cor. vii. 32, 34.)

Encore une fois : « La femme non mariée se soucie des choses du Seigneur, afin d’être sainte tant dans son corps que dans son esprit ; mais celle qui est mariée se soucie des choses du monde, afin de plaire à son mari. »

Swedenborg, au contraire, souligne avec soin à quel point le mariage est infiniment préférable au célibat, précisément au regard de la sainteté.

Le vrai mariage, dit-il, est en soi saint ; il correspond à l’union du Seigneur et de son Église, ou de la charité et de la foi, qui est le tout dans le Tout. (Amour conjugal, no 50, et voir ci-dessus, chap. XVII, § 6.)

Il montre que l’homme et la femme ne sont dans la plénitude de leur nature humaine que lorsque leurs âmes sont unies dans le mariage.

Les mariages sont les séminaires du royaume céleste, et toute la pureté des cieux provient de l’amour conjugal.

Un ange est simplement une âme masculine et une âme féminine réunies par une telle union.

Nous pouvons donc affirmer sans risque que Paul et Swedenborg sont tout à fait inconciliables, car ils n’ont en réalité aucune doctrine commune, et aucune ingéniosité de citation ne peut les mettre en harmonie substantielle.

Les citations que Paul fait de la Septante ne correspondent pas à sa doctrine.

Nous allons maintenant aborder un sujet très important, les révélations de Swedenborg sur le monde des esprits, dans son Journal spirituel.

Ceux qui ne peuvent accepter cela comme une révélation peuvent le considérer comme pure spéculation et le soumettre au test de la probabilité. Si une âme est immortelle, elle doit avoir un sentiment dominant, une passion dominante, et lorsque la vie est libérée de toute contrainte, comme ce sera le cas après la mort, elle se précipitera vers son amour dominant sans se soucier des conventions, car l’extérieur est désormais identique à l’intérieur.

Cette passion s’applique autant au bien qu’au mal ; et si l’amour dominant a été égoïste dans la vie du corps dans le monde naturel, il le sera également dans la vie de l’esprit dans le monde spirituel ; car non seulement, dans le système de Swedenborg, rien n’est caché dans l’autre vie, mais il n’y a aucun désir de cacher quoi que ce soit (sauf dans les contournements de la ruse) ; chacun se précipite dans son amour dominant, soumis uniquement au contrôle de l’ordre divin, qui est désormais, après l’ascension de l’Humanité divine, infini même dans les enfers.

Tout comme Paul est inconciliable avec Swedenborg, il est également inconciliable avec les Évangiles.

 

 

 

CHAPITRE XIX.

 

PAUL ET SWEDENBORG – LE MONDE DES ESPRITS – LE JOURNAL SPIRITUEL – DIARIUM MAJUS.

 

APRÈS avoir tenté de retracer le caractère de Paul en tant qu’individu, apôtre ou enseignant, autant que possible à partir de ses lettres, et après l’avoir trouvé impulsif, obstiné et impérieux, s’affirmant sans mesure et élaborant un système chrétien qui lui est entièrement propre, en antagonisme avec les apôtres, tout en s’arrogeant néanmoins, pour ses propres opinions, une sanction divine spéciale d’une force et d’une autorité supérieures à celles des apôtres, et rejetant toute instruction venant de l’homme, nous constatons par voie de conséquence le fait d’une individualité très remarquable chez Paul, un développement de caractère très éloigné de celui d’un petit enfant, que le Seigneur nous enseigne être impératif pour l’homme aux fins de son accession au royaume des cieux. Nous avons découvert en lui un caractère totalement dépourvu d’humilité, une âme cruelle et fanatique, aveuglée par l’exaltation de soi et la soif de domination, autoritaire, violemment intolérante à l’opposition. (Diarium Majus.) (Marc x. 15 ; Luc xviii. 17.)

Et lorsque cette âme est passée du monde naturel au monde spirituel, est-il raisonnable de supposer que son caractère ait subi un changement soudain ou miraculeux ? N’est-il pas beaucoup plus raisonnable de supposer qu’une âme ne peut pas changer ainsi, mais doit rester identique après la mort comme avant, sinon où est la responsabilité de l’individu, où est la résurrection ? « Car là où l’arbre tombe, là il restera », dit l’Ecclésiaste (xi. 3).

Ceux pour qui l’idée d’une communication entre le monde naturel et le monde spirituel est choquante peuvent tout aussi bien omettre cette partie de notre sujet, car leurs préjugés seront ici très probablement souvent offusqués ; mais je les supplierais néanmoins de persévérer. De grandes questions entrent en ligne de compte dans ce domaine, et si la communication avec les esprits ne peut encore être démontrée comme étant une prérogative normale de l’homme naturel, on ne peut pas non plus démontrer qu’une telle communication est contre nature ou impossible. Tout ce que le commun des hommes peut dire, c’est qu’il n’en a pas eu le privilège.

À moins que les esprits ne soient d’une nature telle qu’ils puissent être progressivement influencés par des « vastations » successives, comme Swedenborg appelle les divers processus par lesquels les hommes, après leur mort, sont progressivement purifiés de leurs maux et de leurs illusions, ils doivent persister dans leurs maux et leurs illusions dans l’autre vie, car ces choses constituent leur nature même, et ils ne peuvent s’en libérer soudainement ou miraculeusement, pas plus qu’ils ne peuvent se fuir eux-mêmes.

Chaque homme est constitué d’une certaine combinaison de biens et de vrais, ou de maux et de faux, et c’est cette combinaison particulière qui constitue son individualité, l’esprit de l’homme ou l’homme intérieur.

Tant qu’il est dans son corps matériel et dans le monde naturel, il est soumis à des contraintes extérieures ; mais dès qu’il est libéré de ces contraintes par la mort, l’homme intérieur se manifeste ; et si l’esprit était autre chose que l’homme intérieur pendant qu’il est sur terre, il n’y aurait ni résurrection ni immortalité, car l’esprit ne serait plus le même, mais quelque chose de différent de l’homme originel, ce qui est absurde.

Le repentir est recommandé même à la onzième heure, car tel qu’un homme meurt, tel il ressuscite ; et le sort de chacun dans l’autre monde sera en parfaite conformité avec sa vie ici-bas ; et heureusement, il n’est jamais trop tard pour se repentir, c’est-à-dire pour travailler réellement dans la vigne (A. C., 3241). Car le Seigneur n’a-t-il pas dit : « Je donnerai à ce dernier autant qu’à toi » (Matth. xx. 14), même s’il n’avait travaillé qu’une heure, tandis que l’autre avait supporté le fardeau et la chaleur du jour ?

Un homme doit donc renaître exactement tel qu’il est mort ; la mesure dans laquelle il peut être régénéré dans le monde spirituel dépend de la quantité et de la qualité des restes de bonté qu’il peut posséder.

Et Paul ne pouvait pas plus être exempté de ces conditions que n’importe qui d’autre.

Swedenborg, dans ses relations avec les esprits, décrit ses expériences avec Paul et montre à partir de celles-ci que son caractère n’avait subi aucun changement en près de dix-sept cents ans ; qu’il était dans l’autre vie exactement le même esprit agité et dominateur qu’il avait été dans le monde naturel. Et il nous donne dans son Journal spirituel onze chapitres ou numéros relatifs à l’état de Paul dans ce monde.

Beaucoup souriront à de telles déclarations, en particulier ceux qui n’ont qu’une vague idée de la vie future, voire aucune idée, et qui ne peuvent comprendre que ce qu’ils peuvent voir ou toucher. Et ils seront tout aussi amusés, voire offensés, par la simplicité de ceux qui peuvent traiter de telles révélations comme des réalités graves.

Un homme regarde en lui-même et, constatant qu’il sait en réalité très peu de choses, sa vanité et son amour-propre le poussent à croire que c’est parce qu’il y a très peu à savoir. Pourtant, il peut être bon pour ceux qui ne peuvent comprendre de telles révélations de savoir qu’il y en a au moins quelques-uns qui peuvent les accepter comme des vérités essentiellement rationnelles, même s’ils ne peuvent les démontrer naturellement.

Un homme peut avoir l’impression de savoir certaines choses, mais il devrait également savoir que ce qu’il sait n’est qu’une infime partie des faits comparativement à ce qu’il ne sait pas.

D’autre part, les mêmes qui acceptent les affirmations de Paul concernant ses propres expériences vagues et indéfinies seraient bien illogiques et incohérents de ne pas accepter les récits de Swedenborg sur les choses merveilleuses qu’il a entendues et vues dans le monde des esprits, et qu’il rapporte comme des faits avérés sans la moindre hésitation ni obscurité.

Il décrit le monde des esprits comme étant en apparence identique à notre monde : les hommes et les femmes y sont des hommes et des femmes comme ici, sauf que là-bas les hommes et les femmes sont dans leur état intérieur ; ils y sont connus et apparaissent tels qu’ils sont réellement ; tandis qu’ici, l’intérieur des hommes est généralement caché sous leur apparence extérieure, et ils sont connus en conséquence tels qu’ils semblent être, et non tels qu’ils sont réellement.

Ceux qui ploient sous les préjugés d’une éducation protestante, qui incluent les épîtres de Paul dans la Parole divine, seront choqués par la manière dont le grand apôtre est décrit dans le Journal spirituel de Swedenborg, d’autant plus que dans les livres qu’il a lui-même publiés, il ne donne jamais d’indications sur le caractère de Paul tel qu’il est dépeint dans ce journal.

Certains ont imaginé que Swedenborg avait été trompé par un esprit maléfique ; mais comme lui-même, des années après la date de ces expériences spirituelles (1748-1749), y a fait référence dans des lettres à ses amis comme étant des vérités absolues, ils ne peuvent tirer de lui aucun encouragement à une telle idée.

Bien qu’il n’ait pas publié lui-même le Journal, et qu’il aurait été très gênant de le publier de son vivant, car il y parle aussi bien de personnes vivantes que de personnes décédées, il l’a organisé et indexé, et l’a conservé près de lui, comme la mine à laquelle il avait recours pour les faits de ses relations merveilleuses, car il recense ses expériences spirituelles, consignées jour après jour.

S’il ne l’a pas publié, il ne l’a pas non plus détruit, ni laissé d’instructions pour sa destruction, mais il l’a laissé dans un état tel qu’il était prêt à être publié ; il a finalement été publié par le Dr Tafel, à Tübingen et à Londres, dans les années 1843-54 ; et pour ceux qui sont en mesure d’apprécier les écrits de cet homme extraordinaire, c’est un trésor inestimable 121. (Esprits représentatifs, n° 281.)

Au début de son expérience de communication avec les esprits, en 1747, il évoque ce qui, selon lui, pourrait être, sinon les originaux ou les individus eux-mêmes, des esprits substituts ou intermédiaires par lesquels les esprits du ciel intérieur communiquent avec les hommes dans le monde spirituel, ou monde intermédiaire entre les cieux et les enfers ; et il affirme que ces esprits substituts ou représentants appartenant au ciel inférieur s’imaginent être ceux qu’ils représentent, et montrent réellement l’état véritable de ceux qu’ils représentent, après que ces derniers ont quitté le monde naturel.

Il n’est donc ici aucune question d’esprits maléfiques ou de personnifications malveillantes animés d’intention trompeuses.

Ces observations ont été faites par Swedenborg en référence à ses conversations avec Abraham, Jacob, Moïse, Aaron, les apôtres et d’autres ; et il affirme que les doutes en question – à savoir s’il parlait avec les vrais esprits ou leurs substituts – lui sont venus le 30 novembre 1747 ; et qu’il n’a alors pas pu parvenir à une conclusion quant à la véritable situation. Mais il ne laisse jamais planer le moindre doute quant à l’identité de ses expériences et conversations ultérieures avec Paul.

Dix-sept ans plus tard, dans une lettre adressée à l’évêque Oetinger, datée du 11 novembre 1766 à Stockholm, il déclare avoir conversé avec Paul dans le monde spirituel pendant une année entière ; cela se passait en 1748-1749, et il ne fait toujours aucune allusion à une quelconque tromperie dont il aurait été victime.

Tous ceux qui acceptent les écrits de Swedenborg peuvent donc être assurés de la vérité morale des extraits suivants du Journal relatifs à Paul.

Bien sûr, pour beaucoup, il ne s’agira que des rêves d’un esprit dérangé ; on ne peut rien y faire, et il n’y a aucune raison d’y faire quoi que ce soit, car il est dans l’ordre naturel que chacun reçoive de telles impressions comme étant en harmonie avec sa propre nature et son état intérieur.

On ne met pas du vin nouveau dans de vieilles outres, et personne, dit l’évangéliste, après avoir bu du vin vieux, ne désire aussitôt du vin nouveau, car il dit que le vieux est meilleur. (Matth. ix. 17 ; Luc v. 39.)

 

 

À PROPOS DES SIRÈNES.

(Diarium Majus, n° 3728.)

 

« Quelqu’un est venu me voir soudainement ; comme on pouvait le percevoir, c’était Paul, qui me demandait si je parlais mal de lui ; mais on lui a répondu que je ne pensais pas à lui à ce moment-là. » .... 26 octobre 1748.

