Bleu et or

 

 

D’autres iront dormir sous une terre molle

dans l’ennui sombre et froid d’une plaine du Nord,

mais les morts de chez nous le soleil les console,

et la terre est ardente où je dormirai mort.

 

La terre où j’oublierai les misères souffertes

accumule en ses flancs des sources de chaleurs

et mes forêts de pins, plutôt rousses que vertes,

tendent des bras dorés par la résine en pleurs.

 

Mon cimetière blanc, au pied de ma colline,

exhale des parfums et des ardeurs de four ;

là, l’olivier, plus pâle au soleil qui s’incline,

semble un réseau d’argent fait pour capter du jour.

 

Sous les pins, l’ombre, spectre ineffable de l’heure,

dort bleuâtre, légère au sol dur et vermeil,

et nos morts, oublieux du regret qui les pleure,

sous les roches en feu sont encore au soleil.

 

Dans un terrain sonore où coule de la flamme

s’ouvre le tombeau clair où j’aime à me pencher ;

c’est dans ce feu profond que j’irai, corps et âme,

me consumer longtemps, mieux que sur un bûcher.

 

Les rayons du soleil, drus, plantés droits en terre,

en crépitant viendront brûler ce qui fut moi ;

la cigale de juin, symbole du mystère,

redira dans les pins son hymne à l’été-roi ;

 

Et mon âme, oubliant ses douleurs les plus grandes,

muée avec ma chair en essences de feu,

en parfums de genêts, de thyms et de lavandes,

du fond des cryptes d’or montera vers le bleu.

 

 

 

Jean AICARD, dans La Nouvelle Revue, nov.-déc. 1908.

 

 

 

 

 

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