C’est alors que l’on sait
Pour tout ce que la vie offre de magnanime
Dans ses gestes d’humanité ;
Pour la lutte d’où l’on sort poudreux, mais sublime,
Pour l’angoissante vérité ;
Pour tout, j’ai proclamé ma volupté de vivre
Sans fausse honte et sans orgueil,
Malgré l’effort perdu et la route à poursuivre
Encore, en doutant de l’accueil.
Mais j’aime tout au monde, et le charme de croire
A rendu tout pur à mes yeux,
J’aime ceux qu’un désir exalte vers la gloire,
Les révoltés, les malheureux ;
Je bénis la douleur qui nous tient auprès d’elle
Et qui nous fait souffrir assez
Pour que le sceau du mal s’imprime et nous rappelle
Longtemps le douloureux passé.
La douleur qui pétrit les chairs et stigmatise
La cause de chaque tourment,
Et qui laisse ses traits creusés où s’éternise
Le souvenir, languissamment.
La fièvre qui trahit sur nos tempes humides
La souffrance qu’on veut cacher,
Et qui paraît encore sur la lèvre livide
Où la soif voudrait s’étancher.
C’est alors que l’on sait d’inoubliables choses
Quand on n’a pas pour rien pleuré ;
On pardonne bien mieux, on est tendre et l’on cause
Avec son passé torturé.
On ne mesquine plus les douces indulgences
À ceux qui sont parfois tombés,
Qui ne sont pas méchants dans leur désespérance,
Mais qui sont de mépris, nimbés.
On est ce qu’il faut être, on fait ce qu’il faut faire,
Sans amertume et sans soupçons ;
La main se donne mieux: elle est humble et sincère
Et ne craint plus de trahisons.
C’est alors que l’on sait comme on aime la vie
Pour tout ce qu’elle nous apprend ;
Comme il faut être bon, sans regrets, sans envie
Pour les rêves qu’elle nous prend.
Jovette-Alice BERNIER, Tout n’est pas dit.