D’après la forme et le fond de ce passage, on peut supposer que Swedenborg avait déjà, avant cette date, parlé de Paul en termes condamnatoires, et que ce dernier en était tout à fait conscient ; il est difficile d’expliquer autrement une telle question.

Seuls quelques extraits du Journal concernant Paul sont datés, les quatre premiers. Il en reste donc sept sans date, dont les dates vont du 26 octobre 1748 au 13 juillet suivant ; et comme Swedenborg, dans sa lettre au Dr Oetinger, ne parle que d’une seule année de conversation avec Paul, il est probable que les sept entrées non datées du Journal appartiennent également à l’année 1749.

La dernière entrée, d’après son sujet, semble être la n° 4562, bien qu’elle ne soit pas la dernière dans l’ordre, qui est la n° 4631.

1749 précède de huit ans la date que Swedenborg donne au dernier jugement de l’Église chrétienne dans le monde spirituel.

Dans le n° 4562, Paul est présenté comme ayant perdu toute connaissance de son identité dans cette vie.

Cette relation avec l’esprit de Paul à un stade si précoce de sa vision spirituelle a dû avoir pour effet salutaire de mettre en garde Swedenborg contre toute influence néfaste des lettres de Paul, lesquelles, inculquant une doctrine si différente de la sienne, risquaient d’avoir une influence des plus néfastes sur sa propre perception de la vérité ; car elles ont sans doute occupé une place importante dans l’éducation luthérienne de Swedenborg que son père lui avait pieusement léguée.

L’exclusion délibérée de toute référence à Paul dans les Arcanes célestes, l’Apocalypse expliquée et d’autres ouvrages précoces de sa carrière théologique témoigne de l’efficacité de cette mise en garde.

Et le fait de s’être tourné vers Paul pour illustrer certains points, même ceux relatifs aux luthériens, à la fin de sa vie, soit plus de vingt ans après ces expériences spirituelles, comme il l’a fait dans La vraie religion chrétienne, rend d’autant plus remarquable le fait d’avoir évité cet apôtre auparavant, car ce fait même démontre qu’il l’avait intentionnellement mis de côté, comme Swedenborg lui-même l’admet dans sa lettre au Dr Beyer, écrite depuis Amsterdam, le 16 avril 1766. (Livre V, chapitre XVIII, p. 336.)

Dans sa vieillesse, l’objection formulée dans cette lettre semble avoir perdu de sa force ; son éducation luthérienne précoce a peut-être alors commencé à se réaffirmer et à obscurcir ses perceptions. La vraie religion chrétienne a été publiée alors que Swedenborg était âgé de quatre-vingt-quatre ans, quelques mois seulement avant sa mort.

 

 

PAUL.

(Diarium Majus, n° 4321.)

 

« Pendant longtemps, il se tenait à l’avant, légèrement à droite, et on lui expliqua qu’il pourrait atteindre la béatitude ; mais à chaque occasion qui se présentait, il s’exprimait contre les vérités de la foi.

« Finalement, quelqu’un fut découvert à un rang supérieur qui affirma qu’il guidait Paul. Cet esprit parlait avec beaucoup d’assurance, comme quelqu’un qui le gouvernait et régissait toutes ses affaires ; il professait qu’il était comme un Dieu, exhalant de lui une sphère, comme le Seigneur. Il était cependant un certain esprit maléfique qui s’imaginait être le diable même qui avait trompé Adam et Ève, selon la conception commune.

« Il fut envoyé en enfer, dans des cavernes où il erra jusqu’à ce qu’il arrive sous mes pieds ; là, il parla ; après un certain temps, il s’éleva, couvert d’un nuage, qui était une fantaisie de son esprit. Puis Paul, que j’eus le privilège d’entendre, lui parla, disant qu’il serait son compagnon, qu’ils avanceraient ensemble et feraient d’eux-mêmes des dieux. Sur quoi, toujours associés, ils franchirent une distance considérable sur le devant et voulurent tromper ceux qui s’y trouvaient, mais ils furent repoussés dès leur arrivée.

« Et pendant que je dormais, j’ai été infesté par des adultères, et ces deux-là, lorsqu’ils ont perçu que j’étais infesté, m’ont incité au mal et m’ont maintenu avec tant de ténacité dans un état d’esprit si bas que je pouvais à peine m’en libérer.

« Les adultères sont punis par le gnuggismus, ou par des collisions réciproques, qui constituent leur châtiment particulier. Et comme ces deux-là étaient également de cette nature, ils subirent le même châtiment, avec une grande sévérité. Dès lors, tout le monde sut que Paul était lui aussi un être abominable et qu’il avait été, pour une raison ou une autre, exempté de punition jusqu’à présent. Car le méchant doit subir le châtiment de sa méchanceté, ce que je ne manquai d’aborder avec lui.

« Paul fait désormais partie de ces foules qui errent, pour la plupart, aux confins du désert. » – 1749, 10 juillet.

 

 

L’AMOUR DE L’ADULTÈRE.

(Apoc. Expl., n° 981)

 

« L’amour de l’adultère, dit Swedenborg, est l’amour fondamental de tous les amours infernaux et diaboliques, et l’amour chaste du mariage est l’amour fondamental de tous les amours Célestes et Divins ; ainsi, autant l’homme est dans l’amour de l’adultère, autant il est dans tout amour mauvais, sinon en acte, du moins en effort ; d’un autre côté, autant l’homme est dans l’amour chaste du mariage, autant il est dans tout amour bon, sinon en acte, du moins dans effort. »

Il a déjà été souligné que le septième chapitre de la première épître de Paul aux Corinthiens est une forte exhortation contre le mariage, considéré comme un obstacle à la sainteté et aux choses du Seigneur. Voir le chapitre dix-sept, § 6, sur le célibat.

Pour un aperçu de sa rhétorique contre les vérités de la foi, voir les différents « points de discorde », plus particulièrement la dualité de Dieu, l’expiation, la foi sans les œuvres et la prédestination.

 

 

QUE PERSONNE NE DEVIENT BON DE MANIÈRE MIRACULEUSE

OU SANS MÉDIATION.

(Diarium Majus, n° 4322.)

 

« Il y avait un certain esprit avec lequel je parlais ; c’était Paul ; (j’affirmais) que personne ne peut être rendu bon par miracle. Certains s’étonnaient aussi de ne pas être immédiatement transportés au ciel et établis par la toute-puissance du Seigneur dans un état pouvant les rendre aptes à devenir des anges. On leur répondit que le mal ne pouvait en aucun cas être transformé en bien, que personne ne pouvait aller au ciel tant que son mal n’était pas dissipé ou maîtrisé, et que cela ne pouvait se faire que par les moyens divins prévus à cet effet, et certainement pas par un miracle.

« Il a également été affirmé que si le mal était complètement éliminé (des méchants), il ne resterait que très peu de vie en eux ; et que cette élimination exigerait un miracle, ce qui peut en effet être accompli dans l’autre vie, mais à condition d’éliminer les mauvaises fréquentations.

« Étant donné que Paul faisait bon accueil à ces idées, ses relations lui furent retirées, et il apparut alors comme un enfant en bas âge rampant à quatre pattes ; on lui dit qu’il ne savait même pas parler ni penser, qu’il ne pouvait que bouger ses petits bras comme un nouveau-né.

« C’est ce qui arriverait inévitablement aux méchants s’ils insistaient pour être miraculeusement rendus bons. » – 1749, 10 juillet.

 

 

CONCERNANT UN VRAI DÉMON EN RAISON DE LA FIN PROPOSÉE.

(Diarium Majus, n° 4323.)

 

« Il y avait un certain esprit qui s’imaginait être le diable qui avait séduit Adam et Ève, auquel Paul s’était associé. Il apparaissait comme n’importe quel autre esprit ; il ne parlait pas avec malice, mais comme s’il était un homme, bien que de manière obscure.

« Je me demandais, vu ce qu’il était, pourquoi on ne percevait pas chez lui, comme chez les autres, la haine, la vengeance, la cruauté, l’adultère ; mais on m’a expliqué qu’il ne se souciait pas de ces choses, mais qu’il avait pour seul but la destruction de ce qui est bon et vrai ; il ne visait rien d’autre.

« C’est sur les fins auxquelles il aspire qu’un homme doit être jugé. Et parce que telles sont les fins de certains, ils sont en vérité des démons ; car ils cachent profondément leurs intentions et agissent à partir du motif le plus vil (la destruction du bien et du vrai), et par tous les moyens, qu’ils soient sacrés ou profanes. » – 1749, 13 juillet.

 

 

PAUL.

(Diarium Majus, n° 4412.)

 

« Paul est l’un des pires apôtres, ce que l’expérience nous a largement démontré. L’amour-propre qui l’animait avant sa prédication de l’Évangile est resté en lui par la suite ; et comme il se trouvait alors encore dans un état similaire, poussé par son amour-propre et par sa nature, il se délectait dans le tumulte. Il faisait tout pour être le plus grand au ciel et juger les tribus d’Israël.

« Le fait qu’il soit resté le même par la suite est prouvé par de nombreuses expériences, car j’ai davantage parlé avec lui qu’avec les autres. En effet, il est d’un tel caractère que les autres apôtres, dans l’autre vie, l’ont rejeté de leur compagnie et ne le reconnaissent plus comme l’un des leurs ; car il s’est également associé à l’un des pires démons, qui désirait régner sur toutes choses, et celui-ci a promis à Paul qu’il y parviendrait ; outre de nombreuses autres choses qu’il serait trop long de raconter.

« Tous les faits que j’ai appris concernant Paul, s’ils étaient consignés par écrit, rempliraient des pages entières.

« Le fait qu’il ait écrit des épîtres ne prouve pas qu’il était tel qu’il prétendait être, car même les impies peuvent bien prêcher et écrire des lettres. Être est une chose, parler et écrire en sont une autre, ainsi qu’il lui a été dit.

« De plus, dans ses épîtres, il n’a pas consigné un seul mot de ce que le Seigneur a enseigné ni rapporté une seule de ses paraboles ; de sorte qu’il n’a rien acquis, ni de la vie ni de l’enseignement du Seigneur ; ce qui lui a également été dit ; pourtant, chez les évangélistes se trouve l’Évangile lui-même 122. »

 

 

SUR LE SENS LITTÉRAL DE LA PAROLE ET SUR LES HYPOCRITES. PAUL.

 (Diarium Majus, n° 4413.)

 

« Il y avait un certain esprit qui était insensible au sens interne de la Parole, car il souhaitait attribuer le mérite aux actes : PAUL.

« Pendant longtemps, il s’est tenu à distance de moi, parmi les esprits les plus dépravés.

« À un moment donné, il s’est associé aux pires démons ; à un autre, il a souhaité se créer un paradis, auquel il donnerait des joies provenant de lui-même, bien qu’il ne s’agisse que des simples délices de la cupidité et des plaisirs ; ce qu’il a même tenté de faire ; il est alors devenu plus méchant et a été précipité.

« Je lui ai alors parlé, lui expliquant que là où il était, ce n’était pas le paradis, mais l’enfer ; et ce lieu s’est alors effectivement transformé en un enfer noir.

« Il désirait particulièrement avoir des hypocrites autour de lui, comme je l’ai appris en conversant avec lui.

« Les hypocrites sont restés avec moi pendant quelques jours, ce que j’ai pu percevoir à la douleur que j’éprouvais dans mes dents ; ils s’obstinaient à garder le silence ; et il était évident et certain que cela venait de Paul, qui déteste le sens interne ; ainsi, la rage de cette haine a pour effet que les hypocrites sont sommés d’apparaître ; et il est évident que tel est le lien entre les choses ; car les hypocrites ne croient en rien, mais estiment néanmoins le sens littéral de la Parole, parce qu’ils peuvent en tirer quelque chose de plus pour eux, et persuader le peuple et donner l’apparence d’être pieux. »

 

 

SUR LES ÉPÎTRES DE PAUL.

(Diarium Majus, n° 4824.)

 

« Le fait que les épîtres de Paul n’ont pas de sens interne est connu dans l’autre vie ; mais il est permis qu’elles restent dans l’Église, de peur que ceux qui font partie de l’Église ne portent atteinte à la Parole du Seigneur, dans laquelle se trouve le sens interne. Car si un homme mène une mauvaise vie, mais croit néanmoins que la Parole est sainte, il fait du mal au ciel.

« Les épîtres de Paul sont donc autorisées ; et pour la même raison, il n’était pas permis à Paul de prendre une seule parabole ou même un enseignement du Seigneur et de l’exposer ou de l’expliquer. Il tirait tout de lui-même.

« L’Église explique certes la Parole du Seigneur, mais à travers les Épîtres de Paul ; et pour cette raison même, bien qu’elle reçoive la vérité de la Foi, elle s’est éloignée partout du bien de la Charité. Le Seigneur a également enseigné la vérité de la Foi, mais de manière à montrer que le bien de la Charité est le tout du tout. »

 

 

CONCERNANT ZINZENDORF ET PAUL.

(Diarium Majus, n° 6062.)

