Adieu, doux murmures...
Adieu, doux murmures
De mes forêts !
Adieu, torrents sonores,
Fleurs des prairies.
Les arbres sont tout nus ;
L’hiver tapisse
Alentour les hauteurs,
Les prés, les combes.
Sous son écorce blanche
Les rus se taisent,
Toute chose s’endort.
Seule la bise
Mugissante s’éplore,
Et de ténèbres grises
Couvre le ciel.
Pourquoi, mélancolique,
Vous suivre à la fenêtre,
Blanches bourrasques ?
Le favori du sort
Contre le mauvais temps
Se voit paré.
Le feu pétille et craque
Au fond du poêle ;
Ses flamboiements
Et l’ardeur qui voltige
Rendent mon œil
Plus gai, moins soucieux.
Dans le calme je rêve,
Suivant son jeu
Exubérant,
Et j’oublie les clameurs
De l’ouragan.
Ô sainte Providence,
Grâces te soient rendues
Car j’oublie même
Le souffle d’ouragan
De l’existence.
L’âme toute affligée,
Dans ma tristesse
Mon front bien bas s’incline
Et la salue.
Sous l’ouragan rétif,
Des infortunes,
De son amour trop tendre
Tout consumé,
J’oublierai grâce à toi
Mon amère souffrance,
Comme je viens
D’oublier la nature
Aux traits lugubres,
Et le cri des bourrasques
Qui se rebellent.
Evgenii Abramovitch BARATYNSKI.
Recueilli dans Anthologie de la poésie russe,
choix, traduction et commentaires de Jacques David,
Stock, 1947.