Prière du matin
Le Soleil couronné de rayons et de flammes
Redore notre aube à son tour :
Ô saint Soleil des Saints, Soleil du saint amour,
Perce de flèches d’or les ténèbres des âmes
En y rallumant le beau jour.
Le Soleil radieux jamais ne se courrouce,
Quelquefois il cache ses yeux :
C’est quand la terre exhale en amas odieux
Un voile de vapeurs qu’au-devant elle pousse,
En se troublant, et non les Cieux.
Jésus est toujours chair, mais lors son beau visage
Nous cache ses rayons si doux,
Quand nos péchés fumants entre le Ciel et nous,
De vices redoublés enlèvent un nuage
Qui noircit le Ciel de courroux.
Enfin ce noir rempart se dissout et s’égare
Par la force du grand flambeau.
Fuyez, péchés, fuyez : le Soleil clair et beau
Votre amas vicieux et dissipe et sépare,
Pour nous ôter notre bandeau.
Nous ressusciterons des sépulcres funèbres,
Comme le jour de la nuit sort :
Si la première mort de la vie est le port,
Le beau jour est la fin des épaisses ténèbres,
Et la vie est fin de la mort.
Agrippa d’AUBIGNÉ, Poésies Religieuses.
Recueilli dans Cinq mille ans de prière,
textes choisis et présentés par Dom Pierre Miquel,
Desclée De Brouwer, 1989.