 

« Zinzendorf était plongé dans ses pensées abstraites, non pas comme s’il s’adressait à quelqu’un, mais comme s’il réfléchissait en lui-même, ou plutôt comme s’il conversait avec un ami qui ne divulgue rien.

« Il disait qu’il ne pouvait pas du tout penser au Seigneur autrement qu’à n’importe quel autre homme ; et non en tant que Dieu ; et que même s’il parlait de la nature divine en lui, il comprenait néanmoins le divin comme chez n’importe quel autre homme. Il disait aussi que Lui (le Seigneur) parlait très simplement, sans sagesse, et que Paul parlait avec plus de sagesse.

« On lui expliqua cependant que le Seigneur parlait à partir de la sagesse divine elle-même, par les correspondances ; comme il parlait aussi à travers les prophètes, donc à partir de sa propre divinité ; et que Paul parlait certes à partir d’une inspiration, mais pas comme les prophètes, à qui chaque mot était dicté ; mais que l’inspiration de Paul était qu’il recevait un influx en accord avec (ou qualifié par) les choses qui étaient en lui-même ; cette inspiration est entièrement différente (de celle des prophètes) et n’a aucun lien avec le ciel par les correspondances. »

 

 

_____________

 

 

 

Si l’inspiration (inspiratio) est le terme approprié pour décrire la qualité particulière des prophètes, en tant que porte-parole du Seigneur, un autre terme devrait être employé pour définir la qualité de l’apôtre ou du prédicateur ordinaire, dont l’illumination est déterminée par les déficiences de son proprium ou de son individualité ; son discours ne vient pas directement du Seigneur, mais seulement indirectement et imparfaitement selon sa qualité.

La diversité des individualités dans la prédication de l’Évangile s’explique par la diversité de l’inspiration, chacun exposant les vérités reçues de l’esprit du Seigneur selon sa propre perception et sa propre puissance.

Ainsi les apôtres, après avoir reçu du Seigneur le don du Saint-Esprit, c’est-à-dire la vérité divine provenant du bien divin de l’Humanité Divine du Seigneur, chacun le recevant selon sa qualité et sa capacité, et chacun le transmettant à sa manière, enseignèrent et écrivirent, Pierre d’une manière, Jacques d’une autre, Jean d’une troisième, et Paul également à sa manière ; chacun parlant de sa propre bouche et à partir de son intelligence particulière ; et pas un iota au-delà de ces limites individuelles, car ils ne parlaient pas en correspondances, ni par inspiration directe du Seigneur. (V. R. C., 154.)

Et Swedenborg poursuit en expliquant qu’il en va exactement de même pour chaque ministre de l’Église, qu’il soit dans la vérité ou dans le mensonge. (Voir plus haut chap. III.)

Il s’agit ici d’un passage très important ; il montre que même un « apôtre » reconnu n’a en lui-même, lorsqu’il parle de lui-même, pas plus d’autorité que n’importe quel prédicateur qui monte en chaire, au-delà de ce que peuvent transmettre une bonté et une vérité individuelles supérieures ; et rien ne garantit à un « apôtre » une plus grande capacité à recevoir la bonté et la vérité divines qu’à tout autre homme, car si tel était le cas, cela impliquerait que le Seigneur, qui est la bonté et la vérité mêmes, la justice essentielle, pourrait faire preuve de partialité dans la transmission du Saint-Esprit.

Nous savons que les apôtres, d’après les reproches du Seigneur dans les Évangiles, étaient aussi imparfaits et faillibles que tous les autres hommes ; et en effet, à l’exception peut-être de Jean, ils ont trahi une incapacité manifeste à apprécier l’enseignement spirituel du Seigneur.

Les Évangiles regorgent d’exemples de leurs erreurs personnelles ; car le Seigneur, bien qu’il pût leur communiquer des vérités divines, ne le faisait que d’une manière adaptée à leur humble capacité de perception de la distinction entre le spirituel et le naturel, et cette perception ne pouvait être élevée, dans l’économie divine, que par des moyens naturels, sinon ils n’auraient plus été des hommes, mais littéralement de simples récipients récepteurs.

Pour la promulgation des Évangiles, les évangélistes pouvaient être les instruments du Seigneur sans nécessairement percevoir toutes les vérités intérieures qu’ils contiennent, tout comme les prophètes d’autrefois ne savaient pas ce qu’ils disaient.

Les Évangiles sont écrits en correspondances et appartiennent à la Parole ; mais les enseignements et les écrits individuels de chaque homme, qu’il soit apôtre ou évangéliste, ont toutes les imperfections de leur caractère individuel, comme nous l’avons expliqué ci-dessus.

 

 

 

CHAPITRE XX.

 

SUITE DU JOURNAL SPIRITUEL : DIARIUM MINUS – PIERRE ET LES CLÉS DU CIEL : LE SENS SPIRITUEL – LES CHÂTIMENTS NE SONT PAS NÉCESSAIREMENT ÉTERNELS – LA DOCTRINE DES RESTES – JUDAS ISCARIOTE.

 

PAUL – GLOIRE MONDIALE – IL PENSAIT ÊTRE CELUI QUI INTRODUISAIT TOUS LES HOMMES AU CIEL.

(Diarium Minus, n° 4561.)

 

PAUL, pendant qu’il vivait dans le monde, n’avait aucune idée de l’autre vie, si ce n’est celle qui était mondaine ; il pensait qu’il y aurait là-bas une gloire mondaine, ne sachant pas ce qu’était la gloire céleste, ni même si elle existait.

Et il pensait ainsi : qu’il était celui qui devait introduire tout le monde au ciel, et que le Seigneur les recevrait de lui ; il croyait en outre qu’il était plus méritant que tous les autres. (1 Cor. xi. 2.)

C’est en vue de cette gloire terrestre, et pour être le plus grand, qu’il a affronté tant de dangers et enduré tant de punitions 123 ; mais pour une raison différente de celle enseignée par le Seigneur, à savoir que celui qui voudrait être le plus grand n’entrerait pas, mais seulement celui qui se contenterait d’être le plus petit ; et que ceux qui se contenteront d’être les derniers seront les premiers.

C’est pourquoi Paul s’est parfois associé aux mauvais esprits et aux démons, afin de se créer un paradis infernal rien que pour lui ; c’est aussi pourquoi il a rejeté les intérieurs de la Parole, parce qu’ils s’opposent à la gloire mondaine et au mérite.

 

 

PAUL : JETÉ PLUS BAS, LÀ OÙ IL NE SAIT PAS

QU’IL AVAIT ÉTÉ PAUL AUTREFOIS, 1749 (?)

(N° 4662.)

 

« Il lui semble avoir une feuille de papier avec lui, et il note ce qu’il observe ; la manière dont il écrivait m’a été révélée, à savoir par des lignes courbes aux extrémités (?) (circumductas ad fines). Peut-être qu’une telle écriture correspond à leur langage.

« Cela lui est permis, afin que les choses à observer puissent mieux s’imprimer dans sa mémoire. Je ne sais pas s’il revoit ces notes ; s’il les revoit, peut-être alors se souvient-il de certaines choses qui lui sont utiles.

« Paul a finalement reçu un logement pour lui seul, en haut à gauche ; mais de temps en temps, il s’efforçait de provoquer du tumulte 124 ; et finalement, il a été relégué plus bas, dans un endroit où il ne se souvient pas qu’il a été Paul. »

 

 

PAUL. SON OPPOSITION À PIERRE.

(Diarium Minus, n° 4631.)

 

« J’ai parlé avec Paul de son désir d’être celui qui introduit (tout le monde au ciel) et de son idée que le Seigneur recevrait tous ceux qu’il introduirait, ce qui est ridicule, car il n’y a pas d’introduction par jugement arbitraire, mais seulement par l’état de vie, état que personne ne connaît sauf le Seigneur.

« Je lui ai fait remarquer que s’il avait compris la Parole selon le sens de la lettre, il saurait que cette fonction (d’introducteur des esprits dans le ciel) devrait revenir à Pierre, à qui ont été données les clés du royaume des cieux, et qu’en se l’arrogeant il en priverait ainsi Pierre. Paul a déclaré qu’il priverait volontiers Pierre de cette fonction et qu’il la revendiquerait pour lui-même, car il avait travaillé davantage.

« Il éprouve une profonde aversion pour Pierre et dit que Pierre ne comprend rien et ne peut donc rien faire. » (Gal. ii. 11-14.)

 

 

_____________

 

 

 

Les remarques de Swedenborg sur le passage de Matthieu auquel il est fait référence ici sont très instructives et peuvent être citées dans leur intégralité pour illustrer le sens interne, par opposition au simple sens externe ; mais la valeur de l’illustration est plus évidente lorsque l’on lit les trois versets précédant le verset 18 : –

« Il leur dit : Mais vous, qui dites-vous que je suis ? Simon Pierre répondit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Jésus lui répondit : Tu es heureux, Simon Barjona, car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux. Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église. » (Matth. xvi. 15-18.)

Jésus est donc le Christ, le Fils du Dieu vivant.

« Dans quelle erreur sont ceux qui s’arrêtent au seul sens de la lettre, sans chercher le Sens Interne par d’autres passages de la Parole où le premier est expliqué ! On peut trouver une preuve évidente de cette erreur dans ce grand nombre d’Hérésies dont chacune confirme son dogme par le Sens Littéral de la Parole ; et surtout dans cette grande Hérésie que l’extravagant et infernal amour de soi et du monde a tirée de ces paroles du Seigneur à Pierre : “Toi je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle ; et je te donnerai les clefs du Royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux.”(Matth. xvi. 16-19.)

« Ceux qui pressent le Sens de la lettre pensent que ces paroles s’appliquent à Pierre, et qu’un pouvoir si grand lui a été donné ; quoiqu’ils sachent bien que Pierre a été un homme tout à fait simple, qu’il n’a jamais exercé un tel pouvoir, et que l’exercer, c’est agir contre le Divin ; cependant, comme par l’extravagant et infernal amour de soi et du monde, ils veulent s’arroger un souverain pouvoir sur la terre et dans le ciel, et se faire dieux, ils expliquent ce passage selon la lettre et soutiennent avec force leur explication ; lorsque cependant le Sens Interne de ces Paroles est que la foi au Seigneur, laquelle est seulement chez ceux qui sont dans l’amour pour le Seigneur et dans la charité envers le prochain, a ce pouvoir, et encore appartient-il non à la FOI, mais au Seigneur de Qui procède la Foi.

« Par la PIERRE ici est entendue cette Foi, comme partout ailleurs dans la Parole ; sur Elle est bâtie l’Église, et contre Elle les portes de l’enfer ne prévalent point ; à cette Foi appartiennent les Clefs du Royaume des Cieux, c’est Elle qui ferme le Ciel pour que les maux et les faux n’entrent point, et c’est elle qui ouvre le ciel pour les biens et les vrais ; tel est le Sens Interne de ces paroles : les Douze Apôtres, ainsi que les Douze Tribus d’Israël, n’ont pas représenté autre chose que tout ce qui appartient à une telle Foi.

« Pierre a représenté la Foi elle-même, Jacques la charité, et Jean les biens de la charité. Il en est de même de Ruben, de Siméon et de Lévi, les trois premiers nés de Jacob, dans l’Église Représentative Juive et Israélite, ainsi qu’on le voit par mille passages de la Parole.

« Et parce que Pierre représentait la Foi, c’est à lui que ces paroles ont été adressées. D’après ce qui vient d’être dit, on voit clairement dans quelles ténèbres se jettent, et jettent les autres avec eux, ceux qui expliquent toutes choses selon la lettre, comme ceux qui appliquent à Pierre ces paroles, par lesquelles ils enlèvent au Seigneur et s’arrogent à eux-mêmes le pouvoir de sauver le Genre humain. » (A. C., Préface du no 2760.)

En référence aux paroles de Swedenborg sur l’état de Paul aux numéros 4413 et 4562, nous pouvons trouver beaucoup d’éclaircissements dans ce qu’il dit sur les ravages et les punitions dans l’autre vie, ainsi que sur leur durée. Il ne dit pas que Paul est en enfer, ou damné, au sens commun du terme, mais qu’« il a finalement été précipité plus bas, où il ne savait pas qu’il avait été Paul ».

C’est tout ce qu’il dit de Paul, et ce propos remonte probablement à 1749, bien que le passage ne soit pas daté, et il fait peut-être référence à une période postérieure au jugement dernier.

Force est d’y voir, en tout cas, que Paul subissait des « vastations », et que nous ne pouvons conclure qu’il s’agit ici d’un état définitif – même si près de dix-sept siècles s’étaient écoulés depuis qu’il avait quitté le monde naturel –, mais simplement qu’à la dernière occasion que Swedenborg eut d’apprendre quoi que ce soit sur l’état de Paul, celui-ci subissait une « vastation » ou une purification progressive de ses maux et de ses faux-semblants, ce que nous-mêmes devons tous subir. Nos maux doivent être remis ou rendus inactifs avant que nous puissions entrer dans le Royaume des Cieux.

