Ode

 

                                  .....Vanæ hominum mentes, desideria vana !

 

 

      Oh ! qui ne me dira le mystère

      De tous les jours que sur la terre,

      Par un sort fatal entraîné,

      L’homme passe dans la souffrance,

      Jusqu’à sa dernière espérance

      À sa propre erreur enchaîné ?

      C’est en vain qu’autour de lui tombe

De ses rêves d’un jour tout l’éclat emprunté

Il poursuit sa chimère, et ce n’est qu’à la tombe,

Que de ses vains projets faisant une hécatombe,

Il voit tous leurs débris d’un œil désenchanté :

 

      Regard plein d’amère tristesse

      Où chacun de ses jours se dresse,

      Comme un fantôme menaçant !

      Sa chair frémit à leur approche ;

      Car chacun d’eux, comme un reproche,

      Lui jette un seul mot en passant.

      Un seul..... mais terrible, et qui tue

Dans leur espoir naissant l’essor des passions.

Et comme en un creuset, dans l’âme vide et nue,

Laisse, quand son ardeur factice est disparue,

Ce caput mortuum de nos illusions....

 

      Néant ! c’était donc là le terme,

      Ce but où d’un pas sur et ferme,

      À travers mille heures d’ennui,

      Il s’avançait infatigable,

      Poussé par la main implacable

      Qui constamment pesait sur lui.

      Heureux, dans sa course fiévreuse

S’il n’a point dévié du sentier de l’honneur,

Et si dans les replis, que la passion creuse,

Il n’a point étouffé la flamme généreuse

Qu’en naissant la nature alluma dans leur cœur !

 

      Mais c’est qu’il est au fond de l’âme

      Un besoin pressant qui réclame,

      Que rien n’apaise et n’assouvit :

      Une hydre à la gueule béante,

      Qui des projets que l’homme enfante

      Sans cesse affamé, se nourrit :

      Mais c’est qu’une voix de mensonge

Fait taire les accents trop faibles du remord,

Et lui présente au loin, vaporeux comme un songe,

Ce bonheur idéal, dont le désir le ronge

Et d’espoir en espoir le conduit à la mort.

 

      Marche, marche, pauvre âme en peine

      Toute la longueur de ta chaîne ;

      Marche de ta vie au trépas ;

      Pour arriver triste et souillée

      Un jour à la grande vallée,

      Vierge du bonheur d’ici bas.

      Tu vendis ta part d’héritage

Pour l’appât d’un plaisir qui s’use en peu d’instants.

Le néant ton seul but deviendra ton partage ;

Alors de la raison comprenant le langage

Tu voudras.... mais en vain, il ne sera plus temps.

 

 

 

Cl. ARBAN, Montréal, octobre 1838.

 

Recueilli dans Les textes poétiques du Canada français,

vol. IV, Fides, 1991.

 

 

 

 

 

 

 

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