Faust
J’ai consumé ma vie à poursuivre un vain rêve ;
Mes tempes ont blanchi comme un marbre lavé
Par l’orage ; mon front, qui fut si beau, sans trêve
Fatigué, tourmenté, labouré, soulevé,
Comme un flot bouillonnant qui rugit sur la grève,
Impuissant à bondir vers l’abîme introuvé
De l’Infini : mon front s’est assombri ! La sève
A tari dans mon sein, et mon cœur, étouffé
Dans les bras odieux d’une folle chimère,
Mourant dès le matin, n’a vécu qu’un seul jour !
Nouveau Caïn, chargé d’une science amère,
En maudissant le Ciel j’ai maudit ma naissance,
Jusqu’à l’heure bénie où, naissant à l’amour,
J’ai pu comme l’oiseau renaître à l’espérance.
Frédéric BATAILLE, Le pinson de la mansarde, 1875