Dieu

 

 

    Qu’il est puissant cet Être, architecte des mondes,

Qui, peuplant du chaos les ténèbres fécondes,

Fit éclore le jour, fit bouillonner les mers,

Alluma le soleil, dessina l’univers ;

Et de ces astres l’or roulant dans leur carrière,

Prodigua sous ses pieds la brillante poussière !

Où commence, où finit le travail de ses mains ?

Vers quels lieux inconnus des fragiles humains,

De la création accomplissant l’ouvrage,

A-t-il dit aux esprits qui lui rendent hommage :

« Enfants du Ciel, ici s’arrêtent mes travaux ;

» Je n’enfanterai plus de prodiges nouveaux ! »

    Nuit, de tant de trésors sage dépositaire,

Qui portes dans ton sein le monde planétaire,

Dis-moi, ne puis-je voir le Monarque éternel

Assis dans son repos auguste et solennel ?

Et vous, au char du pôle étoiles attelées ;

Toi, brillant Orion ; vous, Pléiades voilées,

Où faut-il diriger mes pas et mon ardeur,

Pour contempler ce Dieu dans toute sa splendeur ?

Mais en vain chaque nuit mon zèle vous implore ;

Dans ces lieux qu’embellit une éternelle aurore.

Vous voyez votre maître, et ne trahissez pas

Le secret de l’enceinte où s’impriment ses pas.

    Faut-il donc s’étonner qu’aux jours de l’ignorance,

Ces astres, qui des dieux offrent la ressemblance,

Aient usurpé l’encens des crédules mortels ?

Le sage dans son cœur leur dresse des autels,

Et, contemplant du ciel la majesté suprême,

Au milieu de la nuit se demande à lui-même :

« Quel art dut présider à ce dôme éclatant,

» Sur un fleuve d’azur sans orage flottant ?

» Rien dans tous ses rapports n’annonce l’indigence :

» La sagesse, le choix, l’ordre, l’intelligence,

» Savamment confondus, brillent de toutes parts ;

» Un seul lien unit tant de mondes épars.

» Ô surprise ! tandis qu’un mouvement rapide

» Les emporte à travers cet océan limpide,

» Que tout part, va, revient, se balance, s’étend,

» Roule, vole, et se suit dans un ordre constant,

» Quel silence profond règne sur la nature !

» Quelle main de ces corps élève la stature ?

» Quel invisible bras, par la force conduit,

» Sema d’or et de feu les déserts de la nuit,

» De ces astres roulants étendit la surface,

» Et versa leurs rayons au milieu de l’espace,

» Plus nombreux mille fois que les sables des mers,

» Les perles du matin ; les flocons des hivers,

» Et tous ces flots qu’au sein des villes consumées

» Promène l’incendie aux ailes enflammées ?

» C’est en vain que l’impie ose élever la voix

» Et dépouiller encor l’Éternel de ses droits.

» Oui, la religion est fille d’Uranie ;

» Tout d’un Dieu créateur atteste le génie :

» Il est sans doute un chef qui sous ses pavillons

» De ce peuple étoilé range les bataillons.

» Guerriers du Tout-Puissant, ministres de sa gloire,

» Leurs mains à ses drapeaux attachent la victoire.

» Quel œil pourrait les suivre en leur brillant essor ?

» Des casques de rubis pressent leurs cheveux d’or ;

» De saphirs immortels rayonne leur armure :

» Leurs rangs aériens, sans trouble, sans murmure,

» S’étendent par milliers dans l’éther radieux,

» Et veillent en silence à la garde des cieux ! »

Et l’homme incessamment témoin de ces spectacles,

Pour croire à l’Éternel demande des miracles !

Des miracles ! ingrat, contemple l’univers.

 

 

 

Pierre-Marie-François BAOUR-LORMIAN.

 

Recueilli dans Choix de poésies

ou Recueil de morceaux propres à orner la mémoire

et à former le cœur, 1826.

 

 

 

 

 

 

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