Ode à une jeune fille

 

 

Du sein de ses torrents de gloire et de lumière,

Où, sur des harpes d’or, les esprits immortels,

Aux pieds de Jéhovah, redisent la prière

                  De nos plaintifs autels ;

 

Souvent un chérubin, à chevelure blonde,

Voilant l’éclat de Dieu par son front reflété,

Laisse au parvis des cieux son plumage argenté,

                  Et descend sur le monde :

 

Comprenant du Très-Haut le sublime regard,

Il vient sourire au pauvre à qui tout est souffrance :

Et, par son tendre aspect, rappeler au vieillard

                  Les doux jeux de l’enfance.

 

Il inscrit des méchants les tardifs repentirs ;

À la vierge amoureuse il accourt dire : « Espère. »

Et, le cœur plein de joie, il compte les soupirs

                  Qu’on donne à la misère.

 

De ces anges d’amour, un seul est parmi nous

Que le soin de notre heur égara dans sa route ;

En soupirant, il tourne un regard triste et doux

                  Vers l’éternelle voûte.

 

Ce n’est point de son front l’éclatante blancheur

Qui m’a dit le secret de sa noble origine,

Mais son tendre sourire et l’accent enchanteur

                  De sa plainte divine.

 

Ah ! gardez, gardez bien de lui laisser revoir

Le brillant séraphin qui vers les cieux revole ;

Trop tôt, il lui dirait la magique parole

Que, pour nager dans l’air, ils prononcent le soir.

 

Vous les verriez, des nuits perçant les sombres voiles,

Comme un point de l’aurore atteindre les étoiles

                  De leur vol fraternel ;

Et, le marin, le soir, assis sur le rivage,

Levant un doigt craintif aux campagnes du ciel,

De leurs pieds lumineux montrerait le passage.

 

 

 

Honoré de BALZAC.

 

Recueilli dans Souvenirs poétiques

de l’école romantique, 1879.

 

 

 

 

 

 

 

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