Prière au Seigneur
J’ai peut-être pour destin
d’être une branche enflammée
qui s’éteint, consumée
par son désir de te voir.
La chose qui brûle, Seigneur,
est peut-être une chose qui aime ;
peut-être, Seigneur, une flamme
n’est rien d’autre qu’un amour.
La flamme de cette douleur
que je sens qui me consume
et en quoi mon vers est parfum
d’une myrrhe intérieure.
Et qui sait si la douleur
n’est rien d’autre qu’une flamme
brûlant si profond la branche
que l’on n’en voit pas l’éclat.
Peut-être, Seigneur, le parfum
du candide lys
n’est-il rien que la douleur
d’un feu qui le consume,
qui est si bas et si profond
que sa chaleur ne nous atteint ;
peut-être, Seigneur, ce monde
n’est-il rien que ton amour.
Peut-être nous nous séparons
du feu d’un foyer intérieur,
et l’amour même qui nous brûle
peut-être un jour revient à nous.
Et peut-être mort et vie
sont-elles les mouvements
d’un même amour, d’une lampe
ardant au feu du Créateur.
Rafael ARÉVALO MARTINEZ,
Les Roses d’Engaddi, 1927.
Recueilli dans Introduction à la poésie ibéro-américaine,
Présentation et traduction par Pierre Darmeangeat
et A.D. Tavares Bastos, Le Livre du Jour, Paris, 1947.