Abyssah
(FRAGMENT)
I
Descends en toi-même au fond de ce temple
aux contours imprécis où le Silence
chante ses Grandes Vêpres.
Là seulement tu prendras conscience
de ta vérité.
Un trouble vague tissera
entre ton être intime et ton autre toi-même,
les lins blancs qui embaument
et disposent autour d’eux une zone propice
aux bienfaisants prodiges.
HO RÉVÉLATIONS DU MONDE INTÉRIEUR
là les apparences tombent,
s’effacent comme des choses secondaires
alors que ce qui ne peut périr apparaît
dans sa lumineuse réalité.
Cherche à la percevoir cette présence suave,
non avec tes sens mortels,
mais avec tes autres sens,
ceux de ton autre moi – parcelle divine
qui te précéda dans la vie
et te survivra après ta mort.
Ho je sens bien de quel noyau radieux
elle se détacha à l’origine,
puisque tournée vers ce centre idéal
elle y tend de toute la force de son amour !
Ô voilée, ô invisible
DISPENSATRICE DE L’UNITÉ
quelle joie de te posséder dans l’ineffable !
Savoureuse béatitude
où les désharmonies cessent d’exister !
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
II
Que devient leur âme ?
LA LAMPE INVISIBLE
luit-elle sur eux ?
Combien restent sans clarté, sans même
se soucier de la clarté !
Ils sont dans l’ombre, et ils ne demandent pas la lumière ;
ils vivent dans leur corps,
ils ne vivent pas avec leur âme.
LEUR ÂME !
Certains l’ont-ils même pressentie
un jour de deuil
une nuit d’amour !
Des profondeurs où elle dort,
l’ont-ils par quelque soir étoilé
entendue chanter en eux, cette Psyché captive !
la belle ensevelie, joyau d’or fin
que seule l’étincelle divine
fait jaillir de sa gangue !
Les êtres se coudoient, les corps s’étreignent, la plupart
des âmes restent mort-nées.
Ho quand naîtront-elles toutes à la vie !
quelques-unes existent ; combien
dorment d’un sommeil millénaire
au sein des froides sphères de l’inconscience !
Que dois-tu rêver, douce exilée, perdue
au fond de ton domaine nocturne !
sanglotes-tu désespérément
ou crois-tu encore à la délivrance !
Il me semble te voir tendre les bras
toute de blanc vêtue,
au bord d’un lac d’ombre
où agonisent les dernières étoiles.
Tu implores dans ton langage muet,
tu espères,
tu pleures,
tu pleures surtout,
et tes larmes tombent goutte à goutte comme une rosée mystique sur une terre ingrate.
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Nicolas BEAUDUIN.