Après les noces

 

(COUTUME BRETONNE)

 

 

Lorsque le lendemain des noces est venu,

C’est un ancien usage et toujours maintenu

De s’en aller donner une prière aux âmes

Qui vécurent parmi nous, et que nous aimâmes.

On se réunit donc en vêtements de deuil,

Et l’on va tous, ainsi, prendre devant leur seuil

Les jeunes épousés d’hier.

                                      Dès que la cloche

Annonce que l’instant du sacrifice approche,

On part. C’est à grand-peine, en marchant, si parfois

On distingue le son confus de quelques voix.

Le chant du violon s’est tu : morne silence,

Et la route, à cette heure, est déserte. On avance,

On arrive bientôt dans le bourg endormi.

Une porte sans bruit s’ouvre : c’est un ami

Qui vient encor se joindre à vous, et tout le monde

Pénètre sous la voûte imposante et profonde...

– Qu’une messe des morts est sombre, au lendemain

De la fête joyeuse et douce de l’hymen ! –

Le prêtre enfin, vêtu d’une chasuble noire,

Paraît pour commencer l’office expiatoire.

Aussitôt les genoux tombent sur le pavé,

Et, jusqu’à ce que tout soit alors achevé,

De la cloche qui chante un hymne d’épousailles

Puis s’arrête et sanglote un glas de funérailles,

De l’orgue qui soupire un verset déchirant,

Du calice que tient levé le célébrant,

De l’âme sainte, et blanche, et pieuse du prêtre,

Du cœur des mariés tout rempli de bien-être,

De tous ceux qui sont là, courbés et sans remords,

Il monte une prière ardente pour les morts,

Pour chaque mort couché sous l’herbe, et qui sommeille

Sans avoir pu venir aux noces de la veille.

 

 

 

AYMÉRILLOT.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1891.

 

 

 

 

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