S’il est heureux de vivre...
S’il est heureux de vivre, il est doux de mourir.
– Emporter de la terre, au seuil des autres vies,
Le parfum conservé des fleurs ici cueillies,
Et qui pourront ailleurs, plus belles, refleurir ;
Immortels sentiments que le temps croit flétrir,
Espérances, une heure à peine épanouies,
Amours souvent trompés, douleurs évanouies ;
Et cet âpre bonheur qu’on éprouve à souffrir ;
Tout, hors ce corps fané que le ver déjà ronge,
Tout, la joie et les pleurs, la pensée et le songe,
Trésor transfiguré qui peut à Dieu s’offrir...
Oui, tout prendre avec soi, puis déployer ses ailes,
Et dire, en abordant aux rives éternelles :
« S’il est heureux de vivre, il est doux de mourir ! »
20 mai 1849.
Edmond ARNOULD, Sonnets et poèmes, 1861.