Swedenborg a clairement déclaré, à plusieurs reprises, que les punitions ne sont pas éternelles, bien qu’elles puissent durer un ou plusieurs siècles ; elles ne durent que tant que les maux et les faussetés persistent en nous, sans que nous les reconnaissions ou les réprimions ; elles ne sont donc que coéternelles.

Il n’y a pas de punition, dit-il, dans l’autre vie, sauf dans le but d’atteindre une fin, c’est-à-dire que les maux d’un homme puissent être mitigés de manière à lui permettre d’exister dans une certaine société du bien. Il serait contraire à la sagesse divine qu’un esprit subisse une punition dite éternelle, sans réforme pour atteindre une fin ; non, cela serait tout à fait contraire à la Divinité elle-même, qui est dans son essence bonne en tant que fin.

Le châtiment éternel n’aurait pas pour fins le bien, mais serait purement vindicatif, ce qu’il est impossible d’affirmer du Seigneur Dieu.

Si l’homme était livré à lui-même, étant tout entier mauvais, les châtiments seraient éternels, mais grâce à l’intercession miséricordieuse du Seigneur en faveur de l’homme, celui-ci est sauvé de l’enfer et progressivement purifié par des « vastations » ou des châtiments, qui peuvent donc durer plus ou moins longtemps (εἰς τοὺς αἰωνας), selon l’obstination des maux ou des faux à éliminer ou à soumettre.

L’homme est homme en raison de son libre arbitre, et il peut être mauvais s’il en fait le choix ; même le Seigneur ne peut régénérer un homme qui ne veut pas être régénéré, de sorte que celui-ci se précipite après la mort dans son propre enfer, car c’est là la seule sphère correspondant à son propre mal, qui est son amour et sa vie. Mais en raison de la restriction imposée par l’ordre divin au développement et à l’accroissement de son pouvoir agressif contre ses semblables, il souffre d’une douleur intolérable, et ses pouvoirs mêmes sont soumis à la décadence en raison de leurs abus. Ainsi, sa volonté persistante dans sa méchanceté est maîtrisée par une « vastation » incessante, et une apathie peut s’ensuivre ; ainsi, son amour dominant peut périr, et les restes humains qu’il a pu conserver peuvent être travaillés par le Seigneur, et sa vie peut être tempérée de manière à lui permettre d’être rétabli dans un usage humble, grâce auquel il peut sortir de son enfer.

Dans un autre passage, Swedenborg rejette de manière encore plus catégorique la notion courante de l’éternité littérale du châtiment, en affirmant qu’il n’est pas nécessaire que les démons soient toujours des démons.

« Ils m’ont demandé, dit-il, pourquoi je conversais avec les démons. J’ai répondu que les démons à qui je parle étaient autrefois des hommes dignes dans le monde, à propos desquels on ne pouvait pas imaginer qu’ils étaient des démons de leur vivant ; et j’ai fait remarquer qu’ils ne resteront pas toujours des démons. J’ai également expliqué que tout châtiment a pour but la réformation ; et comme rien d’autre que le bien ne procède du Seigneur, rien n’existe sauf pour une bonne fin. » (Art. Ecclesia, Diar. Majus, vol. iii. p. 274, et n° 3489.)

« Il n’y a pas de damnation éternelle », dit M. Deutsch, « selon le Talmud. Il n’y a qu’un châtiment temporaire, même pour les pires pécheurs. » (Essais, 1873, le Talmud.)

« “Génération après génération” durera la damnation des idolâtres, des apostats et des traîtres. Mais il n’y a qu’un espace de deux doigts entre l’enfer et le paradis ; il suffit au pécheur de se repentir sincèrement pour que les portes de la félicité éternelle s’ouvrent 125. » (Diarium Minus.)

Ceux qui, dans le monde, ont déjà pour principe l’amour du Seigneur et de leur prochain passent rapidement dans une société de bienheureux ; mais ceux qui sont confirmés dans l’amour d’eux-mêmes et du monde ne peuvent en aucun cas exister dans une société de bienheureux, et doivent donc passer par une « vastation » jusqu’à ce qu’ils soient réformés au point de pouvoir participer à un tel bonheur, et c’est à cette fin que le Seigneur, dans son amour infini, les réduit à un état tel qu’ils puissent percevoir leurs maux et être libérés de leur emprise ; car tant que les maux ne sont pas perçus et reconnus, la réforme ou la régénération est tout à fait impossible ; car dans la Divine Providence, aucune contrainte ne peut être faite.

Et la réforme n’est possible, même de la part du Seigneur, que grâce aux Restes qui ont été préservés de ce que l’homme a pu acquérir dans sa jeunesse et dans un état d’innocence relative en matière de connaissances de la foi, ou de bonté et de vérité, et qui ont survécu dans l’homme intérieur à tous les restes d’une autre vie, mais qui reviennent aussi, exactement tels qu’ils étaient pendant son séjour dans notre monde.

« Ainsi, non seulement les biens et les vérités stockés dans la mémoire restent et reviennent, mais également tous les états d’innocence et de charité ; et lorsque les états de mal et de faux, ou de méchanceté et de fantaisie, se reproduisent, ce qui survient à la fois de manière générale et particulière pour la moindre circonstance, alors ces derniers sont tempérés par le Seigneur au moyen des premiers ; de là il est évident que si l’homme n’avait pas quelques restes, il ne pourrait en aucun cas éviter la damnation éternelle. »

Tant que l’homme a des restes, selon cette doctrine énoncée par Swedenborg, il y a donc de l’espoir ; car même s’il les détruit en lui-même en se livrant à ses maux égoïstes, ils ne peuvent pas périr entièrement, sinon l’homme cesserait d’être humain ; il y a donc toujours de l’espoir tant que la nature humaine est préservée, tant que l’homme est homme. (A. C., 7560.)

Le remords de Judas Iscariote témoignait de l’activité des restes en lui ; et, selon Swedenborg, d’après ce qu’il avait entendu, il y avait de l’espoir pour lui, car il faisait partie de ceux qui avaient été choisis pour être les compagnons du Seigneur sur terre. (Adversaria, Genèse, n° 1479.)

Seul le Seigneur connaît l’intérieur de l’homme, mais ce qui est possible pour Judas Iscariote doit, nous pouvons le supposer, être également possible pour SAUL DE TARSE.

 

 

 

 

 

 

ANNEXE.

 

–––––——

 

 

EXTRAITS ORIGINAUX DU JOURNAL SPIRITUEL D’EMANUEL SWEDENBORG.

 

–––––––––——

 

 

Afin que le lecteur ne se fie pas uniquement à mes traductions des extraits du Journal spirituel de Swedenborg, qui peuvent être inadéquates, j’ajoute les passages originaux.

 

 

DE SIRENIBUS.

(Diarium Majus, n° 8728.)

 

Quidam ad me subito venit, ut perceptum, erat Paulus, quaerens an ego loquerer de eo malum, sed respondebatur, quod non cogitaverim tunc de eo.... 1748, 26 Oct.

 

 

DE PAULO.

(N° 4821.)

 

Longo tempore fuit antrorsum dextrorsum paulo, et ostensum ei quod beatitudinem haberet, sed continue cum dabatur occasio, contra veritates fidei, loquutus; tandem quidam in altiori loco detectus, qui eum duxisse se dicebat; detectus loquutus satis confidenter, sicut qui rexerit eum, et rexerit omnia quae ei, se deum quasi profitens, et exspirans spheram, sicut dominus; sed erat quidam diabolus, qui putavit se ipsum diabolum fuisse, qui decepit Adam et Evam secundum commimem opinionem; missus is in infernum, in cavernas, ubi pervagatus usque sub pedes meos, et ibi loquutus, tandem cum nube velata ascendit, quae erat phantasia ejus, tunc Paulus, quod datum mihi audire, cum eo loquutus, dicens quod vellet socius esse, et simul ire, seque deos facere; quare etiam associati simul iverunt antrorsum satis longe, et ibi decipere volebant illos, sed rejecti, ubi venerunt; etiam cum dormirem infestatus ab adulteris, et cum perciperent quod infestatus, bini illi auxiliati sunt, et contumaciter tenuerunt me in tali cogitationis turpi, ut vix dissolvi possem. Adulteri sed adulterse punitae sunt per gnuggismum, quod est poena earum, seu collisiones reciprocas; et quia bini illi erant quoque, etiam illi subibant eandem poenam, graviter, inde notum omnibus, quod Paulus etiam talis nefarius sit, et quod liberatus hactenus ex quibusdam causis, nam poenam subit nefarius ob nefanda, de qua re cum eo loquutum est, et nunc inter tales cohortes quae circumvagantur, et fere ubi locus deserti. 1749, 10 Juli.

 

 

Quod nemo absque mediis, seu miraculose bonus fiat.

(N° 4322.)

 

Quidam (: erat Paulus:) cum quo loquutus, quod nemo possit miraculose bonus fieri, mirati quoque quod non in coelum immediate auferantur, et in statum redigantur ex omnipotentia Domini, ut possint angeli esse, responsum quod malum non fieri possit bonum, nec prius illuc quis venire potest, quam cum malum dissipatiun seu domatum sit, et quod hoc fieri nequeat nisi per provisa media divina, non miraculose; dictum etiam si malum auferretur, quod forte parum vitae remaneret, et hoc foret miraculose, quod etiam fieri potest in altera vita per remotiones societatum malaram: quia sic cogitavit, remotae sunt societates, tunc visus sicut infans natans manibus, et dictum quod nihil sciret nec loqui nec cogitare, solum quod brachiola moveret, sicut qui primum natus: ita fierent mali si miraculose vellent boni fieri. 1749, 10 Juli.

 

 

De ipso diabolo, ex fine.

(N° 4323.)

 

Quidam fuit, qui se putabat diabolum qui seduxit Adam et Evam, cui se associavit Paulus, is apparebat sicut alius spiritus, non loquutus male, quasi homo esset, sed in obscuro; miratus quod is talis, quia non odia, vindictae, crudelitates, adulteria ab eo sentiebantur, ut ab aliis, sed instructus, quod is talia non curet, sed modo fines perdendi bonum et verum, sic ut nihil aliud intendat; fines sunt qui judicant hominem, et quia tales sunt, sunt ipsi diaboli, nam alte recondunt suos conatus, et ex pessimo illo fine agunt, et per quaecunque media, prophana vel sancta.

1749, 18 Juli.            

 

 

De Paulo.

(N° 4412.)

 

Paulus inter pessimos Apostolorum est, quod a multa experientia notum factum; amor sui, quo inescatus fuit, antequam praedicavit Evangelium, mansit apud eum, etiam postea, et quia tunc poene in simili fuit, incitatus ab amore illo et natura, ut in turbis esse vellet, omuia egit ex fine ut maximus esset in coelo, et judicaret tribus Israelis; quod talis postea manserit ex plurima experientia constat, nam loquutus sum cum illo plus quam cum aliis; imo talis est, ut caeteri Apostoli in altera vita rejecerint eum e consortio suo, nee amplius agnoscant eum pro uno Diarium eorum, ex eo etiam qnod se adsociaverit uni ex pessimis, diabolis, qtii regere omnia vnlt, et spospondit ei, ut hoc obtineret; praeter plnra alia, quce nimis prolixum foret referre; omnia quae novi de Paulo, si describerentur, foret membranas adimplere: quod epistolas scripsit, hoc non testatur de eo quod talis, nam etiam impii possunt praedicare bene, et literas scribere; aliud est esse, et aliud est loqui et scribere, quod etiam illi dictum; et praeterea in suis epistolis ne verbulum memoraverat de Domino quid docuit, nec unam ipsius parabolam memorat, sic ut nihil ex Domini vita et sermone acceperit, quod etiam ei dictum, cum tamen apud Evangelistas est ipsum Evangelium.

 

 

De sensu literali Verbis et hypocritis. Paulus.

(N° 4413.)

 

Puit quidam qui insensibilis fuit sensui interno Verbi, quia voluit meritum ponere in aetis (: Paulus:); diu ad distantiam a me fuit, etiam inter pejores, jam se associavit pessimis diabolis, jam sibi coelum voluit formare, quibus daret gaudia ex se, sed cupiditatum et voluptatum, quod etiam tentavit; sed inde pejor factus, et deturbatus; loquutus eum illo tunc, quod hoc non esset coelum sed infernum, versum etiam est in nigrum infernum; hypocritas imprimis habere voluit, de quibus eum illo loquutus: per aliquot dies hypocritae apud me fuerunt, quod ex dentium dolore potui scire, incumbebant jugiter tacendo, et perceptum et dictum, quod hoc ex Paulo, qui odio habet internum sensum, et sic ira odii istius eum effectum habet, ut arcessantur hypocritae, et quod talis sit nexus rerum, nam hypocritae nihil credunt, sed usque aestimant sensum literalem Verbi, quia inde possunt capere plura et persuadere vulgo, et facere ut apparent sicut pii.

 

 

DE EPIST. PAULI.

(N° 4824.)

