Ô mort...
Ô mort, si cette horreur que ton nom seul inspire
Ne m’a jamais troublé, même à la fleur des ans ;
Si tu n’as jamais vu ni mon cœur ni mes sens
Frémir aux bords sacrés de ton muet empire ;
Si j’ai toujours aimé ton pâle et froid sourire,
Si tes regards toujours m’ont semblé caressants,
Choisis du moins, propice à mes vœux innocents,
L’heure qui m’ouvrira le doux monde où j’aspire !
Avant qu’en moi l’esprit ait perdu tout pouvoir ;
Avant que dans mon sein l’énergique vouloir
Ait misérablement fléchi, vaincu par l’âge ;
Avant que l’idéal par le réel dompté
Ne soit plus à mes yeux qu’un sombre et vain nuage,
Ô mort, emporte-moi dans ton éternité !
Paris, 3 juillet 1857.
Edmond ARNOULD, Sonnets et poèmes, 1861.