La prière

 

 

J’ai vu dans l’herbe un fol enfant.

L’aube était son écharpe blanche.

Il courait joyeux, triomphant,

Jetant ses ris de branche en branche.

– Ton nom ? dis-je au charmant moqueur,

Mes pleurs suspendus par ses charmes.

– « L’Amour ! me dit l’enfant vainqueur,

Je suis l’Amour, donne ton cœur ! »

... J’ai préféré garder mes larmes...

 

J’ai vu sur le sommet du mont

Une femme presque divine.

Du laurier voilait sa poitrine,

Une étoile éclairait son front.

– Ton nom ? criai-je à cette image.

– « Gloire ! » dit-elle à mes douleurs.

Elle souffla sur mon visage,

Ce fut comme un suspens d’orage,

... Mais j’ai recommencé mes pleurs.

 

Alors, dans ma pénible crise,

Je vis entre le ciel et moi

Flotter une forme indécise.

– Ton nom ? suppliai-je avec foi...

La forme alors se fit lumière.

Mon cri n’avait pas été vain.

Elle me dit dans un mystère :

– « Chère Âme, je suis la Prière ! »

Mes pleurs se sont séchés soudain.

 

 

 

Esther BÉNISTI.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1895.

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net