 

Quod Pauli epistolae non sensum internum habeant, notum est in altera vita, sed permissum est ut in Ecclesia sint, ne illi qui ab Ecclesia malum facerent Verbo Domini, in quo sensus internus est; nam si homo male vivit, et usque credit Verbo sancto, tunc malum facit coelo, ideo Pauli epistolae permissae sunt: et ideo Paulo non permissum fuit sumere unam parabolam, ne quidem doctrinam ex Domino, et exponere et explicare, sed a semet omnia sumsit.

Ecclesia quidem explicat Domini Verbum, sed per Epistolas Pauli, quapropter etiam recedit ubivis a bono charitatis, et accipit verum fidei, quod tamen Dominus docuit, sed ita ut bonum charitatis esset omne.

 

 

DE ZINZENDORF ET PAULO.

(N° 6062.)

 

Erat (Zinzendorf) in idea abstracta non sicut alicui diceret, sed sicut secum cogitaret, aut loqueretur cum amico, qui nihil vulgat, dixit, quod prorsus non aliter de Domino cogitare posset, quam sicut de alio homine, et non quod Deus, et quod usque diceret Divinum in illo, sed intelligeret Divinum sicut apud alium hominem.

Tum quod loquutus sit (Dominus) perquam simpliciter, et non sapienter, et quod Paulus sapientius; sed ostensum est ei, quod Dominus loquutus sit ex ipsa sapientia Divina, per correspondentias, sicut etiam loquutus est per Prophetas, ita ex Divino suo, et quod Paulus quidem ex inspiratione loquutus, sed non ita sicut prophetae, quibus dictatae sunt singulae voces; sed quod inspiratio ejus esset, quod reciperet influxum secundium ilia quae apud illum erant, quae inspiratio est prorsus alia, nec habet conjonctionem cum coelo per correspondentias.

 

 

DE PAULO.

(Diarium Minus, n° 4561.)

 

Paulus dum vixit nihil cogitavit de altera vita quam mundane; gloriam mundanam putabat ibi fore, nesciens quid esset gloria coelestis, et num esset aliquid; et putavit sic, quod is esset qui introduceret omnes in coelum, et quod Dominus acceptaret eos a semet; praeter quod meruisse prae aliis putavit; propter eam gloriam, nempe mundanam, ut maximus esset, subivit tot pericula et punitiones, ita ex alia causa, quam Dominus docuit, quod nempe qui maximus esse vellet is non intraret, sed qui minimus, et quod ultimi erunt primi; inde est, quod is se consociavit aliquoties malis spiritibus et diabolis, ut sibi prorsus coelum infernale faceret; inde est, quod interiora Verbi rejiciat, quia sunt contra gloriam mundanam, et contra meritum.

 

 

(N° 4662.)

 

Habere secum sibi videtur chartam, et quod observat, inscribit, sed modus quo inscribit mihi ostensus, nempe per lineas circumductas ad fines, fortassis talis scriptura apud eos respondet eorum linguae, hoc ei licet, ut quae observanda melius ejus memorise imprimantur; quod revideat illa, non scio, si revideat fortassis tunc aliqua revocantur in memoria ei conducibilia.

Paulo demum data habitatio per se supra ad sinistrum, sed usque per vices voluit tumultuari; tandem inferius delatus est, ubi nesdt quod faerat Paulus.

 

 

DE PAULO.

(Diarium Minus, n° 4631.)

 

Loquutus cum Paulo, quod is velit introductor esse, et quod Dominus reciperet quos introduceret, quod ridiculum est, cum non sit introductio ex arbitrio sed ex vita, quam nemo novit quam Dominus; dicebam quod si secundum literam intellexisset Verbum, quod hoc munus foret Petri, cui claves regni coelorum dati, et sic quod surriperet ei, dixit quod ei vellet hoc surripere et sibi vindicare, quia plus laboraverit; Paulus Petrum prorsus aversatur, et dicit eum nihil intelligere, et sic nihil posse.

 

 

Ralph Nickolson WORNUM,

Saul of Tarses, or Paul and Swedenborg, 1877.

 

 

 

 



1  Note de Biblisem : L’auteur est ici trompé par la légende dorée qui s’était répandue dans les esprits à son époque. On croyait en effet que Mahomet méritait les plus hauts honneurs pour avoir exterminé les polythéistes en terre d’Arabie. On sait aujourd’hui que ce que l’islam d’alors appelait des « polythéistes » étaient en fait des chrétiens, que la doctrine mahométane désignait comme polythéistes à cause de leur foi trinitaire. D’ailleurs, ces polythéistes eussent-ils été d’authentiques païens, on ne voit pas en quoi le fait de les éliminer pourrait être acclamé comme étant un « grand service » rendu à l’humanité. Au-delà, donc, de sa méconnaissance de l’histoire des conquêtes, l’auteur a manqué ici de sens critique à l’encontre de la réputation usurpée de Mahomet homme de Dieu.

2  Voir ci-dessous, Chap. IV et Chap. XVII, sect. 1, sur le Paraclet, où ce sujet est traité plus en détail.

3  Jovis, Ζευς – Dieu. Jahveh et Jove semblent être exactement le même nom. Jovis Pater (Père Jove) est devenu Jupiter, correspondant au Zες πατήρ des Grecs. – Mythologie de Keightley.

4  Voir les références complètes sur ce sujet dans l’Index des Arcanes célestes de M. Elihu Rich. 1852.

5  Voir le quatrième chapitre, le chapitre VIII et le chapitre XI.

6  1 Cor. ix. 18 note. Épître aux Corinthiens. 1855.

7  Les « onze » apôtres avaient déjà reçu du Seigneur lui-même l’ordre d’aller « enseigner toutes les nations ». Matthieu xxviii. 19. Cette affirmation n’est donc pas tout à fait en harmonie avec l’Évangile, car les païens avaient déjà leurs apôtres qui leur avaient été assignés, nommés par le Seigneur ; et cela aurait dû être suffisant, et l’était sans doute.

Paul prêchait principalement parmi les Juifs, c’est-à-dire les Israélites dispersés parmi les Gentils. Son apostolat spécial auprès des Gentils est purement imaginaire. Voir le chapitre XI ci-dessous.

8  La traduction autorisée de « licite » est peut-être incorrecte ici ; le grec est : οκ ξòν νϑρπ λαλσαι – ineffable, impossible à dire.

9  Arcana Caelestia quae in Scriptura sacra seu Verbo Domini sunt, detecta : etc. Una cum mirabilibus quae visa sunt in mundo spirituum et in caelo angelorum. Opus Emanuelis Swedenborg. Londres, 1749 ; et Tübingen, 1833-42, onze volumes in-8. Exposition de la Genèse et de l’Exode.

10  Les onze premiers chapitres appartiennent à l’Ancienne Parole, voir ci-dessus, chap. i.

11  Arcanes célestes, Introduction à l’exposé du livre de la Genèse.

12  Voir Documents concernant la vie et le caractère d’Emanuel Swedenborg, etc. Manchester, 1841.

13  Cela s’est passé en 1748-1749 ; voir son Journal spirituel, nos 3728, 4321, 4322, 4328, et les chapitres XIX et XX ci-dessous.

14  Lettre d’Emanuel Swedenborg à l’évêque Oetinger, datée du 11 novembre 1766.

15  EMANUEL SWEDENBORG, deuxième fils de Jesper Swedberg, évêque de West Gothland, est né à Stockholm le 29 janvier 1688 et a fait ses études à l’université d’Uppsala.

À l’âge de 22 ans, il obtint son doctorat en philosophie. En 1710, il se rendit à Londres et à Oxford, puis à Utrecht, Paris et Greifswald, avant de rentrer chez lui en 1714.

En 1716, Charles XII le nomma assesseur au Collège royal des métaux de Suède, fonction qu’il occupa jusqu’en 1747. En 1719, il fut anobli par la reine Ulrica Eleanora et prit le nom de Swedenborg : il siégeait à la Chambre des nobles, dans l’ordre équestre, mais n’avait pas de titre.

Il effectua un deuxième voyage à l’étranger en 1721, visitant à nouveau la Hollande et l’Allemagne, cette fois-ci dans le but d’améliorer ses connaissances pratiques en matière d’exploitation minière. Il revint à Stockholm en 1722.

En 1724, il fut invité à occuper la chaire de mathématiques pures à l’université d’Uppsala, en tant que successeur de Nils Celsius, mais il déclina cet honneur.

En 1729, il devint membre de l’Académie royale des sciences d’Uppsala.

En 1783, il effectua un troisième voyage en Allemagne et, l’année suivante, publia, aux frais de son mécène, le duc de Brunswick, son grand ouvrage scientifique intitulé Opera Philosophica et Mineralia, ou Regnum Minerale, en trois volumes in-folio, à Dresde et Leipzig, qui lui valut une renommée européenne parmi les érudits.

En 1736, il repartit en voyage, incluant cette fois l’Italie dans son périple, qui l’occupa pendant trois ans.

En 1740-1741, il publia son Œconomia Regni Animalis et fut élu membre de l’Académie royale des sciences de Stockholm.

En 1744-1745, il publia son Regnum Animale, à La Haye et à Londres.

Et à cette époque, alors qu’il était âgé de 58 ans, sa vision spirituelle s’ouvrit, et son ouvrage suivant, publié en 1745, De Cultu et Amore Dei, marqua le début de la grande série de ses publications théologiques.

Dans une lettre adressée au révérend Thomas Hartley, datée de Londres, en 1769, Swedenborg explique ainsi sa transition de la science à la théologie : « J’ai été appelé à une fonction sacrée par le Seigneur, qui s’est manifesté très gracieusement en personne à moi, son serviteur, en 1743, lorsqu’il m’a ouvert les yeux sur le monde spirituel, me dotant du don de converser avec les esprits et les anges, dont je jouis encore aujourd’hui. » Dans l’Apocalypse Expliquée, il déclare avoir utilisé ce pouvoir et avoir commencé à converser avec les esprits et les anges en 1744. (Vol. vi., p. 345 ; cité p. 38). Mémoires de Robsahm.

Cet évènement se produisit à Londres et, à partir de cette période, il changea les activités de sa vie antérieure, se consacrant désormais, au lieu de la science, exclusivement à l’étude de la Bible et à l’exposé des éléments les plus intimes du christianisme. Un amour sincère de la vérité et un effort constant pour montrer l’amour infini et la providence universelle du Seigneur sont évidents dans tout ce qu’il a écrit.

Le monde spirituel s’ouvrit progressivement à lui entre 1743 et 1745, et il s’exprimait à partir de révélations extérieures et de perceptions tirées également de la Parole ; pendant de nombreuses années, il nota soigneusement ses expériences spirituelles dans un journal intime.

Mais il ne fut jamais et ne prétendit jamais être ce que l’on entend communément par « inspiré », c’est-à-dire une personne qui parle comme les prophètes à partir de correspondances ou de la dictée verbale directe du Seigneur.

Il ne savait que ce qu’il avait étudié ou demandé au Seigneur, et il recevait du Seigneur des vérités, doctrinales ou autres, en fonction de son pouvoir de perception.

Les révélations ordinaires de Swedenborg sont des faits tirés de « choses entendues et vues », de ses expériences dans le monde spirituel lors de ses conversations avec des esprits et des anges, et de ce qu’il y a vu : ces expériences sont désormais publiées dans son journal, mais pas dans d’une manière aboutie, et constituent un merveilleux ensemble de faits et de principes ; le monde ne contient rien d’autre qui puisse être comparé à cela. Et si c’était, comme certains le supposent, une simple masse d’imaginations issues de son propre cerveau, ce serait un phénomène encore plus merveilleux qu’un simple récit de choses entendues et vues ; or, cela ne peut être rien d’autre.

Ce journal spirituel est la mine dans laquelle il a puisé les matériaux et élaboré ses remarquables ouvrages théologiques, illustrant la Bible ou la Parole divine, étant, de par son état intérieur, apte à recevoir la perception du Seigneur.

Le Journal contient cependant beaucoup de choses qu’il n’a jamais publiées : il s’est fondé sur son propre jugement pour décider de ce qu’il était sage ou prudent de publier à son époque ; et beaucoup de choses qui ont alors été retenues comme inopportunes peuvent aujourd’hui être rendues publiques sans danger. La liberté religieuse a fait d’énormes progrès depuis l’époque de Swedenborg, tout comme les études historiques portant sur les traditions religieuses, qui ont mis en lumière les luttes, les perversions et les mascarades dont l’Église a dû souffrir aux mains de faux amis et d’ennemis déclarés, même si elle a beaucoup plus souffert de ses amis professés que de ses antagonistes déclarés.

Swedenborg a continué à occuper le poste d’assesseur du Conseil des mines pendant plus de trente ans, jusqu’en 1747, date à laquelle il a été autorisé à prendre sa retraite avec une pension équivalente à la moitié de son salaire. À partir de ce moment, il a alterné ses résidences entre Stockholm, Amsterdam et Londres, ville où il mourut, dans son logement de Great Bath Street, Coldbath Fields, le 29 mars 1772, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans.

Bien que Swedenborg ait lui-même publié une série impressionnante d’ouvrages théologiques, il en a laissé beaucoup d’autres sous forme de manuscrits, mais tous ont depuis été publiés et traduits, à l’exception du Journal ; de nombreux manuscrits originaux ont également été photolithographiés.

