La jeune fille
Est-ce votre amour que vous regrettez ?
Ma fille, il faudrait autant pleurer un songe.
Atala.
I
Rêveuse et dont la main balance
Un vert et flexible rameau,
D’où vient qu’elle pleure en silence,
La jeune fille du hameau ?
II
Autour de son front, je m’étonne
De ne plus voir ses myrtes frais ;
Sont-ils tombés aux jours d’automne
Avec les feuilles des forêts ?
III
Tes compagnes sur la colline
T’ont vue hier seule à genoux,
Ô toi qui n’es point orpheline,
Et qui ne priais pas pour nous !
IV
Archange, ô sainte messagère,
Pourquoi tes pleurs silencieux ?
Est-ce que la brise légère
Ne veut pas t’enlever aux cieux ?
V
Ils coulent avec tant de grâce,
Qu’on ne sait, malgré ta pâleur,
S’ils laissent une amère trace,
Si c’est la joie ou la douleur.
VI
Quand tu reprendras solitaire
Ton doux vol, sœur d’Alaciel,
Dis-moi, la clef de ce mystère,
L’emporteras-tu dans le ciel ?
Aloysius BERTRAND,
Vers et contes épars,
Choix de textes
et présentation :
Thierry Bissonnette
et Luc Bonenfant,
Éditions Nota Bene, 2002.