Ô Marie, que votre nom est doux !
Or, l’esprit incliné sur mon pâle visage,
Me peignait de l’Éden le riant paysage :
« Quel bonheur, disait-il, d’être un beau séraphin,
D’avoir la face blanche et six ailes d’or fin !
Quel bonheur d’être un ange, et, comme l’hirondelle,
De se rouler par l’air au caprice de l’aile,
De monter, de descendre, et de voiler son front
Quand parfois, au détour d’un nuage profond,
Comme un maître, le soir, qui parcourt son domaine,
On voit le pied de Dieu qui traverse la plaine !
Quel bonheur ineffable et quelle volupté
D’être un rayon vivant de la Divinité ;
De voir, du haut du ciel et de ses voûtes rondes,
Reluire sous ses pieds la poussière des mondes ;
D’entendre, à chaque instant de leurs brillants réveils,
Chanter comme un oiseau des milliers de soleils !
Oh ! quel bonheur de vivre avec de belles choses !
Qu’il est doux d’être heureux sans remonter aux causes !
Qu’il est doux d’être bien sans désirer le mieux,
Et de n’avoir jamais à se lasser des cieux ! »
Puis, il me prononçait le beau nom de Marie,
Nom que j’aime d’enfance avec idolâtrie,
Le plus doux qui, tombé des montagnes du Ciel,
Sur une lèvre humaine ait répandu son miel ;
Nom céleste, créé du sourire des anges
Pour en parer un jour la fleur de leurs phalanges.
Marie, ô nom divin ! étoile du pêcheur,
Rose du paradis, baume plein de fraîcheur,
Qui parfume le monde et qui révèle aux âmes
La femme la plus belle entre toutes les femmes.
Alors à ce doux nom je croyais voir soudain
S’entrouvrir à mes yeux le céleste jardin ;
Je croyais voir au cœur de son troupeau de saintes,
De ses enfants vêtus de lis et d’hyacinthes,
Et de ses beaux vieillards, la reine du saint lieu,
Avec son voile blanc et son grand manteau bleu,
Marie au pied du Christ, dans sa pose modeste,
Relevant vers le Ciel sa paupière céleste,
Et regardant son Fils avec un triste amour,
Comme craignant encor de le reperdre un jour !...
BARBIER.
Recueilli dans Bouquet à l’Immaculée,
Éditions Saint-Jean, 2004.