La gaieté des berceaux
La plaintive rafale aux ronces du buisson
Se déchire en lambeaux ; dans l’humide vallon
On entend soupirer comme un convoi de râles
L’autan qui passe au loin sous les horizons pâles.
L’éclair comme un lasso d’or aux flancs des troupeaux
Court dans la nue ardente, en lumineux cerceaux.
L’arbre sec tend sa gaule au vent qui le soufflette,
Tout plie et gémit sous l’averse et la tempête.
Le rêve sous la pluie, or quel intime accord !
La pluie est la sœur de la terre et de la mort.
Le flot près de nous tord ses longs replis de brume,
Et montre, aspic maté, ses frêles dents d’écume.
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Ma douce amie allons au feu de l’âtre cher
Où dort le frêle enfant issu de notre chair ;
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Vois là-bas, les oiseaux sous les feuilles des hêtres
Regardent rêveurs comme à travers des fenêtres ;
Pour hâter le temps, tout transis ils ont recours
À des concerts de chants, de cris et de discours ;
La grive, l’alouette et l’exquise fauvette
Font courir l’heure lente en faisant la causette,
Se redisant tout bas les plus tendres aveux
De leurs compagnons de route à travers les cieux ;
Les moineaux pépiant leur éternel cantique
Disent l’office au creux d’un chêne monastique ;
Et le pinson endort en trillant à mi-voix,
Le petit nid frileux des chanteurs de nos bois.
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Allons près du berceau voir la clarté divine,
Aurore que l’enfant au doigt rose illumine.
Juillet 1918.
W.-A. BAKER, Les disques d’airain, 1918.