Les étoiles filantes

 

 

Dans les espaces azurés,

Par les nuits claires et sans voiles,

Quels sont ces esprits égarés

Qui courent, fuyantes étoiles,

Et mettent tout le ciel en feu ?

 

Seraient-ce les anges rebelles

Qui, révoltés contre leur Dieu,

Sur lui, de leurs mains criminelles,

Lancent ces globes enflammés ?

Ceux-ci ne peuvent pas l’atteindre,

Ils vont, et tombent, consumés :

Leur rage même doit s’éteindre.

 

Est-ce l’indomptable Satan,

À la tête de ses cohortes,

Qui, plein des souvenirs d’antan,

Chercherait à forcer les portes

Du resplendissant Paradis ;

Et, s’étant emparé des âmes

Qui brillent dans les cieux tiédis,

Voudrait les jeter dans les flammes,

Dans la rouge horreur de l’enfer ?

 

Tous ces globes faits d’étincelles,

Que les soldats de Lucifer

Lancent aux sphères éternelles

Sont pris à ses foyers maudits.

 

Dans les nuits de grandes batailles

Nous admirons, les yeux grandis,

L’éclat des brûlantes mitrailles

Qui remplit le haut firmament

D’une insaisissable lumière.

 

Alors, pleins de recueillement,

Nous murmurons une prière

Pour chasser les mauvais esprits,

Dissiper nos pensers funèbres,

Fermer les célestes lambris

Au sombre prince des Ténèbres.

 

Mais, Seigneur, tu n’as pas besoin

De cette prière inutile

Et, seul, tu peux jeter, au loin,

Satan et sa troupe indocile.

 

Le soleil se lève, et, sans bruit,

Cache, dans ses ondes brillantes,

Tous les mystères de la nuit

Et le flot d’étoiles filantes !

 

 

 

Auguste BERTOUT.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1893.

 

 

 

 

 

www.biblisem.net