Deux êtres sont en moi...
Deux êtres sont en moi ; l’un, formé par la terre,
Affranchi par l’esprit, mais par les sens borné,
Intelligent, actif, au labeur condamné
Dans cet étroit domaine où son destin l’enserre ;
L’autre, de l’infini pressentant le mystère,
Vers la clarté suprême avant l’heure entraîné,
Pareil, en sa faiblesse, à l’aiglon nouveau-né
Qui s’agite, impuissant, dans l’ombre de son aire.
Grandis, ô fils du ciel et de l’immensité !
Un jour tu franchiras l’espace illimité ;
Dans la lumière un jour tu déploîras ton aile :
Et s’il te reste alors un vague souvenir
Du nid sombre où germa ta vigueur immortelle,
Sûr de toi désormais, tu pourras le bénir !
28 août 1858.
Edmond ARNOULD, Sonnets et poèmes, 1861.