La sœur du pêcheur
Étretat, 1857.
Depuis huit jours il n’est pas revenu,
Mon bien-aimé, mon frère, mon Jean-Pierre,
Jamais encor il ne fut retenu
Aussi longtemps éloigné de la terre.
Seigneur, mon Dieu, qui voyez mon tourment,
Ne brisez pas ma dernière espérance,
Daignez calmer le terrible élément ;
Oh ! par pitié, finissez ma souffrance.
Sa vieille mère, elle-même gémit,
Et, sur son front presque sexagénaire,
Je lis l’horreur dont son âme frémit :
Elle a trois fois baisé son scapulaire !...
Ciel ! je la vois, plus sombre, tressaillir,
Car de la mer elle a l’expérience...
Mais je me sens à mon tour défaillir ;
Seigneur, mon Dieu, pitié pour ma souffrance !
Soyez béni ! Je vois à l’horizon...
Je reconnais sa voile bien-aimée !
Oh ! de bonheur, je perdrai la raison...
Soutenez-moi quand vous m’avez calmée.
Mais, ô mon Dieu... la barque disparaît...
Vous m’avez pris ma dernière espérance !
Je la revois... mon esprit s’égarait...
Vous avez eu pitié de ma souffrance !
S. BARRAGUEY.
Paru dans La Muse des familles en 1858.