Symboles
Sur les flancs calcinés des roches les plus dures
Que l’eau des fleuves baigne et lave de ses pleurs,
Parmi la mousse glauque et les grêles verdures,
On voit s’ouvrir, parfois, en plein vent, quelques fleurs.
Le rocher, le granit calciné, c’est le monde
Avant le Christ, c’est l’Homme avant le fils de Dieu.
Jésus, ce fut la mer douce, la mer féconde
Qui fit fleurir le roc nu sous un ciel de feu.
Jésus, ce fut la pure onde qui fait éclore.
Sous le ruissellement de la rédemption,
La lave se couvrit d’une immortelle flore,
Et l’on vit reverdir la fauve alluvion.
Avant Jésus, c’était le sombre âge de pierre.
L’âge glacé de l’ombre et de l’aridité :
Jésus vint, et le ciel fit sa gerbe première,
La première moisson de la stérilité
Sur la terre à jamais par l’Idéal conquise.
Dans le sang qui noya la haine, dès ce jour,
Germent, comme une chaste apothéose exquise
Les lis de la candeur, les roses de l’amour.
La foudre, sillonnant l’implacable étendue,
Secouait vainement l’univers impuni :
Et la miséricorde en Dieu s’était perdue
Comme une goutte au fond d’un abîme infini.
Jésus vint, et l’azur fit pleuvoir sa rosée.
Et la vigne mystique, aux blanches fleurs de miel,
Par les pleurs de l’aurore éternelle arrosée,
Magnifique, donna des grappes pour le ciel.
Nérée BEAUCHEMIN, Les floraisons matutinales, 1897.