Excelsior
Je m’achemine vers l’infini
Mon esprit n’aborde point le ciel
Sans craindre mes pieds qui foulent l’enfer
Au milieu de ces extrêmes
Mes doigts nerveux déplacent des objets
Sur un brumeux étalage
Tomberai-je sur la route de mes pas
Route porteuse de cailloux
Usés par l’air du temps
Où se heurte le pas des voyageurs novices
Le bruit confus derrière moi
De mes pas agonisants
Les flaques d’eau où se mire le passé
Le vent saura-t-il briser cette surface dangereuse
Pour mon cœur qui songera au retour
Les feuilles seront-elles assez nombreuses
Pour me cacher le ciel qui passe
Les ruisseaux auront-ils oublié leurs chansons
Qui vous agenouillent auprès de leur lit
Et les visages aux regards fascinants comme des tentations
Porterai-je mille blessures d’un combat invisible
Seront-ils nombreux les bûchers à peine carbonisés
Qui longent la route de la vie
Où le vent et la pluie ont étouffé la flamme
Qui encerclait les mignonnes bûches rangées pour le sacrifice
Tant d’espoirs s’envolent avec la fumée d’un nouveau feu
Qu’importe si la route est longue et dure
Qu’importe si le soleil verse ses flots de feu
Où mon âme penchée s’abreuve
Au jour écrasé sur la rive déserte
Qu’importe si la lune se cache dans ma nuit de ténèbres
Où le soir discret s’arrête doucement
Car vous Marie vous serez au bout de ma route
Portant dans vos mains blanches mon repentir premier
Vous la plus pure des vierges choisies
Vous l’Immaculée au milieu de nos âmes entachées
Vous l’humble visiteuse qu’on relègue
Aux dernières places dans nos banquets intimes
À présent je balaye le sentier de l’adieu
Et mes yeux imbus d’un passé incolore
Fixeront vos bras tendus
Dans ma marche vers l’infini
Paul ANDRINET, Mélodies sur cordes libres,
Les Éditions de l’Atelier, 1956.