De Profundis
Du plus profond de la tranchée,
Nous élevons les mains vers vous,
Seigneur ! ayez pitié de nous
Et de notre âme desséchée !
Car plus encore que notre chair
Notre âme est lasse et sans courage.
Sur nous s’est abattu l’orage
Des eaux, de la flamme et du fer.
Vous nous voyez couverts de boue,
Déchirés, hâves et rendus...
Mais nos cœurs les avez-vous vus ?
Et faut-il, mon Dieu, qu’on l’avoue ?
Nous sommes si privés d’espoir,
La paix est toujours si lointaine,
Que parfois nous savons à peine
Où se trouve notre devoir.
Éclairez-nous dans ce marasme,
Réconfortez-nous, et chassez
L’angoisse des cœurs harassés ;
Ah ! rendez-nous l’enthousiasme !
Mais aux Morts, qui tous ont été
Couchés dans la glaise ou le sable,
Donnez le repos ineffable,
Seigneur ! ils l’ont bien mérité !
Jean-Marc BERNARD.
Paru dans Les Causeries en 1927.