Faut-il donc vous railler...
Faut-il donc vous railler, beaux rêves de jeunesse,
Naïfs enchantements des premières amours,
Saintes illusions que le torrent des jours
Entraînait dans son onde et ramenait sans cesse !
Élans de foi profonde et d’immense tendresse
Allant de l’homme à Dieu pour revenir toujours,
Faut-il donc repousser vos sublimes retours
Et maudire un bonheur dont j’ai perdu l’ivresse !
Vous habitiez en moi, jeune et vaillant essaim ;
Des sucs par vous cueillis vous remplissiez mon sein,
Puis vous vous envoliez, fugitives abeilles...
Un jour enfin la ruche entière a déserté,
Me laissant le parfum de ses moissons vermeilles ;
Les abeilles ont fui... mais le miel est resté !
Paris, 20 juillet 1857.
Edmond ARNOULD, Sonnets et poèmes, 1861.