Dieu

 

 

Avez-vous quelquefois, quand la ville repose,

Rêveur, interrogé le mystère des cieux,

Et, déchirant l’éther d’un regard anxieux,

Cherché des séraphins la tête blonde et rose ?

 

Avez-vous quelquefois, de sommets en sommets,

Élevant vos pensées vers la divine enceinte,

Poussé vers l’Éternel une impuissante plainte,

Dit : Seigneur ! pourquoi donc vous cacher à jamais ?

 

Et, d’un œil téméraire, enveloppant la voûte,

Espéré que pour vous, Dieu, suspendant ses lois,

Il daignerait répondre à votre vaine voix,

Et dévoiler sa face à votre incessant doute ?

 

Oh ! n’est-ce pas qu’alors, pour voir un seul lambeau

De sa robe de feu, moins que cela, son ombre,

Passer comme un rayon sur l’immensité sombre,

Vous eussiez volontiers accepté le tombeau !

 

Vaine aspiration ! Souhait vain et coupable

D’une âme qui se meut dans d’épaisses vapeurs,

Rien, toujours rien, que doute, incertaines lueurs,

Et jamais du Seigneur le visage ineffable !

 

Jamais, jamais, hélas ! son regard transdivin !

Rien ! toujours rien ! qu’erreurs, invincibles ténèbres !

Partout, devant nos yeux, de longs voiles funèbres

Nous dérobant ce Dieu, que nous cherchons en vain !

 

Dieu ! « mais il est dans tout, me dit le panthéiste,

Fou qui de Spinoza suit le pâle flambeau,

Et content d’être un jour luciole ou barbeau,

Ou d’aller en lingot chez un métallurgiste.

 

« Il est dans le gazon que flétrissent nos pas,

Dana la fleur, dans l’oiseau, dans l’onde, dans l’espace,

Dans le fruit, dans l’épi, dans la brise qui passe,

Car c’est lui, toujours lui, qui renaît ici-bas. »

 

Et, me fermant soudain les sphères idéales,

Il m’explique comment, jusque dans un ciron,

Je dois trouver celui dont je cherche le front

À travers les splendeurs des portes sidérales.

 

Dieu ! nous dit l’Évangile et l’apôtre chrétien,

Est partout ; c’est sa voix qui vibre dans notre âme,

C’est lui, lui, toujours lui ! qui prend l’accent du blâme

Quand nous nous détournons de la route du bien.

 

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C’est lui ! lui toujours ! lui, dont le bras invisible

Soutient notre courage au sentier des humains ;

Et si nous le cherchons en vain dans nos chemins,

C’est que pour l’âme seule il se fait accessible ;

 

C’est qu’étant tout amour, lumière et vérité,

Il échappe au regard des enfants de la terre ;

C’est que dans sa grandeur, se voilant du mystère,

Il tempère pour nous jusqu’à sa majesté !

 

Oh ! que j’aime bien mien ces paroles sublimes

Oui m’accordent une âme et comblent mon orgueil !

Vanité ! vanité ! je m’arrête à ton seuil,

Puisqu’hélas ! te suivant, nous ne trouvons qu’abîmes !

 

 

 

Claudia BACHI.

 

Paru dans La France littéraire, artistique, scientifique en 1860.

 

 

 

 

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