La mort du brave
Mourir jeune, à trente ans, très beau, très fort, très brave,
D’un coup d’épée au cœur ou d’une balle au front,
Et, sans aucun regret, briser d’un coup l’entrave
Qui nous lie à ce sol où nos os blanchiront ;
Ne connaître jamais les rides, la vieillesse,
L’esprit qui s’alourdit, le cœur qui devient froid,
Et, quand la mort paraît, sans trouble, sans effroi,
La baiser en riant ainsi qu’une maîtresse.
Tomber en plein élan, partir en pleine ivresse,
Des parfums plein le cœur et l’éclair dans les yeux.
Ayant goûté de tout ce qui peut rendre heureux
Et ne regretter rien, emportant sa jeunesse !
Du terrestre bonheur, ceux-là n’ont rien quitté ;
Ils ont fui les regrets et la vieillesse infâme,
Et qui meurt jeune, ayant quelque beau rêve à l’âme,
Le vit, dans le ciel bleu, durant l’éternité !
Marcel BÉGOUËN.
Paru dans L’Année poétique en 1906.