Mort de l’Absent

 

 

IL marchait dans un jardin de fleurs muettes,

Sur le sable phosphorescent,

 

De ses doigts ruisselaient des étoiles

Qui s’éteignaient en touchant la terre.

 

Et il parlait d’une voix d’automne,

Tiède et lointaine :

    « Je sème en toi mes paroles sans imaginer leur floraison future.

 

    Le Paradis perdu sommeille au fond du soir

    Parmi les chênes bleus et les rayons de lune.

 

    Au cœur des gîtes, sous l’argile où les eaux sont captives,

    Palpitent les métaux, oppressés tout le jour par la surdité de l’Enfer.

 

    Quel amour s’insinue dans leurs fibres

    Et dore leurs cristaux d’une tendresse obscure ?

    On ne sait ? »

 

    « Mais l’Ange, l’Ange porteur de feu,

    Te souvient-il de lui ?

 

    Pourtant, si tu voulais tu roulerais la pierre du tombeau.

    Avec tous les vivants, par le sillage des étoiles,

    Guidé par le parfum des ailes,

    La trace humide encore des paroles perdues,

    Tu jaillirais, très pur, dans ta gaine d’Enfance,

    Si haut et si profond...

 

    Mais tu ne peux savoir,

    Il est passé, si près de toi,

    Et tu dormais.

    Peut-être en ton sommeil ton cœur a-t-il battu,

    Une rosée de pleurs a perlé sur tes yeux ?

    Mais tu dormais, avec tes lèvres immobiles,

    Sans un mot de prière...

 

    Réponds-moi...

    Comprends-tu, c’est ma dernière nuit.

    Je veux que tu sois prêt pour me fermer les yeux,

    À l’heure où le soleil lancera son grand cri sur la mer,

    Et couvrira de lumière épaisse, de lumière liquide

    Mon corps nu, caressé par les ondes vivantes...

 

    Tu m’abandonneras sur le revers de la colline,

    Sur cette pente douce comme une joue d’enfant.

    Je ne reviendrai plus parmi vous.

 

    Écoute... Je voudrais... Non.

    Quelqu’un qui pleure et chante, au fond de moi,

    Ouvre une bouche étrange,

    Et ne peut pas former ses mots dans votre langue

d’hommes... »

 

 

 

Jean AMROUCHE, Étoile secrète, 1983.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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