Omniprésence

 

 

Tu vis partout, et partout je te vois :

      Sur le sommet de la montagne,

      Dans le vallon et la campagne,

Dans le rayon qui vient dorer les bois.

 

J’entends ta voix dans le vent qui mugit,

      Dans le flot amoureux des ondes,

      Au fond des cavernes profondes,

Dans le torrent qui roule et qui bondit.

 

Et je te vois dans le jour radieux

      Ou bien caché dans les nuages,

      Dans la nacre des coquillages,

Et dans l’iris qui colore les cieux,

 

Et puis encor lorsque le ciel est noir,

      Quand près de moi l’orage gronde,

      Dans l’éclair qui sillonne l’onde,

Et brille afin que je puisse te voir.

 

Pour moi, tu vis au sein de chaque fleur :

      Dans la suave violette

      Comme dans l’humble pâquerette,

Ou dans la rose à la douce senteur.

 

Je te revois sur le pic du glacier,

      Au moment où la fraîche aurore

      D’un vif incarnat se colore,

Nous dérobant sa teinte gris d’acier.

 

C’est toi qui luis dans l’étoile du soir

      Et dans la goutte de rosée

      Qu’appelle la fleur épuisée

Qui s’alanguit et veut te recevoir.

 

Et c’est ta voix qui chante dans mon cœur

      Qui vibre au foyer de mon âme,

      Et fait briller la sourde flamme

Qui se ranime à ton souffle enchanteur.

 

Puis, au pays où mûrit l’olivier,

      C’est toi, zéphyr aux blanches ailes,

      Qui caresse les hirondelles

Dans les bosquets touffus du citronnier.

 

Même, la nuit, tu m’apparais encor :

      Tu viens toujours quand je sommeille ;

      Ta voix murmure à mon oreille,

Tes yeux aimés sont pleins de rayons d’or.

 

Et quand, tout bas, tu parles en mon cœur,

      Je bois ta parole en silence ;

      J’oublie à l’instant ma souffrance :

En t’écoutant je comprends le bonheur.

 

 

 

Euphrasie BERTINI.

 

Paru dans Poésie, 11e volume

de l’Académie des muses santones, 1888.

 

 

 

 

 

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