Le nuage

 

 

    – Mère, vois-tu ce beau nuage

Là-bas, là-bas, à l’horizon ?

On dirait un cygne qui nage,

Et regagne en paix au rivage

Son lit de mousse et de gazon.

 

    On dirait l’oiseau blanc des Îles,

Qui, redoutant nos durs hivers,

Court à travers les airs mobiles,

Chercher des climats plus fertiles

Où les arbres sont toujours verds.

 

    On dirait une âme appâlie,

Qui pour toujours a dit adieu

Aux chagrins amers de la vie,

Et dans sa première patrie

Vole joyeuse, au sein de Dieu.

 

    Beau nuage ! un instant arrête...

Qui que tu sois, j’aime à te voir,

Comme les rêves du poète,

Flotter au dessus de ma tête,

Balancé par le vent du soir.

 

    Mais c’est en vain que je l’appelle :

Vois, mère, le méchant qu’il est,

À la brise entrouvrant son aile,

Là-bas, derrière la tourelle,

Il glisse, glisse et disparaît.

 

    – Pauvre chéri, ce beau nuage

À l’horizon, là-bas, là-bas....

Du bonheur sur terre est l’image :

Enfant, vieillard, fou comme sage

L’appellent.... mais il ne vient pas !

 

 

 

Claude ARBAN.

 

Paru dans L’Aurore des Canadas en 1839.

 

Recueilli dans Les textes poétiques du Canada français,

vol. IV, Fides, 1991.

 

 

 

 

 

 

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