Vision
D’où viens-tu, d’où viens-tu, nocturne visiteur,
Qui me parles en songe, et parfois dans la veille,
Qui, s’emparant de moi lorsque mon corps sommeille,
Me fais de l’idéal atteindre la hauteur ?
D’où viens-tu, souffle pur, esprit révélateur,
Qui murmures des mots divins à mon oreille,
Des mondes inconnus m’expliques la merveille,
Et la vie, et la mort, et leur sublime auteur ?
Je ne sais pas ton nom ; je n’ai pas vu ta face ;
Ta clarté rayonnante est un éclair qui passe ;
Sans être moins borné mon œil se rouvre au jour ;
Mais ton départ subit m’arrache une prière ;
Je suis plus fort, plus doux, plus calme, et ta lumière
Dans mon cœur élargi se résout en amour.
Paris, 3 janvier 1861.
Edmond ARNOULD, Sonnets et poèmes, 1861.