Son premier ouvrage théologique publié, paru en 1745, a déjà été décrit ; le dernier, publié par lui-même, était le Vera Christiana Religio, qui est un résumé de toutes ses doctrines et expériences, paru à Amsterdam en 1771 en in-quarto. La publication de ses écrits, du premier au dernier, s’est étendue sur une période de plus d’un siècle et demi, de 1709 à 1863 inclus. Voir White, Swedenborg, 1868, « Catalogue des écrits de Swedenborg », à la fin.

Pour une notice complète et intéressante sur Swedenborg, voir la Penny Cyclopaedia ; et par le même auteur : Emmanuel Swedenborg : a Biography. Par J. J. Garth Wilkinson, Londres, 1849.

Voir également « Documents concernant la vie et le caractère d’Emanuel Swedenborg », Manchester, 1841 ; principalement traduit de l’allemand par le Dr J. F. I. Tafel, de Tübingen, éditeur des nouvelles éditions latines des œuvres théologiques de Swedenborg. Un ouvrage exhaustif portant le même titre est en cours d’impression, préparé pour la SWEDENBORG SOCIETY par le Dr R. L. Tafel – Vol. I, 1875.

16  ος κα παρστησεν αυτν ζντα μετ τ παθεν ατν.

17  Il, ατòν, masculin, s’accordant avec παράκλητος. Voir ci-dessous, chap. XV, sect. 1, sur la « dualité de Dieu ».

18  Les manuscrits ordinaires portent les mots « dans la ville de Jérusalem », mais le plus ancien codex, le Sinaïtique, omet les mots « de Jérusalem ». Voir Tischendorf, l.c.

19  Selon certains critiques allemands, l’Évangile de Jean devrait se terminer au chapitre 20, le chapitre 21 étant un ajout d’une autre main. Le dernier verset du chapitre 20 semble en effet conclure le sujet de la manière la plus naturelle et la plus satisfaisante qui soit.

20  Voir ci-dessous, chap. XV, sec. 1, « La dualité de Dieu ».

21  Voir ci-dessous, chap. XIII.

22  Voir Smith’s Dictionary of the Bible, s. v.

23  Smith’s Concise Dictionary of the Bible, 1871, p. 690.

24  Cette pièce d’argent était probablement la drachme ; la drachme attique était en argent équivalent au franc moderne ; 50 000 francs valent environ 2 000 livres sterling.

25  Voir Zeller, Apostelgeschichte, p. 132 et suivantes.

26  Cette confirmation du gouvernement de la Syrie par P. Sulpicius Quirinus, avant celui généralement connu, est importante, car elle montre qu’il n’y a pas d’erreur dans l’Évangile de Luc qui fait coïncider la naissance du Christ avec le recensement ordonné par Auguste et effectué par Quirinus : cela n’aurait pas pu être le cas si le proconsulat bien connu de Quirinus, qui date de l’an 6 après J.-C., avait été le seul.

Voir Chronological Synopsis of the Four Gospels (Synopsis chronologique des quatre évangiles) de Wieseler, traduit par le révérend E. Venables. Note de A. W. Zumpt, p. 135 ; et Romans under the Empire (Les Romains sous l’Empire) de Dean Merivale, vol. iv, p. 428, note. 1865.

27  Voir Baur, Die Kanonischen Evangelien, p. 572. Cet évangile est également mentionné par Eusèbe, iv., 22, comme étant cité par Papias et Hégésippe, dont les écrits sont aujourd’hui perdus. C’était l’évangile utilisé par Justin, et il s’agit peut-être du même livre que celui qu’il appelle les « Mémoires des apôtres ».

« Matthieu », dit Papias, « a composé son histoire en dialecte hébreu, et chacun l’a traduite comme il le pouvait. » (Eusèbe, iii., 39.) D’où nous pouvons supposer qu’il en existait plusieurs versions.

« Matthieu, dit Eusèbe, iii., 24, après avoir d’abord proclamé l’évangile en hébreu (araméen), lorsqu’il était sur le point de se rendre dans d’autres nations, l’a mis par écrit dans sa langue maternelle, et a ainsi suppléé par ses écrits à son impossibilité d’être présent parmi eux. »

Irénée fait la même déclaration, à savoir que Matthieu utilisait le dialecte hébreu. Eusèbe, v., 8, et Origène également. (Eusèbe, vi., 25.)

Épiphane a également rapporté que les « Nazaréens » utilisaient l’Évangile de Matthieu en hébreu. (Haer., xxix.) Par hébreu, on entend ici le babylonien ou l’araméen oriental.

28  Les hellénistes étaient soit des prosélytes juifs parmi les Grecs, soit des Juifs grecs, c’est-à-dire des Juifs nés et élevés parmi les Grecs, parlant habituellement la langue grecque comme langue maternelle, d’où leur nom d’hellénistes. Paul était probablement l’un d’entre eux.

29  Tel est textuellement le récit : des vêtements usagés, ou des mouchoirs ou des tabliers provenant du corps de Paul, quelle que soit ici la signification du mot tabliers. Le grec est : π το χρωτς ατο σουδρια σιμικνϑια. La vertu résidait apparemment dans la transpiration. Ces guérisons étaient peut-être des cas d’électrobiologie, le corps du patient étant influencé par son esprit.

30  Cette statue n’était pas celle de Simon le Magicien, mais celle de Semo Sancus, l’Hercule sabin : elle fut découverte dans le Tibre au XVIe siècle. Eusèbe fut induit en erreur par un passage de Justin. Zeller, Apostelgeschichte, p. 158.

31  Traduction de l’archevêque Wake, dans « The Apocryphal New Testament », in-8o, Londres, 1821, où se trouve également le fragment d’une deuxième lettre. La première de ces lettres parle de manière inadéquate de la divinité du Seigneur ; et pour illustrer la résurrection, elle a recours à la fable du phénix ! un type très explicite de résurrection matérielle ; exactement ce à quoi on pourrait s’attendre de la part d’un disciple de Paul.

Voir également Photius, Myriobiblon, chapitres cxiii et cxxvi, pp. 290 et 306. Folio, Anvers, 1592.

32  Voir chap. XIII.

33  Clementis Romani quae feruntur Homiliae Viginti nunc primum integrae, etc. Par A. B. M. Dressel, in-8o, Göttingen. 1853.

Les « Reconnaissances » n’existent plus aujourd’hui qu’en latin et en syriaque ; une traduction en est donnée dans le cinquième volume de Primitive Christianity de Whiston, in-8o, 1712.

La plus ancienne forme latine est celle de Rufin d’Aquilée, du IVe siècle (Basil, 1526), et comme le grec a été perdu, la qualité ou la fiabilité de la traduction reste en partie hypothétique, mais d’après quelques extraits conservés par d’autres auteurs, elle semble fiable. La version syriaque récemment découverte est une acquisition précieuse, bien qu’elle soit postérieure à la traduction de Rufin. Hilgenfeld, Recognitionen, etc.

34  Pharisiens – פְּרוּשִׁSéparés ou séparatistes, pieux ou dévoués.

35  Le Talmud distingue sept classes de pharisiens : –

1. Ceux qui font la volonté de Dieu pour des motifs terrestres.

2. Ceux qui font de petits pas, ou disent : « Attends-moi un instant, j’ai encore une bonne action à accomplir. »

3. Ceux qui se cognent la tête contre les murs pour éviter de voir une femme.

4. Les saints en fonction.

5. Ceux qui vous implorent de leur signaler d’autres devoirs qu’ils pourraient accomplir.

6. Ceux qui sont pieux parce qu’ils craignent Dieu.

7. Mais le seul vrai pharisien est celui qui fait la volonté de son Père qui est aux cieux parce qu’il l’aime.

Ce dernier devait être un pharisien très rare ; c’est peut-être ce que le pharisien devait être plutôt que ce qu’il était.

36  Cela ressort clairement des collations de M. D. McCalman Turpie, The Old Testament in the New, in-8, Williams et Norgate, Londres et Édimbourg, 1868.

37  Dr A. Hausrath, Neutestamentliche Zeitgeschichte, II., p. 396.

38  Cité au chapitre XII, ci-dessous.

39  πρχε δ Παλος τι περιν τ λικί κονδοειδής, φαλακρός, μιξοπόλιος τν κάραν κα τ γένειον, ερινος, πόγλαυκος, σύνοφρυς, λευκόχρους, νθηροπρόσωπος, επώγων, πογελντα χων τν χαρακτρα, φρόνιμος, θικός, εόμιλος, γλυκύς, etc. – Il y avait Paul, encore jeune d’âge, petit de taille, chauve, avec une barbe et une moustache, blond, aux yeux bleus, sympathique, blanc de teint, au visage rose, aux yeux clairs, au caractère doux, sage, éthique, aimable, doux, etc.

Malalas, Chronogrophia, 1. x. p. 257 ; Niebuhr, Byzantine Historians, Bonn, 1831, partie viii. ; éd. Oxford, 1691, p. 831.

Il existe une autre description personnelle de Paul, dans les Byzantine Historians, qui ajoute la difformité à ses particularités ; mais comme elle est dans l’ensemble similaire, et datant d’environ trois siècles plus tard, il n’est pas nécessaire de la reproduire ici. Dean Howson et M. Lewin, dans leur ouvrage Paul, citent tous deux ce passage, bien que ce dernier omette par inadvertance une ligne importante ; et ils donnent tous deux la même référence incompréhensible : « Niceph., H. E., ii., 87. » La Chronographia de Nicéphore de Constantinople ne contient pas un tel passage.

40  Voir l’ouvrage intéressant « PAUL ET DAVID ; ou les relations entre le caractère personnel et les fonctions apostoliques et prophétiques ». Sm., in-8, Speirs, Londres, 1873, p. 88.

41  Reconnaissances, I, 70. – « Cumque in eo jam res esset, ut venirent et baptizarentur, homo quidam inimicus tunc cum paucis admodum ingrediens templum, clamare coepit et dicere », etc.  « Ô segnes et desides, cur non manibus nostris invadimus et discerpimus omnes hos ? Cum interim ille inimicus homo Jacobum aggressus de summis gradibus praecipitem dedit, quem cum mortuum credidisset, ultra mulctare neglexit. »

Au chapitre 71, on trouve la précision suivante : « Quod inimicus ille homo legationem suscepisset a Caipha pontifice, ut omnes qui crederent in Jesum persequeretur, et Damascum pergeret, etc., quod illuc confugisse crederet Petrum. » – « Cet homme hostile avait reçu pour mission du pontife Caïphe de persécuter tous ceux qui croyaient en Jésus et de se rendre à Damas, etc., car il croyait que Pierre s’y était réfugié. »

Hilgenfeld suggère que Paul lui-même fait référence à ce surnom d’« ennemi » qui lui est donné ici, dans sa lettre aux Galates, où il dit : « Suis-je donc devenu votre ennemi parce que je vous dis la vérité ? » στε χθρς μν γέγονα ληϑεύων μν ; Reconnaissance, etc., p. 79.

42  Ce qui désigne, selon Swedenborg, ceux qui séparent la foi de la charité. Apoc. Expl., no 107, 142.

43  Simon le Magicien.

44  Voir le chapitre XIII ci-dessous.

45  Nous devons en douter, car les convertis de Jérusalem n’ont jamais eu aucune foi ni aucune confiance en lui.

46  Le passage n’est pas clair, mais il semble impliquer que Titus a été, en fait, circoncis, même si aucune contrainte n’a été exercée. Dans la suite, Paul semble se plaindre de ceux qui ont tenté de maintenir les obligations du rituel, tant pour les chrétiens que pour les juifs, d’où sa désignation de faux frères ; ils différaient de lui, et il nous fait savoir à quel point il était peu enclin à céder.

47  Ce qui n’est pas du tout en accord avec les « Actes » (xv) ; voir le chapitre VI, ci-dessus, p. 72.

48  Eusèbe (Eccles. Hist., I., xii.) professe croire que ce n’est pas l’apôtre Pierre, mais un autre « Kephas », un disciple obscur, l’un des soixante-dix (?), qui est évoqué dans cette dispute à Antioche ; une supposition curieuse, pour laquelle il n’existe pas le moindre fondement. Κηφς – Kephas – est le nom que Paul utilise à plusieurs reprises pour désigner Pierre. Au verset 9, lorsqu’il parle des trois piliers, il les nomme άκωβος, Κηφς et ωάννης – Jacques, Pierre et Jean. Et dans la première épître aux Corinthiens, il dit : « Je suis de Kephas » – « Paul, Apollos ou Céphas » – « comme les frères du Seigneur et Céphas » – « Qu’il a été vu par Céphas » (i. 12 ; iii. 32 ; ix. 6 ; xv. 5), où il ne peut s’agir que de Pierre. Et dans l’Évangile de Jean, il est dit que Simon devait être appelé Céphas, ce qui signifie Pierre (un rocher), σ ε Σίμων υἱὸς ωάννου, σ κληϑση Κηφς, ρμηνεύεται Πέτρος – une information bien connue de Paul, semble-t-il. Jean i. 48. Tischendorf.

