La belle au bois dormant
Que j’ai longtemps dormi !... Dix ans, cent ans peut-être ?
Quel baiser a touché mes lèvres et mes yeux ?
Comme le jour est pur ! Qu’on ouvre la fenêtre !
Comme j’avais perdu le souvenir des cieux !
C’est vous, Prince ? C’est vous ? Pardonnez à mes larmes.
C’est si beau, c’est si doux de vivre et de vous voir !
Comment avez-vous pu venir ? Où sont vos armes ?
Et pourquoi m’aimez-vous ? Je voudrais tout savoir !
Pardonnez, Monseigneur, mes parures fanées :
Je dormais, je ne savais pas... Ce n’est pas vous
Que mes vœux appelaient en mes folles années ;
Et maintenant je voudrais me mettre à genoux.
Comme vous vous taisez ! comme vous êtes grave !
Je voudrais m’en aller de ce palais fatal.
Emmenez-moi ! J’ai les pieds pris dans une entrave,
Mes membres sont pesants et mon cœur me fait mal !
Des buissons épineux ont blessé votre tête,
Et vos mains, oh ! vos mains sont couvertes de sang !
Ah ! maintenant je vous reconnais, je suis prête :
Me voici, me voici, Seigneur... Allons-nous-en !
Gabrielle BASSET D’AURIAC, La cellule fleurie,
À l’art catholique, Paris, 1928.