Feuilles mortes
Eh bien ! si dans mes jours arides
Tout fut mensonge et vanité,
Je vois ton calme front sans rides
Que pare la sérénité,
Mère toujours belle et chérie
Qui m’as donné l’espoir, la foi,
L’amour, ma voix souvent flétrie
Est jeune pour parler de toi !
Parmi le tumulte des choses
Les jours peuvent fuir pas à pas
En effeuillant nos pâles roses ;
Les ans ne te vieillissent pas.
Et laisse-moi que je t’admire !
Sur ton visage qui sourit
D’un imperceptible sourire,
Brille la flamme de l’esprit,
Ô mère, par qui fut bercée
Mon enfance (le temps moqueur,
En passant, l’a vite froissée),
Mère adorable de mon cœur !
Ton regard où le mien se noie,
Après tant de jours égrenés,
Reste encor la meilleure joie
De ces yeux que tu m’as donnés.
Mère, le mot qui nous console
De nos trésors anéantis,
C’est toujours la même parole
Qui nous endormait tout petits.
Je m’enivrais, ô cher mensonge !
D’espoirs vainement caressés.
Que me reste-t-il, quand j’y songe ?
Tu m’aimes ! c’est bien. C’est assez.
Je suivais l’ombre insaisissable ;
J’ai vécu, j’ai chanté mes vers ;
J’ai fait des escaliers de sable
Pour atteindre les rameaux verts !
Mais il fallait des mains plus fortes,
Et mon bras, vers le ciel tendu,
N’a trouvé que des feuilles mortes
Au lieu du laurier attendu.
Mais ce bien charmant et suprême,
Ce talisman qui me défend,
Ton amour est resté le même,
Pour moi, ton fils, non, ton enfant.
Théodore de BANVILLE.