49  Augustin, Sermon 333, 5. In Natali Martyrum ; vol. v., p. 1466. Éd. Migne. Voir Paul et David, p. 94.

50  Hilgenfeld, Das Neue Testament, p. 68.

51  C’est un passage qui a été utilisé pour justifier la revendication des pontifes romains quant à la succession apostolique ! En effet, ce passage est généralement traduit par « jusqu’à la fin du monde » ou « jusqu’à la consommation du monde », au lieu de jusqu’à la consommation de l’âge, ou Église. Il faut avouer qu’on obtient ainsi une superstructure merveilleuse sur des fondations pourtant fragiles. Enseignent-ils à observer tout ce que le Christ a commandé ? Voir ci-dessous, chap. XX.

52  Voici qui étaient les douze apôtres :

1er : SIMON Bar-Jona, fils de Jonas, appelé Pierre.

2: ANDRÉ, son frère ; originaires de Bethsaïda.

3e et 4: JACQUES et JEAN, fils de Zébédée et de Salomé, appelés les fils du tonnerre – Boanerges – Βοανηργές.

Ces quatre hommes étaient tous des disciples de Jean-Baptiste et étaient pêcheurs en Galilée, sur la mer de Tibériade.

5e et 6: JACQUES ou Jacob, et JUDE ou Judas, fils d’Alphée ou Clopas, qui épousa la sœur de la Vierge Marie, et qui étaient donc les cousins du Seigneur : ils étaient également originaires de Galilée.

7e : PHILIPPE de Bethsaïda, un autre Galiléen.

8e : BARTHOLOMÉE, Bar-Tolmai, de Cana en Galilée. On suppose qu’il s’agit du même personnage que Nathanaël, « un véritable Israélite, en qui il n’y avait point de fraude ». Jean i. 47.

9: MATTHIEU, ou Lévi. Un collecteur d’impôts de Capharnaüm, et donc également originaire de Galilée.

10: THOMAS, Thaddée, Lebunnus ou Judas, l’incrédule, originaire d’Antioche en Syrie.

11: SIMON ZÉLOTE, ou Simon le Cananéen, c’est-à-dire des zélotes.

Et enfin, le 12e, JUDAS ISCARIOTE, ou de Kérioth en Judée, « fils de Simon ». C’était le traître, et le seul véritable Juif parmi les apôtres.

Remarquez que presque tous les autres étaient des Israélites de la « Galilée des Gentils », un peuple métissé.

Voir Matthieu x. 1-4 ; Marc iii. 14-19 ; Luc vi. 18-16 et Jean i. 40-51.

53  Voir Apocryphal New Testament, etc., 1821. Cette lettre est un authentique produit du premier siècle, selon Hilgenfeld, Das Neue Testament, p. 38.

54  Parmi ses périls, il y en a un qui est très extraordinaire : il a passé une nuit et un jour, non pas en mer, mais dans les profondeurs des eaux, c’est-à-dire au fond de la mer – νυχθήμερον ν τ βυθ πεποίηκα. 2 Cor. xi. 25.

55  Dans les Phénomènes, etc., d’Aratus, originaire de Cilicie : – το γρ κα γένος σμέν.

56  Pausanias mentionne certains autels de ce type : « Et l’autel des dieux appelés inconnus » – I., i., 4, βωμο δε θεν τε νομαζομένων γνστων. C’est très différent d’adorer le Dieu unique inconnu, ou même un Dieu inconnu.

57  Voir W. Tooke, Lucian of Samosata from the Greek, etc. Londres, in-4o, 1820.

58  Celui, c’est-à-dire de moi, Paul !

59  Baur, Kirchengeschichte der drei ersten Jahrhunderte, Tübingen, 1863 ; p. 81. Renan, Origines du Christianisme, Saint Paul, chap. X., p. 304 ; et Hilgenfeld, Das Neue Testament–Die Johannes Apokalypse, p. 410 et suivantes.

60  Voir ci-dessus, chap. X.

61  S’il ne s’agit pas d’une exagération grossière, comme c’est très probable, il est remarquable que dans une petite ville comme Jérusalem, on comptait déjà plusieurs milliers de chrétiens. Si l’on compare la population d’autres villes par acre avec la superficie de Jérusalem, il semble que la ville entière ne pouvait pas contenir plus de 45 000 habitants. (Voir le Dictionnaire de la Bible de Smith.)

62  C’est-à-dire Thessalonique et Philippes, où se trouvaient Lydie et ses meilleurs amis.

63  Sur cette question de la collecte d’argent, voir l’ouvrage remarquable : « Not Paul but Jesus », par Gamaliel Smith, Esq. (Jeremy Bentham ?), Londres, in-8, 1823, où le sujet est traité de manière assez approfondie.

64  Voir ci-dessus, chap. V.

65  L’acquittement de Paul par Néron est affirmé avec audace par Dean Howson, qui se réfère à Suétone, Néron 15 ; mais Paul n’est même pas mentionné par Suétone, ni dans la « vie de Néron » ni ailleurs ! L’acquittement de Paul par Néron est une pure fiction. Conybeare et Howson, The Life and Epistles to St. Paul, ch. xxvii.

66  λογιζμεθα γρ δικαιοσθαι πστει νθρωπον χωρς ργων νμου. Tischendorf, l. c.

67  Cette explication, adoptée par Swedenborg, lui aurait été révélée par Paul lui-même lors d’une communication spirituelle en 1748-1749. Mais après ce qui a été démontré ci-dessus, peut-on affirmer que c’était là le point de vue de Paul lorsqu’il a rédigé ses épîtres ? Si tel était son sentiment à l’époque, il s’est certainement exprimé de manière merveilleusement obscure, pour ne pas dire maladroite. Voir la lettre au Dr Oetinger, dans le deuxième chapitre ci-dessus, ainsi que les lettres au Dr Beyer, datées d’Amsterdam, le 15 avril 1766 (chap. XVIII, ci-dessous), et de Stockholm, le 30 octobre 1769. Documents concernant la vie et le caractère d’Emanuel Swedenborg, etc. Manchester, 1841.

68  Voir ci-dessous, chap. XVII, § 3.

69  L’hébreu d’Habacuc ii. 4 dit « par sa foi », mais Paul cite la LXX, qui omet le sa. Certains manuscrits disent « par ma foi ».

70  Νμος δ παρεισλθεν να πλεονσ τ παρπτωμα ο δ πλενασεν μαρτα περεπερσσευσεν χρις, etc. Romains v. 20. Tischendorf.

Je joins trois traductions anglaises : –

« De plus, la loi est entrée afin que l’offense abonde. Mais là où le péché a abondé, la grâce a abondé bien davantage. » – Version autorisée.

« Et la loi a été ajoutée afin que le péché abonde, mais là où le péché a abondé, le don de la grâce a débordé. » – W. J. Conybeare.

« Et la loi s’est glissée afin que l’offense abonde ; mais là où le péché a abondé, la grâce a abondé davantage. » – Samuel Sharpe.

71  Voir en particulier Hilgenfeld, Historisch-kritische Einleitung in das Neue Testament. Leipzig, 1875.

72  Voir le Testament grec de Tischendorf, huitième édition, in-8o, 1869-72.

73  Note de Biblisem : Invalidé aujourd’hui par les travaux historiques récents sur l’islam. Voir notamment : Odon Lafontaine, Le grand secret de l’islam ; Antoine Moussali, La croix et le croissant ; Louis Chagnon, Les débuts des conquêtes arabo-musulmanes ; Nahed Mahmoud Metwalli, La violence de l’islam ; Robert C. Davis, Esclaves chrétiens, maîtres musulmans ; René Marchand, Mahomet, contre-enquête ; Laurent Lagartempe, Origines de l’islam ; Maxime Lenôtre, La création de l’islam.

74  Conybeare et Howson, Vie et épîtres de saint Paul, 1872. Introduction.

75  Nous devons le chercher dans la loi orale ou non écrite, c’est-à-dire dans le Talmud, dans la Mishna. Le Talmud est divisé en Mishna et Gemara, c’est-à-dire en loi et légende.

Voir les Essais de Deutsch, 1873. Le Talmud.

76  The Old Testament in the New, a Contribution to Biblical Criticism and Interpretation, Williams and Norgate, Londres, 1868, in-8o.

The Life and Epistles of St. Paul, par le révérend W. J. Conybeare et le très révérend J. S. Howson, etc., 1852, in-4o. Défense très enthousiaste de « l’apôtre des Gentils », avec de nombreuses discussions topographiques.

77  Voir les articles Septante et Bible dans la Penny Cyclopaedia. Voir également Ewald, History of Israel, vol. v., p. 249.

78  Psaume cx. : « Jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied. »

79  Note de Biblisem : L’auteur semble oublier que Pierre, dans Actes 2, 36, va même encore plus loin que Paul : « Ce Jésus que vous avez cloué sur la croix, c’est lui que Dieu a fait Seigneur et Messie. »

80  Note de Biblisem : L’incompatibilité alléguée n’est guère évidente. Si le Père a tout donné au Fils (Matth. 11, 27 ; Luc 10, 22 ; Apoc. 2, 27), il va de soi que le Fils possède la « plénitude de la divinité ». Il ne suit pourtant pas de cela que le Fils soit nécessairement un seul et même être avec le Père.

81 Note de Biblisem : On pourrait dire, à l’inverse, que c’est justement parce que le Fils est soumis au Père que toute la plénitude de Dieu peut habiter en lui. D’ailleurs, Jésus Lui-même n’affirme-t-il pas recevoir des ordres de son Père ? « Tel est l’ordre que j’ai reçu de mon Père » (Jean 10, 18).

82  Note de Biblisem : Il est étrange que l’auteur ne se soit pas rendu compte qu’il en va de même de tous les autres livres de la Bible : aucun n’affirme sans ambiguïté que « le Christ est Dieu en tant que tel ».

83  Voir le Nouveau Testament de Tischendorf, Novum Testamentum, etc., vol. ii., p. 860, 8e éd., 1872.

84  Note de Biblisem : Nécessairement, puisque le Fils est l’image du Père.

85  Voir ci-dessus, chap. IV, « Actes des Apôtres ».

86  Afin qu’il soit, etc. – να μεθ μν ες τν αἰῶνα τ πνεμα τς ληθεας κσμος ο δναται λαβεν τι ο θεωρε ατ οδ γινσκει μες γινσκετε ατ τι παρ μν μνει κα ν μν σται.

Tischendorf, Novum Testamentum Graece, etc. Ed. Oct. Crit. Major. Leipzig, 1869.

Il n’y a pas de place pour qui, lui ou il ici ; lequel et cela sont indispensables.

87  ν, qui, au masculin, s’accorde avec Παρκάλητος, le Consolateur, comme , qui, au neutre, au verset 17 du chapitre xiv, s’accorde avec τ πνεμα, l’Esprit ; et ατν, cela, au chapitre xvi. 7, au masculin, avec le Consolateur. Le Consolateur n’est pas plus une personne que l’Esprit.

88  ταν δ λθ κενος τ πνεμα τς ληθεας δηγσει μς ν τ ληθείᾳ πσ ο γρ λαλσει φ αυτο λλ σα κοσει λαλσει. Tischendorf, l. c. Ici, le pronom est omis tout au long du texte.

Le démonstratif κενος (cela, celui-là là-bas, là-bas) ne signifie pas « lui », mais se rapporte autant à une chose qu’à une personne, et suit ce à quoi il fait référence ; dans ce cas, il fait référence à Παράκητος, le Consolateur, au verset 7, trois phrases plus haut. Tout comme dans le chapitre xiv. 26, δ Παράκλητος, τ πνεμα τ γιον πμψει πατρ ν τ νματ μου, κενος, etc.

Dans de nombreux cas où la Version autorisée fournit he, le verbe est donné sans aucun pronom ; et dans tous les cas où he est donné, it convient également, voire mieux, au sens de l’original.

Bien sûr, lorsque l’Église enseigne que l’Esprit est une personne distincte, « il » est utilisé par nécessité. Mais l’Évangile de Jean ne donne certainement aucune autorité pour supposer une personne distincte pour le Saint-Esprit.

J’ai écrit which pour « whom », et that et it pour « il » dans les passages ci-dessus ; non pas que he soit tout à fait incompatible avec l’idiome anglais, même lorsqu’une personne distincte n’est pas sous-entendue. Dans cette acception, peu importe que l’on utilise he ou it ; je maintiens simplement que le grec ne contient nulle part he, et que he n’est donc pas seulement inutile en anglais pour rendre correctement le sens de l’original, mais qu’il est strictement inadmissible. Voir note no 86.

