La vierge des Pyrénées
C’était dans ce vallon, chéri de la nature,
Vallon mystérieux et frais,
Où couronné de fleurs, sur un lit de verdure,
Repose l’heureux Argelès.
Je t’ai vue un instant et je te vois encore :
Belle comme ces lieux qui font tout oublier,
Belle de mille attraits que ta candeur ignore...
Au temple du Seigneur tu t’en allais prier.
Je ne sais si dans ta prière
Tout bas se mêle un nom d’amour ;
Je ne sais quel humble séjour
Dieu t’a désigné sur la terre.
Au vallon de Campan, la cloche d’un hameau
Peut-être annonça ta naissance ;
Peut-être s’épanchant auprès de ton berceau,
La naïade de Gèdre endormit ton enfance
Au doux murmure de son eau.
On plutôt, sur ces monts qui dépassent la nue,
Tu naquis voisine des cieux ;
Les cieux ne t’ont point méconnue,
Ils ont donné leur calme à ton âme ingénue,
Et leur azur à tes beaux yeux.
À Paris tu serais charmante :
Hélas, pour acheter le regard d’une amante,
Le monde à tes genoux mettrait un or fatal :
Car le monde est trompeur ! Demeure en tes campagnes ;
Rien de plus beau que les montagnes :
Rien de plus doux que l’air natal !
Ah ! conserve toujours le simple habit de bure
Que ta grand’mère porte encor !
Et la pourpre de ta coiffure,
Et le velours de ta croix d’or !
Que tes jours fortunés s’écoulent en silence.
Que d’un vain désir d’opulence
Ton cœur ne soit point combattu :
À la fleur de tes champs demande ta parure,
Tes spectacles à la nature,
Et ton bonheur à la vertu.
Adieu. D’un voyageur si les vœux sont propices,
Tes jours seront remplis des plus pures délices :
L’orage épargnera tes épis jaunissants :
Les pauvres connaîtront ta porte hospitalière,
Et le ciel bénira la tombe de ton père,
Et le berceau de tes enfants.
A. D. B. DE BEAUCHESNE.
Paru dans les Annales romantiques en 1826.