La Vierge de Reus
À l’heure du crépuscule où la clarté est douteuse, je te vis pour la première fois, tu m’apparus belle et immaculée, ô sainte consolatrice ! ô étoile du matin ! Les vierges que les peuples entourent d’un saint respect, dont les antiques traditions rehaussent la beauté, et qui, à travers les siècles conservent leurs gloires, ne sont pour moi ni si pures, ni si belles.
La Vierge traditionnelle me fut toujours sacrée, de même que l’amour à ma patrie me fut toujours cher ; j’aime la foi que nos pères avaient en elle ! comme eux aussi, j’aime leur foi dans la liberté. Vierge ! ma patronne, toi qui exiles les douleurs du cœur, tu es l’arc-en-ciel de la paix et la consolation dans les guerres ; le barde des montagnes, le troubadour de l’âpre Montserrat, vient te saluer.
Éternelle lumière de la vie, tu es le vase des plus pures essences, descendu pour apaiser les tourments de ce monde, tu es la source la plus pure des bonheurs spirituels, parmi les lis tu es la plus chaste des fleurs, le bijou du ciel et de la terre. Gardienne d’une cité qui est riche en faits de gloire, elle unit, ô Vierge ! son histoire à la tienne ; pour elle tu es le soleil d’amour, la clarté de la victoire, tu es son plus riche joyau, son trésor le plus beau.
Ô toi, claire fontaine des amours, fontaine riche et cristalline, plus pure que le souffle du vent, plus douce que le miel ; tu as un palais richissime, auberge passagère, qui est un port de salut pour les naufragés et un alcazar pour les fidèles. Tu promènes ton regard sur une plaine riche en fleurs et en arbres, dont les brises du ciel sont pures ; car pour toi, ô reine, pour toi, ô soleil de beauté, la terre est un jardin de fleurs, le ciel un jardin d’étoiles.
Les brises amoureuses voltigent sur ton front, et toi, ô Vierge ! tu respires à toute heure le parfum des fleurs ; à tes pieds l’on dépose des prières silencieuses, et toi, ô Vierge ! à toute heure tu respires les parfums des cœurs. La forêt voisine t’envoie les mystérieux murmures des doux et harmonieux cantiques des oiseaux ; pour toi, Étoile de la mer ! Vierge sacrée ! murmures, voix, aromes, tout est parfum d’amour.
Riches et heureux mortels, encensez-la dans vos prières, car elle est la consolatrice des affligés et le miroir de la vertu ; pour elle, ô généreux bardes ! dont les harpes chrétiennes n’ont jamais manqué de foi, trouvez des louanges. Envoie-lui les baisers, ô brise douce et fraîche de la marée ! donnez-lui vos parfums, fleurs de la prairie, lorsque le jour tombe, lorsque l’aube commence à luire, chantez-lui vos hymnes, oiseaux de la vallée ! !
Victor BALAGUER.
Recueilli dans Contes espagnols, 1889.
Traduit du catalan par
E. Contamine de Latour
et R. Foulché-Delbosc.