89  Les passages des versets 7 et 8 du chapitre 5 de la première épître de Jean, sur lesquels repose principalement la notion de trois personnes au ciel, sont, espérons-le, désormais définitivement abandonnés comme étant apocryphes. La lettre de Jean dit : « Car il y en a trois qui rendent témoignage : l’Esprit, l’eau et le sang, et ces trois sont d’accord. »

C’est exactement ce qui figure dans les manuscrits du Sinaï, du Vatican et d’Alexandrie. Dans les versions tardives du Testament, et dans quelques transcriptions tardives du grec, cela a été modifié, par une interpolation extraordinaire, peut-être initialement par un fanatique, pendant la controverse arienne, en quelque chose de totalement différent ; comme nous le trouvons en effet aujourd’hui dans la version anglaise autorisée. Ainsi : « Car il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, la Parole et le Saint-Esprit, et ces trois sont un. Et il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre : l’Esprit, l’eau et le sang, et ces trois sont d’accord. »

Comme les mots en italique n’existent pas dans les manuscrits les plus anciens et les meilleurs cités ci-dessus, nous pouvons supposer qu’il s’agit d’interpolations ultérieures (Tischendorf, Novum Testamentum Graece. Ed. in-8o, 1872, vol. ii., p. 387–341). Et nous devons admirer la perspicacité de Sir Isaac Newton, qui a rejeté catégoriquement cette corruption, la jugeant tout aussi dénuée de fondement et d’autorité. (Cinquième volume de l’ouvrage du Dr Horsley intitulé Newtoni Opera, etc., « An Historical account of two notable Corruptions of Scripture ».)

L’archidiacre Travis a complètement échoué dans ses efforts laborieux pour démontrer l’authenticité de cette étrange tentative d’établir une autorité apostolique pour une trinité de personnes dans la Divinité. Voir ses Lettres à Gibbon, etc. Londres, in-8o, 1794.

90  Ce passage de l’épître aux Romains, chapitre 5, verset 11, est le seul exemple du mot expiation dans le Nouveau Testament anglais, bien que le mot grec καταλλαγ apparaisse à d’autres endroits dans les écrits de Paul, comme dans l’épître aux Romains, chapitre 11, verset 15, et dans la deuxième épître aux Corinthiens, versets 18 et 19 ; dans ces deux cas, le contexte exige une réconciliation, et non une expiation ; il n’y a en effet pas vraiment besoin d’employer ce mot ici.

Les Évangiles ne connaissent pas ce mot, qui n’est pas non plus mentionné dans le livre de l’Apocalypse. Il abonde bien sûr dans l’Ancien Testament, car il s’agit d’une notion juive, et il était essentiel dans les formes du culte extérieur, mais dans la nouvelle dispensation, toutes ces formes ont disparu.

Une expiation peut être une réconciliation, mais une réconciliation n’est pas nécessairement une expiation, et ne peut être une expiation par procuration.

Le mot καταλλαγ pourrait très bien être traduit par réconciliation à cet endroit également, et nous pourrions ainsi passer complètement à côté de l’expiation chez Paul, s’il n’avait pas clairement enseigné dans d’autres passages un sacrifice expiatoire, une justification par le sang du Christ, l’apaisement de la colère de Dieu, etc. Pourtant, le Christ nous a dit à deux reprises dans l’Évangile de Matthieu, ix. 13 et xii. 7, que le Seigneur veut la miséricorde et non le sacrifice. Osée vi. 6 ; Michée vi. 6-8.

91  Voir ci-dessus, chap. XIV.

92  « Sufficit quod agnovimus per divitias gloriae Dei, agnum qui tollit peccatum mundi ; ab hoc not avellet nos peccatum ; etiamsi millies millies uno die fornicemur aut occidamus. Putas tam parvum esse pretium et redemptionem pro peccatis nostris factam in tanto et tali agno. » Telle est la position adoptée par Luther pour sa justification par la foi, dans une lettre à Melanchthon, depuis son « Patmos ». Voir Epist. Jena, 1656, in-4o, vol. i., p. 345. Telle est la moquerie infernale dans laquelle un homme est conduit par le solifidianisme antinomique.

93  The Primitive Doctrine of Justification investigated, par G. S. Faber, B.D., Londres, 1837.

94  Voir le sixième chapitre du deuxième livre de l’Histoire de la Réforme de D’Aubigné, vol. i., où se trouvent quelques détails sur la conversion de Luther.

95  Ou « La malédiction de Dieu est celui qui est pendu. » Turpie, The Old Testament in the New, p. 187.

96  D’Aubigné, Sermons de Wittemberg, vol. iii, b. ix, ch. viii.

97  Voir le chapitre XVIII du présent ouvrage.

98  La Version autorisée dit moi ici, comme dans certains manuscrits. Voir Tischendorf, l. c. Le sens semble nous l’imposer.

99  Voir chap. IX, p. 97, sur les pharisiens, et les observations de Josèphe.

100  Voir son ouvrage sur l’Amour conjugal Delitiae Sapientiae de Amore Conjugali, etc. Amsterdam, 1768. C’est peut-être l’œuvre la plus sublime et la plus pratique de Swedenborg. Il distingue l’amour vraiment conjugal de l’amour du sexe ; le premier est une condition dans laquelle il ne peut y avoir ni faux ni mal ; le véritable conjugium étant un mariage du corps et de l’esprit ; le simple matrimonium ou lien conjugal peut être totalement dépourvu de tout principe intérieur d’union.

101  Traduction de l’archevêque Wake, Apocryphal New Testament, etc., deuxième édition. 1821 : –

περωτηθες γρ υτς Κύριος ύπ τινς, πτε ξει ατο βασιλεα, επεν. ταν σται τ δύο ν, κα τ ξω, ς τ σω, κα τ ἄῤῥεν μετ της θηλεας, οτε ἄῤῥεν οτε θηλυ. – 2 Cor. v. 1.

102  Dans l’Église spirituelle, le masculin ou l’homme (vir) désigne en particulier la compréhension et les choses de la foi ; le féminin, la volonté et les choses de l’amour. Le masculin désigne en général la vérité, le féminin le bien, et leur union imprègne toutes les choses dans l’âme humaine. Les femmes représentent en particulier les affections de la vérité et du bien, et sont influencées par ces qualités lorsqu’elles les perçoivent chez les autres. Et le sexe féminin est ainsi constitué et formé que la volonté, qu’elle soit bonne ou mauvaise, prévaut sur l’entendement ; telle est la disposition totale de leurs fibres, et telle est leur nature. Toutes les bonnes femmes sont fortes dans l’affection du bien et de la vérité, tandis que les bons hommes le sont surtout dans la compréhension des vérités dérivées du bien ; mais les deux sont incomplets séparément. Arcanes célestes, 4005, 4510, 568, 915.

103  Nouveau Testament du Dr Burton, l. c.

104  Jésus, prenez, mangez et rompu sont des mots qui n’apparaissent pas dans les manuscrits du Sinaï, du Vatican ou d’Alexandrie. – Nouveau Testament de Tischendorf.

105  Les commentateurs romains supposent que cela ne s’applique qu’aux anges déchus, mais cela ne change rien à l’affaire.

106  Voir chapitre XI, p. 125.

107  Voir chapitre XVII, § 5, Matérialisme, p. 296.

108  Les mots Jésus-Christ ne figurent pas ici, dans les manuscrits sinaïtique, vatican et alexandrin. Tischendorf, l. c.

109  Augustin, De gratia et libero arbitrio, 14. Migne, vol. x., p. 890.

« Ergo redeamus ad Apostolum Paulum, quem certe invenimus sine ullis meritis bonis, imo cum multis meritis malis, Dei gratiam consecutum reddentis bona pro malis : videamus quid dicat, sua jam propinquante passione, scribens ad Timotheum. Ego enim jam immolor, inquit, et tempus resolutionis mea instat. Bonum certamen certavi, cursum consumavi, fidem servavi.

« Ista utique jam merita sua bona commemorat ; ut post bona merita consequatur coronam qui post merita mala consecutus est gratiam. Denique attendite quid sequatur ; Superest, inquit, mihi corona justitiae, quam reddet mihi Dominus in illa die Justus Judex. (2 Tim. iv. 6-8.)

« Cui redderet coronam Justus Judex, si non donasset gratiam misericors Pater ? Et quomodo esset ista corona Justitiae nisi praecessisset gratia quae justificat impium ? Quomodo ista debila redderetur, nisi prius illa gratuita donaratur. »

110  Voir ci-dessus, chap. XIV et XX.

111  La preuve supposée à laquelle il est fait référence ici a déjà été discutée au chapitre XIV et jugée vague et peu concluante ; en fait, elle est loin d’atteindre son objectif : elle ne prouve rien, mais expose un paradoxe.

112  Swedenborg a montré dans certaines de ses lettres qu’il n’était pas sans inquiétude quant à ses œuvres, en particulier en Suède, en raison de l’opposition du clergé local. À une occasion, le 10 mai 1770, il a demandé la protection du roi Adolphe-Frédéric. Son propre neveu par alliance était l’un des évêques les plus hostiles à son égard, et ce prélat a proposé à la Diète de supprimer ses écrits en Suède. Deux amis proches de Swedenborg, les docteurs Beyer et Bosen, furent poursuivis devant le consistoire de Göteborg à cause de lui, mais le consistoire ne parvint à aucune conclusion. Voir les lettres au docteur Beyer, datées de Stockholm, le 8 octobre 1769 et le 30 avril 1770. Peu avant que Swedenborg ne quitte Stockholm pour la dernière fois, en juillet 1770, il eut un entretien avec le roi, qui l’informa que, comme le consistoire était resté silencieux – sur ses propres lettres et sur les œuvres de Swedenborg –, on pouvait en conclure que les livres ne contenaient rien de répréhensible et qu’ils étaient écrits conformément à la vérité. Voir Documents, etc.

113  Diar. Maj., no 4824.

114  Voir ci-dessus, chap. XIII, où il est clairement démontré que par « loi », Paul ne faisait pas seulement référence au rituel, mais toujours à la loi elle-même, le Décalogue.

115  Voir ci-dessus, chap. XVII, § 1, sur la « dualité de Dieu ».

116  Voir chap. XIV.

117  Voir ci-dessus, chap. XV, Les épîtres pauliniennes.

118  Voir ci-dessus. Chap. XVII, § 1. Dualité de Dieu et Arcanes célestes, nos 2156, 3704, 1745, 8724.

119  Il ne faut pas oublier que l’Épître aux Colossiens fait partie de celles que les critiques considèrent comme apocryphes, c’est-à-dire non écrites par Paul.

120  Voir ci-dessus, chap. XVII, §§ 1, 2, 3, 4, 5, 6.

121  Emanuelis Swedenborgii Diarium Spirituale, e Chirographo ejus in Bibliotheca Regiae Universitatis Upsaliensis asservato. Nunc primum edidit D. Jo. Fr. Im. Tafel. Tubingae, Londini, etc., 1843-54. In-8o, 3,679 pages. Une partie est intitulée Diarium Majus, ou Grand Journal ; l’autre, un fragment, est intitulée Diarium Minus, ou Petit Journal.

122  Comme je l’ai déjà fait remarquer, on peut se demander si Paul connaissait vraiment les Évangiles, car on ne peut prouver qu’aucun autre Évangile que celui de Matthieu n’était en circulation à son époque ; et un homme au caractère indépendant et à l’idiosyncrasie particulière n’aurait probablement pas consulté cet Évangile même s’il en avait eu l’occasion.

Origène dit que celui de Luc était « l’Évangile recommandé par Paul, qui avait été écrit pour les convertis parmi les païens ». On ne trouve aucune recommandation de ce genre dans les épîtres de Paul ; l’Évangile de Paul était celui qu’il enseignait lui-même. Eusèbe, Hist. Eccl., VI., xxv.

123  Paul, dans 2 Cor. 6, 5 et 11, 23-27, parle des nombreux dangers et châtiments qu’il a encourus, sans préciser leur date ni leur lieu ; cependant, le compilateur des « Actes » semble avoir eu connaissance de très peu de ces cas. Voir « Actes » 16, 26 pour la seule mention des coups. Voir également ci-dessus, chap. XII.

124  En ce qui concerne la propension de Paul à susciter des tumultes et des troubles, chose que nous avons souvent eu l’occasion de noter au cours de cet ouvrage, il est remarquable que la principale ou première accusation portée contre lui lorsqu’il a été traduit devant Félix à Césarée était celle d’un certain Tertullus, qui l’accusait d’être « un homme pestilentiel et un instigateur de sédition parmi tous les Juifs du monde entier ». (Actes xxiv. 5.)

125  On ne peut toutefois pas s’empêcher de trouver étrange, pour ne pas dire inepte, cette idée de la félicité éternelle : « Dans l’autre monde, il n’y aura ni nourriture, ni boisson, ni amour, ni travail, ni envie, ni haine, ni compétition. Les justes s’assiéront avec des couronnes sur la tête, se glorifiant de la splendeur de la majesté de Dieu. » ! ! ! Combien parmi un milliard de personnes trouveraient le bonheur dans une vie sans amour, sans occupation ni travail ? Ce tableau ressemble au paradis inventé par un ermite fou ou un anachorète du désert thébain, une créature aussi folle que Siméon le Stylite. Si l’on s’efforçait d’inventer un enfer intolérable pour l’homme, ce paradis pourrait y correspondre, une vie sans vie, une existence réduite à une inactivité éternelle.

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net