Sous une croix de bois...
Sous une croix de bois, triste abri sans feuillage,
Fils du peuple, tu dors, las de tes longs malheurs ;
Tu n’entends de soupirs, tu ne reçois de pleurs,
Que les soupirs des vents et les pleurs de l’orage.
Le riche, avare encor dans son grand sarcophage,
Dispute sa dépouille au sol qui fait les fleurs ;
Toi, des restes d’un corps rongé par les douleurs,
Tu fécondes la terre où s’usa ton courage.
Mais l’opulent seigneur, esclave de l’orgueil,
En sa prison de marbre, en son brillant cercueil,
Loin du ciel et de Dieu reste captif sans doute ;
Quand ton âme arrachée à son lourd vêtement,
Dans l’argile bientôt se frayant une route,
Vers l’éternel séjour monte plus librement.
Poitiers, 10 février 1846.
Edmond ARNOULD, Sonnets et poèmes, 1861.