Simon de Cyrène porte la croix du Christ

 

 

Un homme pointe à l’horizon du paysage amer.

Il est robuste et calme. Il revient de ses champs

à la minute extrême où Dieu ne pouvait plus.

On le happe au tournant et le mystère descend

sur le Christ et sur lui qui s’élèvent ensemble.

Puis, la montagne acquise, les soldats le libèrent. On le rend à la nuit.

 

« Simon de Cyrène – si près de Dieu, puisque le bois te heurte –

silencieux auditeur de la croix que tu portes, et qui n’as jamais rien dit...

Qu’as-tu donc entendu des battements de son Cœur,

alors que le Passionné montait ? »

« Je n’ai rien entendu – dit Simon – que je puisse redire,

puisque l’Évangile s’est tu. »

 

Mais l’arbre de toutes les semences, et le tronc de tous les secrets,

n’a pas en vain sur ta chair imprimé ses méfaits

sans que tes épaules ressentent et que ton front comprenne,

– Simon de Cyrène – la lassitude humaine, et tout ce que l’homme va faire à Dieu...

La complainte infiniment pareille, le sanglot du mal inconscient ou voulu qui va jaillir tout à l’heure de ses plaies suspendues.

 

Le Seigneur te précède et t’omet.

L’Écriture mentionne sa grâce à Véronique, aux femmes son apostrophe.

Mais à toi plus prochain, qui partages avec Lui le fardeau des humains,

Il n’a pas dit merci !...

 

Saint Simon de Cyrène, philosophe ignoré, toi qui marches dans l’ombre de toute la Clarté,

Il te laisse derrière, la part du bois qui traîne, pour que l’intelligence à jamais te soit faite des choses inconsolées...

Dans le symbole de l’Écriture des jours, tu vis, Samaritain du Christ, à côté de chacun dont le travail surpasse les forces de la nature.

Tu te charges en silence, de ce peu de leur croix, qui dépasse, apparente, et soutiens tout leur cœur invisible, du tien.

Jusqu’au jour, où la même colline unifiant les sommets réunira les mondes,

devant la joie du Père, nous verrons le Verbe ensoleillé,

vers toi, Cyrénéen dirigeant sa parole –

avant tous les martyrs, les élus, les enfants, appeler :

« Consolateur » –

Et puis te consoler.

 

 

Alliette AUDRA, Via Crucis, Rouart, 1924.

 

Recueilli dans La vie de Jésus racontée par les poètes,

par Jacques Charpentreau, DDB, 1982.

 

 

 

 

 

 

 

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