L’écho
Près de la vieille église,
Tout au fond du vallon
Où vient dormir la brise
Et jamais l’aquilon ;
Une voix solitaire,
Si vous l’allez chercher,
Vous semble, avec mystère,
Sortir du noir clocher.
Quand le bruit du village
Enfin s’est apaisé ;
Que l’air, dans le feuillage,
Le soir, s’est, reposé,
À chaque voix tremblante
Qui l’interrogera
Cette voix consolante
Aussitôt répondra.
À la jeune promise
Dont le soin curieux
Sous son front se déguise
Pour échapper aux yeux,
Disant tendre et rêveuse :
« Cet époux de mon choix
Me rendra-t-il heureuse ? –
Heureuse ! »
A répondu la voix.
À l’épouse isolée
Pleurant dans son exil,
Qui dit dans la vallée :
« Hélas ! reviendra-t-il,
Celui que je préfère,
M’aimer comme autrefois ?
Mon cœur en désespère. –
Espère ! »
A répondu la voix.
À la craintive mère,
Faisant, avec ferveur,
Au Ciel cette prière :
« Que mon enfant, Seigneur,
Soit fidèle à ta cause
Et soumis à tes lois !
Dois-je y croire ? Je n’ose. –
Ose ! »
A répondu la voix.
À ce pauvre poète,
Disant pour surmonter
Sa pensée inquiète :
« Pourquoi me tourmenter,
Regrets, vaine folie
Où je sens trop parfois
Que mon âme s’oublie ? –
Oublie ! »
A répondu la voix.
À la noble comtesse
Du vieux manoir voisin,
Qui craint que sa richesse
N’irrite le besoin,
Et dit : « Que je sois bonne,
Et qu’en portant sa croix
Le pauvre me pardonne ! –
Donne ! »
A répondu la voix.
À l’âme timorée
Disant, dans sa frayeur,
Pour être rassurée
Par son ange sauveur :
« Comment savoir moi-même
Si, digne de son choix,
Dieu me protège et m’aime ? –
Aime ! »
A soupiré la voix.
Quittant la vieille église
Et le fond du vallon
Où vient dormir la brise
Et jamais l’aquilon ;
Cette voix solitaire,
Que vous veniez chercher,
Vous semble, avec mystère,
Rentrer au noir clocher.
Francis BELLIER,
Poésies dédiées à tous ceux qui ont souffert,
1863.