Prière

 

 

JE te bénis, mon Dieu, toi qui fis des contrastes

Si beaux, que je n’ai pu conserver mes yeux chastes ;

Toi qui fis ma vertu si faible et le Hasard

Trop puissant et toujours embusqué quelque part.

 

Pour ce flot de sang chaud qui bondit dans mes veines,

Pour ce désir qui darde, aigu comme une alène,

Ma chair trop sensitive et mon faible vouloir ;

Pour la lutte acceptée en face du devoir ;

Pour tout ce qui guérit et qui se renouvelle ;

Pour l’espoir qui me tend au loin ses passerelles

Sur le gouffre où mon pied tremblera de passer ;

Pour ce que tu m’as pris, ce que tu m’as laissé ;

Pour ce qui m’abandonne et ce qui me punit ;

Pour tout ce qui me vient, mon Dieu, je te bénis.

 

Pour tout ce que tu mis en moi de difficile

À vaincre ; pour mon cœur consentant et hostile ;

Pour le mépris que j’eus toujours des faux remords,

Je te bénis, mon Dieu, pour l’Amour et la Mort.

Pour le chemin glissant des molles défaillances ;

Pour la punition plus dure que l’offense,

Lorsque je te jurais n’avoir cédé qu’un peu,

Pour ce que j’ai souffert, je te bénis, mon Dieu.

 

Pardonne, si parfois je fus trop téméraire,

Et, pour te revenir, si je suis la dernière.

 

 

 

Jovette-Alice BERNIER, Les masques déchirés, 1932.

 

 

 

 

 

 

 

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