Feuillets de missel
À une Morte.
Tout au fond d’une chiffonnière
En bois de rose, j’ai trouvé
Quelques feuillets pleins de poussière
De ton missel inachevé !
Les figurines de tes Saintes
Attendaient encor le pinceau
Et, raides sous leurs robes peintes,
De l’oubli conservaient le sceau.
Et je repensais, ô ma mie,
Devant ton livre interrompu,
Aux heures de ta courte vie,
À ce charme si tôt rompu.
Nous aurions lu, dans ce vieux livre,
L’un près de l’autre, à deux genoux,
En disant : « Qu’il fait bon de vivre
Et de prier longtemps pour nous ! »
Et, châtelaine d’un autre âge,
Je t’aurais vue en cheveux blancs
Tard, oui, très tard, tourner la page
Au chevalier de tes vieux ans.
Mais tu n’eus pas le temps de lire
Jusques au bout même un Ave ;
Nous commençâmes de le dire,
Et je l’aurai seul achevé.
Pol d’ARGONNE.
Paru dans L’Année des poètes en 1895.