La femme

 

 

DE la femme sur nous tel est le saint empire,

Tout ce qu’on fait de bien, c’est elle qui l’inspire :

Des nobles actions son éloge est le prix :

C’est elle qui de l’homme élève les esprits ;

Qui, guidant sa raison pendant les jours d’orage,

En consolant ses maux, affermit son courage :

C’est elle qui détruit nos vices combattus,

Nous pousse à l’héroïsme, et nous fait des vertus.

Nous marchons dans la gloire au son de sa parole :

Peut-être auprès de nous remplit-elle un saint rôle ;

Peut-être, de la vie adoucissant le fiel,

Elle nous initie aux délices du ciel :

Ou peut-être régnant sur notre âme asservie,

Est-ce l’esprit de Dieu menant à l’autre vie.

Mais la sienne ici-bas ne sort point du malheur :

Elle donne la joie et garde la douleur.

 

La femme dans ses flancs nous forme de son être :

Nous existons en elle avant même de naître ;

Son sang est notre sang, nous sommes ce qu’elle est.

Enfants, nous recevons son âme avec son lait,

Elle endort nos douleurs au berceau balancées,

Elle écoute venir nos premières pensées ;

Nous regarde sourire et croître à ses genoux,

Et sa vie, en doublant, recommence avec nous.

 

Lorsque l’enfant arrive à son adolescence,

C’est un jour tout nouveau, c’est une autre naissance.

L’espérance riante, à cet âge ingénu,

Promet et fait chercher un bonheur inconnu.

L’ardent besoin d’aimer trouble et consume l’âme :

Entre la femme et nous l’amour court et s’enflamme ;

En rapides éclairs il s’échappe des yeux,

Et réunit deux cœurs égarés dans les cieux.

La femme alors dans l’homme enfante des miracles.

Ses désirs sont des lois, ses discours des oracles :

L’homme pour les hauts faits s’exalte à ses genoux ;

Et cet enthousiasme est une autre âme en nous.

 

En suivant de nos jours le voyage éphémère,

La femme nous épure, amante, épouse ou mère ;

Amante, nous apprend l’existence et l’honneur ;

Mère, le sentiment ; épouse, le bonheur.

L’homme est né pour agir, la femme pour séduire ;

Lui pour la protéger, elle pour le conduire :

Lui court après un nom, la fortune et le rang,

Illustre sa patrie et lui donne son sang :

Elle, près du foyer, l’attend dans les alarmes,

Caresse, craint toujours et dérobe ses larmes.

Fière de son époux, ses conseil généreux,

En le rendant plus grand, le rendent plus heureux.

 

Que la voix de la femme a créé de grands hommes !

Son souffle inspirateur nous fait ce que nous sommes ;

Et même, en nous ouvrant un sort plus radieux,

Sa volonté féconde enfanterait des dieux.

Mais souvent des mortels abandonnant les rênes,

Les femmes, s’oubliant, soit esclaves ou reines,

Et dépensant leur âme en caprices divers,

Abdiquent le pouvoir d’agrandir l’univers,

D’éteindre sous leurs pieds les flambeaux de la guerre,

D’entraîner sous leurs pas les gloires de la terre,

Et, tenant dans leurs mains nos cœurs jusqu’au tombeau,

De faire de ce monde un monde encor plus beau.

 

 

 

Louis BELMONTET.

 

Paru dans les Annales romantiques en 1825.

 

 

 

 

 

 

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