La mort
Je ne fais point la mort fille de l’ombre,
Non plus qu’en un songe servile
Ne lui fais don d’un funèbre squelette,
Ni ne l’affuble d’une faux.
Ô fille de l’Éther le plus lointain !
Beauté claire comme l’aurore !
C’est l’olivier de la paix que tu portes,
Et non point la fatale faux.
Lorsque l’univers vint éclore en fleur
Des éléments équilibrés,
C’est le Tout-Puissant à ta sauvegarde
Qui a remis son édifice.
Et toi, tu vas survolant le créé,
Coulant partout ton harmonie,
Et dans la fraîcheur qu’exhale ton souffle
De la vie le discord s’apaise.
Les ouragans, c’est toi qui les maîtrises
Dans leur violence irraisonnée,
C’est toi, lorsqu’il se rue sur ses rivages
Qui fais refluer l’Océan,
À tout ce qui pousse assignant des bornes
De peur que la forêt géante
En tous lieux n’étende une ombre néfaste,
Que le grain n’assiège les cieux.
Quant à l’homme, enfin !... Ah ! vierge sacrée !
Instantanément devant toi
Ses joues perdent l’empreinte des colères,
Le feu des voluptés le fuit.
Tu réconcilies par ton équité
Les sorts ennemis des humains,
Et d’une identique main tu caresses
Le despote ainsi que l’esclave.
Contrainte, incertitude définissent
Nos jours confus et tourmentés ;
Mais toi, tu résous toutes les énigmes,
Toi, tu résous toutes les chaînes.
Evgenii Abramovitch BARATYNSKI.
Recueilli dans Anthologie de la poésie russe,
choix, traduction et commentaires de Jacques David,
Stock, 1947.