À son nom royal

 

 

MON cœur est plein de Toi,

comme un heureux grenier dont les parois

se lézardent, se fendent et craquent

sous la poussée

de plus de six mille années

de moissons miraculeuses.

 

          Car, au commencement des choses,

des pauvres choses humaines

qui, dès leur commencement

traînent sur la terre mère

la chaîne amère du premier péché,

un verbe fut semé,

tel un grain

contenant dans le mystère de son sein

la substance première de l’espérance humaine.

 

          Ô grain de l’espoir humain

semé par la bouche du trois fois Saint

dans le premier battement de la durée mortelle

pour que toutes les étapes de l’attente

ajoutassent une nouvelle

beauté de gerbe

au premier verbe

de l’éternelle Bonté compatissante !

 

          Car, c’est de Toi, Marie, que mon cœur est plein

comme un heureux grenier débordant

depuis le commencement des ères :

mon cœur de fils d’Adam

présent dans les flancs de son père

à l’heure où la colère

et le pardon

tremblèrent à la fois

dans la voix

de l’Offensé dont le Nom est l’Infini :

Toi, qu’Il appela la FEMME,

la FEMME des inimitiés

sans merci, sans compromis ;

la FEMME au terrible pied

qui, lourde de tout le poids,

du doux poids de son Enfant,

écrase et broie

la hideuse tête du Serpent d’enfer ;

la FEMME de combat, de lutte et de bataille

qui, sur le front des siècles,

face à l’éternel adversaire,

se range, unique et seule armée,

s’armant du Bien-Aimé de ses entrailles ;

Toi, dont le nom mystérieux

de FEMME unique et magnifique

descendu des profondeurs des cieux lointains

sur la terre d’Adam, déjà palpite

dans l’ombre où la pupille des voyants

perce le mur noir de l’avenir :

 

          La VIERGE au rayon pareille, et sans poussière aucune

dans l’or et le cristal de sa lumière ;

MÈRE au cristal pareille,

n’accueillant le rayon de son divin Soleil

que pour mieux resplendir ;

TIGE dressant son stèle

pour offrir aux yeux ravis du ciel,

à toutes les stupeurs de la terre

la chair unique de sa fleur royale.

PORTE d’or, PORTE orientale,

PORTE du temple qui se dressera

au faîte des deux versants

d’où coule l’histoire du monde

convoyée vers le même Océan.

PORTE close, PORTE virginale

que nul homme jamais n’ouvrira,

car Dieu seul a franchi son seuil,

et le Prince est le seul qui s’annonce

derrière l’or pur de ses battants.

 

                                *     *     *

 

          Oui ! mon cœur est plein de Toi,

Ô Femme, ô Vierge, ô Mère, ô Tige, ô Porte ;

de Toi mon cœur déborde,

ébloui d’une grandeur sans mesure,

car la mesure antique de tes noms

l’Ange la comble du salut qu’il te porte,

encor chaud de la bouche de Dieu,

sur l’éclair de ses ailes de feu,

déposant le clair murmure de ses douces Syllabes

à tes pieds de Vierge craintive.

                       PLEINE DE GRÂCE,

                       Ô douce enfant Juive,

                       PLEINE DE GRÂCE !...

          Le vrai nom que le Seigneur te donne !

          le vrai nom dans lequel se somme

          tout le passé qui de Toi fut prédit,

          tout l’avenir qui de Toi est écrit,

          tout le jour éternel de ta splendeur ébloui

                       de PLEINE DE GRÂCE.

          PLEINE DE GRÂCE, pleine de Dieu,

          Dieu te remplissant de sa grâce,

          sa grâce te remplissant de Dieu même.

 

                                *     *     *

 

          Ô grâce de ton nom

coulant à flots dans la source première

de tes jours d’IMMACULÉE !

 

          Ô grâce de ton nom

par qui la Vierge reste et devient MÈRE

du Fils de Dieu fait chair

et notre frère aîné !

 

          Ô grâce de ton nom

par qui la Croix du Fils est Croix de Mère,

et Toi la DOULOUREUSE mer amère

dont les larmes dissolvent nos péchés !

 

          Ô grâce de Ton nom

embaumant de son parfum jusqu’à ta chair,

si bien que rien n’en gardera la terre,

ô douce Mère par ton Fils ENLEVÉE !

 

          Enlevée, parce qu’elle sonne

          l’heure éternelle de ta couronne,

          l’heure de ton front entouré d’étoiles,

          l’heure du soleil, seul digne voile

          de ta beauté de Paradis.

 

Enlevée par ton doux Fils,

qui ne peut se voir assis

sur Son trône de Roi vainqueur

si sa Mère, cœur de son cœur

n’en prend sa part : Lui ROI, Elle REINE,

tous deux à la grande peine,

tous deux au sublime honneur.

 

                                *     *     *

 

                    REINE, ton dernier nom

                    sent la rose éternelle,

                    la rose unique, éclose

                    dans les vergers du ciel.

          REINE, ton dernier nom

          d’universel empire

          a l’auguste sourire

          du pouvoir maternel.

                    REINE, ton nom de REINE

                    est l’arc aux sept couleurs

                    dans notre ciel qui pleure,

                    tendu de voiles noirs,

                    ses pleurs de désespoir

                    sur ses maux et ses chaînes...

REINE, que notre cri de cœurs désemparés

monte jusqu’à ton cœur au rythme des louanges

qui chantent ta couronne : Ô Toi, REINE des Anges,

REINE des grands Chenus, REINE des Inspirés

qui virent Dieu fleurir au sommet de ta tige,

REINE des Douze Aînés, REINE du sang martyr,

REINE du saint labeur qui sut faire et pâtir,

REINE des lys neigeux penchés sur le vertige

de nos gouffres humains, REINE des Bienheureux,

REINE de l’univers, REINE qui ne supplie

jamais sans obtenir, penche vers nous, MARIE,

ton beau front couronné : nous sommes malheureux !...

 

 

 

Flugi d’ASPERMONT.

 

Paru dans la revue Marie en mai-juin 1953.

 

 

 

 

 

 

 

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