Midi, c’est de voir ton visage
Midi, c’est de voir ton Visage !
Seigneur, va-t-il longtemps tarder
Ce jour sans ombre et sans nuage
De ton inconcevable été ?
Quel printemps n’alanguit une âme
Qui s’épuise à Te désirer ?
Qu’est-ce : être touché par la flamme,
Quand le feu doit nous dévorer ?
Source invisible où je vais boire,
Tu me parles d’un Océan...
Ô divin Soleil de la gloire,
Perce un si vulnérable écran !
Que ta triomphante évidence
Succède à ces rayons diffus !
Mon avidité vous devance,
Heure où le temps ne sera plus.
L’impatience est-elle un signe
De l’approche d’une faveur
Que mon cœur, pour en être indigne,
N’estime pas moins son bonheur ?
Eau vive qui nous désaltère,
Ma soif te pressait de jaillir,
Chers fruits d’un ciel qui m’est mystère,
Puisse aussi ma faim vous mûrir !
Une fleur en moi tôt éclose
Mit l’avant-goût du Paradis...
Je n’ai que l’odeur de la rose
Ici-bas qui me mène à lui.
Mais l’âme est ivre de lumière,
Abîme de la Déité !
Abeille, elle se perd entière
Dans le trine et dans l’unité.
Demain goûter au sein de l’Être
Le prix de ma rédemption,
Comme Il Se connaît, Le connaître
Béatifique vision !
Ah ! L’aimer enfin comme Il S’aime
Tout un interminable jour,
L’aimer comme Il m’aime Lui-même,
Ce Bien-Aimé qui est l’Amour...
Midi, c’est de voir ton Visage !
Seigneur, il ne peut plus tarder
Ce jour sans ombre et sans nuage
de ton inconcevable été.
Tendu vers l’instant qui va suivre,
Patiente, ô mon beau désir.
Si mourir d’attendre est mieux vivre,
Vivre conduit vite à mourir.
Jean-Pierre ALTERMANN.
Extrait de L’Aurore et Psyché, A. Silvaire.