La chrysalide et le papillon
Je ne pleure plus, je ne pleure pas.
Je regarde ta forme immobile,
tes lèvres fermées, violâtres,
tes yeux pleins d’une ombre étrange,
tes mains blanches en croix
sur ta poitrine,
la pâleur froide de ton visage.
Je regarde ton corps de marbre.
Ce n’est plus toi ! Ce n’est pas toi !
Mais où es-tu
mon joli trésor ?
Où es-tu, ma joyeuse amie ?
Je ne pleure plus, mais toute mon âme
frappe à la porte muette
du mystère.
Je veux savoir,
Je veux savoir où es-tu !...
Et voilà : la porte s’ouvre !
Je regarde toujours...
Je vois, je vois !
Oh, ma petite,
ma douce créature !
Le papillon frétille
dans l’enveloppe glacée.
L’une après l’autre
toutes les cellules rendent au cerveau
les énergies qu’elles ont reçues :
le sang se fige,
les muscles se raidissent,
les souvenirs,
étincelles de la pensée,
rendent leurs dernières bluettes.
C’est une formidable force
que le cerveau reprend.
Cette âme, cette énergie
intelligente du corps
se concentre,
et, d’un dernier effort
elle brise la prison inerte.
Le mystère de la chrysalide s’accomplit
Le papillon aux couleurs rayonnantes
sort de sa gaine
et s’échappe dans l’azur
vers sa vie lumineuse.
Te voilà, ma bien-aimée,
souriante comme toujours,
dans l’éblouissante splendeur
de l’éternel bonheur !
Ton enveloppe éphémère à la terre,
ton âme immortelle à Dieu.
Henrico BARDI.
Paru dans Rythmes en mars-avril 1963.