Lyon s’éveille
Un grain de café grince
dans les rouages du matin.
Les meubles
surgissent des affiches de la nuit
avec les ouvriers en chaussures de marche
pour la traversée d’un jour neuf.
Le téléphone crie déjà
ses ordres brefs
à la foule des automates.
Mille petits héros du siècle pourrissant
courent sur les trottoirs où la lune violée
voile sa face enfarinée de pauvre fille,
tandis que là-haut, tout en haut
des tours de la basilique de Fourvière,
à l’heure où miaulent les matous de février
dans le brouillard et les vapeurs d’essence,
beau comme la clameur des martyrs dans l’arène
s’élève un chant de cloches –
prière aux mains coupées du peuple des muets
en attente d’un Christ
qui sauverait sans tambour ni trompette
la ville de sa peur
en la couvrant de son manteau de va-nu-pieds.
Raoul BÉCOUSSE, dans : La ville des poètes,
200 poèmes inédits réunis par Jacques Charpentreau,
Hachette Jeunesse, 1997.