Prose du Saint-Sacrement
À genoux dans la nef obscure,
Nous adorons, peuple mortel,
Une immortelle nourriture
Brillant sous les feux de l’autel.
Sommes-nous rois en assemblée,
Pour qu’on nous serve dans de l’or
Et qu’on étale un beau trésor
Sur cette nappe immaculée ?
Un vase en forme de soleil.
À notre âme ardente qui prie,
En ses rayons d’orfèvrerie
Présente le Pain sans pareil.
Ah ! l’Agneau de l’Apocalypse
Est là, couché dans l’ostensoir,
Comme au fond du soleil, un soir
Où l’étoile tremble et s’éclipse.
Prince voilé, pain radieux,
Il trône, enveloppé de cierges,
Lances de flamme et glaives vierges,
Ô pain qui nous transforme en dieux !
Mon âme, connais mieux ta gloire
Et contemple ce peuple humain
Tout prosterné devant ton Pain,
Devant le Vin que tu vas boire !
Plus grands, mieux servis que les rois,
Nous mangeons la viande divine
De l’Agneau couronné d’épine
Et qu’on immola sur le bois.
Son sang qui lava tous les astres,
Et terre et lune et grand soleil,
Réparateur de nos désastres,
Nous le buvons au fond vermeil
Du calice. Aïeux catholiques,
Pour engranger le Blé des cieux,
Entre vos toits les basiliques
Levèrent des murs précieux !
Vive la tour des Cathédrales,
Bras sublime et géante main
Nous appelant auprès du Pain
Par dessus les chants et les râles !
Dieu nous comble de tous les droits :
Pour nous cette nappe est sortie.
Ah ! viens donc goûter à l’Hostie,
Peuple chrétien, peuple de rois !
Serge BARRAULT.
Recueilli dans Poètes de Jésus-Christ,
poésies rassemblées par André Mabille de Poncheville,
Bruges, Librairie de l’Œuvre Saint-Charles, 1937.