Un pour tous
Et ne dis pas : « Seul pour le nombre,
Quel bien fera mon humble amour ? »
Que chacun soit flambeau dans l’ombre :
Les ténèbres verront le jour.
Ce matin, dans la fourmilière,
La pluie a fait l’éboulement ;
La tribu des fourmis entière
S’est mise à l’œuvre – vaillamment,
Et chaque fourmi solitaire
Ayant, sans hâte et sans délais,
Porté dehors son grain de terre,
Tout fut sauvé dans leur palais.
Que chaque homme console un homme,
Fasse un bien, donne une pitié...
Ne t’occupe pas de la somme:
Le pain sera multiplié.
Le pain ? – l’homme vit d’autre chose !
Le pain qui manque, c’est l’amour...
Que le geindre dorme, s’il l’ose !
Toi, dans la nuit, chauffe ton four !
Laisse ton siècle – le temps coule –
S’égayer, sceptique et moqueur...
Un seul mot nourrit une foule;
À tous les cœurs suffit un cœur.
Jean AICARD.
Paru dans Le Magasin pittoresque en 1833.