La Jérusalem céleste
De deux cités, je veux vous
Conter les dures batailles
Qu’elles se livrent toujours
Souvent elles combattent ensemble
Et elles se sont beaucoup blessées
Ou frappées tour à tour.
C’est là l’antique haine
Qu’engendra
Lucifer par sa mauvaise nature.
C’est lui qui suscite les guerres,
Qui fait durer le mal ;
C’est lui qui a fait le schisme.
Mais le Christ par sa puissance
Lui a fait grande résistance
Par cité et par château,
Comme je me propose de vous le dire.
Il y a une noble cité
Faite par le vrai Dieu,
De sainteté pleine,
Qui s’appelle Jérusalem,
Qui est vision de paix
Et qui est l’Étoile du matin.
Celle-là est l’Église
Dont la vertu est efficace
Contre toute ruine.
Les citoyens qui l’habitent
Sont les chrétiens sages
Qui font pèlerinage de par le monde.
La fine sapience
Règne dans leur citadelle de sorte que,
Si quelqu’un touche ses citoyens,
Elle lui donne peine et tourment.
Cette cité se trouve
Dans la Sainte Écriture
Dictée par Dieu.
On lit dans l’Apocalypse
Toutes ses mesures :
Elle est carrée de toutes parts.
Et Isaïe a prédit
Que sur ses murs
Bonne garde sera faite.
Cette garde vaillante
(Et) se tient à une grande hauteur
Pour voir le pays.
Si elle voit des gens armés
Prendre ses citoyens,
Elle appelle le roi pour qu’il
Lui donne secours.
C’est une troupe vigilante
Qui habite dans la citadelle,
Et qui accompagne le roi.
(Et) qui, par méchanceté,
Touche un de ses amis
Qui est de la famille élue,
Elle l’assaille avec vigueur
Et le perce avec des armes
(Bien) fourbies et affilées.
Un des leurs en chasse et en abat
Et (en terrasse) mille
Dans une colère furieuse.
Cette science leur est donnée
Par le roi qui les envoie,
Et qui toujours leur commande
De les tuer sur-le-champ.
On la lit dans l’Apocalypse,
Cette noble armure ;
Il y est écrit et noté
Que les hommes n’ont pas fait
Sa trempe,
Ni par forgeron né sur terre,
Mais c’est le haut Dieu de gloire
Qui l’a faite forte et sûre
De l’état de vertu.
Qui s’arme de vertu,
N’a jamais peur
D’aucune autre arme.
Qui en est orné
Va toujours sans peur,
Et n’a aucune crainte
Des gens barbares.
Ces armes s’appellent
La Foi, l’Espérance,
Et la vraie Charité,
Justice et Prudence,
Force et Tempérance
Et fine Humilité,
Cœur de Mansuétude,
Allégresse spirituelle,
Et Chasteté sincère.
Toutes sont en révérence,
Avec Mépris et Dégoût
De la vaine prospérité ;
Et, dans l’adversité,
La fine Patience :
Auprès d’elle est sa voisine,
La Paix de bonne volonté.
Anonyme italien du XIIIe s.,
Le tournoi des vertus et des vices.
Recueilli dans Poésie italienne du Moyen Âge,
textes recueillis, traduits et commentés
par Henry Spitzmuller,
Desclée De Brouwer, 1975.